Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
5 octobre 2024
Une nuit totalement silencieuse, aucun bruit de la ville ne me parvient et aucun bruit dans l’immeuble pourtant habité. Une nuit totalement noire sans la moindre lumière artificielle, ce qui est propice aux idées moroses dans les moments où je ne dors pas. Une mauvaise surprise au réveil, impossible d’avoir de l’eau chaude dans la douche, le robinet rouge est naze. Ma logeuse qui doit passer avec son fils ce vendredi matin pour s’occuper de la télé qui ne fonctionne pas a un deuxième problème à régler.
Je marche jusqu’à la boulangerie Hector et Simone où, surprise, le pain au chocolat n’est qu’à un euro et cinq centimes puis je longe le canal jusqu’au Classic pour un allongé en terrasse au bord de l’eau et au soleil avec vue sur la tour du Palais Consulaire et sur les bateaux.
Ce premier petit-déjeuner sétois pris, sous un ciel uniformément bleu, je continue le long du canal puis à l’intérieur de la ville, objectif l’Office du Tourisme. Sa responsable est interloquée quand je refuse de payer pour le plan détaillé de la ville. « Dans ce cas, vous vous servirez de votre portable. » « Je n’en ai pas. » Je reviens ensuite sur mes pas pour trouver la Boutique Mobilité qui se cache dans un sombre passage près du Monoprix. J’y achète une carte de bus Thermalis (vingt et un jours à volonté pour vingt-trois euros).
Je retrouve le canal et arrive au Vieux Port qui abrite d’énormes chalutiers. Je m’en souvenais par mon seul passage ici, quand je résidais à Montpellier, une journée pour voir les canaux et visiter le Miam.
Je reviens encore une fois sur mes pas et m’arrête au Marina qui a une terrasse les pieds dans l’eau ou presque. Un café, un verre d’eau et je commence la lecture du second volume du Journal de Jean-Luc Lagarce.
A midi, je déjeune au Grand Bleu du Menu d’Escale à vingt euros quatre-vingt-dix : six huîtres de l’étang de Thau (pas trop petites), une bourride de lotte (très bonne) et une panna cotta. C’est au bord du canal, avec passage de voitures hélas, un endroit certes conçu pour les touristes, mais honnête et décontracté. Un apéritif est offert aux premiers clients. Le même que celui des restaurants grecs du Quartier Latin. Pour le café lecture, retour au Classic. « Allez ! », dit la serveuse à la commande et j’aime ça.
*
Sur les bus jaunes de l’Agglopôle : « Ici je monte et je valide avec ma carte bancaire. » On est moderne et le voyage à l’unité n’est qu’à un euro trente.
*
A Sète, on fait ramer les touristes dans des barques nommées Margot, Jeanne et Marinette. Tu saisis l’allusion ?
*
J’aime entendre les discussions des femmes méridionales, elles ne disent rien de plus que les septentrionales mais l’accent les rend plus intéressantes.
*
Parmi les lectures de Lagarce : le Journal de Matthieu Galet, le Journal de Renaud Camus, (celui des années quatre-vingt), le Journal d’Henri-Pierre Roché, le Journal d’Andy Warhol. Trois que j’ai beaucoup aimés. L’autre pas lu.
*
Un récent mais déjà fidèle lecteur m’envoie un mail pour me signaler que j’ai daté mon texte d’hier du quatre septembre. Je m’en étais rendu compte moi-même en cours de journée. Cela pourrait s’expliquer par le fait que j’ai cru vivre en octobre à Granville et que le ciel bleu de Sète me donne à penser que septembre commence. D’autres explications sont possibles, parmi lesquelles la distraction ou pire.
Je marche jusqu’à la boulangerie Hector et Simone où, surprise, le pain au chocolat n’est qu’à un euro et cinq centimes puis je longe le canal jusqu’au Classic pour un allongé en terrasse au bord de l’eau et au soleil avec vue sur la tour du Palais Consulaire et sur les bateaux.
Ce premier petit-déjeuner sétois pris, sous un ciel uniformément bleu, je continue le long du canal puis à l’intérieur de la ville, objectif l’Office du Tourisme. Sa responsable est interloquée quand je refuse de payer pour le plan détaillé de la ville. « Dans ce cas, vous vous servirez de votre portable. » « Je n’en ai pas. » Je reviens ensuite sur mes pas pour trouver la Boutique Mobilité qui se cache dans un sombre passage près du Monoprix. J’y achète une carte de bus Thermalis (vingt et un jours à volonté pour vingt-trois euros).
Je retrouve le canal et arrive au Vieux Port qui abrite d’énormes chalutiers. Je m’en souvenais par mon seul passage ici, quand je résidais à Montpellier, une journée pour voir les canaux et visiter le Miam.
Je reviens encore une fois sur mes pas et m’arrête au Marina qui a une terrasse les pieds dans l’eau ou presque. Un café, un verre d’eau et je commence la lecture du second volume du Journal de Jean-Luc Lagarce.
A midi, je déjeune au Grand Bleu du Menu d’Escale à vingt euros quatre-vingt-dix : six huîtres de l’étang de Thau (pas trop petites), une bourride de lotte (très bonne) et une panna cotta. C’est au bord du canal, avec passage de voitures hélas, un endroit certes conçu pour les touristes, mais honnête et décontracté. Un apéritif est offert aux premiers clients. Le même que celui des restaurants grecs du Quartier Latin. Pour le café lecture, retour au Classic. « Allez ! », dit la serveuse à la commande et j’aime ça.
