Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 novembre 2014
Un moment que je voulais trouver le Journal secret de Léo Malet, précisément depuis que je connaissais son existence par les Mémoires de Francis Lacassin qui en signe la préface. Que celle qui était avec moi à Conches-en-Ouche, le jour de la Foire aux Livres, mette la main sur un exemplaire à vingt centimes de cet ouvrage publié au Fleuve Noir m’a fait bien plaisir.
Sa lecture aussi, qui montre un Malet vieillissant, déprimé, suicidaire, souffrant d’impuissance sexuelle avec son amie Christiane suite à la mort de sa femme Paulette qu’il s’accuse d’avoir tuée ayant fait l’amour avec elle la veille de sa crise cardiaque. Sans les nichons et le cul de la femme qu’on aime, à quoi peut-il servir de vivre ? On sait bien pourquoi se sont suicidés Hemingway, Romain Gary et quelques autres. écrit-il le mardi dix août mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Christiane était la fille de sa voisine, connue alors qu’elle descendait l’escalier sur la rampe jupe relevée, retrouvée bien plus tard :
Je ne suis pas prêt de te rebaiser… Quel âge avais-tu ? Vingt-deux ans ? Ah nom de Dieu ! le vieux loup a envie de mordre.
Vingt-cinq ans de différence, je me répète ça comme un poème. (samedi quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-deux)
Je l’ai branlée deux fois. Deux ou trois fois, je lui ai bouffé le cul, j’ai fourragé avec ma langue dans son con adoré. Et à un moment, alors que mon doigt s’activait, elle s’est ouverte, mouillant comme pas une. Tout son vagin s’ouvrait, appelant le membre viril. Mais hélas ! je ne bandais pas. J’aurais peut-être bandé suffisamment pour la baiser, si elle avait consenti à me sucer la queue, mais elle s’y est refusée. Ah non, ce n’est pas une putain… et pourtant, je n’ai jamais rencontré une fille qui possède un « air baiseur » comme elle. « On m’a toujours dit que j’étais une statue, me dit-elle. Une statue froide comme celles du jardin du Luxembourg. » (vendredi vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
D’autres passages ont fait également ma joie :
Passé à la poste, retirer du fric. La jeune et jolie guichetière (l’aguichante du guichet), après avoir regardé ma carte d’identité : « Vous êtes l’auteur de romans policiers ? »… C’est flatteur, ça me fait plaisir, mais ça ne me rend pas ma santé d’il y a encore deux ans et ma virilité. (vendredi quinze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Fin d’après-midi. Le couloir est vraiment trop poussiéreux. Je demande conseils de nettoyage à Mme Piétri. Elle s’offre pour faire le boulot. Ça devient gênant. Je le répète : j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi serviable. Elle est du parti socialiste. Ce sont des gens comme ça, des types généreux, gentils et serviables qui forment, en gros, la base de la gauche… et tout se termine ensuite dans la misère et le sang… (samedi seize avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Chaque jour, à mon réveil, je me découvre de plus en plus misanthrope et hypocondriaque. Et cyclothymique, avec ça. J’ai tout pour plaire. (lundi six juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Je rentre en métro. Collection de têtes de cons habituelles. (mardi quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
« Apostrophes ». Alain Duglan (le bien nommé. Et par lui-même) présente son bouquin paru chez Lattès. Quand je pense que ce type, qui ne jurait que par moi, m’a fait connaître les Editions des Autres… Je me rappelle notre première entrevue, à la maison. La conversation vient sur les enfants. Yeux écarquillés du gars, faciès émerveillé. « Je suis papa depuis trois jours ! » Quel con ! (vendredi dix-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Dans l’après-midi, en prenant un bain, je me branle, quoique mon sexe ne soit pas en érection. Impression pénible. Vraiment … ne pourrais-je plus jamais ?... Il faudra que je me résolve à sauter le pas. Quand on demeure au neuvième étage, ça devrait être facile. (mardi vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-quatre)
Léo Malet mourra une nuit devant sa télé, trouvé au matin par monsieur Piétri, son voisin.
Sa lecture aussi, qui montre un Malet vieillissant, déprimé, suicidaire, souffrant d’impuissance sexuelle avec son amie Christiane suite à la mort de sa femme Paulette qu’il s’accuse d’avoir tuée ayant fait l’amour avec elle la veille de sa crise cardiaque. Sans les nichons et le cul de la femme qu’on aime, à quoi peut-il servir de vivre ? On sait bien pourquoi se sont suicidés Hemingway, Romain Gary et quelques autres. écrit-il le mardi dix août mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Christiane était la fille de sa voisine, connue alors qu’elle descendait l’escalier sur la rampe jupe relevée, retrouvée bien plus tard :
Je ne suis pas prêt de te rebaiser… Quel âge avais-tu ? Vingt-deux ans ? Ah nom de Dieu ! le vieux loup a envie de mordre.
