Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
4 octobre 2018
« Mesdames et messieurs, j’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Nous allons devoir nous arrêter en gare de Gaillon Aubevoye pour une durée indéterminée suite à divers problèmes en région parisienne : une panne d’aiguillage, un colis abandonné et deux ou trois autres choses », annonce le chef de bord du sept heures cinquante-neuf pour Paris ce mercredi.
Tout avait pourtant bien commencé. Le train venu du Havre était à l’heure et il y avait place assise pour tout le monde. Il est à peine stoppé à Gaillon que se fait entendre un nouveau message : « Nous allons repartir jusqu’à Mantes-la-Jolie et là-bas surprise ! C’est là que l’on saura si on peut continuer notre voyage ou rester en gare ». Personne ne moufte. Je me réjouis d’avoir encore un certain nombre de Fables de La Fontaine à lire. De l’autre côté du couloir, ma voisine s’allonge sur la banquette pour lire Ma retraite une nouvelle vie.
A l’approche de Mantes un ultime message nous soulage. Nous allons utiliser l’itinéraire bis qui passe par Conflans-Sainte-Honorine. C’est l’occasion de bénéficier d’un paysage inusité. Une dernière inquiétude, le train s’arrête à Thun-le-Paradis mais repart presque aussitôt. Ce n’est qu’avec dix minutes de retard que je pousse la porte du Café du Faubourg.
Le ciel est menaçant quand j’en ressors pour entrer à deux pas chez Book-Off où je dois encore me faire aider d’une employée pour me repérer dans la nouvelle organisation de la boutique. C’est fructueux. Je trouve notamment, dans les livres à un euro et dans le domaine de l’érotisme ou de la pornographie (c’est comme on veut), La Ruche de Clarisse Nicoïdski (Spengler) bellement illustré par Claire Roberts, L’Animal de compagnie de Léo Barthe (La Musardine) avec une couverture signée Mirka Lugosi et Un mâle de Camille Lemonnier (Labor) auteur belge mort en mil neuf cent treize après avoir été poursuivi plusieurs fois en justice.
Il a un peu plu pendant ce temps. Place d’Aligre, le seul vendeur de livres présent n’a pas jugé bon de les protéger. J’en sauve Les aventures d’Antoine Doinel de François Truffaut qui réunit les scénarios et notes de travail des films dont il est le héros.
-Deux euros, me dit celui qui surveille la marchandise.
-Deux euros pour un livre de poche un peu mouillé, c’est beaucoup, lui dis-je.
-C’est un livre de poche, ça ?
-Oui c’est écrit là : Ramsay Poche Cinéma
-Ok vas-y, donne-moi un euro.
*
A un euro aussi chez Book-Off : Journal en ruines de Noël Herpe (L’Arbalète Gallimard) dont j’ai vendu un autre exemplaire à son auteur. Ce n’est pas le seul. J’ai également vendu l’un de leurs livres à Julien Cendres et, récemment, à François Zumbiehl.
*
Un des deux Gendarmes à fusil mitrailleur qui en suivent deux autres leur montrant le trajet :
-Pourquoi prend-on cette rue, il n’y a personne.
-Il y a une synagogue.
*
Est-ce que la vie est belle à Thun-le-Paradis ?
Tout avait pourtant bien commencé. Le train venu du Havre était à l’heure et il y avait place assise pour tout le monde. Il est à peine stoppé à Gaillon que se fait entendre un nouveau message : « Nous allons repartir jusqu’à Mantes-la-Jolie et là-bas surprise ! C’est là que l’on saura si on peut continuer notre voyage ou rester en gare ». Personne ne moufte. Je me réjouis d’avoir encore un certain nombre de Fables de La Fontaine à lire. De l’autre côté du couloir, ma voisine s’allonge sur la banquette pour lire Ma retraite une nouvelle vie.
A l’approche de Mantes un ultime message nous soulage. Nous allons utiliser l’itinéraire bis qui passe par Conflans-Sainte-Honorine. C’est l’occasion de bénéficier d’un paysage inusité. Une dernière inquiétude, le train s’arrête à Thun-le-Paradis mais repart presque aussitôt. Ce n’est qu’avec dix minutes de retard que je pousse la porte du Café du Faubourg.
Le ciel est menaçant quand j’en ressors pour entrer à deux pas chez Book-Off où je dois encore me faire aider d’une employée pour me repérer dans la nouvelle organisation de la boutique. C’est fructueux. Je trouve notamment, dans les livres à un euro et dans le domaine de l’érotisme ou de la pornographie (c’est comme on veut), La Ruche de Clarisse Nicoïdski (Spengler) bellement illustré par Claire Roberts, L’Animal de compagnie de Léo Barthe (La Musardine) avec une couverture signée Mirka Lugosi et Un mâle de Camille Lemonnier (Labor) auteur belge mort en mil neuf cent treize après avoir été poursuivi plusieurs fois en justice.
Il a un peu plu pendant ce temps. Place d’Aligre, le seul vendeur de livres présent n’a pas jugé bon de les protéger. J’en sauve Les aventures d’Antoine Doinel de François Truffaut qui réunit les scénarios et notes de travail des films dont il est le héros.
-Deux euros, me dit celui qui surveille la marchandise.
-Deux euros pour un livre de poche un peu mouillé, c’est beaucoup, lui dis-je.
-C’est un livre de poche, ça ?
-Oui c’est écrit là : Ramsay Poche Cinéma
-Ok vas-y, donne-moi un euro.
*
A un euro aussi chez Book-Off : Journal en ruines de Noël Herpe (L’Arbalète Gallimard) dont j’ai vendu un autre exemplaire à son auteur. Ce n’est pas le seul. J’ai également vendu l’un de leurs livres à Julien Cendres et, récemment, à François Zumbiehl.