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Sur les bus jaunes de l’Agglopôle : « Ici je monte et je valide avec ma carte bancaire. » On est moderne et le voyage à l’unité n’est qu’à un euro trente.
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A Sète, on fait ramer les touristes dans des barques nommées Margot, Jeanne et Marinette. Tu saisis l’allusion ?
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J’aime entendre les discussions des femmes méridionales, elles ne disent rien de plus que les septentrionales mais l’accent les rend plus intéressantes.
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Parmi les lectures de Lagarce : le Journal de Matthieu Galet, le Journal de Renaud Camus, (celui des années quatre-vingt), le Journal d’Henri-Pierre Roché, le Journal d’Andy Warhol. Trois que j’ai beaucoup aimés. L’autre pas lu.
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Un récent mais déjà fidèle lecteur m’envoie un mail pour me signaler que j’ai daté mon texte d’hier du quatre septembre. Je m’en étais rendu compte moi-même en cours de journée. Cela pourrait s’expliquer par le fait que j’ai cru vivre en octobre à Granville et que le ciel bleu de Sète me donne à penser que septembre commence. D’autres explications sont possibles, parmi lesquelles la distraction ou pire.
4 octobre 2024
Jeudi, c’est reparti. Traversée nocturne d’une ville de Rouen déserte afin de prendre le train Nomad de six heures douze pour Paris, un train court dans lequel je n’ai pas de voisin. Ça permet de garder sa valise près de soi et éviter le risque de vol.
Il arrive pile à l’heure dans la capitale. J’ai deux heures pour rejoindre la Gare de Lyon et donc largement le temps de prendre un café à deux euros quatre-vingts à Terrasse de Lyon.
Mon Tégévé est celui de neuf heures quarante-deux, terminus Perpignan. Il est accroché au train de Barcelone et file sous un ciel gris. Ma voisine a mon âge, un masque et un Carnet de Notes (c’est écrit dessus), plus grand que le mien, où elle écrit davantage que moi, cherchant parfois l’inspiration dans le paysage qui défile. Peut-être parle-t-elle de moi : « Mon voisin n’est guère reluisant. Il est habillé comme un clochard et maintenant il mange des sandwiches triangle. » Après Valence, le ciel devient bleu avec des petits nuages blancs.
Me voici à Sète, anciennement Cette. Sorti de la Gare, je traverse le Bassin du Midi, vais à droite le long du Canal Royal qui tourne à angle droit sur la gauche, prends le premier pont et arrive dans le quartier de la Médiathèque où je vais résider provisoirement.
En attendant quatorze heures trente, le rendez-vous avec ma nouvelle logeuse, j’entre dans le troquet le plus proche de ce nouvel Air Bibi. Il est rempli de turfistes « arabes ». C’est là que je prends mon premier café sétois (un euro quatre-vingts). J’aurais pu le prendre chez un barbier de même origine à qui je demandais où en boire un. « Tu veux un café ? Entre. »
Elle est là à l’heure dite. Encore un escalier particulier pour monter au deuxième étage, moins dangereux cependant que celui de Granville. « C’est une maison italienne », me dit-elle. J’ai un Té Deux pas loin du Miam, avec vue sur cour et sur son appartement à elle.
Mon bagage déposé, je vais marcher le long du Canal Royal. Avec prudence, la place laissée au piéton est proche du bord et le mistral souffle (à moins que ce soit la tramontane). Quand il est temps de prendre un café verre d’eau, je choisis Le Classic où il est aussi à un euro quatre-vingts avec une clientèle féminine un peu cagole et en bonus un pigeon qui se balade entre les tables. La serveuse à sa collègue : « Jette-lui une pierre ! ». Une cliente : « Oh peuchère ! »
*
« C’est toujours les dames », remarque d’expérience le chef de bord du Tégévé quand il « vérifie les titres de transport ». Dans un couple qui voyage, c’est la femme qui a les billets sur son smartphone. Doit-on s’en étonner ?
*
Au Classic, deux amies parlant d’une vague connaissance :
-Qu’est-ce qu’elle fait comme travail ?
-Elle télétravaille.
*
Sète est une ville plus grande que sur le plan.
Il arrive pile à l’heure dans la capitale. J’ai deux heures pour rejoindre la Gare de Lyon et donc largement le temps de prendre un café à deux euros quatre-vingts à Terrasse de Lyon.
Mon Tégévé est celui de neuf heures quarante-deux, terminus Perpignan. Il est accroché au train de Barcelone et file sous un ciel gris. Ma voisine a mon âge, un masque et un Carnet de Notes (c’est écrit dessus), plus grand que le mien, où elle écrit davantage que moi, cherchant parfois l’inspiration dans le paysage qui défile. Peut-être parle-t-elle de moi : « Mon voisin n’est guère reluisant. Il est habillé comme un clochard et maintenant il mange des sandwiches triangle. » Après Valence, le ciel devient bleu avec des petits nuages blancs.
Me voici à Sète, anciennement Cette. Sorti de la Gare, je traverse le Bassin du Midi, vais à droite le long du Canal Royal qui tourne à angle droit sur la gauche, prends le premier pont et arrive dans le quartier de la Médiathèque où je vais résider provisoirement.