Vingt-cinq ans de différence, je me répète ça comme un poème. (samedi quatre septembre mil neuf cent quatre-vingt-deux)
Je l’ai branlée deux fois. Deux ou trois fois, je lui ai bouffé le cul, j’ai fourragé avec ma langue dans son con adoré. Et à un moment, alors que mon doigt s’activait, elle s’est ouverte, mouillant comme pas une. Tout son vagin s’ouvrait, appelant le membre viril. Mais hélas ! je ne bandais pas. J’aurais peut-être bandé suffisamment pour la baiser, si elle avait consenti à me sucer la queue, mais elle s’y est refusée. Ah non, ce n’est pas une putain… et pourtant, je n’ai jamais rencontré une fille qui possède un « air baiseur » comme elle. « On m’a toujours dit que j’étais une statue, me dit-elle. Une statue froide comme celles du jardin du Luxembourg. » (vendredi vingt-deux avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
D’autres passages ont fait également ma joie :
Passé à la poste, retirer du fric. La jeune et jolie guichetière (l’aguichante du guichet), après avoir regardé ma carte d’identité : « Vous êtes l’auteur de romans policiers ? »… C’est flatteur, ça me fait plaisir, mais ça ne me rend pas ma santé d’il y a encore deux ans et ma virilité. (vendredi quinze avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Fin d’après-midi. Le couloir est vraiment trop poussiéreux. Je demande conseils de nettoyage à Mme Piétri. Elle s’offre pour faire le boulot. Ça devient gênant. Je le répète : j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi serviable. Elle est du parti socialiste. Ce sont des gens comme ça, des types généreux, gentils et serviables qui forment, en gros, la base de la gauche… et tout se termine ensuite dans la misère et le sang… (samedi seize avril mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Chaque jour, à mon réveil, je me découvre de plus en plus misanthrope et hypocondriaque. Et cyclothymique, avec ça. J’ai tout pour plaire. (lundi six juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Je rentre en métro. Collection de têtes de cons habituelles. (mardi quatorze juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
« Apostrophes ». Alain Duglan (le bien nommé. Et par lui-même) présente son bouquin paru chez Lattès. Quand je pense que ce type, qui ne jurait que par moi, m’a fait connaître les Editions des Autres… Je me rappelle notre première entrevue, à la maison. La conversation vient sur les enfants. Yeux écarquillés du gars, faciès émerveillé. « Je suis papa depuis trois jours ! » Quel con ! (vendredi dix-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-trois)
Dans l’après-midi, en prenant un bain, je me branle, quoique mon sexe ne soit pas en érection. Impression pénible. Vraiment … ne pourrais-je plus jamais ?... Il faudra que je me résolve à sauter le pas. Quand on demeure au neuvième étage, ça devrait être facile. (mardi vingt-huit février mil neuf cent quatre-vingt-quatre)
Léo Malet mourra une nuit devant sa télé, trouvé au matin par monsieur Piétri, son voisin.
24 novembre 2014
J’ai place en loge ce vendredi soir à l’Opéra de Rouen. Schubert et Mendelssohn sont au programme. Pour le second, The Purcell Singers ont fait le voyage. Grâce au Réseau ACT qui développe des projets culturels dans l’euro-région, nous annonce Laurent Bondi au micro. Ce réseau a également permis la présence d’étudiant(e)s anglais(e)s ayant réalisé un journal à la gloire de l’imprimerie, lequel est à disposition gratuitement.
Le Maestro, lui, est japonais et vit à Berlin. Il s’agit de Kazuki Yamada. L’« un des chefs les plus en vue de sa génération » (né en soixante-dix-neuf), explique le livret programme exceptionnellement bilingue. Les hommes de l’Orchestre sont de nouveau en cravate rouge. Le timbalier est exilé côté cour pour laisser place aux choristes.
Kazuki Yamada dirige d’abord la Symphonie numéro deux en si bémol majeur de Franz Schubert et est jugé favorablement à l’entracte pendant lequel beaucoup retrouvent des connaissances, abordées souvent d’un « Toujours les mêmes » et parfois d’un « C’est rare de vous voir ici, ma chère ».
A la reprise, The Purcell Singers, « l’un des chœurs de chambre londoniens les plus en vue », prend place derrière les musicien(ne)s pour la Symphonie numéro deux « Lobgesang » (version avec chœur et trois solistes) de Felix Mendelssohn. Un des étudiants anglais, deux rangées devant, filme la performance qui à l’issue est applaudie longuement. Kazuki Yamada congratule les solistes : Elodie Kimmel (soprano), Majdouline Zerari (mezzo-soprano), Szabolcs Brickner (ténor), la chef d’attaque des premiers violons : Liana Gourdjia et le chef de chœur : Mark Ford, lequel est aussi avocat international basé à Dehli et administrateur d’une organisation caritative promouvant le théâtre auprès de la jeunesse d’Angleterre.
Avant de quitter les lieux, j’attrape l’un des journaux à la gloire de l’imprimerie. C’est pour offrir.
*
Glissé dans le livret programme, un tract signé des organisations d’employeurs et d’employés du domaine culturel : « Pour que vivent les orchestres symphoniques et lyriques, les chœurs et les théâtres d’opéra ». On s’y inquiète de la disparition de nombreux orchestres en Europe et dans le monde (Etats-Unis, Argentine). Ainsi en est-il à l’Opéra de Rome où les cent quatre-vingt-deux musiciens et choristes ont été licenciés brutalement.
Le Maestro, lui, est japonais et vit à Berlin. Il s’agit de Kazuki Yamada. L’« un des chefs les plus en vue de sa génération » (né en soixante-dix-neuf), explique le livret programme exceptionnellement bilingue. Les hommes de l’Orchestre sont de nouveau en cravate rouge. Le timbalier est exilé côté cour pour laisser place aux choristes.
Kazuki Yamada dirige d’abord la Symphonie numéro deux en si bémol majeur de Franz Schubert et est jugé favorablement à l’entracte pendant lequel beaucoup retrouvent des connaissances, abordées souvent d’un « Toujours les mêmes » et parfois d’un « C’est rare de vous voir ici, ma chère ».