*
Un des deux Gendarmes à fusil mitrailleur qui en suivent deux autres leur montrant le trajet :
-Pourquoi prend-on cette rue, il n’y a personne.
-Il y a une synagogue.
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Est-ce que la vie est belle à Thun-le-Paradis ?
3 octobre 2018
Au lever du soleil, j’arrive ce dimanche dans le quartier de la Madeleine pour le vide grenier organisé par ses habitants. Il s’avère vite décevant, pas moyen d’y trouver un livre pouvant m’intéresser. De plus, il est déjà envahi par une masse de chalands qui en rendent la fréquentation déplaisante. Enfin et pas le moindre, en plusieurs endroits, du côté de la Fac de Droit, une affreuse odeur de vomi force à accélérer le pas. Je renonce à faire un deuxième passage.
Courageusement, je m’enquille les boulevards en travaux dans le but de rejoindre l’autre vide grenier rouennais du jour dans le quartier rupin Jouvenet. Arrivé devant la gare, j’hésite sur le chemin. Dans le doute, je passe devant l’église Saint Romain où jeudi dernier plus d’un millier de fidèles ont assisté aux obsèques du prêtre qui s’y est suicidé. Une banderole est tendue sur le fronton. « Envie de donner un sens à sa vie… et prendre la bonne direction ! » y est-il écrit, de l’humour noir catholique.
La bonne direction, j’aimerais la trouver. Je redescends sur le boulevard et y trouve un jeune homme qui à l’aide de son mobile me renseigne. J’avais oublié à quel point ça grimpe pour rejoindre Jouvenet. Le déballage, organisé par les habitants du quartier, est toujours chic et paisible. Malheureusement, ce qu’on y vend cette année en matière de livres ne vaut pas mieux qu’à la Madeleine. Je redescends bredouille.
Arrivé au métro Beauvoisine j’ai l’œil arrêté par les pommes de Normandie que propose l’Arabe du coin, de plusieurs variétés et à un euro le kilo. J’en prends pour un peu plus de deux, un mélange. Au moins n’aurai-je pas complètement perdu la matinée. D’autant que des pommes à petit prix, je ne peux plus en avoir au marché du Clos Saint-Marc. La vendeuse de Jumièges à qui j’ai pendant des années acheté des sacs de deux kilos à un euro soixante a disparu. Parfois, j’en prenais deux. L’autre était pour celle qui me tenait la main et les emportait dans la capitale. Peu à peu, tout s’efface.
*
L’après-midi, dernier passage au Salon des Livres d’Occasion du Secours Populaire. J’y trouve Des voix sous les pierres (Les Epitaphes de Spoon River) d’Edgar Lee Masters, un livre bilingue publié chez Librairie Elisabeth Brunet/ Phébus. Que vient faire ici le nom de la bouquiniste rouennaise avec qui je suis fâché depuis des lustres ? Rien ne l’explique dans les préfaces. Sans doute a-t-elle mis des sous dans l’affaire. Peut-être y a-t-elle été associée par l’intermédiaire de Philippe Dumas qui a fait de petits portraits des défunts pour illustrer chaque poème nécrologique. Je me souviens de l’avoir vu autrefois dans la bouquinerie derrière une sélection de ses livres pour enfants, attendant le client qui se faisait rare.
*
Lundi après-midi, je suis au Grand Saint Marc en train d’écrire ce qui précède quand l’un annonce « Charles Aznavour est mort ».
« Ça s’arrose », dit un deuxième. « Il avait l’âge d’y aller », dit un troisième. « Il a pris un taxi pour Tobrouk », dit un quatrième. L’endroit ne pêche pas par excès de sentimentalité.
Mon principal souvenir d’Aznavour remonte à loin. La Mamma, dont les paroles sont du père de France Gall, passait toutes les demi-heures sur Europe Numéro Un ou Radio Luxembourg et la radio était en marche toute la journée à la maison. J’avais douze ans. Cette ode à la famille, dégoulinant de pathos, m’horripilait.
*
Autres morts : celles de Pascale Casanova et de René Pétillon, d’un cancer l’un et l’autre, cinquante-neuf ans, soixante-douze ans. La première dont j’ai aimé les émissions littéraires sur France Culture, le second dont j’ai aimé les dessins dans les années soixante-dix.
Courageusement, je m’enquille les boulevards en travaux dans le but de rejoindre l’autre vide grenier rouennais du jour dans le quartier rupin Jouvenet. Arrivé devant la gare, j’hésite sur le chemin. Dans le doute, je passe devant l’église Saint Romain où jeudi dernier plus d’un millier de fidèles ont assisté aux obsèques du prêtre qui s’y est suicidé. Une banderole est tendue sur le fronton. « Envie de donner un sens à sa vie… et prendre la bonne direction ! » y est-il écrit, de l’humour noir catholique.
La bonne direction, j’aimerais la trouver. Je redescends sur le boulevard et y trouve un jeune homme qui à l’aide de son mobile me renseigne. J’avais oublié à quel point ça grimpe pour rejoindre Jouvenet. Le déballage, organisé par les habitants du quartier, est toujours chic et paisible. Malheureusement, ce qu’on y vend cette année en matière de livres ne vaut pas mieux qu’à la Madeleine. Je redescends bredouille.
Arrivé au métro Beauvoisine j’ai l’œil arrêté par les pommes de Normandie que propose l’Arabe du coin, de plusieurs variétés et à un euro le kilo. J’en prends pour un peu plus de deux, un mélange. Au moins n’aurai-je pas complètement perdu la matinée. D’autant que des pommes à petit prix, je ne peux plus en avoir au marché du Clos Saint-Marc. La vendeuse de Jumièges à qui j’ai pendant des années acheté des sacs de deux kilos à un euro soixante a disparu. Parfois, j’en prenais deux. L’autre était pour celle qui me tenait la main et les emportait dans la capitale. Peu à peu, tout s’efface.
