Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

18 juillet 2020


Vivre cet été comme si c’était le dernier, tel est mon état d’esprit, et je l’envisage au jour le jour, n’ayant pas de visibilité au-delà d’une semaine (parfois un peu plus en ce qui concerne le logement). Ce vendredi, dernier jour de nuages à Aurillac, je choisis d’entreprendre l’ascension du Puy Courny qui domine la ville du haut de ses sept cent soixante et un mètres.
Je franchis la Jordanne et trouve facilement le point de départ de ce chemin de petite randonnée (une heure aller et retour). Il est bien fléché et démarre doucement, puis la pente s’accroît et je dois m’arrêter tous les cinquante mètres pour reprendre souffle. A un moment un escalier sommaire aide le marcheur puis il faut ouvrir un portillon pour traverser un pré. Heureusement les bêtes n’y sont pas, mais j’entends des clochettes dans celui d’à côté. Ce pré traversé, j’aperçois une croix, car toujours les catholiques en érigent une sur les sommets. Sur le socle de celle-ci est inscrit « Paix sur toi et sur la cité ».
De là-haut, je vois tout Aurillac, son petit centre et sa vaste périphérie qui ne manque pas d’immeubles hideux. Je m’assois au pied de la croix, profitant de la tranquillité jusqu’à ce qu’arrive un quatuor dépité de me trouver là. Ça gêne pour la vidéo que le dominant envoie au reste de la famille.
Tandis qu’ils poursuivent hors sentier en passant sous une clôture, je redescends par le même chemin et décide de rejoindre Le Player, un petit troquet situé près de la boutique Orange et en face de l’imposant Hôtel de Ville de couleur orange où le Maréchal Ney fut détenu pendant douze jours avant d’être transféré à Paris, condamné à mort et fusillé. C’était en août mil huit cent quinze.
Alors que je mets le nez à la porte de ce café, un homme d’un certain âge se lève de la terrasse. « Faut mettre le masque hein, faut le masque pour aller à l’intérieur », me dit-il. C’est le patron. Il en porte un, décroché d’une oreille. Je n’entre pas, lui commande un café à un euro vingt que je bois en observant comment Orange gère ses clients, tous venus sur rendez-vous. Après qu’une employée les a interrogés avec sa tablette, un vigile les maintient dehors, masqués, longuement, car on est en retard, toutes nos excuses, pour enfin les autoriser à entrer par une seconde porte. Comment feront-ils cet hiver ?
Face à l’Hôtel de Ville est aussi un restaurant à vaste terrasse, le Table(s) Zé Komptoir, où l’on m’accepte un peu avant midi. J’y déjeune d’une macédoine style cantine scolaire, d’une honorable pièce de boucher sauce au bleu aligot et d’une dame blanche noyée dans la chantilly. Avec le quart de merlot, cela fait presque vingt euros.
Après une tentative pour reprendre le pouvoir, le soleil se résout à laisser les nuages maîtres de la journée. Cela ne m’empêche pas de passer une partie de l’après-midi au Grand Café Mary à lire Montaigne. Une constatation, il n’y a personne à Aurillac. Ce n’est pas pour me déplaire.
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Celles et ceux qui portent un masque en pensant qu’il les rend invulnérables.
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Maintenant que cet accessoire va être obligatoire dans tous les lieux clos, on va pouvoir constater que ça n’empêche pas la maladie de prospérer.
 

