Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 octobre 2018
Mon rhume s’est atténué, mais a pris la suite une toux des plus fatigantes qui m’empêcherait d’aller à un concert à l’Opéra de Rouen si j’en étais encore le client. Déjà, je m’énerve moi-même du bruit que je fais en expectorant dans le train de sept heures cinquante-six ce mercredi. Ce train est le même que celui de sept heures cinquante-neuf, mais partant désormais trois minutes plus tôt pour arriver à la même heure à Paris.
Pour raison de vacances scolaires, j’y côtoie un père divorcé, ses deux enfants et sa mère (tu aimes une fille, tu fais couple avec elle, vous avez un garçon et une fille et quelques années plus tard, c’est ta mère qui occupe la place de ta femme). Au moins, ces moutards sont vivants sans être fatigants. Je lis Delirium (Autoportrait), l’autobiographie de Philippe Druillet (Les Arènes), très mal écrite avec l’aide de David Alliot. L’auteur des bédés que je lisais dans les années soixante-dix ne cesse de se vanter.
-Alors on va faire un tour à Paris, m’a dit avant le départ un bouquiniste semi officiel de ma connaissance qui est quelque part dans le même train.
Ce tour commence au Book-Off de Ledru-Rollin où je charge mon sac de livres à un euro dont Ma vie (Esquisse de quelques souvenirs) de Lou Andreas-Salomé (Quadrige Puf) trouvé au rayon Témoignages et Souvenirs d’un Parisien de François Coppée (Les Introuvables) trouvé au rayon Voyages.
Après un repas d’habitude au Péhemmu chinois, je rejoins pédestrement le Rivolux. Celle avec qui j’ai rendez-vous vient d’arriver quand j’entre. Nous nous installons dans le fond à la table ronde et parlons de choses et d’autres jusqu’à ce qu’il soit l’heure pour elle de reprendre le labeur.
-Tu n’as pas beaucoup toussé, constate-t-elle.
C’est vrai. Paris doit m’être un remède, et elle aussi.
*
Montant à l’étage de l’autre Book-Off, je ne suis pas surpris d’y trouver l’un à qui je peux dire « Rebonjour ».
*
Une femme et un homme, aussi vieux l’une que l’autre, au café A la Ville d’Argentan. Elle l’écoute dire une tirade du Misanthrope, dont elle suit le texte sur un ancien petit classique Larousse, le corrigeant à l’occasion. Sans doute sont-ce deux profs de lettres depuis longtemps à la retraite, vivant dans un univers parallèle.
-Tous ces mots en « tion », ils ont une diphtongue à la fin, lui dit-elle.
-Il faut que l’on trouve un Philinte, lui dit-il.
Quand ils partent, elle et lui paient leur café séparément.
Pour raison de vacances scolaires, j’y côtoie un père divorcé, ses deux enfants et sa mère (tu aimes une fille, tu fais couple avec elle, vous avez un garçon et une fille et quelques années plus tard, c’est ta mère qui occupe la place de ta femme). Au moins, ces moutards sont vivants sans être fatigants. Je lis Delirium (Autoportrait), l’autobiographie de Philippe Druillet (Les Arènes), très mal écrite avec l’aide de David Alliot. L’auteur des bédés que je lisais dans les années soixante-dix ne cesse de se vanter.
-Alors on va faire un tour à Paris, m’a dit avant le départ un bouquiniste semi officiel de ma connaissance qui est quelque part dans le même train.
Ce tour commence au Book-Off de Ledru-Rollin où je charge mon sac de livres à un euro dont Ma vie (Esquisse de quelques souvenirs) de Lou Andreas-Salomé (Quadrige Puf) trouvé au rayon Témoignages et Souvenirs d’un Parisien de François Coppée (Les Introuvables) trouvé au rayon Voyages.
Après un repas d’habitude au Péhemmu chinois, je rejoins pédestrement le Rivolux. Celle avec qui j’ai rendez-vous vient d’arriver quand j’entre. Nous nous installons dans le fond à la table ronde et parlons de choses et d’autres jusqu’à ce qu’il soit l’heure pour elle de reprendre le labeur.
-Tu n’as pas beaucoup toussé, constate-t-elle.
C’est vrai. Paris doit m’être un remède, et elle aussi.
*
Montant à l’étage de l’autre Book-Off, je ne suis pas surpris d’y trouver l’un à qui je peux dire « Rebonjour ».
*
Une femme et un homme, aussi vieux l’une que l’autre, au café A la Ville d’Argentan. Elle l’écoute dire une tirade du Misanthrope, dont elle suit le texte sur un ancien petit classique Larousse, le corrigeant à l’occasion. Sans doute sont-ce deux profs de lettres depuis longtemps à la retraite, vivant dans un univers parallèle.
-Tous ces mots en « tion », ils ont une diphtongue à la fin, lui dit-elle.
-Il faut que l’on trouve un Philinte, lui dit-il.