A la reprise, The Purcell Singers, « l’un des chœurs de chambre londoniens les plus en vue », prend place derrière les musicien(ne)s pour la Symphonie numéro deux « Lobgesang » (version avec chœur et trois solistes) de Felix Mendelssohn. Un des étudiants anglais, deux rangées devant, filme la performance qui à l’issue est applaudie longuement. Kazuki Yamada congratule les solistes : Elodie Kimmel (soprano), Majdouline Zerari (mezzo-soprano), Szabolcs Brickner (ténor), la chef d’attaque des premiers violons : Liana Gourdjia et le chef de chœur : Mark Ford, lequel est aussi avocat international basé à Dehli et administrateur d’une organisation caritative promouvant le théâtre auprès de la jeunesse d’Angleterre.
Avant de quitter les lieux, j’attrape l’un des journaux à la gloire de l’imprimerie. C’est pour offrir.
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Glissé dans le livret programme, un tract signé des organisations d’employeurs et d’employés du domaine culturel : « Pour que vivent les orchestres symphoniques et lyriques, les chœurs et les théâtres d’opéra ». On s’y inquiète de la disparition de nombreux orchestres en Europe et dans le monde (Etats-Unis, Argentine). Ainsi en est-il à l’Opéra de Rome où les cent quatre-vingt-deux musiciens et choristes ont été licenciés brutalement.
23 novembre 2014
Délectable lecture que celle des chroniques qu’Henri Calet écrivit pour diverses revues parisiennes entre mil neuf cent quarante-cinq et cinquante-six, regroupées sous le titre De ma lucarne par Gallimard dans la collection « Les inédits de Doucet », où il donne libre cours à sa mélancolie narquoise.
Ainsi :
De cent façons, j’ai tâché de m’agréger aux hommes, de me joindre à la foule, mais j’étais toujours un peu à la traîne, ou bien je marchais faux, en quelque sorte. J’ai fréquenté les manifestations populaires, j’ai défilé en chantant des refrains séditieux, j’ai même levé le poing en certaines circonstances déjà bien lointaines. Il m’est advenu de recevoir quelques claques à l’occasion de réunions électorales. C’est probablement ce qu‘il est convenu d’appeler le bon temps. En somme, ça ne collait pas, comme on dit ; ou plutôt, c’est moi ne collais pas aux autres.
Je comptais sur les autres, j’attendais tout d’eux, assez vaguement d’ailleurs. Rien n’est venu. C’est bien normal.
Je donne ma clientèle irrégulière à un café tranquille, peu fréquenté, où j’ai l’avantage de pouvoir m’asseoir sur d’anciens souvenirs, d’ailleurs un peu démodés déjà.
Qu’est-ce que je faisais l’autre dimanche sur le quai de Montebello en ce début d’après-midi, parmi d’autres promeneurs désœuvrés ? Ah, ce jour est difficile à vivre !
La nécessité d’occuper un temps un peu trop lâche le mène dans les petits musées que personne ne visite, de celui de l’Assistance Publique à celui de l’Asperge à Argenteuil. De même écume-t-il les réunions électorales et d’anciens combattants. Toute occasion lui est bonne pour faire le badaud en collectivité, se fondre dans un « nous » qu’il considère avec une ironie un brin désespérée :
-La chasse aux autographes est ouverte, redisait le haut-parleur.
En effet, nous allions d’un stand à l’autre, notre carnet à la main. Nous marchions en rond dans la boue, le regard tourné vers le haut, à la recherche d’une étoile de l’un et l’autre sexe, nous nous bousculions un peu, nous ne nous accordions mutuellement aucun intérêt, nous n’existions plus. C’était fort agréable.
*
La tour Eiffel vue par Calet de sa lucarne :
Par-dessus tout, la tour Eiffel, cette grande perche amicale, maigre, rousse, vêtue de dentelle de Paris. Ou une énorme aiguille à tricoter les nuées ? Ou un simple presse-papier souvenir ? A son sommet, un drapeau tricolore qui atteste la présence de la France dans le ciel, à tout hasard.
*
Autre lecture, celle de La cinquantaine à Saint-Quentin de Jacques Bens (Seghers), récit écrit suite à un Festival de la Nouvelle pour lequel l’oulipien est hébergé à l’hôtel. Il s’y voit nu de pied en cap, ce qui ne lui arrive jamais dans la petite salle de bains de sa maison du Hurepoix :
Ce que j’y découvris m’épouvanta : cette peau pendante, ces chairs flasques, ces rides livides, ces mamelles pâteuses, ce pectoral avachi, ce nombril abattu, ce couturier pesant, cette bistouquette chagrine, ces pelotes flétries, c’était moi ?
Il est temps pour lui, constate-t-il, de faire une croix sur les dames et les motocyclettes :
Encore heureux que reste à notre portée l’essentiel de ce que nous continuons d’aimer : les livres, les arbres, la musique, certaines connivences intellectuelles, le vin, les truffes et le silence.
*
Trouvé chez Henri Calet : le mot bonisseur, synonyme de bonimenteur. Et chez Françoise d’Eaubonne : un zoïle qui, apprends-je, est un critique envieux et méchant.
Ainsi :
De cent façons, j’ai tâché de m’agréger aux hommes, de me joindre à la foule, mais j’étais toujours un peu à la traîne, ou bien je marchais faux, en quelque sorte. J’ai fréquenté les manifestations populaires, j’ai défilé en chantant des refrains séditieux, j’ai même levé le poing en certaines circonstances déjà bien lointaines. Il m’est advenu de recevoir quelques claques à l’occasion de réunions électorales. C’est probablement ce qu‘il est convenu d’appeler le bon temps. En somme, ça ne collait pas, comme on dit ; ou plutôt, c’est moi ne collais pas aux autres.
