Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

7 février 2018


Il faut bien que je me vête et ce que j’ai sur le dos est de plus en plus dépenaillé. Ce lundi, je me résous à entrer dans ces magasins de fringues que j’abhorre et m’efforce de m’intéresser à ces pièces de tissu cousu.
Il va de soi qu’à la fin des soldes, on ne trouve pas toutes les tailles, aussi parmi les vêtements que je paie deux sur trois ne sont pas soldés.
Parmi les boutiques de la rue du Gros il en est une que j’ai évitée : Celio. Ce samedi soir, des étudiant(e)s ont découvert dans les poubelles des vêtements lacérés que les responsables de cette enseigne avaient fait détruire par leurs employé(e)s.
Ces étudiant(e)s ont décoré le rideau de fer de Celio avec les vêtements rendus hors d’usage. La photo prise par une passante de cette œuvre d’un « artiste inconnu » a fait le tour de ce qu’on appelle les réseaux sociaux ce ouiquennede avant d’arriver sur les sites des journaux nationaux.
« Ce sont des vêtements impropres à la vente ou au don. Nous avons eu une inondation et des travaux, des vêtements ont été aspergés de produits. Celio fait déjà des dons, mais là, ce n’était pas possible. », donne comme justification ce lundi la direction.
« Plusieurs vêtements me semblaient en bon état s’ils n’avaient pas été lacérés au cutter, contredit l’auteure de la photo interrogée par Le Parisien. J’ai même hésité à prendre l’une des chemises du tas de vêtements.»
« Celio ne nous a jamais proposé de vêtements », dit une dame du Secours Populaire le soir sur France Trois.
                                                      *
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, après consultation du bon peuple a choisi d’appeler sa monnaie régionale le rollon en l’honneur de Rollon. Ce chef viking, chassé de son pays pour ses exactions, est à l’origine du Duché, ayant reçu en neuf cent onze de Charles le Simple un territoire autour de Rouen contre l’arrêt de ses pillages. Il épousa de force Poppa de Bayeux après avoir tué son père lors du sac de cette ville.
Pilleur, incendiaire, tueur et violeur, Rollon méritait bien une monnaie à son nom.
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Des avenues / Des avenues et des fleurs / Des fleurs / Des fleurs et des femmes / Des avenues / Des avenues et des femmes / Des avenues et des fleurs et des femmes et un admirateur. Telle est la traduction en français d’Avenidas, poème écrit par l’helvético-bolivien Eugen Gomringer.
Celui-ci figure dans sa langue d’origine en lettres géantes sur la façade de la Haute Ecole Alice Salomon de Berlin. Des étudiant(e)s de ladite ont fait pétition pour qu’il soit effacé : « Ce poème reproduit non seulement une tradition artistique patriarcale dans laquelle de belles femmes sont des muses utilisées exclusivement pour stimuler la création artistique des hommes, mais il nous rappelle aussi de façon fort désagréable le harcèlement sexuel auquel les femmes sont quotidiennement exposées.»
Leur initiative n’a pas l’excuse d’être liée aux évènements récents, elle date de deux mille seize.
 