Quand ils partent, elle et lui paient leur café séparément.
25 octobre 2018
Publié une première fois chez Champ Libre dans une traduction de Michel Pétris et Kenneth White, j’ai lu Des voix sous les pierres (Les Epitaphes de Spoon River) d’Edgar Lee Masters dans l’édition bilingue qu’en ont faite en l’an deux mille la Librairie Elisabeth Brunet et Phébus (traduction de Patrick Reumaux, illustrations de Philippe Dumas).
Edgar Lee Masters est né en mil huit cent soixante-huit et fut élevé dans l’Ouest à l’époque des dernières guerres indiennes. Grand lecteur d’Ovide et d’Anacréon, il publia Des voix sous les pierres en mil neuf cent quinze. Dans ce recueil de poèmes se racontent les deux cent quarante-quatre occupants des tombes du cimetière de Spoon River. Le succès de ce livre le conduisit à abandonner son métier d’avocat. Il s’installa en mil neuf cent vingt au Chelsea Hotel avec Ellen Coyne, de trente ans moins âgée que lui, et passa tout son temps à écrire des textes édités sans succès. Quand il tomba malade en mil neuf cent quarante-deux, sa femme l’installa dans une maison de retraite à Melrose Park près de l’université où elle enseignait. Il mourut en mil neuf cent cinquante.
A titre d’exemple, trois des deux cent quarante-quatre :
Margaret Fuller Slack
J’aurais pu être aussi célèbre que George Eliot
Mais le sort en a décidé autrement.
Regardez ma photo prise par Penniwit :
Le menton dans la main, le regard pénétrant de ces yeux gris qui voyaient loin.
Mais il y avait le vieux, vieux problème :
Rester célibataire, se marier, s’envoyer en l’air ?
Alors John Slack, le riche pharmacien, m’a fait la cour,
Jurant que j’aurais tout loisir d’écrire mon roman,
Et je l’ai épousé ; mes huit enfants
Ne m’ont pas laissé le temps d’écrire.
De toute façon, tout s’est terminé pour moi
Le jour où je me suis percé la main d’une aiguille
En lavant les couches du bébé : ce jour où le tétanos
M’a fait serrer les dents –ironie de la mort !
Ames ambitieuses, écoutez-moi,
Le sexe est la malédiction de la vie.
En fermant les troquets, en interdisant les tripots,
En traînant la vieille Daisy Fraser devant le juge Arnett
Dans mes croisades pour laver les gens du péché,
Pourquoi laissez-vous Dora, la fille de la modiste,
Et le fils de Benjamin Panter, cette canaille,
Faire la nuit de ma tombe leur couche sacrilège ?
Mabel Osborne
Tes fleurs rouges au milieu des feuilles vertes
Se fanent, beau géranium,
Mais tu ne réclames pas d’eau.
Tu ne sais pas parler. Tu n’en as pas besoin,
Tout le monde sait que tu meurs de soif,
Mais personne ne t’arrose.
Tous passent leur chemin, disant :
« Le géranium a besoin d’eau. »
Et moi qui avais du bonheur à revendre
Et qui désirais tant partager ton bonheur,
Moi qui t’aimais, Spoon River, et qui me languissais de ton amour,
Je me suis fanée sous tes yeux, Spoon River,
Mourant, mourant de soif,
Mais la pudeur d’âme m’empêchait de te réclamer de l’amour,
A toi qui savais et qui m’as vue mourir devant toi :
Comme ce géranium que quelqu'un a planté sur moi
Et laissé crever.
*
D’autres traductions ont paru depuis : par le Général Instin chez Othello en deux mille seize sous le titre Spoon River : Catalogue des chansons de la rivière et par Gaëlle Merle chez Allia en deux mille seize sous le titre Spoon River.
Edgar Lee Masters est né en mil huit cent soixante-huit et fut élevé dans l’Ouest à l’époque des dernières guerres indiennes. Grand lecteur d’Ovide et d’Anacréon, il publia Des voix sous les pierres en mil neuf cent quinze. Dans ce recueil de poèmes se racontent les deux cent quarante-quatre occupants des tombes du cimetière de Spoon River. Le succès de ce livre le conduisit à abandonner son métier d’avocat. Il s’installa en mil neuf cent vingt au Chelsea Hotel avec Ellen Coyne, de trente ans moins âgée que lui, et passa tout son temps à écrire des textes édités sans succès. Quand il tomba malade en mil neuf cent quarante-deux, sa femme l’installa dans une maison de retraite à Melrose Park près de l’université où elle enseignait. Il mourut en mil neuf cent cinquante.
A titre d’exemple, trois des deux cent quarante-quatre :
Margaret Fuller Slack
J’aurais pu être aussi célèbre que George Eliot
Mais le sort en a décidé autrement.
Regardez ma photo prise par Penniwit :
Le menton dans la main, le regard pénétrant de ces yeux gris qui voyaient loin.