Je comptais sur les autres, j’attendais tout d’eux, assez vaguement d’ailleurs. Rien n’est venu. C’est bien normal.
Je donne ma clientèle irrégulière à un café tranquille, peu fréquenté, où j’ai l’avantage de pouvoir m’asseoir sur d’anciens souvenirs, d’ailleurs un peu démodés déjà.
Qu’est-ce que je faisais l’autre dimanche sur le quai de Montebello en ce début d’après-midi, parmi d’autres promeneurs désœuvrés ? Ah, ce jour est difficile à vivre !
La nécessité d’occuper un temps un peu trop lâche le mène dans les petits musées que personne ne visite, de celui de l’Assistance Publique à celui de l’Asperge à Argenteuil. De même écume-t-il les réunions électorales et d’anciens combattants. Toute occasion lui est bonne pour faire le badaud en collectivité, se fondre dans un « nous » qu’il considère avec une ironie un brin désespérée :
-La chasse aux autographes est ouverte, redisait le haut-parleur.
En effet, nous allions d’un stand à l’autre, notre carnet à la main. Nous marchions en rond dans la boue, le regard tourné vers le haut, à la recherche d’une étoile de l’un et l’autre sexe, nous nous bousculions un peu, nous ne nous accordions mutuellement aucun intérêt, nous n’existions plus. C’était fort agréable.
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La tour Eiffel vue par Calet de sa lucarne :
Par-dessus tout, la tour Eiffel, cette grande perche amicale, maigre, rousse, vêtue de dentelle de Paris. Ou une énorme aiguille à tricoter les nuées ? Ou un simple presse-papier souvenir ? A son sommet, un drapeau tricolore qui atteste la présence de la France dans le ciel, à tout hasard.
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Autre lecture, celle de La cinquantaine à Saint-Quentin de Jacques Bens (Seghers), récit écrit suite à un Festival de la Nouvelle pour lequel l’oulipien est hébergé à l’hôtel. Il s’y voit nu de pied en cap, ce qui ne lui arrive jamais dans la petite salle de bains de sa maison du Hurepoix :
Ce que j’y découvris m’épouvanta : cette peau pendante, ces chairs flasques, ces rides livides, ces mamelles pâteuses, ce pectoral avachi, ce nombril abattu, ce couturier pesant, cette bistouquette chagrine, ces pelotes flétries, c’était moi ?
Il est temps pour lui, constate-t-il, de faire une croix sur les dames et les motocyclettes :
Encore heureux que reste à notre portée l’essentiel de ce que nous continuons d’aimer : les livres, les arbres, la musique, certaines connivences intellectuelles, le vin, les truffes et le silence.
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Trouvé chez Henri Calet : le mot bonisseur, synonyme de bonimenteur. Et chez Françoise d’Eaubonne : un zoïle qui, apprends-je, est un critique envieux et méchant.
22 novembre 2014
Ce vendredi matin, après avoir fait le tour de la drouille du marché des brocanteurs et bouquinistes du Clos Saint-Marc où le nombre de pauvres se précipitant sur le moindre rebut semble en progression constante, je descends sur le quai de Seine et prends pédestrement la direction du pont Flaubert, objectif les Docks Soixante-Seize. Le Secours Populaire y vend des livres d’occasion.
Je pourrais aussi bien écrire direction la tour Panorama Extra Extra Large tant le cylindre Asisi, désormais recouvert de panneaux en dégradé de bleu, bouche l’horizon. Cette attraction foraine, dans laquelle il faudra monter par escaliers, ouvre dans un mois. Les invalides auront droit à un ascenseur mais celui-ci ne desservira pas le plateau supérieur permettant de voir à trois cent soixante degrés les toiles peintes par l’artiste augmentées de photos. L’Agglo en espère un effet Bilbao. Je prévois un effet Tombalo.
L’obstacle contourné, je passe devant les immeubles en construction de l’éco quartier Luciline, autre mirifique idée de nos élu(e)s. « Rives de Seine » est son deuxième nom. Un beau discours tient lieu d’emballage. Il est pudiquement fait silence sur la route à quatre voies qui sépare le quartier des quais. Cet ensemble de bâtiments ressemble à ce qu’on appelle ailleurs « une cité ». On y est loin de tout, sauf du centre commercial des Docks Soixante-Seize qui le jouxte.
J’entre dans celui-ci, un peu après dix heures, et monte au deuxième niveau. Le cinéma Pathé où doit se dérouler la vente est encore fermé. Le premier film est annoncé à dix heures cinquante. Je vais m’asseoir en face mais suis délogé par un jeune homme musclé :
-Désolé, c’est réservé aux adhérents Accrosport.
Plus qu’à aller m’appuyer sur la rambarde de l’escalator, bientôt rejoint par d’autres de mon genre, reconnaissables au grand sac en plastique qu’ils portent à la main et à l’impatience dont ils font preuve.
Un peu avant dix heures trente, deux classes primaires arrivent pour voir je ne sais quel mauvais film pour enfants. Un rideau est relevé. Nous nous engouffrons à la suite des moutard(e)s, prenant de court les bénévoles du Secours Pop :
-Qu’est-ce qu’ils font là, c’est ouvert ?