6 février 2018


Du soleil et un étonnant ciel bleu ce dimanche après-midi quand je me rends à l’Opéra où l’on donne concert. J’y arrive peu après quinze heures, avant que ne commence au foyer l’avant spectacle confié au Conservatoire.
Il s’agit de La peur des coups, une saynète de Courteline dont le thème est d’actualité, forcément d’actualité. Cette pochade conjugale n’est pas à mon goût. Aussi, bien que la pianiste soit agréable à regarder, j’entre en salle dès que c’est possible.
De ma place de bout de corbeille, j’étudie le programme et découvre, pas vraiment surpris, que l’Orchestre ne sera pas dirigé, comme il était prévu, par Leo Hussain. Le chef principal de l’Opéra de Rouen est un chef principalement absent.
Kaspar Zehnder, discrète cravate rouge, le remplace à la baguette. De plain-pied avec les musicien(ne)s, il dirige Tetris (pour double quintette à vent) du contemporain Lior Navok (né en mil neuf cent soixante et onze), une plaisante évocation de la trépidante vie new-yorkaise.
L’estrade du chef mise en place, l’Orchestre au complet s’installe. Les musiciens sont sans cravate, une décontraction qui n’est pas synonyme de laisser-aller. Le maestro revient accompagné d’Allan Clayton pour Nocturne de Benjamin Britten. Ce ténor chante à la perfection. La musique est subtile à souhait. Bizarrement, les applaudissements meurent un peu vite. Heureusement, le timbalier Philippe Bajard est là pour les ranimer d’un geste, tel le batteur d’un groupe de rock. Ténor et maestro peuvent revenir une troisième fois saluer.
Celui avec qui je parle à l’entracte est d’accord avec moi : cela commence bien. Par un hasard que le calcul des probabilités n’aurait pas prévu, il occupe à l’autre extrémité de la corbeille le siège symétrique du mien.
A la reprise c’est Silouans Song du contemporain Arvo Pärt (né en mil neuf cent trente-cinq), un court plaisir mystique joué par les cordes, puis la Symphonie numéro trente-six en do majeur, dite Linz car Wolfgang Amadeus Mozart l’a composée vite fait bien fait dans cette ville pour remercier son hôte le comte de Thun.
Kaspar Zehnder est un très bon chef. Il tire le meilleur de l’Orchestre et de chaque instrumentiste. Cela sonne bon ce dimanche après-midi à l’Opéra de Rouen. De quoi ressortir content à dix-huit heures précises. Comme chacun le constate avec satisfaction : les jours rallongent.
 

5 février 2018


Tout un mois de janvier à pleuvoir et février débute pareillement, l’activité préférée du moment de beaucoup de Rouennais(e)s est de faire le badaud depuis les ponts et les quais hauts pour voir ceux du bas inondés à chaque marée haute. Je m’en garde, me contentant des photos prises par d’autres.
Cette fois encore la Seine est respectueuse des constructions aventureuses. Il n’y a qu’à la télévision nationale que l’« on s’inquiète à Rouen ». Ailleurs, vers Cléon ou Saint-Aubin-lès-Elbeuf, on n’en est plus à s’inquiéter, des maisons sont dans l’eau.
Pas de chance pour les filles de la French Cup, cette compétition mondiale de patinage synchronisé qui se tient à la patinoire non inondée de l’île Lacroix ce ouiquennede. Chignons ultra serrés, tenues sportivo-militaires, les clones de chaque pays, affrontant le mauvais temps, foncent dans les rues en direction de leurs hôtels. Même leurs valises sont identiques. Quand elles déboulent dans les rues pavées, le bruit est d’enfer et t’as intérêt à te garer.
Par la vitre du Sushi Tong, où je soigne mon rhume ce vendredi midi, j’en aperçois un escadron sur le pont Corneille faire face à la drache, chacune semblable à l’autre. Malheureusement, cette perfection est mise à mal par leurs parapluies. Des rouges, des noirs, des bleus, des gris, finie la belle uniformité.
                                                      *
Le rhume, des jours de patience (si l’on peut dire) avant d’être guéri. Aucun traitement disponible. Uniquement des médicaments contre les symptômes. Ceux-ci à éviter en raison du risque de crise cardiaque. La médecine moderne remonterait dans mon estime si elle trouvait comment guérir cette maladie virale.
                                                     *
Janvier à Rouen : seize centimètres virgule sept d’eau de pluie, dix-huit heures de soleil.
                                                     *
Janvier sur mon compte en banque : quarante euros virgule seize de prélèvement Macron (augmentation de la Contribution Sociale Généralisée).
 

