Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 septembre 2024
Plus de fort vent nocturne, il faut se réhabituer au silence, lequel n’est pas forcément propice au sommeil. Le ciel est clair à mon lever. C’est enfin le jour pour aller à Carolles.
Je remonte la rue Couraye, achète un pain au chocolat chez Robert la Flûte Gana et arrive pour l’ouverture, à sept heures trente, au Café de la Gare. Des habitués, qu’on pourrait qualifier de permanents, aident le patron à installer tables et chaises puis se chamaillent méchamment, tout en s’offrant des cafés. Deux filles détonnent, élégamment vêtues et un peu snobs, qui veulent un thé en terrasse. « Des gonzesses qui viennent de Paris », suppute l’intérieur d’un ton méprisant.
Le car Nomad Trois Cent Huit part à huit heures trente-cinq de la Gare de Granville et va jusqu’au Mont-Saint-Michel, un lieu où je ne veux pas retourner. J’achète une carte dix voyages de proximité à quinze euros au chauffeur qui m’apprend que les arrêts ne seront pas annoncés. Il me déposera à Carolles, à la Mairie, au lieu de la Salle des Fêtes, pour cause de travaux. Une dizaine de voyageurs me tiennent compagnie, dont les deux « Parisiennes » qui vont au Mont-Saint-Michel.
Après Saint-Pair et Jullouville, le car s’enfonce dans une campagne de maisons en pierre et de croisements difficiles avec les voitures. Comme prévu, le chauffeur m’arrête à la Mairie de Carolles. Je me dirige vers la belle église de pierre, en fais une photo, vais un peu plus bas réserver une table au Logis Hôtel Auberge de Carolles, emprunte la rue principale et demande à une autochtone comment aller à la Cabane Vauban.
Il y a davantage de route à parcourir que je pensais avant d’arriver à un chemin qui mène promptement à cette Cabane Vauban. Elle est bien là, semblable à elle-même. Je me souviens de l’émotion de qui m’accompagnait en découvrant au loin le Mont-Saint-Michel et Tombelaine. Je me souviens aussi d’un coït champêtre sous le soleil exactement.
Je marche un peu sur le chemin de randonnée, direction Jullouville, puis reviens sur mes pas, rattrapé par un groupe de marcheuses et marcheurs à bâtons, un homme en tête, une dizaine de femmes papotant bruyamment derrière et enfin cinq hommes se taisant. Revenu à la Cabane Vauban, je m’assois sur le banc d’où l’on voit le Mont et écris ce qui précède.
De retour au bourg, ayant omis de demander au chauffeur de l’aller si l’arrêt du car de retour est aussi devant la Mairie, je vais me renseigner à l’intérieur de celle-ci. Une aimable fonctionnaire territoriale me rassure, c’est bien là.
On commence à servir à douze heures quinze à l’Auberge de Carolles. Le menu du jour se compose d’une terrine de campagne, d’un pluma de porc frites maison sauce camembert, d’une tarte fine aux pommes et d’un café. C’est la première journée de beau temps depuis le début du mois. Je choisis de déjeuner en terrasse. Celle-ci est campagnarde à souhait. Un autre client seulement, loin de moi, mais ma tranquillité est mise à mal par quelques guêpes. Le plat et le dessert sont fort bons, dix-huit euros le tout.
Pour rentrer, je réussis à attraper le treize heures seize car il est un peu en retard. Pas loin de moi, un jeune homme au téléphone parle d’un ami à lui : « Il couche avec Sarah et il se marie avec Lucie. » De la Gare, je rejoins le Plat Gousset avec un bus Deux.
C’est l’heure d’aller se montrer sur la Promenade. Un le fait dans les airs, suspendu à un parapente. Ayant décollé près du cimetière marin, il remonte le Plat Gousset jusqu’à la Ville Haute et revient à son point de départ.
*
Sur le chemin douanier de Carolles, la reproduction d’un tableau représentant la Cabane Vauban peinte par Louis Valtat, né à Dieppe.
*
Sur le clocher de l’église de Carolles, une plaque « Horloge donnée en 1901 par Gaston Fabien Arnaud-Jeanti ». C’est gentil.
*
Si j’avais su qu’il fallait marcher autant entre le bourg de Carolles et sa Cabane Vauban, j’aurais renoncé. Il vaut mieux parfois ne pas savoir. (maxime du jour)
Je remonte la rue Couraye, achète un pain au chocolat chez Robert la Flûte Gana et arrive pour l’ouverture, à sept heures trente, au Café de la Gare. Des habitués, qu’on pourrait qualifier de permanents, aident le patron à installer tables et chaises puis se chamaillent méchamment, tout en s’offrant des cafés. Deux filles détonnent, élégamment vêtues et un peu snobs, qui veulent un thé en terrasse. « Des gonzesses qui viennent de Paris », suppute l’intérieur d’un ton méprisant.
Le car Nomad Trois Cent Huit part à huit heures trente-cinq de la Gare de Granville et va jusqu’au Mont-Saint-Michel, un lieu où je ne veux pas retourner. J’achète une carte dix voyages de proximité à quinze euros au chauffeur qui m’apprend que les arrêts ne seront pas annoncés. Il me déposera à Carolles, à la Mairie, au lieu de la Salle des Fêtes, pour cause de travaux. Une dizaine de voyageurs me tiennent compagnie, dont les deux « Parisiennes » qui vont au Mont-Saint-Michel.
Après Saint-Pair et Jullouville, le car s’enfonce dans une campagne de maisons en pierre et de croisements difficiles avec les voitures. Comme prévu, le chauffeur m’arrête à la Mairie de Carolles. Je me dirige vers la belle église de pierre, en fais une photo, vais un peu plus bas réserver une table au Logis Hôtel Auberge de Carolles, emprunte la rue principale et demande à une autochtone comment aller à la Cabane Vauban.
Il y a davantage de route à parcourir que je pensais avant d’arriver à un chemin qui mène promptement à cette Cabane Vauban. Elle est bien là, semblable à elle-même. Je me souviens de l’émotion de qui m’accompagnait en découvrant au loin le Mont-Saint-Michel et Tombelaine. Je me souviens aussi d’un coït champêtre sous le soleil exactement.
Je marche un peu sur le chemin de randonnée, direction Jullouville, puis reviens sur mes pas, rattrapé par un groupe de marcheuses et marcheurs à bâtons, un homme en tête, une dizaine de femmes papotant bruyamment derrière et enfin cinq hommes se taisant. Revenu à la Cabane Vauban, je m’assois sur le banc d’où l’on voit le Mont et écris ce qui précède.
De retour au bourg, ayant omis de demander au chauffeur de l’aller si l’arrêt du car de retour est aussi devant la Mairie, je vais me renseigner à l’intérieur de celle-ci. Une aimable fonctionnaire territoriale me rassure, c’est bien là.