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L’après-midi, dernier passage au Salon des Livres d’Occasion du Secours Populaire. J’y trouve Des voix sous les pierres (Les Epitaphes de Spoon River) d’Edgar Lee Masters, un livre bilingue publié chez Librairie Elisabeth Brunet/ Phébus. Que vient faire ici le nom de la bouquiniste rouennaise avec qui je suis fâché depuis des lustres ? Rien ne l’explique dans les préfaces. Sans doute a-t-elle mis des sous dans l’affaire. Peut-être y a-t-elle été associée par l’intermédiaire de Philippe Dumas qui a fait de petits portraits des défunts pour illustrer chaque poème nécrologique. Je me souviens de l’avoir vu autrefois dans la bouquinerie derrière une sélection de ses livres pour enfants, attendant le client qui se faisait rare.
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Lundi après-midi, je suis au Grand Saint Marc en train d’écrire ce qui précède quand l’un annonce « Charles Aznavour est mort ».
« Ça s’arrose », dit un deuxième. « Il avait l’âge d’y aller », dit un troisième. « Il a pris un taxi pour Tobrouk », dit un quatrième. L’endroit ne pêche pas par excès de sentimentalité.
Mon principal souvenir d’Aznavour remonte à loin. La Mamma, dont les paroles sont du père de France Gall, passait toutes les demi-heures sur Europe Numéro Un ou Radio Luxembourg et la radio était en marche toute la journée à la maison. J’avais douze ans. Cette ode à la famille, dégoulinant de pathos, m’horripilait.
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Autres morts : celles de Pascale Casanova et de René Pétillon, d’un cancer l’un et l’autre, cinquante-neuf ans, soixante-douze ans. La première dont j’ai aimé les émissions littéraires sur France Culture, le second dont j’ai aimé les dessins dans les années soixante-dix.
2 octobre 2018
Je n’ai pourtant qu’un quart d’heure d’avance ce vendredi après-midi quand j’arrive au Cent Six, scène de musiques zactuelles, mais il n’est pas question d’y entrer tout de suite m’apprennent les deux employé(e)s du bar qui fument devant la porte. Je dois donc faire le tour de toutes les barrières censées protéger le lieu d’un attentat puis, planté dans le vent froid derrière le ruban noir, attendre des vigiles le bon vouloir. Il faut vraiment avoir envie de revoir David Snug pour supporter ça, lequel est en dédicace, exposition et concert (avec son groupe Trotski Nautique).
Un homme me rejoint, accompagné d’un moutard. Au bout de trois minutes à se peler de concert, il dit à sa descendance de passer sous le ruban pour aller demander à Nathalie s’ils peuvent entrer. Celle-ci sort et lui fait signe de venir. Me voici de nouveau seul dans le vent coulis, pestant contre ces mauvaises manières. Quand même cinq minutes avant l’heure réglementaire, l’un des vigiles me fait signe d’avancer.
David Snug est assis derrière une table sur laquelle sont disposés quelques-uns de ses ouvrages vendus par celui qui est à sa droite, le libraire d’Au Grand Nulle Part. Ni l’un ni l’autre ne me disent qu’on s’est déjà vu. L’artiste est en train de dédicacer deux exemplaires de son livre 50 classiques de la pop pour un homme qui doit lui aussi connaître Nathalie, à moins que ses béquilles lui aient donné droit à une entrée spéciale pour handicapé. J’achète ça c’est mon Jean-Pion, la dernière bédé signée David Snug, publiée chez Même Pas Mal, dans laquelle il narre son passé de surveillant dans un collège.
C’est à mon tour. « Ah, c’est pas les classiques de la pop », me dit-il. « Non, la musique c’est chiant. », lui réponds-je. Sur la page de garde, il dessine son autoportrait dont une jambe est empêchée par les mentions obligatoires et donc décalée en haut de la page. Dans le phylactère avec son orthographe personnelle « la musique c’est chiant, vos mieux faire des livre pour dire de la merde sur l’education national », à quoi il ajoute « Pour Michel. Amitié profonde ».
Je le remercie puis fais le tour de son exposition venue de Nantes qui reprend en grand format certaines des planches où il dézingue les chanteurs et groupes musicaux du dernier quart du vingtième siècle (« Y avait une fille dans Téléphone ? Je me souviens plus. », déclare son Jean-Louis Aubert) puis je me hisse sur un tabouret d’où j’observe la Seine en attendant le concert gratuit de Trotski Nautique prévu à dix-neuf heures, lequel n’aura pas lieu dans la petite salle mais dans un coin pas loin du bar où est installée une scène d’occasion. S’y trouve le petit matériel du duo (guitare classique, boîte à rythmes, flûte à bec, clavier Casiotone) et, accroché au pied d’un des micros, un grand sac en plastique pendouillant, qui a dû servir au transport.
Davis Snug est assis à la guitare et au chant secondaire. Aude Lamy est debout au pipeau et au chant principal. La première chanson est de circonstance Elle a pour titre Les concerts: J’aime pas trop aller dans les concerts/ Ça pue la sueur et ça pue la bière/ Il fait trop chaud/ Et je sais jamais quoi faire de mon manteau, exactement ce que je ressentais quand je fréquentais encore la grande salle du Cent Six Pendant des heures faut rester debout/ Comme dans les trains qui t’emmènent à Dachau.
C’est une succession de chansonnettes courtes et réjouissantes entrecoupées des propos sarcastiques de David Snug, parfois un peu lourds comme le redondant « Je remercie l’organisation » ou les gentilles vacheries à destination du groupe qui donnera concert payant à vingt heures dans la grande salle. C’est parfois plus réussi :
-On est content d'être à Rouen , la ville qui brûle les femmes.
-La prochaine chanson, comme on est en province, c’est Picole.
-C’est quoi la province ? demande un moutard à son père. Il a pourtant au moins dix ans. En revanche, picoler, il sait ce que ça veut dire.