Mais il y avait le vieux, vieux problème :
Rester célibataire, se marier, s’envoyer en l’air ?
Alors John Slack, le riche pharmacien, m’a fait la cour,
Jurant que j’aurais tout loisir d’écrire mon roman,
Et je l’ai épousé ; mes huit enfants
Ne m’ont pas laissé le temps d’écrire.
De toute façon, tout s’est terminé pour moi
Le jour où je me suis percé la main d’une aiguille
En lavant les couches du bébé : ce jour où le tétanos
M’a fait serrer les dents –ironie de la mort !
Ames ambitieuses, écoutez-moi,
Le sexe est la malédiction de la vie.
- D. Blood
En fermant les troquets, en interdisant les tripots,
En traînant la vieille Daisy Fraser devant le juge Arnett
Dans mes croisades pour laver les gens du péché,
Pourquoi laissez-vous Dora, la fille de la modiste,
Et le fils de Benjamin Panter, cette canaille,
Faire la nuit de ma tombe leur couche sacrilège ?
Mabel Osborne
Tes fleurs rouges au milieu des feuilles vertes
Se fanent, beau géranium,
Mais tu ne réclames pas d’eau.
Tu ne sais pas parler. Tu n’en as pas besoin,
Tout le monde sait que tu meurs de soif,
Mais personne ne t’arrose.
Tous passent leur chemin, disant :
« Le géranium a besoin d’eau. »
Et moi qui avais du bonheur à revendre
Et qui désirais tant partager ton bonheur,
Moi qui t’aimais, Spoon River, et qui me languissais de ton amour,
Je me suis fanée sous tes yeux, Spoon River,
Mourant, mourant de soif,
Mais la pudeur d’âme m’empêchait de te réclamer de l’amour,
A toi qui savais et qui m’as vue mourir devant toi :
Comme ce géranium que quelqu'un a planté sur moi
Et laissé crever.
*
D’autres traductions ont paru depuis : par le Général Instin chez Othello en deux mille seize sous le titre Spoon River : Catalogue des chansons de la rivière et par Gaëlle Merle chez Allia en deux mille seize sous le titre Spoon River.
23 octobre 2018
Enfin, suite à l’agression filmée dont a été victime une professeure de la part d’un élève armé pour qu’elle le note présent en cours, la parole est aux enseignants. Sous le couvert de l’anonymat, les profs des collèges et lycées racontent ce qu’ils subissent et dénoncent l’habitude de la hiérarchie d’étouffer la réalité des faits.
En réponse, Blanquer, la prétendue réussite ministérielle du gouvernement, demande l’interdiction des téléphones permettant de filmer de telles scènes. Comme le dit une amie du réseau social Effe Bé, elle-même enseignante : « Quand une arme menace l’enseignant, l’imbécile regarde le portable ».
Il faut dire qu’autrefois Jean-Michel Blanquer a été Recteur de l’Académie de Créteil, où il n’a rien fait pour soutenir les profs victimes de violences scolaires, comme le raconte un article du HuffPost.
*
Devant la Cathédrale, une guide de l’Office de Tourisme voulant éblouir son troupeau : « Ici, il y a plus de deux mille ans d’histoire. »
Ben oui, comme partout.
*
Une fille avec un souite sur lequel est écrit en capitales : « Girls bite back ».
Une autre avec : « Kiss me, I’am not a vampire ».
*
Le mendiant : « Excuse-moi, mon chef, est-ce que tu peux aider le mec que sa chienne elle est malade ? »
*
Les grands-parents au restaurant avec le petit-fils de trois quatre ans, se jalousant :
-Tu veux t’asseoir à côté de qui ?
Puis à la serveuse :
-Vous avez des frites bien sûr, c’est obligatoire.
*
« Putain le fromage, c’est la vie quand même ! » (le cri du cœur d’une jeune femme)
En réponse, Blanquer, la prétendue réussite ministérielle du gouvernement, demande l’interdiction des téléphones permettant de filmer de telles scènes. Comme le dit une amie du réseau social Effe Bé, elle-même enseignante : « Quand une arme menace l’enseignant, l’imbécile regarde le portable ».
Il faut dire qu’autrefois Jean-Michel Blanquer a été Recteur de l’Académie de Créteil, où il n’a rien fait pour soutenir les profs victimes de violences scolaires, comme le raconte un article du HuffPost.
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Devant la Cathédrale, une guide de l’Office de Tourisme voulant éblouir son troupeau : « Ici, il y a plus de deux mille ans d’histoire. »
Ben oui, comme partout.
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Une fille avec un souite sur lequel est écrit en capitales : « Girls bite back ».
Une autre avec : « Kiss me, I’am not a vampire ».
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Le mendiant : « Excuse-moi, mon chef, est-ce que tu peux aider le mec que sa chienne elle est malade ? »
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Les grands-parents au restaurant avec le petit-fils de trois quatre ans, se jalousant :
-Tu veux t’asseoir à côté de qui ?