Les tables à livres sont au fond du hall, dans un coin sombre mais comme nous ne sommes pas trop nombreux, il n’y a pas lieu de se plaindre. J’y trouve de quoi remplir mon sac.
*
Plus fréquenté ce cinéma Pathé depuis une déjà lointaine Agora du Cinéma Coréen au temps béni de Miss Beaumont. Cette semaine a lieu l’édition deux mille quatorze. Elle se tient au cinéma Omnia. Son thème est la famille. Ce sujet permet d’y rattacher n’importe quel genre de film. Je n’en suis pas.
*
Pas davantage je ne suis au vernissage ce vendredi soir de la nouvelle exposition du Musée de Louviers. C’en est fini des expos du temps de Martin, Maire, Radicule de Gauche: Ben, Erro, Combas, Viallat et Buraglio. Avec le Maire de Droite, Priollaud, c’est Dessins et lithographies de Paul Saint Martin, obscur artiste du dix-neuvième siècle, œuvres provenant des réserves municipales.
Je pourrais aussi bien écrire direction la tour Panorama Extra Extra Large tant le cylindre Asisi, désormais recouvert de panneaux en dégradé de bleu, bouche l’horizon. Cette attraction foraine, dans laquelle il faudra monter par escaliers, ouvre dans un mois. Les invalides auront droit à un ascenseur mais celui-ci ne desservira pas le plateau supérieur permettant de voir à trois cent soixante degrés les toiles peintes par l’artiste augmentées de photos. L’Agglo en espère un effet Bilbao. Je prévois un effet Tombalo.
L’obstacle contourné, je passe devant les immeubles en construction de l’éco quartier Luciline, autre mirifique idée de nos élu(e)s. « Rives de Seine » est son deuxième nom. Un beau discours tient lieu d’emballage. Il est pudiquement fait silence sur la route à quatre voies qui sépare le quartier des quais. Cet ensemble de bâtiments ressemble à ce qu’on appelle ailleurs « une cité ». On y est loin de tout, sauf du centre commercial des Docks Soixante-Seize qui le jouxte.
J’entre dans celui-ci, un peu après dix heures, et monte au deuxième niveau. Le cinéma Pathé où doit se dérouler la vente est encore fermé. Le premier film est annoncé à dix heures cinquante. Je vais m’asseoir en face mais suis délogé par un jeune homme musclé :
-Désolé, c’est réservé aux adhérents Accrosport.
Plus qu’à aller m’appuyer sur la rambarde de l’escalator, bientôt rejoint par d’autres de mon genre, reconnaissables au grand sac en plastique qu’ils portent à la main et à l’impatience dont ils font preuve.
Un peu avant dix heures trente, deux classes primaires arrivent pour voir je ne sais quel mauvais film pour enfants. Un rideau est relevé. Nous nous engouffrons à la suite des moutard(e)s, prenant de court les bénévoles du Secours Pop :
-Qu’est-ce qu’ils font là, c’est ouvert ?
Les tables à livres sont au fond du hall, dans un coin sombre mais comme nous ne sommes pas trop nombreux, il n’y a pas lieu de se plaindre. J’y trouve de quoi remplir mon sac.
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Plus fréquenté ce cinéma Pathé depuis une déjà lointaine Agora du Cinéma Coréen au temps béni de Miss Beaumont. Cette semaine a lieu l’édition deux mille quatorze. Elle se tient au cinéma Omnia. Son thème est la famille. Ce sujet permet d’y rattacher n’importe quel genre de film. Je n’en suis pas.
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Pas davantage je ne suis au vernissage ce vendredi soir de la nouvelle exposition du Musée de Louviers. C’en est fini des expos du temps de Martin, Maire, Radicule de Gauche: Ben, Erro, Combas, Viallat et Buraglio. Avec le Maire de Droite, Priollaud, c’est Dessins et lithographies de Paul Saint Martin, obscur artiste du dix-neuvième siècle, œuvres provenant des réserves municipales.
21 novembre 2014
Nouveau lieu de rassemblement, ce jeudi à onze heures, pour protester contre les violences policières, la station de métro Théâtre-des-Arts, laquelle est restée ouverte. Cette fois, La Police est discrète, représentée par quelques hommes en civil qui semblent attendre le bus et quelques fourgons garés en retrait. Pour surveiller la centaine de manifestant(e)s que nous sommes, la démesure n’est plus de mise
Des lycéen(ne)s s’affairent à fabriquer banderoles et panneaux mais je doute qu’elles et eux soient à l’origine de l’appel. Pendant ce temps, des membres de groupuscules proposent leurs journaux, L’Egalité et Le Bolchevik, et tentent de catéchiser les inoccupé(e)s. Un drapeau du Parti de Gauche fait une apparition brève.
« L’Etat tue » proclame une première banderole. Elle est tenue à bout de bras par des gens qui ne sont plus lycéens depuis longtemps, dont l’un passablement énervé. Jugée trop lourde, elle est enroulée avant d’être hissée et fixée sur les ruines de l’église Saint-Vincent.
On assiste ensuite à une belle démonstration du pouvoir du mégaphone (ou du mégaphone du pouvoir) quand le lycéen qui le détient suggère d’aller faire le tour des lycées, en commençant par Blaise-Pascal, rive gauche. La proposition mégaphonée est approuvée par le silence d’autrui.
Quand la deuxième banderole est prête, « Maintenant déposez les armes », une bonne partie des présent(e)s se rassemblent derrière. Il est bientôt midi. Je regarde les manifestant(e)s s’éloigner suivi(e)s des quelques Forces de l’Ordre.