En attendant quatorze heures trente, le rendez-vous avec ma nouvelle logeuse, j’entre dans le troquet le plus proche de ce nouvel Air Bibi. Il est rempli de turfistes « arabes ». C’est là que je prends mon premier café sétois (un euro quatre-vingts). J’aurais pu le prendre chez un barbier de même origine à qui je demandais où en boire un. « Tu veux un café ? Entre. »
Elle est là à l’heure dite. Encore un escalier particulier pour monter au deuxième étage, moins dangereux cependant que celui de Granville. « C’est une maison italienne », me dit-elle. J’ai un Té Deux pas loin du Miam, avec vue sur cour et sur son appartement à elle.
Mon bagage déposé, je vais marcher le long du Canal Royal. Avec prudence, la place laissée au piéton est proche du bord et le mistral souffle (à moins que ce soit la tramontane). Quand il est temps de prendre un café verre d’eau, je choisis Le Classic où il est aussi à un euro quatre-vingts avec une clientèle féminine un peu cagole et en bonus un pigeon qui se balade entre les tables. La serveuse à sa collègue : « Jette-lui une pierre ! ». Une cliente : « Oh peuchère ! »
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« C’est toujours les dames », remarque d’expérience le chef de bord du Tégévé quand il « vérifie les titres de transport ». Dans un couple qui voyage, c’est la femme qui a les billets sur son smartphone. Doit-on s’en étonner ?
*
Au Classic, deux amies parlant d’une vague connaissance :
-Qu’est-ce qu’elle fait comme travail ?
-Elle télétravaille.
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Sète est une ville plus grande que sur le plan.
2 octobre 2024
Ce mardi matin, lorsque j’appelle la secrétaire de mon médecin traitant, je n’ai quasiment aucun espoir d’obtenir un rendez-vous pour le jour même, le seul possible pour moi car le mercredi il ne consulte pas, et ensuite…
Et pourtant : « Dix heures » me dit-elle.
Je montre une nouvelle fois mes yeux et surtout mes paupières à mon généraliste en lui disant que le traitement de la fois précédente n’a rien fait.
Cette fois, il parle d’eczéma et comme moi soupçonne le matériel non désinfecté de l’usine ophtalmologique. Il me donne un traitement de cheval, pommade, cortisone et antibiotiques, dans lequel il a, me dit-il, bon espoir. Le risque évidemment, c’est que l’opération de la cataracte doive être reportée.
On verra, comme disent ceux qui y voient plus ou moins bien.
Et pourtant : « Dix heures » me dit-elle.
Je montre une nouvelle fois mes yeux et surtout mes paupières à mon généraliste en lui disant que le traitement de la fois précédente n’a rien fait.
Cette fois, il parle d’eczéma et comme moi soupçonne le matériel non désinfecté de l’usine ophtalmologique. Il me donne un traitement de cheval, pommade, cortisone et antibiotiques, dans lequel il a, me dit-il, bon espoir. Le risque évidemment, c’est que l’opération de la cataracte doive être reportée.
On verra, comme disent ceux qui y voient plus ou moins bien.
1er octobre 2024
« Y a un bon coup de vent qu’arrive, cent kilomètres heure. Les pêcheurs, y sortent pas aujourd’hui. La coquille, c’est demain. », annonce le serveur de la Civette où je bois l’allongé ce lundi matin. Pourvu que cela n’ait pas d’incidence sur mon train de retour, me dis-je.
Il est huit heures trente. Je me heurte à une porte fermée chez Utile où je dois faire quelques courses. Neuf heures le lundi. C’est l’occasion de reprendre un café, à côté, au Parisien, petit et sympathique bar, non encore essayé.
Mon dernier déjeuner à Granville se déroule comme le premier au Pirate : un fade filet de tacaud et une banale crème brûlée.
Après avoir laissé la clé de mon studio Air Bibi dans un boîtier en bois, chargé de ma valise et de mon sac à dos, je descends prudemment l’escalier typique des maisons granvillaises dont la dernière partie est la plus risquée (il faut se tenir à la corde) et débouche dans la rue entre les deux parties de la boutique de lingerie Des Habits et Moi (ah ah ah). Je rejoins l’arrêt du bus Néva qui va vers Saint-Pair et en descends à l’arrêt Gare.
J’attends mon train au Café de la Gare où c’est encore une fois l’histoire de l’ami qui ne joue jamais, qui un jour essaie et gagne le pactole (racontée par un qui joue tous les jours et ne gagne jamais). Ce café aurait toutes ses chances au concours du bistrot le plus déprimant de Granville.
Je dois prendre le train Nomad qui part à quinze heures six et arrive à seize heures quarante-sept à Caen où j’ai correspondance avec celui qui part de Caen à dix-sept heures deux pour arriver à Rouen à dix-huit heures quarante trois.
Le premier quitte Granville avec sept minutes de retard et très peu de voyageurs. Le chef de bord m’indique que c’est le même train qui ira à Rouen. Je n’aurai pas à descendre ce qui est bien pratique. C’est fou le nombre de personnes qui montent à Caen, parmi lesquels une famille de Sud-Américains et cinq bicyclistes. Leurs engins occupent des places où pourraient s’asseoir celles et ceux qui voyagent debout. Les Sud-Américains descendent à Lisieux. Plus guère de monde dans le train après Bernay. J’arrive à Rouen à l’heure, juste après une drache. La Cathédrale carillonne dix-neuf heures quand j’entre chez moi.