J’ai un faible pour Aude, sa tenue sage et l’air innocent avec lequel elle chante les horreurs écrites par son comparse. Je me demande ce qu’elle fait en semaine. Je la verrais bien conseillère chez Pôle Emploi.
A presque vingt heures c’est terminé sans rappel. Je suis l’un des rares à acheter le cédé Trotski Music à un euro. Et le seul à ressortir illico. D’autres doivent rester pour Tahiti 80, ce groupe local surtout connu au Japon. Derrière le cordon noir, une vingtaine de jeunes gens attendent dans le froid qu’on leur permette d’entrer dans la partie du hangar où l’on est en stabulation libre. Un vigile m’explique comment bouger les barrières pour ne pas avoir à refaire le grand tour.
*
Samedi matin, retour au Salon des Livres d’Occasion du Secours Pop. J’y trouve The Beat Generation, ouvrage de mille cent pages publié chez Flammarion, regroupant Havre des Saints de Burroughs, Œuvre croisée de Burroughs et Gysin, La Chute de l’Amérique de Ginsberg, Désert dévorant de Gysin, Le Livre des rêves de Kerouac et des annexes fort intéressantes. Ce livre a fait l’objet d’un désherbage de la Médiathèque François Truffaut du Petit-Quevilly. J’y repasse l’après-midi entre deux terrasses de café, ayant encore deux sacs de livres à donner.
Un homme me rejoint, accompagné d’un moutard. Au bout de trois minutes à se peler de concert, il dit à sa descendance de passer sous le ruban pour aller demander à Nathalie s’ils peuvent entrer. Celle-ci sort et lui fait signe de venir. Me voici de nouveau seul dans le vent coulis, pestant contre ces mauvaises manières. Quand même cinq minutes avant l’heure réglementaire, l’un des vigiles me fait signe d’avancer.
David Snug est assis derrière une table sur laquelle sont disposés quelques-uns de ses ouvrages vendus par celui qui est à sa droite, le libraire d’Au Grand Nulle Part. Ni l’un ni l’autre ne me disent qu’on s’est déjà vu. L’artiste est en train de dédicacer deux exemplaires de son livre 50 classiques de la pop pour un homme qui doit lui aussi connaître Nathalie, à moins que ses béquilles lui aient donné droit à une entrée spéciale pour handicapé. J’achète ça c’est mon Jean-Pion, la dernière bédé signée David Snug, publiée chez Même Pas Mal, dans laquelle il narre son passé de surveillant dans un collège.
C’est à mon tour. « Ah, c’est pas les classiques de la pop », me dit-il. « Non, la musique c’est chiant. », lui réponds-je. Sur la page de garde, il dessine son autoportrait dont une jambe est empêchée par les mentions obligatoires et donc décalée en haut de la page. Dans le phylactère avec son orthographe personnelle « la musique c’est chiant, vos mieux faire des livre pour dire de la merde sur l’education national », à quoi il ajoute « Pour Michel. Amitié profonde ».
Je le remercie puis fais le tour de son exposition venue de Nantes qui reprend en grand format certaines des planches où il dézingue les chanteurs et groupes musicaux du dernier quart du vingtième siècle (« Y avait une fille dans Téléphone ? Je me souviens plus. », déclare son Jean-Louis Aubert) puis je me hisse sur un tabouret d’où j’observe la Seine en attendant le concert gratuit de Trotski Nautique prévu à dix-neuf heures, lequel n’aura pas lieu dans la petite salle mais dans un coin pas loin du bar où est installée une scène d’occasion. S’y trouve le petit matériel du duo (guitare classique, boîte à rythmes, flûte à bec, clavier Casiotone) et, accroché au pied d’un des micros, un grand sac en plastique pendouillant, qui a dû servir au transport.
Davis Snug est assis à la guitare et au chant secondaire. Aude Lamy est debout au pipeau et au chant principal. La première chanson est de circonstance Elle a pour titre Les concerts: J’aime pas trop aller dans les concerts/ Ça pue la sueur et ça pue la bière/ Il fait trop chaud/ Et je sais jamais quoi faire de mon manteau, exactement ce que je ressentais quand je fréquentais encore la grande salle du Cent Six Pendant des heures faut rester debout/ Comme dans les trains qui t’emmènent à Dachau.
C’est une succession de chansonnettes courtes et réjouissantes entrecoupées des propos sarcastiques de David Snug, parfois un peu lourds comme le redondant « Je remercie l’organisation » ou les gentilles vacheries à destination du groupe qui donnera concert payant à vingt heures dans la grande salle. C’est parfois plus réussi :
-On est content d'être à Rouen , la ville qui brûle les femmes.
-La prochaine chanson, comme on est en province, c’est Picole.
-C’est quoi la province ? demande un moutard à son père. Il a pourtant au moins dix ans. En revanche, picoler, il sait ce que ça veut dire.
J’ai un faible pour Aude, sa tenue sage et l’air innocent avec lequel elle chante les horreurs écrites par son comparse. Je me demande ce qu’elle fait en semaine. Je la verrais bien conseillère chez Pôle Emploi.
A presque vingt heures c’est terminé sans rappel. Je suis l’un des rares à acheter le cédé Trotski Music à un euro. Et le seul à ressortir illico. D’autres doivent rester pour Tahiti 80, ce groupe local surtout connu au Japon. Derrière le cordon noir, une vingtaine de jeunes gens attendent dans le froid qu’on leur permette d’entrer dans la partie du hangar où l’on est en stabulation libre. Un vigile m’explique comment bouger les barrières pour ne pas avoir à refaire le grand tour.
