Je n’ai jamais lu un roman de René Fallet et je n’en lirai sans doute jamais. Cependant, le bonhomme m’intéresse. C’est pourquoi j’ai acheté son Journal de 5 à 7 publié aux Editions des Équateurs. Je l’ai lu dans un café de quatorze à seize avec grand plaisir.
Drôle de personnage que ce Fallet, déprimé chronique, alcoolique, hypocondriaque, admirateur de la Commune de Paris, partisan de Mai Soixante-Huit, tranquillement raciste, antisémite et homophobe, admirateur de Léautaud et ami de Brassens (on en apprend de belles sur la vie de ce dernier, pour résumé : un « mal marié » qui s’ennuie et picole).
Ci-après quelques extraits :
Premier février mil neuf cent soixante-trois : Homère, Aristophane, Esope, Pythagore, Socrate et compagnie nous cachent tous les connards qui peuplaient la Grèce antique.
Même jour : Georges : « J’aime mieux entendre mon rasoir électrique que de la musique classique.»
Dix-neuf mars mil neuf cent soixante-trois : Soirée à Crespières dans la maison de campagne de Georges, ping-pong. Püpchen, l’estonienne et pittoresque « Madame Brassens », nous sert celle-ci : « Les squelettes me font penser à la mort ».
Vingt-deux mai mil neuf cent soixante-trois : Georges : « Sur le plan sentimental, je ne suis pas solvable. » Pendant ses crises de coliques néphrétiques, il respire de l’éther et voit fort sérieusement le diable.
Vingt-neuf juin mil neuf cent soixante-trois : Voilà quelques années, cocktail à France-Soir. Dans l’ascenseur, Vincent Auriol, ex-président de la République. Nous le dévisageons bêtement. Embarrassé, il se croit obligé d’ouvrir la bouche, et lâche cette parole historique, entre le troisième et le quatrième : « Ça monte ! » Et nous tous d’opiner du chef avec componction.
Le même jour : L’homme est le seul animal qui regarde sa queue.
Neuf juillet mil neuf cent soixante-trois : C’est l’été, l’été, ce participe à jamais passé.
Vingt-neuf juillet mil neuf cent soixante-trois : Tout cela sent la fin de l’empire romain, la décadence, la déchéance. L’électronique annonce la pourriture. Les tentes de camping d’août seront autant de linceuls. Les montagnes ont le sourire de l’ironie sous leurs peaux de saucisson.
Quatre octobre mil neuf cent soixante-trois : Le moi est haïssable, sauf moi qui suis un garçon charmant.
Vingt janvier mil neuf cent soixante-quatre : Postérité. Mais que fabriquaient ensemble Brassens et Fallet ? Principalement des trous dans les murs. Puis ils posaient des chevilles, et clouaient des planches. Après quoi, ils buvaient des pastis en regardant Püpchen (Madame Brassens) coller sur un carnet des tas de timbres-réclame du Familistère pour gagner quelque mille anciens francs.
Trente mars mil neuf cent soixante-quatre : Nous sommes modestes, mais n’en pensons pas moins.
Même jour :
-Vous désirez, Monsieur ?
-Plus tellement.
Vingt-neuf novembre mil neuf cent soixante-quatre : Volé, chez le Gibert des Boulevards, le Léautaud de Marie Dormoy (NRF). Je n’avais pas volé un livre depuis 18 ou 19 ans. Merci, Léautaud pour ce rajeunissement, pour cette délicieuse peur dans les jarrets.
Sept mars mil neuf cent soixante-cinq : Léautaud unique esprit libre de toutes les littératures. Unique et dernier. S’il devait avoir une statue, il la faudrait de la taille d’une tour Eiffel. A Paul Léautaud, homme libre. Rarissime. Objet de muséum. Pièce introuvable.
Vingt-cinq avril mil neuf cent soixante-cinq : Pauvre Georges. Il a perdu son père, le « vieil ours ». Il est à plat. J’essaie de l’empêcher de trop picoler. Le vieil ours avait plus de 80 ans. Le conformisme voudrait prouver qu’il avait fait son temps. Brassens n’est pas de son avis. Le vieux lui disait (avec l’accent de Sète) : « Tu en connais, toi, des morts ? »
Vingt-trois mai mil neuf cent soixante cinq : Je suis un désarroi qui ne se pose pas de question.
Vingt-quatre janvier mil neuf cent soixante-dix : Suzie, gros monstre, responsable du Monde libertaire, exploite l’anarchiste car tout peut s’exploiter sur cette terre, même l’anar. Elle dit à Brassens : « Ce que j’aime dans tes chansons, ce sont tes clichés. »
Trois mars mil neuf cent soixante-huit : Soupir de Püpchen, voyant à la TV un film populiste italien :
-Ah que c’est beau, la misère italienne…
De la même :
-A Popol (Paimpol), il faisait un froid de connard.