*
Il y a cette blague juive de l’un à qui on demande « Comment vas-tu ? » et qui répond « En un mot ou en deux mots ? » Ça correspond à mon état physique et psychologique depuis un moment et ce séjour à Granville n’y aura rien changé.
*
En un mot : « Bien »
En deux mots : « Pas bien »
Il est huit heures trente. Je me heurte à une porte fermée chez Utile où je dois faire quelques courses. Neuf heures le lundi. C’est l’occasion de reprendre un café, à côté, au Parisien, petit et sympathique bar, non encore essayé.
Mon dernier déjeuner à Granville se déroule comme le premier au Pirate : un fade filet de tacaud et une banale crème brûlée.
Après avoir laissé la clé de mon studio Air Bibi dans un boîtier en bois, chargé de ma valise et de mon sac à dos, je descends prudemment l’escalier typique des maisons granvillaises dont la dernière partie est la plus risquée (il faut se tenir à la corde) et débouche dans la rue entre les deux parties de la boutique de lingerie Des Habits et Moi (ah ah ah). Je rejoins l’arrêt du bus Néva qui va vers Saint-Pair et en descends à l’arrêt Gare.
J’attends mon train au Café de la Gare où c’est encore une fois l’histoire de l’ami qui ne joue jamais, qui un jour essaie et gagne le pactole (racontée par un qui joue tous les jours et ne gagne jamais). Ce café aurait toutes ses chances au concours du bistrot le plus déprimant de Granville.
Je dois prendre le train Nomad qui part à quinze heures six et arrive à seize heures quarante-sept à Caen où j’ai correspondance avec celui qui part de Caen à dix-sept heures deux pour arriver à Rouen à dix-huit heures quarante trois.
Le premier quitte Granville avec sept minutes de retard et très peu de voyageurs. Le chef de bord m’indique que c’est le même train qui ira à Rouen. Je n’aurai pas à descendre ce qui est bien pratique. C’est fou le nombre de personnes qui montent à Caen, parmi lesquels une famille de Sud-Américains et cinq bicyclistes. Leurs engins occupent des places où pourraient s’asseoir celles et ceux qui voyagent debout. Les Sud-Américains descendent à Lisieux. Plus guère de monde dans le train après Bernay. J’arrive à Rouen à l’heure, juste après une drache. La Cathédrale carillonne dix-neuf heures quand j’entre chez moi.
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Il y a cette blague juive de l’un à qui on demande « Comment vas-tu ? » et qui répond « En un mot ou en deux mots ? » Ça correspond à mon état physique et psychologique depuis un moment et ce séjour à Granville n’y aura rien changé.
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En un mot : « Bien »
En deux mots : « Pas bien »
30 septembre 2024
Un lever du soleil bien rose ce dimanche matin et un vent froid pour me cueillir quand je mets le pied dehors. Voici venir le jour d’un dernier tour de Roc. Je le fais dans le sens des aiguilles d’une montre en passant par les ports. Arrivé au bout, je vérifie qu’où l’on soit il y a toujours un pêcheur en action à l’extrémité d’une pointe. C’est un intrépide mais il faut aussi un certain courage pour marcher soumis à tous les vents comme je le fais. J’arrive à La Rafale pour l’ouverture.
Au bout d’une heure, je reprends mon tour, direction mon logis temporaire, par le bien beau chemin du littoral, entre les remparts et la mer, descendant une dernière fois l’escalier du Casino.
Encore un déjeuner au Pirate, encore un menu du jour, encore, une terrine de Saint-Jacques en entrée, mais un bon filet d’aiglefin en plat du jour et une mousse au chocolat honorable qui m’est apportée par un tout jeune apprenti qui semble fait pour le métier. « Les commandes, c’est moi », lui dit le serveur en titre alors qu’il s’apprête à prendre celle de mes voisins, un petit homme à petit chapeau et une femme blonde à ongles pailletés ne sachant quoi se dire à part qu’il faut qu’ils achètent une porte.
*
La Rafale, dialogue entre une femme et un homme.
Elle : Hier soir, on a bien mangé avec Virginia et sa fille.
Lui : Je les connais ?
Elle : Bah, ton ex-femme et sa fille, tu les connais, non ?
Lui : Je pensais pas à elles. Je savais pas qu’elles étaient là.
*
C’en est fini de septembre. Un mois de moins avant l’opération de la cataracte. Si elle a lieu à la date prévue car j’ai toujours le problème des paupières qui démangent. Le collyre du médecin n’y a rien fait. Je n’ai pas tenté d’en consulter un à Granville. Une pharmacienne m’a vendu, cher, une pommade qui devait me guérir et n’en a rien fait.
*
Démonstration est faite : se tenir les pouces à la suisse pour qu’il fasse beau en septembre, ça ne marche pas.
*
Un mois à Granville et ses alentours, que je connais maintenant parfaitement, à lire et relire dans des cafés de tous les genres, sans que personne ne me demande quoi.
*
Jean-Luc Lagarce, Journal :
Vendredi 6 avril 1990, Berlin-Ouest.
Tout n’allait pas très fort et je sentais confusément que ce voyage était une totale bêtise, une sorte de fuite, une manière de suicide, littéraire et social – « tout abandonner et vivre très loin » – mais que rien ne résoudrait rien.
Lundi, 9 avril 1990, Berlin.
