Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

De quatorze à seize avec René Fallet (deux)

23 mars 2025


Suite et fin des notes prises lors de ma lecture de quatorze à seize heures au café du Journal de 5 à 7 de René Fallet :
Neuf mars mil neuf cent soixante-huit : Brassens me passe cette lettre à lui adressée :
« Monsieur,
« Je ne voudrais pas que vous croyiez à une plaisanterie. Voudriez-vous avoir la bonté de me faire connaître à Monsieur Charles Trenet pour le bon motif. Je pourrais de mon côté vous faire connaître ma sœur. Je ne pense pas me tromper.
« Avec mon admiration, etc., etc.
« Mademoiselle Marcelle Ducroux, Hôpital de Saint-Laurent-du-Pon »
Georges me dit :
-Si je lui répondais, je lui écrirais ceci : Mademoiselle, Monsieur Charles Trenet aimerait mieux connaître votre frère. Envoyez-moi toujours votre sœur. Quant à vous, amusez-vous toute seule. »
Deux avril mil neuf cent soixante-huit : Hier, avec Georges, après-midi de pèlerinage en compagnie de Marie Dormoy. visite à la maison de Léautaud, à Fontenay-aux-Roses ; au cimetière ; à la Vallée-aux-Loups, dans cette belle maison de Chateaubriand où il mourut après avoir dit son mot de la fin à l’infirmière : « Et maintenant, fichez-moi la paix. »
Dix-sept juillet mil neuf cent soixante-huit : La gauche, la vraie, est un mythe. La gauche se veut « généreuse », proche du peuple, du faible. Or, tout est de droite, dans la nature et dans l’homme. Surtout les gouvernements de gauche.
Dix-huit octobre mil neuf cent soixante-dix : Je suis anar de gauche à droite, tendance essuie-glaces.
Trente septembre mil neuf cent soixante et onze : In love, avec ma charmante charmante et encore charmante étudiante, Simone. (…)
Je pourrais être son père, mais ma fibre paternelle a un sacré petit air de phallus.
Sept décembre mil neuf cent soixante et onze : 44 ans, donc. C’est dur, à cet âge là, de n’en avoir que 16.
Simone n’a aimé que des hommes « mûrs ». Je dois avoir, dit elle, le complexe du père. Prétend que dans mon subconscient – comme si j’en avais un – elle est la fille que je n’ai pas eue.
Dix-sept décembre mil neuf cent soixante et onze :  
-Ces cachets, ça se prend comment ?
-Ça se suce lentement, comme moi.
A propos, elle trouve que mon plaisir a le goût même du lait Gloria non sucré.
Vingt-trois décembre mil neuf cent soixante et onze : Rond comme une bille, Simone me flanque une gifle. J’ai vu Georges giflé par Püpchen. Blondin roué de coups par sa femme, je rejoins du moins par la beigne les plus beaux esprits de mon temps.
Premier mars mil neuf cent soixante-douze : Depuis qu’Elsa est morte, le père Aragon se dissipe et se voue aux minets, au grand dam des puritains du Comité central du PC. Son dernier béguin est un jeune auteur de pissotière du nom de François-Marie Banier, plus Marie que François, et qu’il n’hésite pas à comparer à… Stendhal. Quelqu’un a surnommé l’Eliacin de drugstore : « Elsapoupin ».
Vingt-cinq septembre mil neuf cent soixante-quatorze : Nous René Fallet, quasiment quarante-sept ans, citoyen d’honneur de Thionne, avons volé nuitamment dans l’église de cette commune, à la tête de la bande de notre neveu Gérard, cinq prie-Dieu en bois et quatre candélabres en zinc.
Vingt-deux février mil neuf cent soixante-dix-sept : Feignant, ivrogne, coureur de filles, je suis tout cela. Heureusement, j’écris et me voilà considéré. A quoi tient une réputation !
Vingt et un avril mil neuf cent quatre-vingt-trois : Le 18, déjeuner à l’Élysée en petit comité. Après le café, Mitterrand réduit ledit petit comité à lui et moi. Parlons de tout, de nos pères cheminots et de Christine. Elle qui ne m’écrit plus lui écrit de temps en temps. Tout le monde n’est pas Président de la République. Moment charmant avec un homme charmant. Dommage que nous soyons de gauche, surtout lui.