On commence à servir à douze heures quinze à l’Auberge de Carolles. Le menu du jour se compose d’une terrine de campagne, d’un pluma de porc frites maison sauce camembert, d’une tarte fine aux pommes et d’un café. C’est la première journée de beau temps depuis le début du mois. Je choisis de déjeuner en terrasse. Celle-ci est campagnarde à souhait. Un autre client seulement, loin de moi, mais ma tranquillité est mise à mal par quelques guêpes. Le plat et le dessert sont fort bons, dix-huit euros le tout.
Pour rentrer, je réussis à attraper le treize heures seize car il est un peu en retard. Pas loin de moi, un jeune homme au téléphone parle d’un ami à lui : « Il couche avec Sarah et il se marie avec Lucie. » De la Gare, je rejoins le Plat Gousset avec un bus Deux.
C’est l’heure d’aller se montrer sur la Promenade. Un le fait dans les airs, suspendu à un parapente. Ayant décollé près du cimetière marin, il remonte le Plat Gousset jusqu’à la Ville Haute et revient à son point de départ.
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Sur le chemin douanier de Carolles, la reproduction d’un tableau représentant la Cabane Vauban peinte par Louis Valtat, né à Dieppe.
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Sur le clocher de l’église de Carolles, une plaque « Horloge donnée en 1901 par Gaston Fabien Arnaud-Jeanti ». C’est gentil.
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Si j’avais su qu’il fallait marcher autant entre le bourg de Carolles et sa Cabane Vauban, j’aurais renoncé. Il vaut mieux parfois ne pas savoir. (maxime du jour)
13 septembre 2023
Du vent bruyant qui cesse brusquement vers quatre heures du matin. Du frais quand je traverse la rue pour acheter un pain au chocolat à la Boulangerie du Casino. Au Derby, je suis seul avec Bruno, qui n’est pas le patron comme je l’avais cru le lendemain de mon arrivée, mais un serveur content de partir en vacances dès demain. J’y parcours La Manche Libre, épais hebdomadaire comme on n’en fait plus guère.
Ce jeudi matin, je décide d’explorer les allées du Cimetière Notre-Dame. Pour ce faire, je rejoins la Promenade du Plat Gousset et prends l’escalier de compétition en béton qui permet d’atteindre le sentier du littoral.
Je le suis en direction de Donville-les-Bains. Assez vite, ce sentier est fermé pour cause d’éboulement. Il faut traverser le Jardin Christian Dior, lequel ouvre dans dix minutes. Je les passe assis sur un muret à regarder la mer. Le jardin traversé, j’en sors par une petite porte latérale que l’employée municipale qui les ouvre toutes à l’heure pile m’a indiquée. Cette porte donne directement dans le cimetière qui domine la mer.
Des pancartes indiquent les célébrités enterrées, lesquelles sont (ou étaient) surtout connues localement : marins, armateurs, industriels, militaires, un peintre académique élève de Gérôme (Maurice Orange), un avocat né d’une femme mystérieuse rencontrée par son père au Cap de Bonne Espérance. Le seul mort du cimetière de Granville que j’ai envie de visiter est Richard Anacréon. Je trouve tout en bas sa banale pierre tombale aux fleurs artificielles décolorées.
Un sentier de randonnée qui traverse un cimetière, ça lui donne de la vie. Par la petite porte du bas, je retrouve face à la mer mon banc de pierre d’hier. Je m’y fais chauffer le dos par un soleil intermittent
Retour chez les vivants à l’intérieur du Au Tout Va Bien, Céline au téléphone : « Non non, c’est bon, je suis un commerce, j’ai besoin d’un Internet qui marche, si c’est pour qu’ils m’envoient des branquignols, la fibre vous pouvez vous la garder. » Salade de pommes de terre et poulet au curry constituent mon déjeuner du jour. A l’issue, le patron récupère ma table pour l’adjoindre à deux autres. Dix du Crédit à Bricoles vont bientôt arriver.
Une drachette accompagne ma montée vers La Rafale, due à un foutu nuage noir vite passé. Je m’installe à la table de la terrasse qui garde le soleil le plus longtemps. Mon café bu, j’y poursuis la lecture du Journal de Jean-Luc Lagarce gêné par le voisinage de gens du cru parlant de sortie en mer et de jardin partagé. Heureusement, elles et eux partent travailler à quatorze heures mais peu après une autre drachette me chasse.
Par le chemin de ronde, je vais m’abriter au Pirate où l’on affirme que ça ne va pas durer, à quinze heures retour du soleil. C’est la météo marine qu’il faut regarder. Il en est ainsi.
*
Je passe toujours plus de temps dans les cimetières qu’à la plage.
*
Une scène du film d'Yves Robert Nous irons tous au paradis avec Jean Rochefort, Claude Brasseur, Victor Lanoux et Guy Bedos a été tournée dans le cimetière marin de Granville.
*
Les Mystères de Granville. Disparition de la boîte à livres du Plat Gousset. Enlevée avec son contenu comme une vulgaire cabine de plage ?
Ce jeudi matin, je décide d’explorer les allées du Cimetière Notre-Dame. Pour ce faire, je rejoins la Promenade du Plat Gousset et prends l’escalier de compétition en béton qui permet d’atteindre le sentier du littoral.
Je le suis en direction de Donville-les-Bains. Assez vite, ce sentier est fermé pour cause d’éboulement. Il faut traverser le Jardin Christian Dior, lequel ouvre dans dix minutes. Je les passe assis sur un muret à regarder la mer. Le jardin traversé, j’en sors par une petite porte latérale que l’employée municipale qui les ouvre toutes à l’heure pile m’a indiquée. Cette porte donne directement dans le cimetière qui domine la mer.
Des pancartes indiquent les célébrités enterrées, lesquelles sont (ou étaient) surtout connues localement : marins, armateurs, industriels, militaires, un peintre académique élève de Gérôme (Maurice Orange), un avocat né d’une femme mystérieuse rencontrée par son père au Cap de Bonne Espérance. Le seul mort du cimetière de Granville que j’ai envie de visiter est Richard Anacréon. Je trouve tout en bas sa banale pierre tombale aux fleurs artificielles décolorées.
Un sentier de randonnée qui traverse un cimetière, ça lui donne de la vie. Par la petite porte du bas, je retrouve face à la mer mon banc de pierre d’hier. Je m’y fais chauffer le dos par un soleil intermittent
Retour chez les vivants à l’intérieur du Au Tout Va Bien, Céline au téléphone : « Non non, c’est bon, je suis un commerce, j’ai besoin d’un Internet qui marche, si c’est pour qu’ils m’envoient des branquignols, la fibre vous pouvez vous la garder. » Salade de pommes de terre et poulet au curry constituent mon déjeuner du jour. A l’issue, le patron récupère ma table pour l’adjoindre à deux autres. Dix du Crédit à Bricoles vont bientôt arriver.
Une drachette accompagne ma montée vers La Rafale, due à un foutu nuage noir vite passé. Je m’installe à la table de la terrasse qui garde le soleil le plus longtemps. Mon café bu, j’y poursuis la lecture du Journal de Jean-Luc Lagarce gêné par le voisinage de gens du cru parlant de sortie en mer et de jardin partagé. Heureusement, elles et eux partent travailler à quatorze heures mais peu après une autre drachette me chasse.