J’ai en deux ou trois jours un peu trouvé mes marques, un ou deux cafés, et je ne suis pas obligé de sortir mon plan à tous les carrefours.
Samedi 26 mai 1990, Berlin.
Selon la plaisanterie de François (toujours, encore), on m’installe à New York sans carte et sans boussole et huit jours plus tard la marchande de journaux du coin de la rue m’interpelle par un « comme tous les jours, M. Jean-Luc ? » J’ai des circuits et des habitudes.
Au bout d’une heure, je reprends mon tour, direction mon logis temporaire, par le bien beau chemin du littoral, entre les remparts et la mer, descendant une dernière fois l’escalier du Casino.
Encore un déjeuner au Pirate, encore un menu du jour, encore, une terrine de Saint-Jacques en entrée, mais un bon filet d’aiglefin en plat du jour et une mousse au chocolat honorable qui m’est apportée par un tout jeune apprenti qui semble fait pour le métier. « Les commandes, c’est moi », lui dit le serveur en titre alors qu’il s’apprête à prendre celle de mes voisins, un petit homme à petit chapeau et une femme blonde à ongles pailletés ne sachant quoi se dire à part qu’il faut qu’ils achètent une porte.
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La Rafale, dialogue entre une femme et un homme.
Elle : Hier soir, on a bien mangé avec Virginia et sa fille.
Lui : Je les connais ?
Elle : Bah, ton ex-femme et sa fille, tu les connais, non ?
Lui : Je pensais pas à elles. Je savais pas qu’elles étaient là.
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C’en est fini de septembre. Un mois de moins avant l’opération de la cataracte. Si elle a lieu à la date prévue car j’ai toujours le problème des paupières qui démangent. Le collyre du médecin n’y a rien fait. Je n’ai pas tenté d’en consulter un à Granville. Une pharmacienne m’a vendu, cher, une pommade qui devait me guérir et n’en a rien fait.
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Démonstration est faite : se tenir les pouces à la suisse pour qu’il fasse beau en septembre, ça ne marche pas.
*
Un mois à Granville et ses alentours, que je connais maintenant parfaitement, à lire et relire dans des cafés de tous les genres, sans que personne ne me demande quoi.
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Jean-Luc Lagarce, Journal :
Vendredi 6 avril 1990, Berlin-Ouest.
Tout n’allait pas très fort et je sentais confusément que ce voyage était une totale bêtise, une sorte de fuite, une manière de suicide, littéraire et social – « tout abandonner et vivre très loin » – mais que rien ne résoudrait rien.
Lundi, 9 avril 1990, Berlin.
J’ai en deux ou trois jours un peu trouvé mes marques, un ou deux cafés, et je ne suis pas obligé de sortir mon plan à tous les carrefours.
Samedi 26 mai 1990, Berlin.
Selon la plaisanterie de François (toujours, encore), on m’installe à New York sans carte et sans boussole et huit jours plus tard la marchande de journaux du coin de la rue m’interpelle par un « comme tous les jours, M. Jean-Luc ? » J’ai des circuits et des habitudes.
29 septembre 2024
Après l’animation de la nuit (vent et pluie), j’ai droit à l’animation du samedi matin (les commerçants du marché au bistrot). Je reste quand même au Derby jusqu’à ce que l’averse passe.
Elle finie, un peu de ciel bleu m’incite à faire un tour au Plat Gousset. C’est ainsi que j’assiste à la naissance d’un arc-en-ciel. D’abord se montrent les extrémités puis le demi-cercle complet se forme peu à peu au dessus de la mer. Enfin, un second arc, incomplet et peu visible, apparaît. Je fais quelques photos mais je n’ai pas assez de recul pour mettre les deux en entier dans l’une.
Un que je ne connais pas, mais nous sommes amis du réseau social Effe Bé, lors de mon arrivée à Granville, m’a écrit qu’il faudrait que je passe à la Bouquinerie Anatole. Je n’ai pas eu à chercher où car elle est en bas de mon logis provisoire, face au salon de thé sous l’auvent duquel je me suis abrité en attendant ma logeuse le jour de mon arrivée. De nombreuses fois, je suis passé devant la longue vitrine sans entrer. C’est le jour.
Le samedi, ça ouvre à dix heures trente. Je suis d’abord seul puis avec d’autres dans la boutique mi-ordonnée mi-désordonnée qui présente sur deux niveaux des livres de toutes les époques et de tous les genres. Beaucoup cherchent un acheteur depuis longtemps, semble-t-il, ainsi les œuvres d’Adolphe Thiers. Le bouquiniste qui ne s’appelle pas Anatole est on ne sait où. « Il est pas là Frédéric ? » me demande un nouvel arrivant. « Il est dans le coin mais plutôt dehors », lui réponds-je. L’homme aux cheveux blancs finit par revenir. Il est assailli par une femme qui veut un rendez-vous pour vendre les livres de son défunt père. « Papa était un gros lecteur. » Une autre arrive avec des livres de la Bibliothèque Rose. « Ça ne va pas m’intéresser, j’ai trop de livres en ce moment. » Elle lui demande ce qui l’intéresse. « Les livres que je n’ai pas et les livres qui se vendent, par exemple les vieux albums du Père Castor ». Il y a aussi ceux qui viennent pour bavarder et ceux qui entrent pour s’abriter. Ce bouquiniste semble ailleurs même quand il est là et avec les deux niveaux on pourrait aisément mettre un livre dans sa poche ou son sac. Peut-être qu’à Granville, on est plus honnête qu’à Rouen, où les bouquinistes de Rollon ont dû installer une caméra dans leur sous-sol après des disparitions. Je ressors sans rien, un seul livre aurait pu être pour moi, la Correspondance d’André Masson, publiée par La Manufacture, mais à quarante euros non, et je ne suis plus un voleur.