Puis à la serveuse :
-Vous avez des frites bien sûr, c’est obligatoire.
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« Putain le fromage, c’est la vie quand même ! » (le cri du cœur d’une jeune femme)
22 octobre 2018
D’où vient que vendredi à midi on soit en bonne forme et que deux heures plus tard on soit monstrueusement enrhumé ? C’est la question que je peux me poser le mouchoir à la main en terrasse au Son du Cor. Y a-t-il un responsable ? Qui m’inflige ce rhume qui m’afflige ?
C’est pire samedi. Mes éternuements ressemblent à des explosions. Mon nez coule comme fontaine. Autrefois, je courais acheter Actifed qui stoppait ces effets répugnants. Depuis que je sais que ce médicament (et ses semblables, vendus sans ordonnance dans toutes les pharmacies) peut causer une crise cardiaque, je m’en passe et fais mienne cette maxime médicale : « Un rhume que l’on soigne dure un semaine et un rhume que l’on ne soigne pas dure sept jours ». Que la médecine ait baissé les bras face à cette maladie me consterne.
Ça ne va pas mieux dimanche matin. Je renonce à mon projet de passer ce nouveau jour bleu à Dieppe et me traîne au marché du Clos pour assurer ma subsistance. Je fais quand même le détour par la brocanteuse qui vend aussi des livres et y trouve, pour deux euros, le tome un de Lettres à Felice de Franz Kafka (Gallimard). Elle ne s’étonne pas de mon parler du nez mais de mes mains bronzées. « Vous rentrez de vacances ? » m’interroge-t-elle. « Non, ce sont les cafés en terrasse », lui réponds-je.
Allant un peu mieux l’après-midi, j’en prends un (un euro soixante-dix) à celle du Café de Rouen (le Son du Cor s’offrant une semaine de vacances) après avoir lu une heure sur le banc ensoleillé du jardin sans crainte d’être aboyé (finies les vacances pour les deux chiens du voisinage).
En rentrant, je croise un zonard potentiellement drogué qui me demande l’heure :
-Quatre heures moins le quart.
-C’est un piège pour faire sortir le téléphone et partir avec en courant, me dit-il.
-Je n’ai pas de téléphone.
-C’est un rappeur qui dit ça, c’est pas moi, faut pas vous sentir visé.
-Je ne me sens pas visé
-Si, tout le monde se sent visé, c’est pour ça qu’il va y avoir la guerre civile.
-Ah bon.
-Vous, vous serez peut-être mort avant.
Je lui souhaite une bonne fin de journée.
C’est pire samedi. Mes éternuements ressemblent à des explosions. Mon nez coule comme fontaine. Autrefois, je courais acheter Actifed qui stoppait ces effets répugnants. Depuis que je sais que ce médicament (et ses semblables, vendus sans ordonnance dans toutes les pharmacies) peut causer une crise cardiaque, je m’en passe et fais mienne cette maxime médicale : « Un rhume que l’on soigne dure un semaine et un rhume que l’on ne soigne pas dure sept jours ». Que la médecine ait baissé les bras face à cette maladie me consterne.
Ça ne va pas mieux dimanche matin. Je renonce à mon projet de passer ce nouveau jour bleu à Dieppe et me traîne au marché du Clos pour assurer ma subsistance. Je fais quand même le détour par la brocanteuse qui vend aussi des livres et y trouve, pour deux euros, le tome un de Lettres à Felice de Franz Kafka (Gallimard). Elle ne s’étonne pas de mon parler du nez mais de mes mains bronzées. « Vous rentrez de vacances ? » m’interroge-t-elle. « Non, ce sont les cafés en terrasse », lui réponds-je.
Allant un peu mieux l’après-midi, j’en prends un (un euro soixante-dix) à celle du Café de Rouen (le Son du Cor s’offrant une semaine de vacances) après avoir lu une heure sur le banc ensoleillé du jardin sans crainte d’être aboyé (finies les vacances pour les deux chiens du voisinage).
En rentrant, je croise un zonard potentiellement drogué qui me demande l’heure :
-Quatre heures moins le quart.
-C’est un piège pour faire sortir le téléphone et partir avec en courant, me dit-il.
-Je n’ai pas de téléphone.
-C’est un rappeur qui dit ça, c’est pas moi, faut pas vous sentir visé.
-Je ne me sens pas visé
-Si, tout le monde se sent visé, c’est pour ça qu’il va y avoir la guerre civile.
-Ah bon.
-Vous, vous serez peut-être mort avant.
Je lui souhaite une bonne fin de journée.
20 octobre 2018
Sorti du Centre Pompidou, ce mercredi après-midi, je traverse la piazza en diagonale et rejoins la rue Saint-Martin afin d’aller à la librairie Le Gai Rossignol (anciennement Mona Lisait) où je n’ai pas mis le pied depuis très longtemps. On m’y a signalé un fusil d’André Robillard et des livres provenant de la bibliothèque de Jean-Christophe Averty.