Par le chemin de ronde, je vais m’abriter au Pirate où l’on affirme que ça ne va pas durer, à quinze heures retour du soleil. C’est la météo marine qu’il faut regarder. Il en est ainsi.
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Je passe toujours plus de temps dans les cimetières qu’à la plage.
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Une scène du film d'Yves Robert Nous irons tous au paradis avec Jean Rochefort, Claude Brasseur, Victor Lanoux et Guy Bedos a été tournée dans le cimetière marin de Granville.
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Les Mystères de Granville. Disparition de la boîte à livres du Plat Gousset. Enlevée avec son contenu comme une vulgaire cabine de plage ?
12 septembre 2024
Vers deux heures du matin le vent se remet à souffler à plein bruit contre ma fenêtre côté mer, un bruit qui me rappelle celui que fait un train de fret quand il traverse une gare, un train de fret qui n’aurait pas de fin. Quand même, je réussis à me rendormir. Je me réveille vers six heures quand passe la première balayeuse, dont le bruit dépasse celui du vent.
Après mon petit-déjeuner au Derby, je prends ce mercredi le bus Néva numéro Deux de huit heures cinquante-cinq en direction de Donville-les-Bains. J’en descends à l’arrêt Mairie. Tout près est Le Bistroquet où je retiens une table pour midi puis je vais voir l’église d’architecture contemporaine.
Il faut descendre assez longtemps dans le bourg pour atteindre le bord de mer. Une longue digue bordée de mignonnettes cabines de plage permet de marcher le long de la plage puis de revenir.
Je marche ensuite sur le sentier côtier qui va vers le Plat Gousset jusqu’au Cimetière Notre-Dame. Je m’assois sur un banc de pierre avec en face Chausey que je devine et à bâbord la Ville Haute. J’écris là le récit de ce début de journée tandis que le ciel qui laissait voir du bleu devient de plus en plus gris.
Direction Le Bistroquet où je bois un café à un euro quarante puis lis en attendant qu’il soit midi. Ce petit café est tenu par un jeune couple, elle prénommée Lolita, ce qui fait toujours bizarre. La clientèle de comptoir est locale. L’un annonce que c’est son anniversaire. Personne ne le lui souhaite.
La salle de déjeuner est à l’arrière. Lui est en cuisine et elle fait le service. Au menu du jour à quinze euros quatre-vingt-dix : terrine forestière, jambon braisé sauce normande et moelleux au chocolat.
Il y a eu ici autrefois un buffet d’entrées mais c’est fini tout ça. Hormis la tranche de pâté, tout est mauvais. Le jambon est mince, sa sauce immonde, les frites sèches. Le pain est décongelé. Le service traîne. Je me passe donc de dessert et file régler une addition exagérée. Le Bistroquet de Donville-les-Bains ne me reverra jamais.
J’attends le bus sur un banc devant la coquette Mairie. Arrivé à Granville, je monte boire le café et lire en terrasse à La Rafale, à peu près à l’abri du vent et au soleil durant ses brèves apparitions. A partir de quatorze heures dix, par la faute de l’immeuble du Tabac Presse Carterie trop haut d’un étage, le soleil disparaît définitivement.
*
Propos de clientes du Bistroquet qui parlent par expérience : « Il vaut mieux avoir des gendres que des belles-filles. »
L’autre jour, au Tout Va Bien, une quinquagénaire disait à une plus jeune qu’elle qui voulait avoir un enfant : « Un garçon, c’est mieux. Les garçons, ils sont toujours gentils avec leur mère. »
Après mon petit-déjeuner au Derby, je prends ce mercredi le bus Néva numéro Deux de huit heures cinquante-cinq en direction de Donville-les-Bains. J’en descends à l’arrêt Mairie. Tout près est Le Bistroquet où je retiens une table pour midi puis je vais voir l’église d’architecture contemporaine.
Il faut descendre assez longtemps dans le bourg pour atteindre le bord de mer. Une longue digue bordée de mignonnettes cabines de plage permet de marcher le long de la plage puis de revenir.
Je marche ensuite sur le sentier côtier qui va vers le Plat Gousset jusqu’au Cimetière Notre-Dame. Je m’assois sur un banc de pierre avec en face Chausey que je devine et à bâbord la Ville Haute. J’écris là le récit de ce début de journée tandis que le ciel qui laissait voir du bleu devient de plus en plus gris.
Direction Le Bistroquet où je bois un café à un euro quarante puis lis en attendant qu’il soit midi. Ce petit café est tenu par un jeune couple, elle prénommée Lolita, ce qui fait toujours bizarre. La clientèle de comptoir est locale. L’un annonce que c’est son anniversaire. Personne ne le lui souhaite.
La salle de déjeuner est à l’arrière. Lui est en cuisine et elle fait le service. Au menu du jour à quinze euros quatre-vingt-dix : terrine forestière, jambon braisé sauce normande et moelleux au chocolat.
Il y a eu ici autrefois un buffet d’entrées mais c’est fini tout ça. Hormis la tranche de pâté, tout est mauvais. Le jambon est mince, sa sauce immonde, les frites sèches. Le pain est décongelé. Le service traîne. Je me passe donc de dessert et file régler une addition exagérée. Le Bistroquet de Donville-les-Bains ne me reverra jamais.
J’attends le bus sur un banc devant la coquette Mairie. Arrivé à Granville, je monte boire le café et lire en terrasse à La Rafale, à peu près à l’abri du vent et au soleil durant ses brèves apparitions. A partir de quatorze heures dix, par la faute de l’immeuble du Tabac Presse Carterie trop haut d’un étage, le soleil disparaît définitivement.
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Propos de clientes du Bistroquet qui parlent par expérience : « Il vaut mieux avoir des gendres que des belles-filles. »
L’autre jour, au Tout Va Bien, une quinquagénaire disait à une plus jeune qu’elle qui voulait avoir un enfant : « Un garçon, c’est mieux. Les garçons, ils sont toujours gentils avec leur mère. »
11 septembre 2024
Le vent ayant changé de direction, je peux dormir correctement dans mon studio Air Bibi. A mon lever, il fait gris comme à l’habitude. La pluie est encore annoncée. En bonus, un froid de début d’hiver est promis pour les jours à venir.
Ce mardi matin, j’attends au Derby l’ouverture à neuf heures du Jardin Christian Dior. Le moment venu, au bout de la Promenade du Plat Gousset, je prends un sévère escalier et m’apparaît, au centre de ce jardin public, l’élégante maison qui fut celle du petit Christian et qui abrite maintenant le Musée Dior (ce Musée ouvre plus tard et je n’ai pas envie de le visiter). Je découvre ensuite, n’étant jamais monté jusqu’ici, la pergola, le labyrinthe, la roseraie, etc. Comme je suis seul en ce lieu, je peux m’amuser comme je veux avec les carillons tubulaires (ça doit avoir un nom). Une photo de Christian quand il était enfant est présente dans l’une des allées (un peu tête à claques) et, prés d’une mosaïque circulaire, un buste du même (au temps de sa splendeur couturière). Au moment où j’ai fait le tour arrivent une maîtresse et ses élèves, ainsi qu’une brouillasse.