C’est sous une pluie copieuse que je rejoins Au Tout Va Bien. Il est temps pour moi de goûter aux huîtres de Chausey (direct producteur), les six en numéro trois pour dix euros. Je les fais suivre d’un fish and chips à quatorze euros, fort médiocre.
Médiocre, le temps ne l’est plus l’après-midi. Il fait soleil et doux sur la Promenade du Plat Gousset. Parfait pour le glacier Yver qui, les travaux finis, rouvre ce jour.
*
Autre bouquinerie de Granville : Des Mots dans la Poche, rue Couraye. Si j’en parle, c’est en raison de la plaque sur le mur au-dessus de la vitrine. Elle indique que dans cette maison est né Maurice Denis peintre français. Un tableau de lui est exposé au MamRA. La peinture de Maurice Denis est de celles qui ne m’intéressent pas.
Elle finie, un peu de ciel bleu m’incite à faire un tour au Plat Gousset. C’est ainsi que j’assiste à la naissance d’un arc-en-ciel. D’abord se montrent les extrémités puis le demi-cercle complet se forme peu à peu au dessus de la mer. Enfin, un second arc, incomplet et peu visible, apparaît. Je fais quelques photos mais je n’ai pas assez de recul pour mettre les deux en entier dans l’une.
Un que je ne connais pas, mais nous sommes amis du réseau social Effe Bé, lors de mon arrivée à Granville, m’a écrit qu’il faudrait que je passe à la Bouquinerie Anatole. Je n’ai pas eu à chercher où car elle est en bas de mon logis provisoire, face au salon de thé sous l’auvent duquel je me suis abrité en attendant ma logeuse le jour de mon arrivée. De nombreuses fois, je suis passé devant la longue vitrine sans entrer. C’est le jour.
Le samedi, ça ouvre à dix heures trente. Je suis d’abord seul puis avec d’autres dans la boutique mi-ordonnée mi-désordonnée qui présente sur deux niveaux des livres de toutes les époques et de tous les genres. Beaucoup cherchent un acheteur depuis longtemps, semble-t-il, ainsi les œuvres d’Adolphe Thiers. Le bouquiniste qui ne s’appelle pas Anatole est on ne sait où. « Il est pas là Frédéric ? » me demande un nouvel arrivant. « Il est dans le coin mais plutôt dehors », lui réponds-je. L’homme aux cheveux blancs finit par revenir. Il est assailli par une femme qui veut un rendez-vous pour vendre les livres de son défunt père. « Papa était un gros lecteur. » Une autre arrive avec des livres de la Bibliothèque Rose. « Ça ne va pas m’intéresser, j’ai trop de livres en ce moment. » Elle lui demande ce qui l’intéresse. « Les livres que je n’ai pas et les livres qui se vendent, par exemple les vieux albums du Père Castor ». Il y a aussi ceux qui viennent pour bavarder et ceux qui entrent pour s’abriter. Ce bouquiniste semble ailleurs même quand il est là et avec les deux niveaux on pourrait aisément mettre un livre dans sa poche ou son sac. Peut-être qu’à Granville, on est plus honnête qu’à Rouen, où les bouquinistes de Rollon ont dû installer une caméra dans leur sous-sol après des disparitions. Je ressors sans rien, un seul livre aurait pu être pour moi, la Correspondance d’André Masson, publiée par La Manufacture, mais à quarante euros non, et je ne suis plus un voleur.
C’est sous une pluie copieuse que je rejoins Au Tout Va Bien. Il est temps pour moi de goûter aux huîtres de Chausey (direct producteur), les six en numéro trois pour dix euros. Je les fais suivre d’un fish and chips à quatorze euros, fort médiocre.
Médiocre, le temps ne l’est plus l’après-midi. Il fait soleil et doux sur la Promenade du Plat Gousset. Parfait pour le glacier Yver qui, les travaux finis, rouvre ce jour.
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Autre bouquinerie de Granville : Des Mots dans la Poche, rue Couraye. Si j’en parle, c’est en raison de la plaque sur le mur au-dessus de la vitrine. Elle indique que dans cette maison est né Maurice Denis peintre français. Un tableau de lui est exposé au MamRA. La peinture de Maurice Denis est de celles qui ne m’intéressent pas.
28 septembre 2024
Je monte une nouvelle fois l’escalier à rampe de béton imitation bois ce vendredi matin, avant le petit-déjeuner, car un de ma connaissance, spécialiste de l’hôtellerie, m’a envoyé la liste des hôtels d’autrefois de Granville, dans laquelle j’ai reconnu le mien. C’est à l’Hôtel Michelet que, bien accompagné, j’ai passé de belles nuits dans la rue pentue lui ayant donné son nom. Il était au numéro cinq. C’est bien là, je le constate, qu’est maintenant l’Hôtel Mercure Le Grand Large. En regardant mieux, je reconnais dans la partie ancienne le petit Hôtel Michelet et les quelques places où l’on pouvait garer prudemment sa voiture. Une extension a été construite donnant sur la rue adjacente. Dans cette partie nouvelle est l’entrée du Mercure.