*
Le Céhéresse filmé devant le Musée des Beaux-Arts de Rouen jeudi treize novembre déclarant à propos de la mort de Rémi Fraisse qu’il l’avait bien méritée a vu sa notoriété considérablement élargie en passant au Zapping de Canal Plus.
*
Sur le site Makhnovtchina d’Echelle Inconnue (art/archi/urba/multimedia/désordre culturel), une analyse affûtée de la mise en place d'un vrai faux bidonville par des associations caritatives devant l’Hôtel de Ville de Rouen, opération soutenue par Robert, Maire, Socialiste.
Extrait : « Le bidonville, envisagé comme la dernière pièce à la mode, le spectacle qui fait sensation. Le bidonville scénographié pour « faire vrai », et s'imposer comme réel contre la réalité-même. Les barrières délimitent le cadre. La mise en scène est vivante, enlevée. Toute l'équipe, composée des personnels et bénévoles de dix-huit associations, s'affaire, les ouvreuses accueillent le public, les petites mains apportent la touche finale aux costumes. De l'ethnique, de l'exotique, du dépaysant. »
Des lycéen(ne)s s’affairent à fabriquer banderoles et panneaux mais je doute qu’elles et eux soient à l’origine de l’appel. Pendant ce temps, des membres de groupuscules proposent leurs journaux, L’Egalité et Le Bolchevik, et tentent de catéchiser les inoccupé(e)s. Un drapeau du Parti de Gauche fait une apparition brève.
« L’Etat tue » proclame une première banderole. Elle est tenue à bout de bras par des gens qui ne sont plus lycéens depuis longtemps, dont l’un passablement énervé. Jugée trop lourde, elle est enroulée avant d’être hissée et fixée sur les ruines de l’église Saint-Vincent.
On assiste ensuite à une belle démonstration du pouvoir du mégaphone (ou du mégaphone du pouvoir) quand le lycéen qui le détient suggère d’aller faire le tour des lycées, en commençant par Blaise-Pascal, rive gauche. La proposition mégaphonée est approuvée par le silence d’autrui.
Quand la deuxième banderole est prête, « Maintenant déposez les armes », une bonne partie des présent(e)s se rassemblent derrière. Il est bientôt midi. Je regarde les manifestant(e)s s’éloigner suivi(e)s des quelques Forces de l’Ordre.
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Le Céhéresse filmé devant le Musée des Beaux-Arts de Rouen jeudi treize novembre déclarant à propos de la mort de Rémi Fraisse qu’il l’avait bien méritée a vu sa notoriété considérablement élargie en passant au Zapping de Canal Plus.
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Sur le site Makhnovtchina d’Echelle Inconnue (art/archi/urba/multimedia/désordre culturel), une analyse affûtée de la mise en place d'un vrai faux bidonville par des associations caritatives devant l’Hôtel de Ville de Rouen, opération soutenue par Robert, Maire, Socialiste.
Extrait : « Le bidonville, envisagé comme la dernière pièce à la mode, le spectacle qui fait sensation. Le bidonville scénographié pour « faire vrai », et s'imposer comme réel contre la réalité-même. Les barrières délimitent le cadre. La mise en scène est vivante, enlevée. Toute l'équipe, composée des personnels et bénévoles de dix-huit associations, s'affaire, les ouvreuses accueillent le public, les petites mains apportent la touche finale aux costumes. De l'ethnique, de l'exotique, du dépaysant. »
20 novembre 2014
Sorti de sous la terre à Ledru-Rollin, je constate que le brouillard ce n’était pas seulement pour la Normandie ce mercredi matin : le génie de la Bastille est invisible. Je me réchauffe d’un café et lis Libération au Café du Faubourg. Deux pages sont consacrées à Bosc-Roger-en-Roumois où l’on est aussi en plein bouillard. Comment le gentil Maxime est-il devenu assassin djihadiste ? La bourgade de l’Eure, que je n’ai jamais traversée sans me dire comment fait-on pour vivre ici, connaît son quart d’heure de célébrité.
A dix heures, je suis chez Book-Off. Le premier livre sur lequel je jette mon dévolu (comme on dit) est, par coïncidence, l’ironique Chers djihadistes de Philippe Muray (Mille et une nuits) : Vous compromettez, avec vos destructions, nos déconstructions. Vous intervenez, avec vos anéantissements, contre nos néantisations. Vous faites double emploi.
Le génie est visible quand par la Bastille je rejoins Beaubourg où je mange chinois dans l’impasse du même nom chez New New. Je passe ensuite un moment au Centre Pompidou à l’étage Art Moderne, très peu fréquenté ce jour, même par les gardien(ne)s, puis rapidement fais le tour de l’exposition Duras Song (Portrait d’une écriture) à la Bépéhi que l’on peut rejoindre directement sans avoir à subir la déprimante file d’attente cachée derrière le bâtiment. On y voit une photo de Marguerite se faisant arrêter par des policiers casqués en mil neuf cent soixante-dix lors d’une occupation des locaux du patronat en soutien aux travailleurs immigrés.
Le bus Vingt et Un me conduit ensuite à l’autre Book-Off où je fais mes emplettes. Une femme revendant ses livres récupère ceux dont on ne veut pas et se dirige vers la porte. L’employée la rappelle : « Eh, madame, votre argent ! ». Ce n’est pas la première fois que je vois ça.
Dans le train du retour, je lis l’un des livres achetés, Une Parisienne à Chicago (1892-1893) de Marie Grandin (Petite Bibliothèque Payot), me rappelant mon séjour là-bas avec celle qui, en ce moment, est à Lisbonne avec un autre.