2 février 2018


Il pleut à fond quand je sors du Péhemmu chinois ce mercredi vers midi et demi. Je me jette dans l’escalier du métro le plus proche et constate qu’il faut deux changements pour rejoindre Rambuteau, la station la plus proche de l’entrée du Centre Pompidou (un trajet que je fais ordinairement sans effort à pied).
A cette heure aucune attente pour pénétrer dans le bâtiment dont ce dernier jour de janvier marque le quarante et unième anniversaire de l’inauguration. Je le fête en visitant à l’étage Art Moderne l’exposition consacrée à son élaboration par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers (dessins, photos, maquettes et compagnie). Pour suivre (comme on dit dans la restauration) je parcours les salles consacrées à cet Art Moderne où, grâce aux modifications d’accrochage, il y a toujours matière à étonnement. C’est ainsi que je découvre, dans deux salles différentes mais datant tous deux de mil neuf cent trente-quatre, l’irrévérencieux et anachronique Saint Sébastien d’Alfred Courmes et le non moins étonnant Sainte Conversation de Gisberto Ceracchini dont on ne trouve aucune reproduction via Internet. Plus loin je note ce propos de Jean Dubuffet : Une chanson que braille une fille en brossant l’escalier me bouleverse plus qu’une savante cantate.
Sous la pluie, je regagne Rambuteau puis par diverses lignes de métro arrive à Quatre-Septembre au plus près du second Book-Off où je m’attarde suffisamment pour me charger d’autres livres puis, toujours à l’abri sous terre, je rejoins la gare Saint-Lazare près de laquelle je prends un café A la Ville d’Argentan en attendant l’heure de mon train.
Au fond de la salle un écran muet montre les images de la chaîne d’information continue. Je lui tourne le dos. D’autres ont les yeux fixés dessus.
-Je l’avais dit dès le premier jour que c’était le veuf, c’est pas une blague, déclare un buveur de bière.
-Ça aurait pu être un chasseur, conteste le serveur à qui l’autre a beau jeu de répliquer qu’il n’y avait pas trace de balle dans le corps de la jeune morte de Gray (Haute-Saône).
La bétaillère de dix-sept heures quarante-huit est là quand je me présente au bout du quai dix-neuf mais je ne peux m’y asseoir avant l’heure car un barrage de contrôleurs m’en empêche. Ceux-ci vérifient les billets du train voisin. Peu de temps avant son départ, un grand black énervé sans billet force le passage avec l’aide de sa poussette garnie d’un enfant. Les contrôleurs appellent la Police Ferroviaire, laquelle arrive accompagnée d’un chien muselé. Voilà un train qui pouvait partir à l’heure retenu à quai pour une durée indéterminée, c’est-à-dire jusqu’à ce que le contrevenant et sa descendance en soient expulsés et emmenés je ne sais où.
Ce retard a pour conséquence de faire partir le train qui me concerne après l’heure prévue. A l’arrivée, le chef de bord prend la parole : « Notre conducteur a fait tout ce qu’il a pu pour rattraper les dix minutes de retard et il a réussi ! »
Il ne pleut plus à Rouen. Cette fois je n’ai pas rapporté que des livres ; un rhume s’annonce, dû à la pluie reçue dans la capitale, à moins que ce ne soit un cadeau de l'apprentie mezzo-soprano de l’aller.
 

1er février 2018


Ce mercredi les prévisions météo sont à la pluie. Elle ne tombe heureusement pas quand je fais le chemin de chez moi à la gare de Rouen. Le sept heures cinquante-neuf est à l’heure. J’y trouve place près d’une jeune fille brune à longs cheveux. Pendant que je lis Souvenirs et solitude de Jean Zay, elle étudie La coccinelle, l’une des partitions de Classiques pour voix de mezzo-soprano. Enrhumée comme elle est, je ne sais comment elle peut chanter. Bientôt elle s’endort, son téléphone en équilibre sur un genou sans que celui-ci ne tombe. Pendant ce temps, le jour se lève sur un ciel vraiment gris. Par la vitre, je considère les inondations. Villennes-sur-Seine est en passe de devenir Villennes-sous-Seine.
Il ne pleut toujours pas lorsque je sors de terre au carrefour Ledru-Rollin/Faubourg Saint-Antoine. Des policiers et des employés municipaux s’emploient à neutraliser une flaque d’huile qui a déjà fait tomber plusieurs bicyclistes. C’est le serveur du Café du Faubourg qui les a alertés. La blonde efficace et effacée qui officiait derrière le comptoir est depuis quelques semaines remplacée par une brune d’un autre genre. « T’as les yeux en trou de pine », dit-elle à l’une de ses copines qui commande un café et qu’elle a accueillie d’un cordial « Salut morue ». Mon café bu, je lis Le Parisien où s’étale sur une double page le rebondissement de l’affaire de Gray (Haute-Saône). Le mari éploré était le meurtrier, dire qu’il était si gentil.
La pluie commence à tomber pendant que je suis chez Book-Off. J’y reste donc plus longtemps que nécessaire et emplit mon panier de plus de livres que nécessaire. A midi moins le quart, je fais quelques dizaines de mètres sous la drache et entre au Péhemmu chinois pas par choix. Néanmoins j’y apprécie mon coutumier confit de canard pommes sautées salade côtes-du-rhône café. A ma droite mangent quatre jeunes ouvriers musulmans que la gentille serveuse a su rassurer :
-On achète la viande à la boucherie halal du marché d’Aligre.
A une autre table un sexagénaire à l’air dépressif boit un thé en considérant le cédé qu’il vient d’acheter chez Book-Off, un bestoffe de Carl Perkins. Pas sûr que son écoute suffise à lui redonner un semblant d’allant.
                                                      *
Parmi les livres dans mon sac Le mai de la révolution, un ouvrage paru chez Julliard l’année même des évènements (comme on disait), il y a donc cinquante ans, et signé par trois journalistes les ayant vécus : Pierre Andro d’Europe Numéro Un et Alain Dauvergne et Louis-Marie Lagoutte de Radio Luxembourg, ainsi que l’Album zutique de Rimbaud, Verlaine, Cros et autres où figure notamment Le sonnet du trou du cul écrit par Arthur et son ami Paul.
                                                      *
Au lieu de déconseiller à leur fille d’aller courir seule, certaines mères devraient les dissuader d’épouser un homme trop gentil.
 