Drôle de personnage que ce Fallet, déprimé chronique, alcoolique, hypocondriaque, admirateur de la Commune de Paris, partisan de Mai Soixante-Huit, tranquillement raciste, antisémite et homophobe, admirateur de Léautaud et ami de Brassens (on en apprend de belles sur la vie de ce dernier, pour résumé : un « mal marié » qui s’ennuie et picole).
Ci-après quelques extraits :
Premier février mil neuf cent soixante-trois : Homère, Aristophane, Esope, Pythagore, Socrate et compagnie nous cachent tous les connards qui peuplaient la Grèce antique.
Même jour : Georges : « J’aime mieux entendre mon rasoir électrique que de la musique classique.»
Dix-neuf mars mil neuf cent soixante-trois : Soirée à Crespières dans la maison de campagne de Georges, ping-pong. Püpchen, l’estonienne et pittoresque « Madame Brassens », nous sert celle-ci : « Les squelettes me font penser à la mort ».
Vingt-deux mai mil neuf cent soixante-trois : Georges : « Sur le plan sentimental, je ne suis pas solvable. » Pendant ses crises de coliques néphrétiques, il respire de l’éther et voit fort sérieusement le diable.
Vingt-neuf juin mil neuf cent soixante-trois : Voilà quelques années, cocktail à France-Soir. Dans l’ascenseur, Vincent Auriol, ex-président de la République. Nous le dévisageons bêtement. Embarrassé, il se croit obligé d’ouvrir la bouche, et lâche cette parole historique, entre le troisième et le quatrième : « Ça monte ! » Et nous tous d’opiner du chef avec componction.
Le même jour : L’homme est le seul animal qui regarde sa queue.
Neuf juillet mil neuf cent soixante-trois : C’est l’été, l’été, ce participe à jamais passé.
Vingt-neuf juillet mil neuf cent soixante-trois : Tout cela sent la fin de l’empire romain, la décadence, la déchéance. L’électronique annonce la pourriture. Les tentes de camping d’août seront autant de linceuls. Les montagnes ont le sourire de l’ironie sous leurs peaux de saucisson.
Quatre octobre mil neuf cent soixante-trois : Le moi est haïssable, sauf moi qui suis un garçon charmant.
Vingt janvier mil neuf cent soixante-quatre : Postérité. Mais que fabriquaient ensemble Brassens et Fallet ? Principalement des trous dans les murs. Puis ils posaient des chevilles, et clouaient des planches. Après quoi, ils buvaient des pastis en regardant Püpchen (Madame Brassens) coller sur un carnet des tas de timbres-réclame du Familistère pour gagner quelque mille anciens francs.
Trente mars mil neuf cent soixante-quatre : Nous sommes modestes, mais n’en pensons pas moins.
Même jour :
-Vous désirez, Monsieur ?
-Plus tellement.
Vingt-neuf novembre mil neuf cent soixante-quatre : Volé, chez le Gibert des Boulevards, le Léautaud de Marie Dormoy (NRF). Je n’avais pas volé un livre depuis 18 ou 19 ans. Merci, Léautaud pour ce rajeunissement, pour cette délicieuse peur dans les jarrets.
Sept mars mil neuf cent soixante-cinq : Léautaud unique esprit libre de toutes les littératures. Unique et dernier. S’il devait avoir une statue, il la faudrait de la taille d’une tour Eiffel. A Paul Léautaud, homme libre. Rarissime. Objet de muséum. Pièce introuvable.
Vingt-cinq avril mil neuf cent soixante-cinq : Pauvre Georges. Il a perdu son père, le « vieil ours ». Il est à plat. J’essaie de l’empêcher de trop picoler. Le vieil ours avait plus de 80 ans. Le conformisme voudrait prouver qu’il avait fait son temps. Brassens n’est pas de son avis. Le vieux lui disait (avec l’accent de Sète) : « Tu en connais, toi, des morts ? »
Vingt-trois mai mil neuf cent soixante cinq : Je suis un désarroi qui ne se pose pas de question.
Vingt-quatre janvier mil neuf cent soixante-dix : Suzie, gros monstre, responsable du Monde libertaire, exploite l’anarchiste car tout peut s’exploiter sur cette terre, même l’anar. Elle dit à Brassens : « Ce que j’aime dans tes chansons, ce sont tes clichés. »
Trois mars mil neuf cent soixante-huit : Soupir de Püpchen, voyant à la TV un film populiste italien :
-Ah que c’est beau, la misère italienne…
De la même :
-A Popol (Paimpol), il faisait un froid de connard.