*
Parmi les livres à un euro rapportés de Paris : un exemplaire de Tout est musique d’Hélios Azoulay (Vuibert) bénéficiant d’un envoi de l’auteur : « Chère Valérie Manteau, bonjour, vous souvenez-vous d’Hélios Azoulay comme il se souvient de vous ? Je me questionne. Oui. »
La réponse est non, Hélios.
*
Touriste japonais qui photographie une moto Kawasaki.
*
Fille voilée au marché d’Aligre à qui une autre plus âgée demande :
-Tu ne penses pas à te marier ?
-Je suis bien comme ça. Quand je vois mes cousines.
A dix heures, je suis chez Book-Off. Le premier livre sur lequel je jette mon dévolu (comme on dit) est, par coïncidence, l’ironique Chers djihadistes de Philippe Muray (Mille et une nuits) : Vous compromettez, avec vos destructions, nos déconstructions. Vous intervenez, avec vos anéantissements, contre nos néantisations. Vous faites double emploi.
Le génie est visible quand par la Bastille je rejoins Beaubourg où je mange chinois dans l’impasse du même nom chez New New. Je passe ensuite un moment au Centre Pompidou à l’étage Art Moderne, très peu fréquenté ce jour, même par les gardien(ne)s, puis rapidement fais le tour de l’exposition Duras Song (Portrait d’une écriture) à la Bépéhi que l’on peut rejoindre directement sans avoir à subir la déprimante file d’attente cachée derrière le bâtiment. On y voit une photo de Marguerite se faisant arrêter par des policiers casqués en mil neuf cent soixante-dix lors d’une occupation des locaux du patronat en soutien aux travailleurs immigrés.
Le bus Vingt et Un me conduit ensuite à l’autre Book-Off où je fais mes emplettes. Une femme revendant ses livres récupère ceux dont on ne veut pas et se dirige vers la porte. L’employée la rappelle : « Eh, madame, votre argent ! ». Ce n’est pas la première fois que je vois ça.
Dans le train du retour, je lis l’un des livres achetés, Une Parisienne à Chicago (1892-1893) de Marie Grandin (Petite Bibliothèque Payot), me rappelant mon séjour là-bas avec celle qui, en ce moment, est à Lisbonne avec un autre.
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Parmi les livres à un euro rapportés de Paris : un exemplaire de Tout est musique d’Hélios Azoulay (Vuibert) bénéficiant d’un envoi de l’auteur : « Chère Valérie Manteau, bonjour, vous souvenez-vous d’Hélios Azoulay comme il se souvient de vous ? Je me questionne. Oui. »
La réponse est non, Hélios.
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Touriste japonais qui photographie une moto Kawasaki.
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Fille voilée au marché d’Aligre à qui une autre plus âgée demande :
-Tu ne penses pas à te marier ?
-Je suis bien comme ça. Quand je vois mes cousines.
19 novembre 2014
La seule fois que j’ai vu et entendu Eléonore Chomant sur scène, c’était au Théâtre de l’Echo du Robec à Darnétal, où elle accompagnait de la voix Johan Asherton. Je l’avais vue auparavant en images en solo dans une église de campagne filmée par Seb Petit. De quoi être convaincu du talent de la demoiselle et un peu frustré.
-Quand est-ce qu’elle remonte sur scène toute seule la petite Eléonore ? demandais-je ce jour-là à l’ami Masson dans la voiture d’Emmanuel qui nous ramenait à Rouen.
Je ne me souviens plus exactement de ce qu’il me répondit mais en substance c’était qu’elle ne pensait pas à ça en ce moment.
Il suffisait d’attendre. Depuis quelques mois, la voilà réapparue sous le nom de Tallisker qui désigne le groupe qu’elle forme avec elle-même. L’ayant manquée l’été dernier, je n’hésite pas ce mardi soir à sacrifier le concert d’accentus à l’Opéra de Rouen pour l’aller ouïr et voir à l’Ubi où elle donne un concert de remerciement pour celles et ceux qui l’ont aidée à réaliser son premier heupé de cinq titres : Implosion.
Collants noirs, petite robe noire, accessoire taxidermé par Sylvain Wavrant dans les cheveux, munie d’un petit micro portatif, Tallisker entre en scène vers vingt heures. Debout contre la bibliothèque, celles et ceux devant moi s’étant assis par terre, je n’en perds rien, séduit par sa façon de se multiplier, gérant ses boucles avec le pied, passant en cours de morceau de la guitare au violoncelle, chantant avec elle-même, évoluant en une gestuelle chorégraphiée, trouvant un moment pour remonter la bretelle de sa robe, pleine d’assurance quand elle chante et joue ses compositions, intimidée quand elle s’adresse au public :
-C’est difficile pour moi cette proximité, je préfère quand on ne me voit pas, quand je suis dans ma chambre.
Cette voix, cet univers musical aux couleurs hip-hop/trap (disent les spécialistes), cette présence scénique me plaisent bien. Tallisker récolte une bonne dose d’applaudissements et donne en bonus, avec son complice Sun Jun, une reprise à sa manière du Drunk in Love de Beyoncé.
Je repars de l’Ubi content, après avoir acheté l’heupé, me disant qu’elle a bien fait de sortir de sa chambre, Eléonore.
*
Les Inrockuptibles sont de mon avis, qui l’ont repérée et la promeuvent.
-Quand est-ce qu’elle remonte sur scène toute seule la petite Eléonore ? demandais-je ce jour-là à l’ami Masson dans la voiture d’Emmanuel qui nous ramenait à Rouen.