L’endroit a changé, en mieux. On y vend à nouveau des livres neufs soldés à très petit prix. L’un devient mien pour quatre euros : Voyous Voyants Voyeurs (autour de Clovis Trouille 1889-1975), le catalogue publié chez Somogy d’une exposition qui eut lieu à L’Isle-Adam puis Charleville-Mézières puis Laval entre novembre deux mille neuf et janvier deux mille onze (je me souviens d’une autre exposition à lui consacré vue au Musée d’Amiens en août deux mille sept avec celle qui aujourd’hui est à Nice pour son travail).
Une partie du sous-sol a été rebaptisé La Caverne où l’on trouve quantité de livres provenant de l’achat de bibliothèques. Les thèmes retenus correspondent pour la plupart à mes goûts : « surréalisme, bandes dessinées, contre-culture, ‘pataphysique, livres pour enfants, disques de jazz, pornographie, littérature fin de siècle, dessins d’humour, lettrisme, anarchisme, arts singuliers, sciences occultes et livres de poche ».
Sans doute est-ce parmi cette manne que l’on peut trouver des livres ayant appartenu à l’illustre zozoteur mais je n’en vois pas. La sculpture d’André Robillard n’est plus là, m’indique l’un des libraires. Elle était en dépôt vente (cinq cents euros) et a été reprise par son propriétaire.
Je me plais beaucoup dans cette Caverne. Elle me sera refuge les mercredis de pluie ou de froidure. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, il fait encore beau. Le métro Quatorze me rapproche du Book-Off de Quatre Septembre où je trouve quelques livres à un euro. Une bétaillère sans histoire me reconduit à Rouen. Devant moi un homme penche peu à peu vers sa voisine. Dort-il ou fait-il semblant ? Plutôt que se plaindre, elle se colle contre la vitre.
*
Pour mourir ce dix-sept octobre à Paris, Jacques Monory aura bénéficié d’une journée aussi bleue que sa peinture.
L’endroit a changé, en mieux. On y vend à nouveau des livres neufs soldés à très petit prix. L’un devient mien pour quatre euros : Voyous Voyants Voyeurs (autour de Clovis Trouille 1889-1975), le catalogue publié chez Somogy d’une exposition qui eut lieu à L’Isle-Adam puis Charleville-Mézières puis Laval entre novembre deux mille neuf et janvier deux mille onze (je me souviens d’une autre exposition à lui consacré vue au Musée d’Amiens en août deux mille sept avec celle qui aujourd’hui est à Nice pour son travail).
Une partie du sous-sol a été rebaptisé La Caverne où l’on trouve quantité de livres provenant de l’achat de bibliothèques. Les thèmes retenus correspondent pour la plupart à mes goûts : « surréalisme, bandes dessinées, contre-culture, ‘pataphysique, livres pour enfants, disques de jazz, pornographie, littérature fin de siècle, dessins d’humour, lettrisme, anarchisme, arts singuliers, sciences occultes et livres de poche ».
Sans doute est-ce parmi cette manne que l’on peut trouver des livres ayant appartenu à l’illustre zozoteur mais je n’en vois pas. La sculpture d’André Robillard n’est plus là, m’indique l’un des libraires. Elle était en dépôt vente (cinq cents euros) et a été reprise par son propriétaire.
Je me plais beaucoup dans cette Caverne. Elle me sera refuge les mercredis de pluie ou de froidure. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, il fait encore beau. Le métro Quatorze me rapproche du Book-Off de Quatre Septembre où je trouve quelques livres à un euro. Une bétaillère sans histoire me reconduit à Rouen. Devant moi un homme penche peu à peu vers sa voisine. Dort-il ou fait-il semblant ? Plutôt que se plaindre, elle se colle contre la vitre.
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Pour mourir ce dix-sept octobre à Paris, Jacques Monory aura bénéficié d’une journée aussi bleue que sa peinture.
19 octobre 2018
J’ai toujours pensé que l’idéal est de ne rien faire et d’être quand même capable d’en vivre, cette forte pensée est signée Franz West dont j’apprends l’existence grâce à l’exposition que lui consacre le Centre Pompidou dans sa Galerie Deux.
Je pense la même chose que lui mais n’ai pas été capable d’éviter le travail. Lui y a échappé, si l’on veut, grâce à l’Art.
C’est la plus grande rétrospective consacrée à ce jour au parcours de Franz West mort en deux mille douze à l’âge de soixante-cinq ans et qui fêtait son anniversaire le même jour que moi. Près de deux cents œuvres se félicite le dépliant explicatif.