Ce mystère résolu, je petit-déjeune au Derby puis, malgré le vent froid, pars à la découverte de ce qu’on appelle ici l’avant-port, qui sert de port à flot aux bateaux petits. Quelques chalutiers rentrent au Port de Pêche quand je passe. L’avant-port est à côté, sans eau à cette heure. Les bateaux gisent dans la vase au soleil. Le vent fort nuit malheureusement à ma balade. Après le chantier naval, je renonce à m’engager sur la digue.
Demi-tour. Je fais une photo de la Maison du Guet située près de l’église de la Haute Ville et qui date du début du vingtième siècle puis je vais me réchauffer avec un café au Tout Va Bien où on est sûr de trouver des pêcheurs qui se plaignent : « On n’a jamais vu ça ! ».
Un lieu toujours là depuis mes passages bien accompagné, c’est dans la Haute Ville, la crêperie L’Echauguette, rue St-Jean. Si le personnel n’est plus le même, la carte n’a pas changé. On y trouve toujours les gratinées servies dans des terrines. J’opte pour la gratinée tartiflette à treize euros cinquante et la fais suivre d’un délice de pommes tatin au beurre salé à cinq euros trente fait avec la confiture artisanale « les délices de Camille à Bréal », (très peu de « pommes tatin », je le constate). Des couples ou des duos constituent la clientèle, dont deux femmes avec chiens ayant un projet de bar pour ces animaux (comme c’est original), lequel sera ouvert aussi à ceux qui n’en ont pas mais qui veulent en côtoyer (compte sur moi). Elles parlent de bizness plan. Les autres n’ont pas de conversation. C’est un lieu où on s’ennuie un peu.
Je vais boire le café juste à l’angle, à La Rafale, dedans, pour cause de pluie et de vent, à la petite table ronde de l’entrée. Le serveur, jamais vu, me vouvoie et m’appelle monsieur. Je relis là Lagarce puis rentre à mon studio Air Bibi où une nouvelle fois des rafales s’acharnent sur la fenêtre côté mer, une mer roulant des vagues moussues que je n’ai pas le courage d’aller voir de près.
*
Au Tout Va Bien, il arrive que les pêcheurs parlent de jardinage, en l’occurrence d’un haricot, le nombril de bonne sœur. « Ça a sûrement un autre nom. » « Oh, ça c’est sûr. »
*
Je suis une des rares personnes que Attoun doit vouvoyer… Il tutoie le théâtre français, Patrice (Chéreau), Jean-Pierre (Vincent) ou Jo (Lavaudant), et il reste dans le « Vous-Vieille-France » depuis une malheureuse tentative il y a quelques années (« Et si on se disait tu ? » me dit-il. « Si vous voulez… ») (Jean-Luc Lagarce Journal samedi vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-sept)
Ce mystère résolu, je petit-déjeune au Derby puis, malgré le vent froid, pars à la découverte de ce qu’on appelle ici l’avant-port, qui sert de port à flot aux bateaux petits. Quelques chalutiers rentrent au Port de Pêche quand je passe. L’avant-port est à côté, sans eau à cette heure. Les bateaux gisent dans la vase au soleil. Le vent fort nuit malheureusement à ma balade. Après le chantier naval, je renonce à m’engager sur la digue.
Demi-tour. Je fais une photo de la Maison du Guet située près de l’église de la Haute Ville et qui date du début du vingtième siècle puis je vais me réchauffer avec un café au Tout Va Bien où on est sûr de trouver des pêcheurs qui se plaignent : « On n’a jamais vu ça ! ».
Un lieu toujours là depuis mes passages bien accompagné, c’est dans la Haute Ville, la crêperie L’Echauguette, rue St-Jean. Si le personnel n’est plus le même, la carte n’a pas changé. On y trouve toujours les gratinées servies dans des terrines. J’opte pour la gratinée tartiflette à treize euros cinquante et la fais suivre d’un délice de pommes tatin au beurre salé à cinq euros trente fait avec la confiture artisanale « les délices de Camille à Bréal », (très peu de « pommes tatin », je le constate). Des couples ou des duos constituent la clientèle, dont deux femmes avec chiens ayant un projet de bar pour ces animaux (comme c’est original), lequel sera ouvert aussi à ceux qui n’en ont pas mais qui veulent en côtoyer (compte sur moi). Elles parlent de bizness plan. Les autres n’ont pas de conversation. C’est un lieu où on s’ennuie un peu.
Je vais boire le café juste à l’angle, à La Rafale, dedans, pour cause de pluie et de vent, à la petite table ronde de l’entrée. Le serveur, jamais vu, me vouvoie et m’appelle monsieur. Je relis là Lagarce puis rentre à mon studio Air Bibi où une nouvelle fois des rafales s’acharnent sur la fenêtre côté mer, une mer roulant des vagues moussues que je n’ai pas le courage d’aller voir de près.