Je ne me souviens plus exactement de ce qu’il me répondit mais en substance c’était qu’elle ne pensait pas à ça en ce moment.
Il suffisait d’attendre. Depuis quelques mois, la voilà réapparue sous le nom de Tallisker qui désigne le groupe qu’elle forme avec elle-même. L’ayant manquée l’été dernier, je n’hésite pas ce mardi soir à sacrifier le concert d’accentus à l’Opéra de Rouen pour l’aller ouïr et voir à l’Ubi où elle donne un concert de remerciement pour celles et ceux qui l’ont aidée à réaliser son premier heupé de cinq titres : Implosion.
Collants noirs, petite robe noire, accessoire taxidermé par Sylvain Wavrant dans les cheveux, munie d’un petit micro portatif, Tallisker entre en scène vers vingt heures. Debout contre la bibliothèque, celles et ceux devant moi s’étant assis par terre, je n’en perds rien, séduit par sa façon de se multiplier, gérant ses boucles avec le pied, passant en cours de morceau de la guitare au violoncelle, chantant avec elle-même, évoluant en une gestuelle chorégraphiée, trouvant un moment pour remonter la bretelle de sa robe, pleine d’assurance quand elle chante et joue ses compositions, intimidée quand elle s’adresse au public :
-C’est difficile pour moi cette proximité, je préfère quand on ne me voit pas, quand je suis dans ma chambre.
Cette voix, cet univers musical aux couleurs hip-hop/trap (disent les spécialistes), cette présence scénique me plaisent bien. Tallisker récolte une bonne dose d’applaudissements et donne en bonus, avec son complice Sun Jun, une reprise à sa manière du Drunk in Love de Beyoncé.
Je repars de l’Ubi content, après avoir acheté l’heupé, me disant qu’elle a bien fait de sortir de sa chambre, Eléonore.
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Les Inrockuptibles sont de mon avis, qui l’ont repérée et la promeuvent.
18 novembre 2014
Ce lundi, à treize heures trente, je suis encore devant le Palais de Justice de Rouen, côté entrée principale cette fois et sous un parapluie, à l’appel des occupant(e)s de la Ferme des Bouillons, zone à défendre de Mont-Saint-Aignan, qu’Auchan voulait raser pour y faire un hypermarché, pas peu surpris de trouver là une ancienne collègue que je n’aurais jamais imaginée contester quoi que soit.
-J’habite au Village maintenant, me dit-elle (ce Village étant le centre de Monsainte).
Bientôt nous sommes plusieurs dizaines dont pas mal venus avec des légumes de là-haut et des pancartes annonçant que Les Bouillons restent ferme. Tandis qu’arrive un fourgon de Police qui va se garer dans la cour intérieure, une partie des présent(e)s installent un Tivoli sur la chaussée, y ajoutent une table et y exposent légumes et documents. L’un prend la parole et explique comment, face à la détermination des occupant(e)s s’appuyant sur l’avis d’experts, l’ancienne municipalité socialiste favorable à l’hypermarché a fait marche arrière en modifiant le plan d’urbanisme pour remettre la ferme en zone naturelle, empêchant Auchan de bâtir. L’avis d’expulsion court toujours et est contesté en appel ce lundi. Les occupant(e)s et celles et ceux qui les soutiennent (mille personnes sont adhérentes) voudraient acheter la ferme à Auchan, dont ils entretiennent le patrimoine, afin d’y pratiquer l’agriculture biologique. Dans ce but, des parts à cent trois euros sont en prévente. L’intervenant conclut en indiquant que l’avocat ne souhaite pas plus d’une quinzaine de personnes dans la salle du Tribunal et que la décision du Juge sera mise en délibéré.
Je quitte donc les lieux et vais boire un café verre d’eau au Socrate où je lis le premier volume des Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir.
*
Point acheté de ces légumes colorés, rebuté par l’heure de travail livrée avec : lavage, épluchage, cuisson, etc.
-J’habite au Village maintenant, me dit-elle (ce Village étant le centre de Monsainte).
Bientôt nous sommes plusieurs dizaines dont pas mal venus avec des légumes de là-haut et des pancartes annonçant que Les Bouillons restent ferme. Tandis qu’arrive un fourgon de Police qui va se garer dans la cour intérieure, une partie des présent(e)s installent un Tivoli sur la chaussée, y ajoutent une table et y exposent légumes et documents. L’un prend la parole et explique comment, face à la détermination des occupant(e)s s’appuyant sur l’avis d’experts, l’ancienne municipalité socialiste favorable à l’hypermarché a fait marche arrière en modifiant le plan d’urbanisme pour remettre la ferme en zone naturelle, empêchant Auchan de bâtir. L’avis d’expulsion court toujours et est contesté en appel ce lundi. Les occupant(e)s et celles et ceux qui les soutiennent (mille personnes sont adhérentes) voudraient acheter la ferme à Auchan, dont ils entretiennent le patrimoine, afin d’y pratiquer l’agriculture biologique. Dans ce but, des parts à cent trois euros sont en prévente. L’intervenant conclut en indiquant que l’avocat ne souhaite pas plus d’une quinzaine de personnes dans la salle du Tribunal et que la décision du Juge sera mise en délibéré.
Je quitte donc les lieux et vais boire un café verre d’eau au Socrate où je lis le premier volume des Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir.
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Point acheté de ces légumes colorés, rebuté par l’heure de travail livrée avec : lavage, épluchage, cuisson, etc.
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