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Samedi matin, retour au Salon des Livres d’Occasion du Secours Pop. J’y trouve The Beat Generation, ouvrage de mille cent pages publié chez Flammarion, regroupant Havre des Saints de Burroughs, Œuvre croisée de Burroughs et Gysin, La Chute de l’Amérique de Ginsberg, Désert dévorant de Gysin, Le Livre des rêves de Kerouac et des annexes fort intéressantes. Ce livre a fait l’objet d’un désherbage de la Médiathèque François Truffaut du Petit-Quevilly. J’y repasse l’après-midi entre deux terrasses de café, ayant encore deux sacs de livres à donner.
1er octobre 2018
Voici le temps revenu de la vente de livres d’occasion du Secours Populaire à la Halle aux Toiles (et de vinyles, cédés et dévédés), désormais qualifiée de salon, je suis devant la porte avant l’heure ce vendredi matin, mais pas le premier bien sûr. Il y a déjà là trois concurrents qui causent entre eux, un sympathique, un antipathique et un neutre. Je dis bonjour de loin au premier puis discute avec un amateur de vinyles jusqu’à ce qu’il soit dix heures exactement et que le feu vert soit donné.
Un gros effort de classement permet de circuler avec efficacité de table en table. Je trouve d’abord Lettres à André Bosmans (1958-1967) de René Magritte (Seghers/Isy Brachot), un exemplaire ayant appartenu à la Bibliothèque Municipale de Saint-Etienne-du-Rouvray et « mis au pilon », puis Histoire de l’affranchie de Léo Barthe (Climats), le troisième tome du roman érotique De la vie d’une chienne que je cherchais depuis longtemps, L’Erotique des lunettes de Franck Evrard (Imago), lui aussi « mis au pilon » à Saint-Etienne-du-Rouvray, Primo Levi (le passage d’un témoin) de Philippe Mesnard (Fayard) et le mince et curieux recueil de poésie Ne touchez pas à Fabre de Jean-Daniel Fabre (L’Herne).
-Il est à deux euros comme les autres ? demandé-je à l’un des responsables du Secours Pop.
-Vous êtes un client fidèle, alors ce sera un euro, me répond-il
Je le remercie et lui indique que je repasserai dans l’après-midi avec deux sacs de livres à donner.
*
Un autre livre m’attend dans la boîte à lettres, que je me suis offert avec mes super points Rakuten : Petit Paul, bande dessinée de Bastien Vivès, le premier livre de la collection Pop & Porn des Editions Glénat, dénoncé comme ouvrage pédo-pornographique par quelques milliers d’adeptes de la pétition en ligne. Illico le réseau des librairies Cultura l’a retiré de ses rayonnages (ce qui n’est pas étonnant), de même que les librairies Gibert (ce qui est désolant).
Il y eut l’époque des éditeurs debout contre la censure, Jean-Jacques Pauvert, Régine Desforges, Eric Losfeld, allant de condamnation judiciaire en condamnation judiciaire puis réussissant à soulever la chape de plomb. Elle est retombée. C’est désormais l’époque des libraires couchés.
Un gros effort de classement permet de circuler avec efficacité de table en table. Je trouve d’abord Lettres à André Bosmans (1958-1967) de René Magritte (Seghers/Isy Brachot), un exemplaire ayant appartenu à la Bibliothèque Municipale de Saint-Etienne-du-Rouvray et « mis au pilon », puis Histoire de l’affranchie de Léo Barthe (Climats), le troisième tome du roman érotique De la vie d’une chienne que je cherchais depuis longtemps, L’Erotique des lunettes de Franck Evrard (Imago), lui aussi « mis au pilon » à Saint-Etienne-du-Rouvray, Primo Levi (le passage d’un témoin) de Philippe Mesnard (Fayard) et le mince et curieux recueil de poésie Ne touchez pas à Fabre de Jean-Daniel Fabre (L’Herne).
-Il est à deux euros comme les autres ? demandé-je à l’un des responsables du Secours Pop.
-Vous êtes un client fidèle, alors ce sera un euro, me répond-il
Je le remercie et lui indique que je repasserai dans l’après-midi avec deux sacs de livres à donner.
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Un autre livre m’attend dans la boîte à lettres, que je me suis offert avec mes super points Rakuten : Petit Paul, bande dessinée de Bastien Vivès, le premier livre de la collection Pop & Porn des Editions Glénat, dénoncé comme ouvrage pédo-pornographique par quelques milliers d’adeptes de la pétition en ligne. Illico le réseau des librairies Cultura l’a retiré de ses rayonnages (ce qui n’est pas étonnant), de même que les librairies Gibert (ce qui est désolant).
Il y eut l’époque des éditeurs debout contre la censure, Jean-Jacques Pauvert, Régine Desforges, Eric Losfeld, allant de condamnation judiciaire en condamnation judiciaire puis réussissant à soulever la chape de plomb. Elle est retombée. C’est désormais l’époque des libraires couchés.
28 septembre 2018
Lu à diverses terrasses de café et avec grand plaisir, mon exemplaire des Carnets (Paris, 1985-1987) de Kazimierz Brandys publié chez Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-dix, que j’ai payé un euro à La Petite Rockette, a appartenu à quelqu’un qui a collé à l’intérieur de la couverture un court article de journal en allemand relatant la biographie de l’auteur, écrivain juif polonais exilé, né le vingt-sept octobre mil neuf cent seize à Łódź et mort à Nanterre le onze mars deux mille.
J’en ai tiré ceci :
Des jeunes gens en short sortaient du magasin, portant des sacs de provisions qu’ils rangeaient dans les coffres de leurs voitures. C’étaient principalement des physiciens et des mathématiciens des centres de recherche et des laboratoires de Bures, de Gif et d’Orsay. En les regardant, je les enviais parce qu’ils n’étaient ni écrivains ni polonais.
-
Dans les journaux intimes, une sincérité trop poussée n’est pas recommandée. Autobiographie, journal, correspondance m’intéressent non parce que j’apprends quel homme fut leur auteur, mais quel homme il avait décidé d’être.