30 janvier 2018


Il tombe une sorte de mouillasse ce dimanche après-midi lorsque je sors de chez moi pour rejoindre l’Opéra de Rouen où est donné Fantasio de Jacques Offenbach. J’ai le temps de sécher avant d’entrer dans la salle et de m’asseoir au dernier rang de la corbeille. A ma gauche comme à ma droite, on tousse, dernière chance pour moi d’attraper la grippe cette année. Dans la loge derrière s’installe un vieux couple qui ne tarde pas à m’énerver.
Ce Fantasio bénéficie de la mise en scène de Thomas Jolly « talentueux rouennais » qu’il m’est arrivé de côtoyer, sans jamais faire sa connaissance, à l’Ubi (défunt lieu artistique mutualisé) et de la direction d’orchestre du talentueux belge Jean-Pierre Haeck.
Fantasio, opéra-comique en trois actes, a peu à voir avec ce qui vient à l’esprit quand on songe à d’Offenbach. La mélancolie y a grand-place ce qui me convient bien. L’histoire est celle d’Elsbeth, princesse que son père, roi de Bavière, veut marier avec le prince de Mantoue afin d’éviter la guerre. Celle-ci n’est pas d’accord, attirée qu’elle est par l’étudiant Fantasio qui la séduit en empruntant le rôle du bouffon. Ce Fantasio est joué par une mezzo-soprano.
-Vous passez un bon moment ? me demande à l’entracte Alexandre Dain que j’ai connu à l’Ubi et qui, pour ce spectacle, est le collaborateur artistique de Thomas Jolly.
-Ça va… Ça va.
-De toute façon, je le lirai bien assez tôt, conclut-il.
Je regagne la salle et trouve une nouvelle place deux rangées plus bas dans un fauteuil resté libre, m’éloignant ainsi des tousseurs et surtout du couple de la loge qui se croit dans son salon et commente à voix haute. Derrière le rideau baissé se fait entendre un bruit d’aspirateur.
Le troisième acte est à la hauteur des deux premiers et tout est bien qui finit bien, la guerre est évitée bien qu’Elsbeth choisisse Fantasio dans un final festif débordant de la scène vers la salle (il y aura du boulot demain pour les femmes de ménage).
Les applaudissements sont copieux à la fin, pour lesquels Thomas Jolly (superbe veste) et son équipe ont rejoint les interprètes : le chœur accentus, le maestro représentant l’Orchestre, et les solistes : de bons chanteurs mais côté femmes celle qui joue Fantasio ne m’a pas convaincu, peu de présence dramatique et voix sans relief.
En revanche, Sheva Tehoval qui joue et chante la princesse Elsbeth me subjugue, aussi douée pour le métier d’actrice que pour celui de chanteuse, (Alix Le Saux qui interprète la suivante Falmel est bien aussi).
A la sortie de la salle, j’ai le plaisir de trouver là un autre ancien de l’Ubi, pas vu depuis un moment, venu rejoindre son mari et profiter avec lui du verre d’après spectacle.
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Atmosphère de noir et blanc avec surgissement de la couleur,  lumières jouant avec la musique ou s’intégrant dans l’architecture du décor, astucieuse structure métallique mobile symbolisant aussi bien un jardin que la prison, telles sont quelques-unes des trouvailles de Thomas Jolly, lequel a injecté un peu d’Alfred de Musset dans le livret écrit par Paul de Musset d’après la pièce peu connue de son frère.
La partition, quant à elle, a été reconstituée par Jean-Christophe Keck après qu’on l’eut cru disparue dans l’incendie de l’Opéra Comique en mil huit cent quatre-vingt-sept.
C’est pour la réouverture après travaux de l’Opéra Comique que fut créé le Fantasio de Thomas Jolly mais, pour cause de retard, les représentations eurent lieu hors les murs au Théâtre du Châtelet en février deux mille dix-sept.
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Dans la distribution un autre ancien de l’Ubi, Bruno Bayeux, avec qui j’ai échangé quelques mots jeudi lors du spectacle du Conservatoire (il faisait partie du jury). Il ne joue que trois petits rôles mais c’est suffisant pour qu’éclate son talent de comique.
 