17 juillet 2020


Ce jeudi, je quitte l’Auvergne temporairement pour l’Occitanie sous un ciel gris avec un tout petit train d’une seule rame qui roule entre eaux et forêts sur la voie ferrée unique qui mène en une heure quinze d’Aurillac (Cantal) à Figeac (Lot), ville vue et parcourue autrefois. Les premières coulent en contrebas, les secondes frappent parfois le train de leurs branches.
Nous sommes quatre voyageurs. Une fois son travail fait, le contrôleur s’assoit à l’avant, derrière le machiniste qui a laissé sa porte ouverte. De temps à autre, ce dernier s’étire, semblant avoir du mal à se réveiller. Pendant ce temps, le train se conduit tout seul. Après sept arrêts dans des endroits qui n’apparaissent pas grandiose, il stoppe devant la gare de Figeac laquelle est dans un sale état. Il faut la contourner pour sortir. Ensuite une étroite rue de la Gare permet de descendre jusqu'au Célé. Le pont passé, me voici dans le centre, encore plus beau que dans mon souvenir.
Il y a ici dans les rues davantage de touristes, et donc de familles, que dans les villes d’Auvergne. Cela complique pour photographier les lieux remarquables et aussi pour ne pas être proche d’autrui.
Au moins n’y a-t-il personne dans les églises. Saint-Sauveur où est visible « Le rêve de Saint-Martin », un panneau de bois polychrome de la fin du dix-septième siècle, et Notre-Dame du Puy qui domine la ville. On y trouve un bel homme à chapeau dans le chœur que je ne sais reconnaître. Deux dames s’afférant au ménage, je me renseigne auprès d’elles.
-C’est Saint Jacques. De Compostelle, me répond l’une, de l’air de penser quel ignorant.
C’est que cette église est le siège d’une confrérie Saint Jacques. Un peu plus tard, dans les rues, j’en repère avec leurs grosses chaussures, leurs bâtons et leurs énormes sacs, des pèlerins à la coquille dans le dos.
De vastes terrasses attendent les familles et les groupes. J’en trouve heureusement une petite dans la cour intérieure de La Flambée. J’y déjeune d’une salade niçoise, rôti de veau aux cèpes avec pâtes et excellente tarte aux pommes avec boule de glace et caramel. Avec le quart de cahors, cela fait dix-huit euros, me dit la jeune patronne quand je vais payer à l’intérieur, masqué.
Pour le café, je trouve une terrasse de quelques tables au Bar du Musée en face de la Police Municipale. J’y lis Montaigne jusqu’à ce qu’une musique totalitaire se répande dans les rues de la ville par des haut-parleurs municipaux. Quelle vulgarité. Je me réfugie sur un banc au bord du Célé avant de monter à la Gare.
Le même petit train est là avec le même machiniste et le même contrôleur. Je demande à ce dernier ce qui est arrivé à cette Gare dont il ne reste que les murs soutenus par des arcs-boutants en bois. « Elle a brûlé, ça va faire deux ans, on sait pas si c’est criminel ou pas, une gare qu’était si belle. » Nous sommes moins de dix au départ dont un clochard imbibé qui descend au premier arrêt.
Arrivé à Aurillac, pour descendre jusqu’à la place du Square, j’emprunte pour la première fois la navette électrique. J'y suis seul avec le chauffeur. Elle est gratuite pour les possesseurs d’un billet de train.
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Est-ce tu vois des gens debout sur leurs chaises ? Question d’une mère à sa deux ans dont elle a perdu le contrôle dans un restaurant. Une autre, incapable d’empêcher son sept huit ans de grimper sur un muret au-dessus du vide, ne trouve comme solution que de s’y asseoir. Le père, qui fait semblant de ne rien voir ni entendre, la prend en photo de vacances. Tu es bien là sur ce mur.
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A Figeac des minibus gratuits, quasiment personne à l’intérieur. La gloire locale est Champollion, il a son Musée.
 