Je redescends. La piscine d’eau de mer qui était attaquée par les vagues de la marée montante à l’aller est désormais invisible. Seuls dépassent encore, plus pour longtemps, les plots d’où l’on plonge (ça doit avoir un nom).
Je rejoins Le Grand Café pour un petit café verre d’eau et lire le Journal de Lagarce. En mil neuf cent quatre-vingt-huit, celui-ci apprend qu’il est séropositif : Ça va être parfait comme lecture ce journal. Vous devriez résilier votre abonnement avant qu’il ne soit trop tard.
Au Tout Va Bien s’abritent des marins qui disparaissent à midi quand arrivent les déjeuneurs dont je fais partie. Pour moi c’est terrine normande et rôti de veau farci.
Le café encore une fois au Pirate, apporté par la jolie serveuse au petit défaut de dentition (c’est ce qui fait son charme). Un couple au moment de payer s’épanche auprès de la caissière : « On est du Maine-et-Loire. On est en caravane. On va repartir demain parce qu’avec ce temps… »
*
La bande-son du Grand Café ce mardi matin, de Buena Vista Social Club à Oxygène avec un détour par Anarchy in the UK.
*
Ouest France, un journal trop grand pour être lu dans un café.
*
Des touristes qui ne doutent de rien : « Mais oui, j’te l’dis : y a un train direct de Granville au Mont-Saint-Michel. »
*
La villa Les Rhumbs, qui doit son nom au terme de marine désignant les trente-deux divisions de la rose des vents, fut achetée par les parents de Christian Dior en mil neuf cent six. Le futur couturier y vécut jusqu’à ses cinq ans : la maison de mon enfance... j'en garde le souvenir le plus tendre et le plus émerveillé. Que dis-je ? Ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture.
Ce mardi matin, j’attends au Derby l’ouverture à neuf heures du Jardin Christian Dior. Le moment venu, au bout de la Promenade du Plat Gousset, je prends un sévère escalier et m’apparaît, au centre de ce jardin public, l’élégante maison qui fut celle du petit Christian et qui abrite maintenant le Musée Dior (ce Musée ouvre plus tard et je n’ai pas envie de le visiter). Je découvre ensuite, n’étant jamais monté jusqu’ici, la pergola, le labyrinthe, la roseraie, etc. Comme je suis seul en ce lieu, je peux m’amuser comme je veux avec les carillons tubulaires (ça doit avoir un nom). Une photo de Christian quand il était enfant est présente dans l’une des allées (un peu tête à claques) et, prés d’une mosaïque circulaire, un buste du même (au temps de sa splendeur couturière). Au moment où j’ai fait le tour arrivent une maîtresse et ses élèves, ainsi qu’une brouillasse.
Je redescends. La piscine d’eau de mer qui était attaquée par les vagues de la marée montante à l’aller est désormais invisible. Seuls dépassent encore, plus pour longtemps, les plots d’où l’on plonge (ça doit avoir un nom).
Je rejoins Le Grand Café pour un petit café verre d’eau et lire le Journal de Lagarce. En mil neuf cent quatre-vingt-huit, celui-ci apprend qu’il est séropositif : Ça va être parfait comme lecture ce journal. Vous devriez résilier votre abonnement avant qu’il ne soit trop tard.
Au Tout Va Bien s’abritent des marins qui disparaissent à midi quand arrivent les déjeuneurs dont je fais partie. Pour moi c’est terrine normande et rôti de veau farci.
Le café encore une fois au Pirate, apporté par la jolie serveuse au petit défaut de dentition (c’est ce qui fait son charme). Un couple au moment de payer s’épanche auprès de la caissière : « On est du Maine-et-Loire. On est en caravane. On va repartir demain parce qu’avec ce temps… »
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La bande-son du Grand Café ce mardi matin, de Buena Vista Social Club à Oxygène avec un détour par Anarchy in the UK.
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Ouest France, un journal trop grand pour être lu dans un café.
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Des touristes qui ne doutent de rien : « Mais oui, j’te l’dis : y a un train direct de Granville au Mont-Saint-Michel. »
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La villa Les Rhumbs, qui doit son nom au terme de marine désignant les trente-deux divisions de la rose des vents, fut achetée par les parents de Christian Dior en mil neuf cent six. Le futur couturier y vécut jusqu’à ses cinq ans : la maison de mon enfance... j'en garde le souvenir le plus tendre et le plus émerveillé. Que dis-je ? Ma vie, mon style, doivent presque tout à sa situation et à son architecture.
10 septembre 2024
La nuit est difficile car un vent fort, que je ne sais pas s’il faut qualifier de tempête, s’est mis à souffler le soir venu. Le bruit que cela fait m’empêche de dormir et je crains que les rafales dans ma fenêtre qui a vue sur mer ne la fassent exploser. Je tente de me rassurer en songeant qu’elle a sûrement connu pire. Pourtant, au milieu de la nuit, elle s’ouvre brutalement. Je parviens heureusement à la refermer, et à dormir un peu.
Au matin cela souffle toujours fort. Le temps dégagé annoncé par la météo est remplacé par un ciel gris porteur de pluies. Cela m’amène à changer mon plan, Carolles et sa Cabane Vauban. Ce n’est encore pas un jour à marcher sur la côte.
Mon pain au chocolat acheté chez Robert la Flûte Gana, je redescends la rue Couraye et trouve ouvert le bar-tabac La Civette où le café allongé est à un euro cinquante. Trois petites tables en terrasse, une à l’intérieur où je me suis assis et trois tabourets de bar, mais il y a une salle en haut, me dit la patronne qui est à la fois bavarde et curieuse. Qu’est-ce que je viens faire à Granville ? « On est ouvert tous les jours de l’année, même le jour de Noël », me dit-elle puis elle tente de me faire commander un autre allongé. « Foire de Lessay un dimanche sous la pluie », c’est l’affichette d’Ouest France qui a le sens de l’observation.
Il pleut à nouveau. Je décide de retourner avec le bus Deux à Saint-Pair où il y aura au moins un café pour m’abriter.
Il pleut encore plus à l’arrivée, direction L’Encre Marine pour un allongé suivi d’une lecture. Depuis mon arrivée dans la Manche, rapport au temps qu’il fait, je lis bien plus que je ne voudrais. J’ai dépassé la moitié du premier volume du Journal de Jean-Luc Lagarce et je n’ai pas emporté le second pour raison de poids.
De retour à Granville, la pluie ayant vaguement cessé mais pas le vent fort, je vais voir la mer, cette fois déchaînée contre la Promenade du Plat Gousset. Je tente d’en faire quelques photos significatives puis je vais voir ce que Le Pirate propose à midi. Hélas, c’est le même menu depuis trois jours.