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Au Tout Va Bien, il arrive que les pêcheurs parlent de jardinage, en l’occurrence d’un haricot, le nombril de bonne sœur. « Ça a sûrement un autre nom. » « Oh, ça c’est sûr. »
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Je suis une des rares personnes que Attoun doit vouvoyer… Il tutoie le théâtre français, Patrice (Chéreau), Jean-Pierre (Vincent) ou Jo (Lavaudant), et il reste dans le « Vous-Vieille-France » depuis une malheureuse tentative il y a quelques années (« Et si on se disait tu ? » me dit-il. « Si vous voulez… ») (Jean-Luc Lagarce Journal samedi vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-sept)
27 septembre 2024
Fin de congé ce jeudi pour celui qui conduit la balayeuse de six heures du matin. Impossible à ce moment-là de présumer du temps qu’il va faire. Le ciel est noir de nuit. Quand le jour finit par se lever, l’incertitude règne.
Du soleil d’entre nuages étant annoncé par la météo, je me risque à prendre un bus Néva direction Saint-Pair. S’y épanouissent dix-neuf élèves d’une classe élémentaire qui descendent peu après, comptés par leur enseignante. Ces bus gratuits sont étonnamment peu fréquentés. Toujours j’y suis assis.
Cette fois, je descends à l’arrêt Mairie Ecole d’où je rejoins le bord de mer. La marée est basse. Je peux marcher sur le sable mouillé jusqu’au petit bout de promenade du Casino. Saint-Pair a aussi sa piscine d’eau de mer. Première fois que je la vois. A mes passages précédents, elle était sous l’eau. Un de ma connaissance m’a appris que la Ville de Rouen a eu une colonie de vacances ici. Il y fut moniteur à la fin des années Quatre-Vingt. Le bâtiment, vendu, est devenu un immeuble d’habitation. Bien qu’il m’ait envoyé une photo, je ne l’ai pas retrouvé.
Comme il fait à peu près beau, je vais prendre un expresso verre d’eau au Bar Tabac La Poste dont la terrasse est plein soleil à cette heure. Soudain, une femme vient vers moi. « Alors, on n’est pas à Rouen ? » Devant mon étonnement, elle précise : « J’ai travaillé avec vous à Marie Duboccage. » Une Agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem) que j’ai du mal à reconnaître. Elle est en vacances ici avec une amie et trouve que le monde est petit.
Je rentre à Granville avec le dix heures quarante-neuf et déjeune au Tout Va Bien : salade de boudin noir, blanquette de veau, crème poire au chocolat. Chez les pêcheurs, tout ne va pas bien, on a le vague à l’âme : « Y a plus rien, c’est plumé, archi plumé ». Plus de bulots, plus de homards. Il ne reste que les coquilles. Céline, la patronne, quand ils sont partis, ne se gêne pas pour dire que les coquilles, elles sont plus belles en face. En face, c’est-à-dire à Cancale, chez les Bretons.
Encouragé par le soleil, je monte à la Haute Ville afin de m’établir à la terrasse de La Rafale. Las, le vent souffle ce jour d’une direction qui la balaie. Peut-être tiens-je l’explication du nom de l’endroit. Je renonce et bois le café plus tard à l’intérieur du Pirate juste avant une première drache.
*
Le problème ce jour à Saint-Pair : « Je voulais me garer sur la place du Marché mais comme y a le marché. »
Du soleil d’entre nuages étant annoncé par la météo, je me risque à prendre un bus Néva direction Saint-Pair. S’y épanouissent dix-neuf élèves d’une classe élémentaire qui descendent peu après, comptés par leur enseignante. Ces bus gratuits sont étonnamment peu fréquentés. Toujours j’y suis assis.
Cette fois, je descends à l’arrêt Mairie Ecole d’où je rejoins le bord de mer. La marée est basse. Je peux marcher sur le sable mouillé jusqu’au petit bout de promenade du Casino. Saint-Pair a aussi sa piscine d’eau de mer. Première fois que je la vois. A mes passages précédents, elle était sous l’eau. Un de ma connaissance m’a appris que la Ville de Rouen a eu une colonie de vacances ici. Il y fut moniteur à la fin des années Quatre-Vingt. Le bâtiment, vendu, est devenu un immeuble d’habitation. Bien qu’il m’ait envoyé une photo, je ne l’ai pas retrouvé.
Comme il fait à peu près beau, je vais prendre un expresso verre d’eau au Bar Tabac La Poste dont la terrasse est plein soleil à cette heure. Soudain, une femme vient vers moi. « Alors, on n’est pas à Rouen ? » Devant mon étonnement, elle précise : « J’ai travaillé avec vous à Marie Duboccage. » Une Agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (Atsem) que j’ai du mal à reconnaître. Elle est en vacances ici avec une amie et trouve que le monde est petit.
Je rentre à Granville avec le dix heures quarante-neuf et déjeune au Tout Va Bien : salade de boudin noir, blanquette de veau, crème poire au chocolat. Chez les pêcheurs, tout ne va pas bien, on a le vague à l’âme : « Y a plus rien, c’est plumé, archi plumé ». Plus de bulots, plus de homards. Il ne reste que les coquilles. Céline, la patronne, quand ils sont partis, ne se gêne pas pour dire que les coquilles, elles sont plus belles en face. En face, c’est-à-dire à Cancale, chez les Bretons.
Encouragé par le soleil, je monte à la Haute Ville afin de m’établir à la terrasse de La Rafale. Las, le vent souffle ce jour d’une direction qui la balaie. Peut-être tiens-je l’explication du nom de l’endroit. Je renonce et bois le café plus tard à l’intérieur du Pirate juste avant une première drache.
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Le problème ce jour à Saint-Pair : « Je voulais me garer sur la place du Marché mais comme y a le marché. »
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