16 juillet 2020


Descendre les quatre étages de l’immeuble de la rue des Frères Charmes et arrivé en bas s’apercevoir que l’on a oublié son masque (l’objet dont on ne peut plus se passer), remonter, arriver essoufflé tout en haut, le prendre et redescendre, encore heureux qu’il ne pleuve pas, du moins pas encore, ce mercredi matin où je vais jusqu’à la gare afin d’acheter un billet aller pour le vingt-sept juillet.
Arrivé sur place, je découvre que cet endroit ne dispose pas d’un automate grandes lignes et que le guichet n’ouvre qu’à neuf heures trente, je vais donc boire un café en face (un euro trente).
La guichetière tire son rideau à l’heure pile. Mon billet acheté, je lui en prends deux autres pour des excursions à venir. Redescendu au centre-ville, j’entre dans le bâtiment du Conseil Départemental du Cantal. La fonctionnaire territoriale chargée des transports, fort aimable, se charge de me photocopier les horaires des cars de la Région (un euro cinquante le voyage).
Rentré dans mon chez moi provisoire, au-dessus duquel tourne une grue géante peu bruyante, je vois que certains de ces horaires me sont inutiles, impossible de faire l’aller et le retour dans la journée.
Quand je ressors je dois ouvrir le parapluie (de New York, pas d’Aurillac) car il mouillasse. Après avoir retenu une table à l’abri en terrasse à l’hôtel restaurant Le Renaissance, place du Square, je vais boire un café verre d’eau à L’Abside qui prend appui sur Notre-Dame-aux-Neiges puis entre dans cette église. Elle protège aussi de la pluie.
-Vous gardez la table ? me demande le jeune serveur lorsque je me pointe à midi pile.
Je la garde. D’abord parce j’ai vue sur l’église, le square et la petite agitation due à l’ouverture des soldes. Aussi parce que le risque de choper le Covid augmente dans les endroits clos. Les autres clients choisissent l’intérieur. Ma tranquillité est donc totale pour déjeuner du menu du jour à quatorze euros cinquante : salade César, cuisse de canard à l’orange et pommes sautées, dôme fraicheur, avec un quart de côte d’Auvergne à six euros.
Cette journée reste grise, avec des averses l’après-midi. Cela ne m’empêche pas de lire Montaigne sous l’auvent du Grand Café Mary : Il y a plusieurs années que je n’ai que moi pour visée à mes pensées, que je ne contrôle et étudie que moi ; et, si j’étudie autre chose, c’est pour soudain le coucher sur moi, ou en moi, pour mieux dire.
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A Aurillac, on trouve encore des porteurs de casquette à l’envers. Aucun ne porte le masque.
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Les frères Charmes, nés dans cette ville, étaient trois, tous journalistes. Le plus connu dirigea La Revue des Deux Mondes. Ça méritait bien une rue.
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La grue géante en activité dans cette rue des Frères Charmes gère un gros chantier qui devait permettre à la Fnaque et à Hache et Aime d’arriver à Aurillac. Le deuxième s’est désisté.
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« Les gens ne font pas attention », disent les gens qui ne font pas attention. « Ça, on va y avoir droit en septembre. » (au reconfinement).
 

15 juillet 2020


Une première nuit des plus calmes, bien que ce soit le treize juillet, dans mon nouveau logement de la rue des Frères Charmes. Si je dois fermer la fenêtre vers une heure du matin, c’est en raison de la fraicheur bien connue des nuits d’Aurillac.
Plusieurs fois, au cours des quarante-cinq dernières années, je suis passé par Aurillac, mais jamais je ne me suis attardé dans cette ville également connue pour ses parapluies. Ceux-ci sont célébrés dans les rues sous forme de décoration aérienne. J’ai déjà connu ça ailleurs, même à Rouen rue Massacre, mais jamais je n’en ai vu autant sur de si grandes longueurs.
Je me balade aussi dans des rues sans parapluies suspendus, au hasard, m’attardant devant l’église Saint-Géraud et le Théâtre qui avait brûlé à la fin du vingtième siècle et est désormais reconstruit. Puis je prends un café à un euro trente au Kiosque, place du Square, avant d’aller à l’Office de Tourisme pour un plan de la ville et à la Gare pour les nouveaux horaires.
A midi, en ce jour férié, je choisis de retourner au Moment’ Café, même table qu’hier avec vue sur Notre-Dame des Neiges. J’y mange à la carte : assiette de charcuterie d’Auvergne de la maison Le Cayrolais, bourriol au chèvre chaud « Rocamadour », gâteau basque au coulis de chocolat. Avec le quart de côtes d’Auvergne et le café, cela dépassera les trente euros. Au cours du repas le patron agrandit sa terrasse en annexant l’autre côté de la rue piétonnière. A chaque table occupée, une nouvelle table sortie. C’est la technique du « dépêchons-nous, il n’y a plus qu’une seule table de libre ».
L’après-midi je copie colle celui d’hier : café diabolo menthe Montaigne au Grand Café Mary où la clientèle est pour partie la même. Demain mercredi, quelques averses sont attendues, ce serait une première depuis mon départ.
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Aurillac est également connue pour son Festival International de Théâtre de Rue. Il a été annulé cette année mais pas les zonards à chiens.
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« L’histoire du parapluie d’Aurillac a connu bien des soubresauts »  (panneau explicatif dans une rue de la ville).
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Un bon parapluie d’Aurillac s’achète chez Piganiol (fabricant depuis mil huit cent quatre-vingt-quatre).
 