Je vais donc au Cabestan, sur le Port de Pêche, mais avant que j’aie passé commande, arrive un groupe de dix jeunes adultes avec dans des poussettes quatre exemplaires déjà énervés de Génération Cinquante. Ils ont table à côté de la mienne. Je demande à la serveuse si je peux en avoir une autre. Elles sont toutes réservées. « J’aimerais déjeuner en paix, lui dis-je, aussi je vais aller ailleurs. » Cet ailleurs n’est pas loin et s’appelle La Bisquine. Je m’y contente d’une pizza napolitaine à treize euros trente.
Le Pirate, j’y retourne vers quatorze heures quinze pour un café lecture à l’intérieur. L’auvent de la terrasse protège de la pluie lorsqu’elle est verticale, pas quand elle est oblique poussée par le vent
Vers seize heures, un brin de soleil me pousse sur la Promenade du Plat Gousset. J’assiste à l’enlèvement de la première cabine de plage par un engin qui la pose sur une plate-forme tirée par un camion. Cette fois, la saison est vraiment terminée.
*
Un homme à sa femme : « T’as vu, y en a qui se baignent là-bas dans le lac. » (le lac = la piscine d’eau de mer)
*
Cette façon qu’elles et eux ont de se battre pour payer les deux cafés pris ensemble dans un bar, comme s’il s’agissait de faire un immense cadeau à l’autre, alors qu’est en jeu une somme dérisoire.
*
De Paul-Jean Toulet, que lit Jean-Luc Lagarce en mars mil neuf cent quatre-vingt-huit : Dans la vie, parfois, il faut savoir manquer un train.
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Lagarce, quand une amie de lycée lui annonce sa séparation d’avec celui avec qui elle était depuis la seconde : En bon Verseau elle fait une plaisanterie détachée. Mais je suis bien placé pour savoir que les plaisanteries détachées des Verseaux ne sont pas toujours pleines d’humour. Je confirme, l’étant également.
Dommage qu’il n’ait pas lu le Journal littéraire de Léautaud, il aurait appris qu’on ne commence pas une phrase par « mais », mot inutile alourdissant le propos.
Au matin cela souffle toujours fort. Le temps dégagé annoncé par la météo est remplacé par un ciel gris porteur de pluies. Cela m’amène à changer mon plan, Carolles et sa Cabane Vauban. Ce n’est encore pas un jour à marcher sur la côte.
Mon pain au chocolat acheté chez Robert la Flûte Gana, je redescends la rue Couraye et trouve ouvert le bar-tabac La Civette où le café allongé est à un euro cinquante. Trois petites tables en terrasse, une à l’intérieur où je me suis assis et trois tabourets de bar, mais il y a une salle en haut, me dit la patronne qui est à la fois bavarde et curieuse. Qu’est-ce que je viens faire à Granville ? « On est ouvert tous les jours de l’année, même le jour de Noël », me dit-elle puis elle tente de me faire commander un autre allongé. « Foire de Lessay un dimanche sous la pluie », c’est l’affichette d’Ouest France qui a le sens de l’observation.
Il pleut à nouveau. Je décide de retourner avec le bus Deux à Saint-Pair où il y aura au moins un café pour m’abriter.
Il pleut encore plus à l’arrivée, direction L’Encre Marine pour un allongé suivi d’une lecture. Depuis mon arrivée dans la Manche, rapport au temps qu’il fait, je lis bien plus que je ne voudrais. J’ai dépassé la moitié du premier volume du Journal de Jean-Luc Lagarce et je n’ai pas emporté le second pour raison de poids.
De retour à Granville, la pluie ayant vaguement cessé mais pas le vent fort, je vais voir la mer, cette fois déchaînée contre la Promenade du Plat Gousset. Je tente d’en faire quelques photos significatives puis je vais voir ce que Le Pirate propose à midi. Hélas, c’est le même menu depuis trois jours.
Je vais donc au Cabestan, sur le Port de Pêche, mais avant que j’aie passé commande, arrive un groupe de dix jeunes adultes avec dans des poussettes quatre exemplaires déjà énervés de Génération Cinquante. Ils ont table à côté de la mienne. Je demande à la serveuse si je peux en avoir une autre. Elles sont toutes réservées. « J’aimerais déjeuner en paix, lui dis-je, aussi je vais aller ailleurs. » Cet ailleurs n’est pas loin et s’appelle La Bisquine. Je m’y contente d’une pizza napolitaine à treize euros trente.
Le Pirate, j’y retourne vers quatorze heures quinze pour un café lecture à l’intérieur. L’auvent de la terrasse protège de la pluie lorsqu’elle est verticale, pas quand elle est oblique poussée par le vent
Vers seize heures, un brin de soleil me pousse sur la Promenade du Plat Gousset. J’assiste à l’enlèvement de la première cabine de plage par un engin qui la pose sur une plate-forme tirée par un camion. Cette fois, la saison est vraiment terminée.
*
Un homme à sa femme : « T’as vu, y en a qui se baignent là-bas dans le lac. » (le lac = la piscine d’eau de mer)
*
Cette façon qu’elles et eux ont de se battre pour payer les deux cafés pris ensemble dans un bar, comme s’il s’agissait de faire un immense cadeau à l’autre, alors qu’est en jeu une somme dérisoire.
*
De Paul-Jean Toulet, que lit Jean-Luc Lagarce en mars mil neuf cent quatre-vingt-huit : Dans la vie, parfois, il faut savoir manquer un train.
*
Lagarce, quand une amie de lycée lui annonce sa séparation d’avec celui avec qui elle était depuis la seconde : En bon Verseau elle fait une plaisanterie détachée. Mais je suis bien placé pour savoir que les plaisanteries détachées des Verseaux ne sont pas toujours pleines d’humour. Je confirme, l’étant également.
Dommage qu’il n’ait pas lu le Journal littéraire de Léautaud, il aurait appris qu’on ne commence pas une phrase par « mais », mot inutile alourdissant le propos.
9 septembre 2024
Alerte orange pluie inondation de Météo France pour la Manche à partir de samedi soir. Dans les faits, cela se traduit par de fortes précipitations à partir de quatre heures du matin. Pas de quoi cependant inonder le bas de Granville.
La pluie se calme lorsque vers huit heures je pars à la recherche d’une boulangerie ouverte le dimanche. Il y en a deux rue Couraye, l’artère principale de la ville qui monte à la Gare. J’achète mon pain au chocolat (un euro vingt) à la première rencontrée, Robert la Flûte Gana, puis continue à monter jusqu’à atteindre le Café de la Gare, le seul du quartier ouvert à cette heure. Une clientèle d’habitué(e)s est déjà là. L’une porte sur la tête un plastique translucide comme en mettait ma mère quand elle allait faire ses courses à bicyclette sous la pluie. « On va perdre le tourisme en Normandie si ça continue comme ça » s’inquiète un autre. « Moi je suis de gauche, dit un troisième, mais si j’avais été patron, j’aurais été un enculé. » L’allongé est à un euro quarante.