Je reste ici davantage que chez les Cubistes d’à côté, découvrant d’abord les Paßstücken (pièces qui s’adaptent) en papier mâché, plâtre peint en blanc ou polyester, certaines manipulables (y compris ici avec le médiateur quand il est présent, ce qui n’est pas le cas en ce début de mercredi après-midi), d’autres posées sur un support en bois ou enroulées autour d’une tige métallique, toutes volontairement grossières. Viennent ensuite ce que Franz West appelle ses sculptures légitimes, certaines soclées avec un bloc de bois, une boîte en carton peinte à la hâte, une tôle d’acier mal découpée, puis les sculptures-meubles, les vidéos et performances réalisées en collaboration avec d’autres artistes et les grandes sculptures d’extérieur parodiant celles d’Henry Moore et d’Alexander Calder, dont certaines sont visibles en divers endroits de la capitale pendant le temps de la rétrospective.
Ces grandes sculptures d’extérieur m’étaient connues mais je n’avais point retenu le nom de l’artiste, un personnage comme je les aime sur lequel il est impossible de trouver des renseignements biographiques détaillés.
*
Dans les années 1980, j’ai acquis une identité –celle de militant se battant pour l’émancipation du meuble. (Franz West)
*
Franz m’a dit un jour : tu sais, je suis vraiment la seule personne normale que je connaisse. (Andreas Reiter Raabe)
Je pense la même chose que lui mais n’ai pas été capable d’éviter le travail. Lui y a échappé, si l’on veut, grâce à l’Art.
C’est la plus grande rétrospective consacrée à ce jour au parcours de Franz West mort en deux mille douze à l’âge de soixante-cinq ans et qui fêtait son anniversaire le même jour que moi. Près de deux cents œuvres se félicite le dépliant explicatif.
Je reste ici davantage que chez les Cubistes d’à côté, découvrant d’abord les Paßstücken (pièces qui s’adaptent) en papier mâché, plâtre peint en blanc ou polyester, certaines manipulables (y compris ici avec le médiateur quand il est présent, ce qui n’est pas le cas en ce début de mercredi après-midi), d’autres posées sur un support en bois ou enroulées autour d’une tige métallique, toutes volontairement grossières. Viennent ensuite ce que Franz West appelle ses sculptures légitimes, certaines soclées avec un bloc de bois, une boîte en carton peinte à la hâte, une tôle d’acier mal découpée, puis les sculptures-meubles, les vidéos et performances réalisées en collaboration avec d’autres artistes et les grandes sculptures d’extérieur parodiant celles d’Henry Moore et d’Alexander Calder, dont certaines sont visibles en divers endroits de la capitale pendant le temps de la rétrospective.
Ces grandes sculptures d’extérieur m’étaient connues mais je n’avais point retenu le nom de l’artiste, un personnage comme je les aime sur lequel il est impossible de trouver des renseignements biographiques détaillés.
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Dans les années 1980, j’ai acquis une identité –celle de militant se battant pour l’émancipation du meuble. (Franz West)
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Franz m’a dit un jour : tu sais, je suis vraiment la seule personne normale que je connaisse. (Andreas Reiter Raabe)
18 octobre 2018
Retour à Paris ce mercredi où à la sortie de métro Ledru-Rollin le ciel n’est pas tout à fait bleu. Après un café au Faubourg, je fais le tour des rayonnages de Book-Off où je trouve peu. L’Insurrection qui vient du Comité Invisible (La Fabrique Editions) est rangé au rayon Littérature, ce qui est peut-être sa meilleure place.
Pédestrement, je rejoins le quartier Beaubourg et à midi entre, dans l’impasse du même nom, chez New New. Le nombre de tables de deux ou quatre a diminué dans ce restaurant chinois à buffet à volonté au profit de vastes tables circulaires. Sur certaines sont disposées des bouteilles de vin. Elles sont destinées à des groupes de Chinois peut-être touristes. Pour déjeuner hommes et femmes se séparent, à chaque sexe sa grande table. Trois autres Chinois mangent à une table de quatre. Ils ont chacun leur bouteille de vin rouge et deviennent peu à peu de sa couleur. Lorsqu’ils ont pratiquement tout bu, je paie dix euros quatre-vingts et me dirige vers le Centre Pompidou.
La chenille, qui va bientôt être rénovée et temporairement remplacée par des ascenseurs, m’emmène au sixième étage. J’entre dans la Galerie Un où se montre Le Cubisme. Cette exposition d’ampleur offre un panorama de ce mouvement pour la période mil neuf cent sept mil neuf cent dix-sept. Je vais donc de Picabraque en Picabraque, conscient de l’importance de cet épisode artistique mais pas plus intéressé que ça par la vue des œuvres.
En revanche, j’ai plaisir à trouver sur un mur cet extrait d’une lettre écrite à Jeanne Lohy par Fernand Léger le vingt-huit mars mil neuf cent quinze :
Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux.