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Après la mort de Witold W., j’ai écrit dans une lettre à son fils : « Notre petit monde rétrécit, il s’appauvrit. L’idée que vous autres allez le continuer est une consolation. »
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas du tout une consolation.
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Vers la fin des années cinquante, une jeune débutante littéraire écrivit une nouvelle intitulée Le Diable. L’histoire était un souvenir de son enfance. Elle avait neuf ans quand les détachements de l’Armée rouge entrent dans sa petite ville de province. Les soldats l’aimaient bien et elle aimait observer leurs occupations. L’un d’eux, un grand Russe robuste, coupait le bois de chauffage dans un coin de la cour et l’amusait en lui racontant des histoires dans lesquelles apparaissait toujours le diable. –Et qu’est-ce que c’est que le diable ? –lui demande-t-elle un jour. Le soldat ouvrit sa braguette et en sortit l’important attribut de sa virilité. –Voilà le diable –dit-il.
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A la question posée par un journaliste : qui j’aurais voulu être si je n’étais pas écrivain, j’avais répondu jadis sans hésiter : une chanteuse de variétés, et mourir à l’âge de quarante ans d’une crise cardiaque. A présent, je me demande si une vie de chauffeur de car sur le trajet Gisors-Giverny ne m’aurait pas mieux convenu, une existence de pendule, silencieuse et pourtant pas solitaire.
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La semaine dernière I. est venue à Paris, jadis si merveilleuse, aujourd’hui desséchée comme un arbre malade, septuagénaire, il m’a fallu une heure pour retrouver en elle son contour ancien de jeune animal superbe.
-
Il ne faut pas oublier la Régence et le règne de Louis XV. Dans les villes, les agents de la police royale enlevaient dans la rue des enfants fournis à Versailles comme une marchandise (le roi séquestrait dans une pièce contiguë à sa chambre une fillette de neuf ans complètement isolée du monde ; à l’âge de treize ans, elle s’est trouvée enceinte).
-
Nous nous imaginons que la vieillesse est notre secret personnel et nous restons bouche bée en apprenant que c’est un secret de polichinelle.
*
Cité par Kazimierz Brandys, Marc Aurèle dans une lettre à un ami :
Je souffre d’un refroidissement. Mais je ne sais si c’est parce que, malgré la fraîcheur, je suis sorti en sandales, ou parce que j’ai écrit une mauvaise page.
J’en ai tiré ceci :
Des jeunes gens en short sortaient du magasin, portant des sacs de provisions qu’ils rangeaient dans les coffres de leurs voitures. C’étaient principalement des physiciens et des mathématiciens des centres de recherche et des laboratoires de Bures, de Gif et d’Orsay. En les regardant, je les enviais parce qu’ils n’étaient ni écrivains ni polonais.
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Dans les journaux intimes, une sincérité trop poussée n’est pas recommandée. Autobiographie, journal, correspondance m’intéressent non parce que j’apprends quel homme fut leur auteur, mais quel homme il avait décidé d’être.
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Après la mort de Witold W., j’ai écrit dans une lettre à son fils : « Notre petit monde rétrécit, il s’appauvrit. L’idée que vous autres allez le continuer est une consolation. »
Ce n’est pas vrai, ce n’est pas du tout une consolation.
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Vers la fin des années cinquante, une jeune débutante littéraire écrivit une nouvelle intitulée Le Diable. L’histoire était un souvenir de son enfance. Elle avait neuf ans quand les détachements de l’Armée rouge entrent dans sa petite ville de province. Les soldats l’aimaient bien et elle aimait observer leurs occupations. L’un d’eux, un grand Russe robuste, coupait le bois de chauffage dans un coin de la cour et l’amusait en lui racontant des histoires dans lesquelles apparaissait toujours le diable. –Et qu’est-ce que c’est que le diable ? –lui demande-t-elle un jour. Le soldat ouvrit sa braguette et en sortit l’important attribut de sa virilité. –Voilà le diable –dit-il.
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A la question posée par un journaliste : qui j’aurais voulu être si je n’étais pas écrivain, j’avais répondu jadis sans hésiter : une chanteuse de variétés, et mourir à l’âge de quarante ans d’une crise cardiaque. A présent, je me demande si une vie de chauffeur de car sur le trajet Gisors-Giverny ne m’aurait pas mieux convenu, une existence de pendule, silencieuse et pourtant pas solitaire.
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La semaine dernière I. est venue à Paris, jadis si merveilleuse, aujourd’hui desséchée comme un arbre malade, septuagénaire, il m’a fallu une heure pour retrouver en elle son contour ancien de jeune animal superbe.
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Il ne faut pas oublier la Régence et le règne de Louis XV. Dans les villes, les agents de la police royale enlevaient dans la rue des enfants fournis à Versailles comme une marchandise (le roi séquestrait dans une pièce contiguë à sa chambre une fillette de neuf ans complètement isolée du monde ; à l’âge de treize ans, elle s’est trouvée enceinte).
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Nous nous imaginons que la vieillesse est notre secret personnel et nous restons bouche bée en apprenant que c’est un secret de polichinelle.
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Cité par Kazimierz Brandys, Marc Aurèle dans une lettre à un ami :
Je souffre d’un refroidissement. Mais je ne sais si c’est parce que, malgré la fraîcheur, je suis sorti en sandales, ou parce que j’ai écrit une mauvaise page.
27 septembre 2018
Ce mercredi, le sept heures cinquante-neuf fonce dans le brouillard avant de ralentir sous le soleil à l’approche de la capitale. A mon arrivée chez Book-Off, rue du Faubourg Saint Antoine, je suis désorienté, la boutique a été réaménagée,
-Vous avez dû en baver, dit l’une des employées n’ayant pas participé à l’opération à l’une de ses collègues.
-Oui, avec les bibliothèques pas toutes de la même taille, ça a été chaud.