Ce n’est pas un endroit où lire Lagarce. Je redescends vers neuf heures pour ce faire, malgré Nostalgie, au Derby où la clientèle est quand même un peu moins pénible. Certains ne posent qu’une fesse sur les tabourets du bar. Ils parlent pluie. Ça va se dégager un peu et puis à deux heures avec la marée, ça va revenir.
Ça se dégage un peu en effet. Je saisis l’occasion pour aller marcher sur la Promenade du Plat Gousset. C’est marée haute. La mer est énervée. Elle cogne contre la Promenade et à certains endroits passe par-dessus le muret. Dans la boîte à livres, je trouve Hexagoneries de Roland Bacri, publié chez Seghers en mil neuf cent soixante-seize, avec un dessin de couverture de Kerleroux.
A midi j’entre au Pirate et y commande un burgueur Corsaire (avec fromage de Savoie, jambon fumé, oignons confits, tomate, salade et sauce moutarde) à quatorze euros quatre-vingt-dix. De nombreuses tables sont réservées par la clientèle du dimanche, moitié bourgeoisie locale, moitié tourisme de passage. Ambiance feutrée, musique piano jazzy. Faute de goût, le Coca servi en canette. Premier couple de voisins, elle : « Après, ce que je te propose, c’est de remonter tout doucement. » Second couple de voisins, elle : « Ce soir, on peut manger le melon. » La vie des autres est passionnante.
Dès douze heures trente, il pleut à fond. Je me mets au sec sous l’auvent de la terrasse pour prendre un café et lire Lagarce. Ce faisant, j’assiste au spectacle d’une population arrivant trempée, certaine d’être à bon port et refusée parce que c’est complet.
*
Jean-Luc Lagarce, Journal :
Dimanche 2 février 1986
Strasbourg 12h30
Débat public, ici, sur le thème culturel « Quelle écriture contemporaine, pour quel Monde contemporain ? » (sic !) Avec les inévitables intellectuels barbus, anciens dramaturges du TNS, l’auteur qui écrit, mais que personne ne lit et l’acteur-metteur-en-scène-animateur grisonnant, défenseur de la décentralisation.
(…)
Avec dans le public – « Y a-t-il des questions ? » – l’inévitable grosse fille laide qui parle au nom du « peuple » (sic !) et qui pense que Molière lui, est un auteur populaire, à la différence de ces pièces avec des hommes qui tiennent un verre de whisky… (re-sic !)
A part ça, la ville de Strasbourg dans le froid épouvantable, c’est douloureux et triste. Cela m’émeut et avec ma grippe méprisable, le visage blanc, je songe à fuir vers l’Allemagne…
La pluie se calme lorsque vers huit heures je pars à la recherche d’une boulangerie ouverte le dimanche. Il y en a deux rue Couraye, l’artère principale de la ville qui monte à la Gare. J’achète mon pain au chocolat (un euro vingt) à la première rencontrée, Robert la Flûte Gana, puis continue à monter jusqu’à atteindre le Café de la Gare, le seul du quartier ouvert à cette heure. Une clientèle d’habitué(e)s est déjà là. L’une porte sur la tête un plastique translucide comme en mettait ma mère quand elle allait faire ses courses à bicyclette sous la pluie. « On va perdre le tourisme en Normandie si ça continue comme ça » s’inquiète un autre. « Moi je suis de gauche, dit un troisième, mais si j’avais été patron, j’aurais été un enculé. » L’allongé est à un euro quarante.
Ce n’est pas un endroit où lire Lagarce. Je redescends vers neuf heures pour ce faire, malgré Nostalgie, au Derby où la clientèle est quand même un peu moins pénible. Certains ne posent qu’une fesse sur les tabourets du bar. Ils parlent pluie. Ça va se dégager un peu et puis à deux heures avec la marée, ça va revenir.
Ça se dégage un peu en effet. Je saisis l’occasion pour aller marcher sur la Promenade du Plat Gousset. C’est marée haute. La mer est énervée. Elle cogne contre la Promenade et à certains endroits passe par-dessus le muret. Dans la boîte à livres, je trouve Hexagoneries de Roland Bacri, publié chez Seghers en mil neuf cent soixante-seize, avec un dessin de couverture de Kerleroux.
A midi j’entre au Pirate et y commande un burgueur Corsaire (avec fromage de Savoie, jambon fumé, oignons confits, tomate, salade et sauce moutarde) à quatorze euros quatre-vingt-dix. De nombreuses tables sont réservées par la clientèle du dimanche, moitié bourgeoisie locale, moitié tourisme de passage. Ambiance feutrée, musique piano jazzy. Faute de goût, le Coca servi en canette. Premier couple de voisins, elle : « Après, ce que je te propose, c’est de remonter tout doucement. » Second couple de voisins, elle : « Ce soir, on peut manger le melon. » La vie des autres est passionnante.
Dès douze heures trente, il pleut à fond. Je me mets au sec sous l’auvent de la terrasse pour prendre un café et lire Lagarce. Ce faisant, j’assiste au spectacle d’une population arrivant trempée, certaine d’être à bon port et refusée parce que c’est complet.
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Jean-Luc Lagarce, Journal :
Dimanche 2 février 1986
Strasbourg 12h30
Débat public, ici, sur le thème culturel « Quelle écriture contemporaine, pour quel Monde contemporain ? » (sic !) Avec les inévitables intellectuels barbus, anciens dramaturges du TNS, l’auteur qui écrit, mais que personne ne lit et l’acteur-metteur-en-scène-animateur grisonnant, défenseur de la décentralisation.
(…)
Avec dans le public – « Y a-t-il des questions ? » – l’inévitable grosse fille laide qui parle au nom du « peuple » (sic !) et qui pense que Molière lui, est un auteur populaire, à la différence de ces pièces avec des hommes qui tiennent un verre de whisky… (re-sic !)
A part ça, la ville de Strasbourg dans le froid épouvantable, c’est douloureux et triste. Cela m’émeut et avec ma grippe méprisable, le visage blanc, je songe à fuir vers l’Allemagne…
8 septembre 2024
Musique à fond vendredi soir au moment de ranger et fermer la boutique chez le kebabier d’en bas, le voisin du glacier de bord de mer. Il est plus de vingt-trois heures. Faut attendre que ça se passe. Chez Déniz, ça s’appelle. Il est là depuis longtemps. Je me souviens qu’un jour où j’étais ici, bien accompagné, c’était le premier de l’an, il nous a sauvés. Tous les restaurants de Granville étaient fermés ce soir-là.
Ce samedi matin à huit heures, il y a un monde fou au Derby, des gens de tous les âges. Je demande pourquoi. « C’est le marché, me dit le serveur, au bout de la rue, au Marché Couvert. »
Je vais donc voir. C’est un vieux et relativement beau bâtiment où les commerces de bouche sont répartis sur deux niveaux, chaque niveau ayant une sortie sur une rue grâce à la pente. Dans les rues avoisinantes et sur la place du Pirate (déjà ouvert) sont d’autres commerçants ambulants.