Pédestrement, je rejoins le quartier Beaubourg et à midi entre, dans l’impasse du même nom, chez New New. Le nombre de tables de deux ou quatre a diminué dans ce restaurant chinois à buffet à volonté au profit de vastes tables circulaires. Sur certaines sont disposées des bouteilles de vin. Elles sont destinées à des groupes de Chinois peut-être touristes. Pour déjeuner hommes et femmes se séparent, à chaque sexe sa grande table. Trois autres Chinois mangent à une table de quatre. Ils ont chacun leur bouteille de vin rouge et deviennent peu à peu de sa couleur. Lorsqu’ils ont pratiquement tout bu, je paie dix euros quatre-vingts et me dirige vers le Centre Pompidou.
La chenille, qui va bientôt être rénovée et temporairement remplacée par des ascenseurs, m’emmène au sixième étage. J’entre dans la Galerie Un où se montre Le Cubisme. Cette exposition d’ampleur offre un panorama de ce mouvement pour la période mil neuf cent sept mil neuf cent dix-sept. Je vais donc de Picabraque en Picabraque, conscient de l’importance de cet épisode artistique mais pas plus intéressé que ça par la vue des œuvres.
En revanche, j’ai plaisir à trouver sur un mur cet extrait d’une lettre écrite à Jeanne Lohy par Fernand Léger le vingt-huit mars mil neuf cent quinze :
Il n’y a pas plus cubiste qu’une guerre comme celle-là qui te divise plus ou moins proprement un bonhomme en plusieurs morceaux et qui l’envoie aux quatre points cardinaux.
17 octobre 2018
« Vous avez oublié d’éteindre la lumière » « Rallumez les étoiles », lis-je, ce dimanche matin, tracé à la peinture blanche effaçable sur les vitrines de la rue Ganterie tandis que je me dirige vers la gare rouennaise ; c’est une protestation contre les éclairages nocturnes des boutiques.
J’arrive au moment de l’ouverture de la gare. S’y précipitent zonards et autres marginaux. Y entrent les voyageurs du premier train pour Paris. Un vigile à chien garde l’œil sur les premiers. Le temps devant rester beau, je me suis décidé à passer la journée dans la capitale où m’attirent des vide greniers.
Prenant mon billet à la machine, je constate que celui de première classe est un euro moins élevé que celui de seconde. J’ai donc place en première dans le sept heures douze, ce qui se résume à être assis sur un siège de couleur différente. Les contrôleurs font leur beurre avec des billets non compostés, vingt euros de supplément.
La ligne Quatorze étant hors service, les Neuf et Six se chargent de m’emmener place d’Italie. La fille la plus sexy du métro porte sur son ventre le numéro quatorze mille zéro zéro quatre. Elle va courir. Ses chaussettes en boule lui échappent et roulent dans le couloir de la rame. Je les chope et les lui rends. Après un café près du marché, je rejoins la Butte aux Cailles dont le vide grenier d’automne est autant fréquenté par les exposants que celui du printemps. J’y retrouve le bouquiniste à un euro, dont quelques livres font mon bonheur, et y découvre, dûment badgé comme tous les vendeurs, un prof des Beaux-Arts de Rouen à prénom mythologique qui ne propose pas la Toison d’Or mais quelques livres de peu d’intérêt pour moi.
Quand j’ai parcouru, sans en oublier une seule, toutes les rues du déballage et trouvé quelques autres livres, je retourne place d’Italie puis descends l’avenue des Gobelins, un chemin souvent parcouru du temps de frère Jacques, afin de rejoindre la rue Mouffetard dont le marché bat son plein. Une Edith Piaf y chante La Vie en rose et un Leonard Cohen Dancing Me to the End of Love. Le vide grenier est dispersé, une partie dans la rue Mouffetard, une partie place de la Contrescarpe, une partie dans des rues adjacentes. Je n’y vois pas le moindre livre achetable, hormis ceux d’un bouquiniste mais ils sont hors de prix.
Métro Sept, métro Cinq, métro Onze, je sors à Jourdain pour L’Autre Vide Grenier. Il est organisé par La Main de l’Autre, association caritative, d’où son nom. Sur les camionnettes de ladite est indiqué : « Distributions de produits de première nécessité et de pains ». Malheureusement, je ne vois guère de quoi me plaire dans la partie des exposants situés place de la Rigole et côté rue des Pyrénées ce ne sont que Chinois vendant à même le sol ce qu’ils ont trouvé dans les poubelles.
Métro Onze, métro Trois, je reviens gare Saint-Lazare et à la brasserie du même nom m’installe à une table avec soleil pour déjeuner à quinze heures trente, un exploit pour moi. La formule rapide est à huit euros dix : faux-filet, salade, frites à volonté. Le quart de gaillac est à trois euros quatre-vingt-dix. « Vous aimez la qualité, je me fournis à Rungis », est-il écrit près du dessin d’un boucher sur la porte. Effectivement, le faux-filet est de qualité. En revanche, le vin est infect. Son fournisseur reste anonyme. A ma gauche, des employés d’origine portugaise d’une boutique ouverte le dimanche se montrent des vidéos des dégâts causés par la tempête tropicale qui a touché leur pays.
