Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Au Cent Six pour l’exposition David Snug et le concert de Trotski Nautique

2 octobre 2018


Je n’ai pourtant qu’un quart d’heure d’avance ce vendredi après-midi quand j’arrive au Cent Six, scène de musiques zactuelles, mais il n’est pas question d’y entrer tout de suite m’apprennent les deux employé(e)s du bar qui fument devant la porte. Je dois donc faire le tour de toutes les barrières censées protéger le  lieu d’un attentat puis, planté dans le vent froid derrière le ruban noir, attendre des vigiles le bon vouloir. Il faut vraiment avoir envie de revoir David Snug pour supporter ça, lequel est en dédicace, exposition et concert (avec son groupe Trotski Nautique).
Un homme me rejoint, accompagné d’un moutard. Au bout de trois minutes à se peler de concert, il dit à sa descendance de passer sous le ruban pour aller demander à Nathalie s’ils peuvent entrer. Celle-ci sort et lui fait signe de venir. Me voici de nouveau seul dans le vent coulis, pestant contre ces mauvaises manières. Quand même cinq minutes avant l’heure réglementaire, l’un des vigiles me fait signe d’avancer.
David Snug est assis derrière une table sur laquelle sont disposés quelques-uns de ses ouvrages vendus par celui qui est à sa droite, le libraire d’Au Grand Nulle Part. Ni l’un ni l’autre ne me disent qu’on s’est déjà vu. L’artiste est en train de dédicacer deux exemplaires de son livre 50 classiques de la pop pour un homme qui doit lui aussi connaître Nathalie, à moins que ses béquilles lui aient donné droit à une entrée spéciale pour handicapé. J’achète ça c’est mon Jean-Pion, la dernière bédé signée David Snug, publiée chez Même Pas Mal, dans laquelle il narre son passé de surveillant dans un collège.
C’est à mon tour. « Ah, c’est pas les classiques de la pop », me dit-il. « Non, la musique c’est chiant. », lui réponds-je. Sur la page de garde, il dessine son autoportrait dont une jambe est empêchée par les mentions obligatoires et donc décalée en haut de la page. Dans le phylactère avec son orthographe personnelle « la musique c’est chiant, vos mieux faire des livre pour dire de la merde sur l’education national », à quoi il ajoute « Pour Michel. Amitié profonde ». 
Je le remercie puis fais le tour de son exposition venue de Nantes qui reprend en grand format certaines des planches où il dézingue les chanteurs et groupes musicaux du dernier quart du vingtième siècle (« Y avait une fille dans Téléphone ? Je me souviens plus. », déclare son Jean-Louis Aubert) puis je me hisse sur un tabouret d’où j’observe la Seine en attendant le concert gratuit de Trotski Nautique prévu à dix-neuf heures, lequel n’aura pas lieu dans la petite salle mais dans un coin pas loin du bar où est installée une scène d’occasion. S’y trouve le petit matériel du duo (guitare classique, boîte à rythmes, flûte à bec, clavier Casiotone) et, accroché au pied d’un des micros, un grand sac en plastique pendouillant, qui a dû servir au transport.
Davis Snug est assis à la guitare et au chant secondaire. Aude Lamy est debout au pipeau et au chant principal. La première chanson est de circonstance  Elle a pour titre Les concerts: J’aime pas trop aller dans les concerts/ Ça pue la sueur et ça pue la bière/ Il fait trop chaud/ Et je sais jamais quoi faire de mon manteau, exactement ce que je ressentais quand je fréquentais encore la grande salle du Cent Six Pendant des heures faut rester debout/ Comme dans les trains qui t’emmènent à Dachau.
C’est une succession de chansonnettes courtes et réjouissantes entrecoupées des propos sarcastiques de David Snug, parfois un peu lourds comme le redondant « Je remercie l’organisation » ou les gentilles vacheries à destination du groupe qui donnera concert payant à vingt heures dans la grande salle. C’est parfois plus réussi :
-On est content d'être à Rouen , la ville qui brûle les femmes.
-La prochaine chanson, comme on est en province, c’est Picole.
-C’est quoi la province ? demande un moutard à son père. Il a pourtant au moins dix ans. En revanche, picoler, il sait ce que ça veut dire.
J’ai un faible pour Aude, sa tenue sage et l’air innocent avec lequel elle chante les horreurs écrites par son comparse. Je me demande ce qu’elle fait en semaine. Je la verrais bien conseillère chez Pôle Emploi.
A presque vingt heures c’est terminé sans rappel. Je suis l’un des rares à acheter le cédé Trotski Music à un euro. Et le seul à ressortir illico. D’autres doivent rester pour Tahiti 80, ce groupe local surtout connu au Japon. Derrière le cordon noir, une vingtaine de jeunes gens attendent dans le froid qu’on leur permette d’entrer dans la partie du hangar où l’on est en stabulation libre. Un vigile m’explique comment bouger les barrières pour ne pas avoir à refaire le grand tour.
                                                            *
Samedi matin, retour au Salon des Livres d’Occasion du Secours Pop. J’y trouve The Beat Generation, ouvrage de mille cent pages publié chez Flammarion, regroupant Havre des Saints de Burroughs, Œuvre croisée de Burroughs et Gysin, La Chute de l’Amérique de Ginsberg, Désert dévorant de Gysin, Le Livre des rêves de Kerouac et des annexes fort intéressantes. Ce livre a fait l’objet d’un désherbage de la Médiathèque François Truffaut du Petit-Quevilly. J’y repasse l’après-midi entre deux terrasses de café, ayant encore deux sacs de livres à donner.