-Et quel est le but de la manœuvre ? lui demandé-je.
-Si vous pouvez nous le dire, me répond cette insolente avant de m’expliquer qu’il s’agit de rapprocher la littérature grand format de la littérature en poche, et même chose pour les autres catégories.
J’en ressors avec Pluie rouge, l’autobiographie de Cees Nooteboom (Actes Sud), payée un euro.
A midi, je déjeune au Rallye, le Péhemmu chinois voisin, de mon habituel menu. A ma droite, un déjà vu trio de femmes collègues qui débinent un supérieur hiérarchique. A ma gauche, père et fils, dont le second ressemble tant au premier que je suspecte un clonage.
-Y a le maire qui est venu inaugurer la place en bas de chez moi, la place Jean-Moulin.
-Tu y es allé ? demande le géniteur.
-Oh bah non, j’y ai pensé et puis je suis resté à la fenêtre. Y avait du monde hein. Et pas que des vieux.
A treize heures, je suis assis sur l’un des bancs jouxtant la statue de Beaumarchais, rue Saint-Antoine, et vois arriver celle qui travaille à proximité. Nous remontons la rue jusqu’à trouver une terrasse au soleil. Tout en évoquant les derniers épisodes de nos vies respectives, nous y buvons des cafés à trois euros en mangeant quelques pâtes d’amande.
Quand elle doit retourner au labeur, je rejoins en métro le jardin du Palais Royal afin de jouir de la belle après-midi d’automne. J’y ai une paix royale pour lire quelques Fables de La Fontaine sur l’une des chaises vertes près du bassin à sec.
Dans le second Book-Off, tout est resté à la même place. J’en ressors avec La traversée des fleuves l’autobiographie de Georges-Arthur Goldschmidt (Seuil), payée un euro.
La bétaillère de dix-sept heures quarante-huit est là mais il est interdit d’y monter. La Senecefe craint un problème de freinage. Des employés l’inspectent. Enfin le feu vert est donné. « Mesdames et messieurs, notre train circulera », annonce triomphalement la cheffe de bord. Il part avec vingt-quatre minutes de retard environ. Dans le ciel bleu, entre Mantes et Vernon, une montgolfière à rayures rouges et blanches va tranquillement son chemin.
*
Autre message de la cheffe de bord du train de retour à Rouen : « Mesdames et messieurs, des pickpockets agissent actuellement à bord de nos trains, vous êtes invités à prendre garde à vos effets personnels. »
*
Cette fois c’est sûr, vu le retour au pays natal, la rue Manuel-Valls est définitivement redevenue la rue Keller.
*
La veille, cafés au Son du Cor avec la plus rohmerienne des Rouennaises. Elle me raconte son mariage puis nous évoquons nos familles respectives.
Son défaut : tirer sa carte bancaire plus vite que son ombre.
-Vous avez dû en baver, dit l’une des employées n’ayant pas participé à l’opération à l’une de ses collègues.
-Oui, avec les bibliothèques pas toutes de la même taille, ça a été chaud.
-Et quel est le but de la manœuvre ? lui demandé-je.
-Si vous pouvez nous le dire, me répond cette insolente avant de m’expliquer qu’il s’agit de rapprocher la littérature grand format de la littérature en poche, et même chose pour les autres catégories.
J’en ressors avec Pluie rouge, l’autobiographie de Cees Nooteboom (Actes Sud), payée un euro.
A midi, je déjeune au Rallye, le Péhemmu chinois voisin, de mon habituel menu. A ma droite, un déjà vu trio de femmes collègues qui débinent un supérieur hiérarchique. A ma gauche, père et fils, dont le second ressemble tant au premier que je suspecte un clonage.
-Y a le maire qui est venu inaugurer la place en bas de chez moi, la place Jean-Moulin.
-Tu y es allé ? demande le géniteur.
-Oh bah non, j’y ai pensé et puis je suis resté à la fenêtre. Y avait du monde hein. Et pas que des vieux.
A treize heures, je suis assis sur l’un des bancs jouxtant la statue de Beaumarchais, rue Saint-Antoine, et vois arriver celle qui travaille à proximité. Nous remontons la rue jusqu’à trouver une terrasse au soleil. Tout en évoquant les derniers épisodes de nos vies respectives, nous y buvons des cafés à trois euros en mangeant quelques pâtes d’amande.
Quand elle doit retourner au labeur, je rejoins en métro le jardin du Palais Royal afin de jouir de la belle après-midi d’automne. J’y ai une paix royale pour lire quelques Fables de La Fontaine sur l’une des chaises vertes près du bassin à sec.
Dans le second Book-Off, tout est resté à la même place. J’en ressors avec La traversée des fleuves l’autobiographie de Georges-Arthur Goldschmidt (Seuil), payée un euro.
La bétaillère de dix-sept heures quarante-huit est là mais il est interdit d’y monter. La Senecefe craint un problème de freinage. Des employés l’inspectent. Enfin le feu vert est donné. « Mesdames et messieurs, notre train circulera », annonce triomphalement la cheffe de bord. Il part avec vingt-quatre minutes de retard environ. Dans le ciel bleu, entre Mantes et Vernon, une montgolfière à rayures rouges et blanches va tranquillement son chemin.
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Autre message de la cheffe de bord du train de retour à Rouen : « Mesdames et messieurs, des pickpockets agissent actuellement à bord de nos trains, vous êtes invités à prendre garde à vos effets personnels. »
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Cette fois c’est sûr, vu le retour au pays natal, la rue Manuel-Valls est définitivement redevenue la rue Keller.
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La veille, cafés au Son du Cor avec la plus rohmerienne des Rouennaises. Elle me raconte son mariage puis nous évoquons nos familles respectives.
Son défaut : tirer sa carte bancaire plus vite que son ombre.