29 janvier 2018


Il y a déjà du monde devant le Théâtre de la Chapelle Saint-Louis, place de la Rougemare, lorsque j’y arrive ce jeudi vers dix-neuf heures. « On ouvrira les portes de la salle vers sept heures vingt », me dit Maurice Attias, le professeur de la classe d’art dramatique du Conservatoire de Rouen. Cette classe joue Brecht pour ses travaux de demi-saison.
Dès qu’il est possible d’attendre à l’intérieur, je me case près de l’entrée de la salle derrière deux filles qui veulent absolument entrer les premières pour s’installer au premier rang où, disent-elles, sont les meilleures place. Elles ont tort, la meilleure place est au milieu de la quatrième rangée, la mienne, l’œil du Prince. Ces deux bavardes connaissent certain(e)s qui jouent ce soir. Sur le trombinoscope elles comptent les filles et les garçons puis, chez ces derniers, elles font le tri entre qui est bogoss et qui ne l’est pas.
Une fois en salle je suis derrière deux femmes d’une autre génération. L’une découvre avec effarement que la durée du spectacle est estimée à trois heures quarante-cinq. Venue en bus, elle comptait repartir de même. « Tant pis, déclare-t-elle, je repartirai à pied et m’arrivera ce qui doit m’arriver ».
Maurice Attias présente la soirée en quelques mots et signale que des professionnels sont présents, qui jugeront du travail des élèves, et que cinq coups de feu (cinq) seront tirés au cours du spectacle.
Les sept filles et les huit garçons de la classe d’art dramatique d’orientation professionnelle sont sur la scène devant un rideau blanc pour le prologue composé d’extraits musicaux tirés de Splendeur et décadence de la ville de Mahagonny, dont la célèbre Alabama Song. Kurt Weil donne l’occasion à ces jeunes artistes, accompagnés derrière le rideau par un pianiste et une accordéoniste, de montrer leurs capacités vocales
Suivent quatre scènes de Grand-peur et misère du Troisième Reich et, après l’entracte, La Résistible Ascension d’Arturo Ui que Brecht écrivit lors de son exil en Finlande en mil neuf cent quarante et un, transposant la prise du pouvoir par les nazis dans le monde de la maffia de Chicago. Son Arturo Ui, moitié Hitler, moitié Al Capone, chaplinesque chef du trust des choux-fleurs, est essentiellement interprété par le talentueux Charles Levasseur (il est vrai avantagé par sa petite taille). Comme il est de coutume chez Maurice Attias, les comédien(ne)s passent d’un rôle à l’autre sans souci de genre au cours de la représentation. Elles et eux dépensent une folle énergie, notamment lors de l’ardente chorégraphie sur une chanson de Michael Jackson. Cinq coups de feu (cinq) sont tirés, des coups de feu d’opérette qu’il serait difficile de confondre avec des vrais. A l’issue c’est un triomphe avec une ovation debout bien méritée.
Tandis que je traverse la place de la Rougemare j’entends le cri collectif de libération  que poussent les quinze en coulisses. Plutôt que vers the next whisky bar, je me dirige vers chez moi. J’y arrive à minuit pile, très content de ma soirée.
                                                      *
Avant le spectacle du Conservatoire, avertissement officiel sur Rouen.fr, l’organe officiel de la Mairie : « Pour les besoins des répétitions et représentations, il est prévu que des coups de feu factices soit tirés. Des « détonations » pourront donc être entendues dans le secteur de la place de la Rougemare ». Suivaient les jours et heures des répétitions et représentations (la faute d’orthographe est garantie d’origine).
                                                     *
S’il n’y avait pas eu théâtre ce jeudi soir je serais allé au vernissage des expositions d’art contemporain groupées sous le sigle La Ronde. Du moins si j’avais pu entrer car désormais plus de carton d’invitation envoyé par La Poste, il faut soi-même le matérialiser avec son imprimante ou le montrer sur son téléphone, et comme je n’ai ni l’une ni l’autre.
Nos Musées métropolitains peuvent être fiers d’eux, ils sont résolument modernes.
                                                     *
Ce jeudi matin, dans la vitrine de la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier un livre pour moi: Correspondance d’Albert Camus et Maria Casarès (Gallimard). Au tiers de son prix neuf (à peu près). Douze euros, au lieu de trente-deux cinquante. Pour mille trois cents pages. Va falloir lire tout ça.
 