Je monte ensuite à la Ville Haute par la rue principale, point trop pentue, et rejoins le littoral. Une suite d’escaliers de pierre permet de descendre à une toute petite plage. Un jeune homme nage. Je m’assois sur un muret.
A dix heures, je compte remonter et par la rue de l’Egout rejoindre la terrasse de La Rafale. Une averse inattendue m’oblige à abandonner ce projet. Je redescends de l’autre côté par la rampe du Monte-à-Regret pour aller m’abriter dans la salle du Tout Va Bien. « Toute la journée on vous nourrit » est-il écrit sur la terrasse. Ce n’est vrai qu’en saison. Je commande un allongé.
Au comptoir, on parle prochaines grandes marées et ouverture de la chasse. L’un vient d’être grand-père. L’enfant s’appelle Oscar. Il a eu un chien qui s’appelait comme ça. S’ensuivent quelques plaisanteries.
Quand je reste le seul client présent, la patronne et son cuisinier discutent des plats de l’hiver qui va arriver. Pour les touristes, en entrée, pourquoi pas des accras, on en vend des tout prêts chez Sysco, y a qu’à les mettre au four. Pour nos habitués, les pêcheurs, ce qu’ils veulent quand ils débarquent des bateaux, c’est de la viande, du bourguignon, des trucs comme ça. « Ça va être long aujourd’hui », dit le cuisinier. « Demain on ferme, lui dit la patronne, avec le temps qu’ils annoncent, et puis c’est la Foire de Lessay. »
Je reviens au TéVéBé à midi pour déjeuner d’une moule frites à quatorze euros cinquante après avoir réussi à m’envoyer ma dictée de début de texte du jour. « On va ravoir de l’eau », dit-on au comptoir. « Ils sont tous à Lessay, c’est la plus grosse foire de France », ne cesse de répéter Céline la patronne.
Ils n’y sont pas tous puisque arrive un groupe de douze avec trois poussettes, des jeunes qui sont dans des mobil-homes et qui souhaitent boire quelque chose. Je les ai pour voisins le temps de terminer mes toutes petites moules. Heureusement, les mères savent endiguer l’énergie de leurs descendants. Les pères boivent des pintes. Il est question des comptes, comment qu’on va partager les frais.
Il pleut vraiment quand je ressors mais c’est sous un soleil réapparu que je m’installe à la terrasse abritée du Pirate pour un café verre d’eau lecture. Près de moi, un couple organise son futur mariage. « On apprécie les traditions mais on a un côté artiste ». « Jaquette ou trois pièces ? » Le vendredi premier mai mil neuf cent quatre-vingt-sept, à Besançon où il fait un temps magnifique, Jean-Luc Lagarce dans son Journal écrit : Déjeuner seul, terrasse. Vie bourgeoise délicate et solitaire. S’ennuyer ferme. Pour ma part, jamais je ne m’ennuie avec moi-même.
En fin d’après-midi, je fais une balade de vieux sur la Promenade du Plat Gousset, sous un demi-soleil, avant que ne se concrétise ou non l’alerte orange pluie inondation claironnée par Météo France. La saison n’est pas tout à fait terminée. Quelques cabines de plage sont ouvertes. Leurs locataires sont installés devant, dans des transats, souvent un livre à la main. Ils ne voient pas la mer, cachée par le muret, simplement qui passe et il en passe. Au-dessus de la Ville Haute un nuage noir attend son heure.
*
L’Abbé Pierre et ses turpitudes. Pour agir ainsi pendant des décennies, il faut qu’il ait été sûr d’une chose : Dieu n’existe pas.
Ce samedi matin à huit heures, il y a un monde fou au Derby, des gens de tous les âges. Je demande pourquoi. « C’est le marché, me dit le serveur, au bout de la rue, au Marché Couvert. »
Je vais donc voir. C’est un vieux et relativement beau bâtiment où les commerces de bouche sont répartis sur deux niveaux, chaque niveau ayant une sortie sur une rue grâce à la pente. Dans les rues avoisinantes et sur la place du Pirate (déjà ouvert) sont d’autres commerçants ambulants.
Je monte ensuite à la Ville Haute par la rue principale, point trop pentue, et rejoins le littoral. Une suite d’escaliers de pierre permet de descendre à une toute petite plage. Un jeune homme nage. Je m’assois sur un muret.
A dix heures, je compte remonter et par la rue de l’Egout rejoindre la terrasse de La Rafale. Une averse inattendue m’oblige à abandonner ce projet. Je redescends de l’autre côté par la rampe du Monte-à-Regret pour aller m’abriter dans la salle du Tout Va Bien. « Toute la journée on vous nourrit » est-il écrit sur la terrasse. Ce n’est vrai qu’en saison. Je commande un allongé.
Au comptoir, on parle prochaines grandes marées et ouverture de la chasse. L’un vient d’être grand-père. L’enfant s’appelle Oscar. Il a eu un chien qui s’appelait comme ça. S’ensuivent quelques plaisanteries.
Quand je reste le seul client présent, la patronne et son cuisinier discutent des plats de l’hiver qui va arriver. Pour les touristes, en entrée, pourquoi pas des accras, on en vend des tout prêts chez Sysco, y a qu’à les mettre au four. Pour nos habitués, les pêcheurs, ce qu’ils veulent quand ils débarquent des bateaux, c’est de la viande, du bourguignon, des trucs comme ça. « Ça va être long aujourd’hui », dit le cuisinier. « Demain on ferme, lui dit la patronne, avec le temps qu’ils annoncent, et puis c’est la Foire de Lessay. »
Je reviens au TéVéBé à midi pour déjeuner d’une moule frites à quatorze euros cinquante après avoir réussi à m’envoyer ma dictée de début de texte du jour. « On va ravoir de l’eau », dit-on au comptoir. « Ils sont tous à Lessay, c’est la plus grosse foire de France », ne cesse de répéter Céline la patronne.
Ils n’y sont pas tous puisque arrive un groupe de douze avec trois poussettes, des jeunes qui sont dans des mobil-homes et qui souhaitent boire quelque chose. Je les ai pour voisins le temps de terminer mes toutes petites moules. Heureusement, les mères savent endiguer l’énergie de leurs descendants. Les pères boivent des pintes. Il est question des comptes, comment qu’on va partager les frais.
Il pleut vraiment quand je ressors mais c’est sous un soleil réapparu que je m’installe à la terrasse abritée du Pirate pour un café verre d’eau lecture. Près de moi, un couple organise son futur mariage. « On apprécie les traditions mais on a un côté artiste ». « Jaquette ou trois pièces ? » Le vendredi premier mai mil neuf cent quatre-vingt-sept, à Besançon où il fait un temps magnifique, Jean-Luc Lagarce dans son Journal écrit : Déjeuner seul, terrasse. Vie bourgeoise délicate et solitaire. S’ennuyer ferme. Pour ma part, jamais je ne m’ennuie avec moi-même.