25 septembre 2018
Retour d’un ciel à peu près bleu ce lundi, me voici dehors dès dix heures. Comme chaque semaine, je tente de vendre des livres aux Mondes Magiques, la seule bouquinerie ouverte le matin du premier jour de la semaine. Trois sont acceptés et cinq refusés.
Après avoir déjeuné, je vais m’asseoir à la terrasse ensoleillée du Sacre. J’y lis Ermite à Paris (Pages autobiographiques) d’Italo Calvino pendant deux heures.
A peine rentré, je ressors avec mon ordinateur, direction Le Grand Saint Marc. Pendant une heure et demie, j’y prends en note mes passages choisis dans trois lectures récentes : Carnets (Paris, 1985-1987) de Kazimierz Brandys, Une très légère oscillation (Journal 2014-2017) de Sylvain Tesson et Victor Hugo en voyage de Krishnâ Renou.
Au retour, le soleil donne encore sur le banc du jardin. Je m’installe pour lire Truman Capote de Gerald Clarke guettant l’ombre qui gagne et me chassera. Elle est presque là quand sort une jeune femme amie d’une voisine.
-J’ai un livre pour vous, me dit-elle en me tendant un petit ouvrage à la couverture marron,
J’en regarde le dos pour connaître le titre. C’est La Sainte Bible.
-Je vous remercie mais je ne crois pas, lui dis-je en le lui rendant.
-Vous l’avez déjà lu ? me demande-t-elle.
-Non, mais on a déjà essayé de me le faire lire et c’est inutile.
*
La question préférée de Guillaume Erner dans Les Matins de France Culture : « Pourquoi ? ».
Après avoir déjeuné, je vais m’asseoir à la terrasse ensoleillée du Sacre. J’y lis Ermite à Paris (Pages autobiographiques) d’Italo Calvino pendant deux heures.
A peine rentré, je ressors avec mon ordinateur, direction Le Grand Saint Marc. Pendant une heure et demie, j’y prends en note mes passages choisis dans trois lectures récentes : Carnets (Paris, 1985-1987) de Kazimierz Brandys, Une très légère oscillation (Journal 2014-2017) de Sylvain Tesson et Victor Hugo en voyage de Krishnâ Renou.
Au retour, le soleil donne encore sur le banc du jardin. Je m’installe pour lire Truman Capote de Gerald Clarke guettant l’ombre qui gagne et me chassera. Elle est presque là quand sort une jeune femme amie d’une voisine.
-J’ai un livre pour vous, me dit-elle en me tendant un petit ouvrage à la couverture marron,
J’en regarde le dos pour connaître le titre. C’est La Sainte Bible.
-Je vous remercie mais je ne crois pas, lui dis-je en le lui rendant.
-Vous l’avez déjà lu ? me demande-t-elle.
-Non, mais on a déjà essayé de me le faire lire et c’est inutile.
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La question préférée de Guillaume Erner dans Les Matins de France Culture : « Pourquoi ? ».
24 septembre 2018
De la pluie dès le matin ce dimanche, c’est fichu pour le vide grenier rouennais de l’île Lacroix. Cela n’est pas une surprise, la météo l’avait annoncée (comme on dit). Ce pourquoi j’ai fait hier les courses me permettant de ne pas mettre le pied dehors aujourd’hui. Cette claustration forcée me rend morose. Très rares sont les jours où je ne sors pas de chez moi et ce n’est jamais par choix. Non que j’aie quelque chose à faire à l’extérieur, mais je me sens encore moins vivant dedans que dehors. Ça n’a pas l’air d’être le cas pour beaucoup. Dans mon voisinage, nombreux sont ceux qui ne sortent presque pas. Beaucoup sont des jeunes. Je ne sais pas comment ils font.
Une tempête ou, à tout le moins, un fort coup de vent doit mettre un peu d’animation dans l’après midi, dit encore la météo. Il n’en est rien. C’est le calme plat jusqu’à l’heure de se mettre au lit Vivement lundi.
*
« Jean-Marc Reiser, dit Reiser, né le 13 avril 1941 à Réhon en Meurthe-et-Moselle, mort le 5 novembre 1983 à Paris, est un dessinateur de presse et auteur de bande dessinée français connu pour ses planches à l'humour féroce. », résume Ouiquipédia. Depuis quelques jours si l’on tape son nom sur Gougueule, les résultats concernent l’autre, violeur récidiviste et sans doute assassin. Quelle plaie d’avoir un homonyme.
*
« On ne peut pas manger huit heures par jour, ni boire huit heures par jour, ni faire l'amour huit heures par jour - tout ce que vous pouvez faire pendant huit heures, c'est travailler. Ce qui est la raison pour laquelle l'homme se rend et rend tout le monde misérable et malheureux. » (William Faulkner, dans un entretien pour Paris Review en mil neuf cent cinquante-six)
Une tempête ou, à tout le moins, un fort coup de vent doit mettre un peu d’animation dans l’après midi, dit encore la météo. Il n’en est rien. C’est le calme plat jusqu’à l’heure de se mettre au lit Vivement lundi.
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« Jean-Marc Reiser, dit Reiser, né le 13 avril 1941 à Réhon en Meurthe-et-Moselle, mort le 5 novembre 1983 à Paris, est un dessinateur de presse et auteur de bande dessinée français connu pour ses planches à l'humour féroce. », résume Ouiquipédia. Depuis quelques jours si l’on tape son nom sur Gougueule, les résultats concernent l’autre, violeur récidiviste et sans doute assassin. Quelle plaie d’avoir un homonyme.
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« On ne peut pas manger huit heures par jour, ni boire huit heures par jour, ni faire l'amour huit heures par jour - tout ce que vous pouvez faire pendant huit heures, c'est travailler. Ce qui est la raison pour laquelle l'homme se rend et rend tout le monde misérable et malheureux. » (William Faulkner, dans un entretien pour Paris Review en mil neuf cent cinquante-six)
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