26 janvier 2018


Sorti de chez New New mercredi vers treize heures, je n’ai à subir aucune attente pour entrer au Centre Pompidou et pas davantage au sixième étage pour passer le contrôle de l’exposition rétrospective consacrée à César Baldaccini, dit César, le bien connu sculpteur. Deux mille dix-huit marque le vingtième anniversaire de la mort de celui qui naquit dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille et arrêta l’école à l’âge de douze ans (il fut néanmoins élève des Beaux-Arts avant la Deuxième Guerre).
Bernard Blistène, commissaire, et Laurence Le Bris, architecte scénographe, ont eu la bonne idée de se passer de cloisons. Les œuvres, présentées de façon thématique et chronologique, sont toutes visibles en même temps sur le vaste plateau qui bénéficie de la meilleure vue sur la ville.
Cela commence par les fers soudés inspirés de González, Giacometti, Picasso et Germaine Richier et si souvent imités (une sorte de sosie de l’artiste en réalise à Rouen rue Damiette) puis viennent les compressions qui ont fait la renommée de l’artiste, les empreintes humaines (dont le fameux pouce), les expansions en mousse de polyuréthane et les enveloppages que je ne connaissais pas et m’intéressent ; des objets du quotidien, téléphone, ventilateur, machine à écrire, emprisonnées dans du plexiglas translucide après passage en étuve. On passe ensuite aux fontes de fer et aux dernières compressions. Les premières avaient pour objet des épaves, les ultimes sont faites avec des voitures neuves symbolisant la réussite financière de l’artiste. En hauteur, au-dessus de l’entrée, trois vidéos, pour une fois utiles et devant lesquelles la foule ne peut pas s’agglutiner, montrent César à l’œuvre (soudant, compressant, expansant).
Il y a suffisamment de monde dans cette rétrospective César. De longilignes jouvencelles arpentent les lieux pour le plaisir de mes yeux. L’une porte un souite Cheap Monday Stockholm. Des hommes, traînés là par leur femme, trouvent finalement ça presque aussi intéressant que le Mondial de l’Automobile. La jivaro Renault 977 VL 06 de mil neuf cent quatre-vingt-neuf les retient particulièrement, dont ils font photo. Un sexagénaire appelle une semblable via Skype et lui offre un panoramique de l’exposition. « T’es dans un magasin ? », lui demande-t-elle.
                                                            *
Après Pompidou, je passe au second Book-Off où certains livres que je ne cherchais pas m’attendaient dans les rayonnages à un euro : Mariage en douce (Gary & Seberg) d’Ariane Chemin ( Equateurs), Un mois chez les filles de Maryse Choisy (Stock), Miettes de Philippe Artières (Verticales), Louis Jouvet, notes de cours d’Eliane Moch-Bicker (Librairie Théâtre)  et L’écrivain national de Serge Joncour (Flammarion), ce dernier avec un envoi de l’auteur à Sylvie Tanette « Amicalement » (cette dernière est journaliste et critique littéraire suisse).
Au rayon Beaux Livres de l’étage clignote un ouvrage que je destine à celle qui doit encore attendre cinq semaines avant d’en savoir plus.
-Je savais bien qu’il ne resterait pas cinq minutes en rayon, me dit la blonde employée à qui je paie.
                                                          *
Comme les deux fois précédentes la bétaillère de dix-sept heures quarante-huit pour Rouen est « mise à quai tardivement » pour cause de « difficultés de préparation dans nos ateliers » mais cette fois quand la cheffe de bord annonce son « départ imminent », elle démarre illico.
 

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