En fin d’après-midi, je fais une balade de vieux sur la Promenade du Plat Gousset, sous un demi-soleil, avant que ne se concrétise ou non l’alerte orange pluie inondation claironnée par Météo France. La saison n’est pas tout à fait terminée. Quelques cabines de plage sont ouvertes. Leurs locataires sont installés devant, dans des transats, souvent un livre à la main. Ils ne voient pas la mer, cachée par le muret, simplement qui passe et il en passe. Au-dessus de la Ville Haute un nuage noir attend son heure.
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L’Abbé Pierre et ses turpitudes. Pour agir ainsi pendant des décennies, il faut qu’il ait été sûr d’une chose : Dieu n’existe pas.
7 septembre 2024
Ce vendredi la pluie ne devrait pas être présente, aussi après avoir petit-déjeuné au Derby, je monte dans le bus gratuit Néva numéro Deux, direction Saint-Pair-sur-Mer. J’en descends à l’arrêt Centre Bourg, non loin de l’église pointue. Un passage au Crédit à Bricoles où je côtoie des gens du cru à accent prononcé puis je descends vers la mer en longeant le Casino. Il y a peu à faire : une courte promenade dite du Coucher de Soleil.
Le soleil fait une timide apparition quand je remonte au bourg. Je m’assois à la terrasse de L’Encre Marine qui en bénéficie. Le serveur me renseigne sur où manger à Saint-Pair. C’est réduit : le Casino, une crêperie, un restaurant gastronomique et le poissonnier Philippe qui fait quelques plats. Ce café diffuse de la musique propice à la lecture. Elle va de la bande originale d’In the Mood for Love à Nat King Cole chantant en espagnol.
Le soleil disparaît. Il fait presque froid. Cela m’amène à retourner à Granville où dans le Port des pêcheurs bricolent sur leurs bateaux à défaut de prendre la mer. Au Cabestan où je choisis de déjeuner en terrasse, la patronne m’apporte en guise de carte une tablette. « Je ne sais pas me servir de ça », lui dis-je. « Oh, c’est comme un portable. » « Je n’en ai pas. » Elle me la laisse quand même. La formule du jour est affichée prés de la porte d’entrée : cake au chorizo et roussette sauce cajun, quinze euros cinquante. Je demande à la jeune serveuse, qui prend ma commande à l’ancienne avec papier et crayon, ce qu’est une roussette. « Un petit requin. » Diantre ! Un couple à chien est à ma gauche. Elle, quand il aboie : « Avant tu disais rien. On va plus t’emmener au restaurant ».
Mon repas fini, je décide de rejoindre La Rafale par la rampe de Monte-à-Regret. Ça se fait facilement. Fini le temps où j’étais asphyxié à la moindre grimpée.
La terrasse de La Rafale est agréable, sans voitures à proximité. Le soleil est revenu. La clientèle en majorité bobo baba : « Se poser un peu avec Séb, partir en voyaaage … » « On a deux concerts à faire et le contrôle technique de la voituuure. » « Un chien ça dure dix ans, des enfants c’est toute ta vie » (une qui hésite). Une habituée arrive avec son coussin, les chaises métalliques ça fait mal au cul. Une jeune femme vient emprunter le briquet de mon voisin qui lit une bande dessinée. « Ah oui, les bédés ça passe mieux, lui dit-elle, parce que les bouquins, pff … » (me regardant).
Au fil de ma lecture, tiens Lagarce lit Amours de Léautaud, le ciel redevient gris et la température fraichît. Je lève le camp, un passage dans l’armoire et, par le sentier du littoral et l’escalier de compétition, je rentre à mon Air Bibi où je dicte mon texte du jour, oui mais cette fois, impossible de le recevoir dans ma boîte mail.
*
Un nom et une date en page de garde de mon exemplaire du Journal de Jean-Luc Lagarce : « Joël Ochoa 6 mars 2008 ».
Via Internet, j’apprends qu’un Joël Ochoa est mort en mai dernier. Cela pourrait expliquer que j’aie trouvé ce livre d’occasion chez Gibert en juillet. Il avait soixante-treize ans. Mon âge. C’est aussi l’âge de celui qui est devenu Premier Ministre de Macron avec l’autorisation du Rassemblement National.
Le soleil fait une timide apparition quand je remonte au bourg. Je m’assois à la terrasse de L’Encre Marine qui en bénéficie. Le serveur me renseigne sur où manger à Saint-Pair. C’est réduit : le Casino, une crêperie, un restaurant gastronomique et le poissonnier Philippe qui fait quelques plats. Ce café diffuse de la musique propice à la lecture. Elle va de la bande originale d’In the Mood for Love à Nat King Cole chantant en espagnol.
Le soleil disparaît. Il fait presque froid. Cela m’amène à retourner à Granville où dans le Port des pêcheurs bricolent sur leurs bateaux à défaut de prendre la mer. Au Cabestan où je choisis de déjeuner en terrasse, la patronne m’apporte en guise de carte une tablette. « Je ne sais pas me servir de ça », lui dis-je. « Oh, c’est comme un portable. » « Je n’en ai pas. » Elle me la laisse quand même. La formule du jour est affichée prés de la porte d’entrée : cake au chorizo et roussette sauce cajun, quinze euros cinquante. Je demande à la jeune serveuse, qui prend ma commande à l’ancienne avec papier et crayon, ce qu’est une roussette. « Un petit requin. » Diantre ! Un couple à chien est à ma gauche. Elle, quand il aboie : « Avant tu disais rien. On va plus t’emmener au restaurant ».
Mon repas fini, je décide de rejoindre La Rafale par la rampe de Monte-à-Regret. Ça se fait facilement. Fini le temps où j’étais asphyxié à la moindre grimpée.
La terrasse de La Rafale est agréable, sans voitures à proximité. Le soleil est revenu. La clientèle en majorité bobo baba : « Se poser un peu avec Séb, partir en voyaaage … » « On a deux concerts à faire et le contrôle technique de la voituuure. » « Un chien ça dure dix ans, des enfants c’est toute ta vie » (une qui hésite). Une habituée arrive avec son coussin, les chaises métalliques ça fait mal au cul. Une jeune femme vient emprunter le briquet de mon voisin qui lit une bande dessinée. « Ah oui, les bédés ça passe mieux, lui dit-elle, parce que les bouquins, pff … » (me regardant).
Au fil de ma lecture, tiens Lagarce lit Amours de Léautaud, le ciel redevient gris et la température fraichît. Je lève le camp, un passage dans l’armoire et, par le sentier du littoral et l’escalier de compétition, je rentre à mon Air Bibi où je dicte mon texte du jour, oui mais cette fois, impossible de le recevoir dans ma boîte mail.
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Un nom et une date en page de garde de mon exemplaire du Journal de Jean-Luc Lagarce : « Joël Ochoa 6 mars 2008 ».
Via Internet, j’apprends qu’un Joël Ochoa est mort en mai dernier. Cela pourrait expliquer que j’aie trouvé ce livre d’occasion chez Gibert en juillet. Il avait soixante-treize ans. Mon âge. C’est aussi l’âge de celui qui est devenu Premier Ministre de Macron avec l’autorisation du Rassemblement National.
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