A la gare une fille vêtue de noir est assise en tailleur sur le sol. Indifférente à l’effervescence, elle a avec elle trois livres de poche : Frédéric Lenoir, Boris Cyrulnik, Barack Obama. C’est ce dernier qu’elle choisit de lire, m’offrant en plongée un peu de son sein gauche.
Je rentre à Rouen avec un billet de seconde classe par le dix-huit heures dix-huit qui part de la voie dix-huit et y lis un livre acheté à la Butte aux Cailles : Haïku érotiques, traduits du japonais et présentés par Jean Cholley (Picquier poche).
*
La phrase du jour à propos du temps chaud dont on ne voit pas la fin :
-Bientôt, on va aller poser les chrysanthèmes sur les tombes en tongs.
J’arrive au moment de l’ouverture de la gare. S’y précipitent zonards et autres marginaux. Y entrent les voyageurs du premier train pour Paris. Un vigile à chien garde l’œil sur les premiers. Le temps devant rester beau, je me suis décidé à passer la journée dans la capitale où m’attirent des vide greniers.
Prenant mon billet à la machine, je constate que celui de première classe est un euro moins élevé que celui de seconde. J’ai donc place en première dans le sept heures douze, ce qui se résume à être assis sur un siège de couleur différente. Les contrôleurs font leur beurre avec des billets non compostés, vingt euros de supplément.
La ligne Quatorze étant hors service, les Neuf et Six se chargent de m’emmener place d’Italie. La fille la plus sexy du métro porte sur son ventre le numéro quatorze mille zéro zéro quatre. Elle va courir. Ses chaussettes en boule lui échappent et roulent dans le couloir de la rame. Je les chope et les lui rends. Après un café près du marché, je rejoins la Butte aux Cailles dont le vide grenier d’automne est autant fréquenté par les exposants que celui du printemps. J’y retrouve le bouquiniste à un euro, dont quelques livres font mon bonheur, et y découvre, dûment badgé comme tous les vendeurs, un prof des Beaux-Arts de Rouen à prénom mythologique qui ne propose pas la Toison d’Or mais quelques livres de peu d’intérêt pour moi.
Quand j’ai parcouru, sans en oublier une seule, toutes les rues du déballage et trouvé quelques autres livres, je retourne place d’Italie puis descends l’avenue des Gobelins, un chemin souvent parcouru du temps de frère Jacques, afin de rejoindre la rue Mouffetard dont le marché bat son plein. Une Edith Piaf y chante La Vie en rose et un Leonard Cohen Dancing Me to the End of Love. Le vide grenier est dispersé, une partie dans la rue Mouffetard, une partie place de la Contrescarpe, une partie dans des rues adjacentes. Je n’y vois pas le moindre livre achetable, hormis ceux d’un bouquiniste mais ils sont hors de prix.
Métro Sept, métro Cinq, métro Onze, je sors à Jourdain pour L’Autre Vide Grenier. Il est organisé par La Main de l’Autre, association caritative, d’où son nom. Sur les camionnettes de ladite est indiqué : « Distributions de produits de première nécessité et de pains ». Malheureusement, je ne vois guère de quoi me plaire dans la partie des exposants situés place de la Rigole et côté rue des Pyrénées ce ne sont que Chinois vendant à même le sol ce qu’ils ont trouvé dans les poubelles.
Métro Onze, métro Trois, je reviens gare Saint-Lazare et à la brasserie du même nom m’installe à une table avec soleil pour déjeuner à quinze heures trente, un exploit pour moi. La formule rapide est à huit euros dix : faux-filet, salade, frites à volonté. Le quart de gaillac est à trois euros quatre-vingt-dix. « Vous aimez la qualité, je me fournis à Rungis », est-il écrit près du dessin d’un boucher sur la porte. Effectivement, le faux-filet est de qualité. En revanche, le vin est infect. Son fournisseur reste anonyme. A ma gauche, des employés d’origine portugaise d’une boutique ouverte le dimanche se montrent des vidéos des dégâts causés par la tempête tropicale qui a touché leur pays.
A la gare une fille vêtue de noir est assise en tailleur sur le sol. Indifférente à l’effervescence, elle a avec elle trois livres de poche : Frédéric Lenoir, Boris Cyrulnik, Barack Obama. C’est ce dernier qu’elle choisit de lire, m’offrant en plongée un peu de son sein gauche.
Je rentre à Rouen avec un billet de seconde classe par le dix-huit heures dix-huit qui part de la voie dix-huit et y lis un livre acheté à la Butte aux Cailles : Haïku érotiques, traduits du japonais et présentés par Jean Cholley (Picquier poche).
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La phrase du jour à propos du temps chaud dont on ne voit pas la fin :
-Bientôt, on va aller poser les chrysanthèmes sur les tombes en tongs.
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