14 juillet 2020


Journée de transfert ce lundi, de Clermont-Ferrand à Aurillac, du « logement  industriel » à un « appartement de charme accueillant et moderne ». Je m’offre un dernier café croissant à deux euros au Château Rouge, fais mon bagage, laisse la clé du studio quitté dans la boîte à code et traverse l’avenue de l’Union Soviétique.
Le premier train Clermont Aurillac (en deux heures vingt) ne part qu’à dix heures trente-cinq. C’est un petit Téheuherre Auvergne Rhône-Alpes. Il n’est pas très fréquenté. Chacun peut s’y assoir sans voisinage.
Il démarre bien à l’heure et va sans trop se presser mais, arrivé à Neussargues, il cale. Une porte ne veut plus se fermer, ce qui me rappelle les trains normands. Je commence à m’inquiéter car j’ai rendez-vous à quinze heures à Aurillac et j’aimerais bien faire avant cela mon seul repas de la journée.
L’avarie est réparée en dix minutes. Notre train se lance alors à l’assaut de la montagne, empruntant une fois un tunnel tout noir qui semble ne jamais finir. Nous voici au Lioran, puis c’est Vic-sur-Cère et enfin, à bonne vitesse, il file sur le chef-lieu du Cantal. Le but presque atteint, il s’immobilise brusquement sur un petit viaduc, on ne sait pourquoi. Je flippe un peu plus. Encore dix minutes de perdues.
Aurillac un lundi veille de jour férié, c’est une ville dont presque tous les commerces, bars et restaurants sont fermés, la circulation automobile quasiment nulle. Je trouve assez facilement la rue des Carmes qui doit me rapprocher de mon nouveau logis temporaire mais, nouvelle frayeur, au bout de celle-ci, il a bien une rue des Frères mais ce n’est pas celle que je cherche, la rue des Frères Charmes. Heureusement, un livreur me l’indique, pas loin de l’autre, quand je lui donne le nom du magasin qui doit me servir de repère, Cantal Shop.
Il est quatorze heures. L’endroit du rendez-vous repéré, je retourne rue des Frères où un restaurant est ouvert, le Momen’t Café. Ce serait le moment en effet. Une jolie serveuse me dit qu’il n’est pas trop tard et me dresse une table d’extérieur à l’ombre. Je choisis le plat du jour à huit euros cinquante, un faux-filet sauce au bleu frites maison salade, et l’accompagne d’un quart de côtes d’Auvergne rouge à six euros cinquante. Un café et me voici avec mes bagages face à Cantal Shop espérant voir arriver l’amie de ma logeuse qui est absente d’Aurillac.
Je n’ai que cinq minutes à m’angoisser après quinze heures. Une jeune et aimable personne me précède au quatrième étage sans ascenseur et me fait entrer dans le charmant logis sous les toits où, curieusement, il ne fait pas trop chaud. Elle me donne quelques instructions puis s’éclipse ne me laissant les clés. Ouf ! je suis dans la place.
Je ressors pour aller faire quelques pas le long de la Jordanne qui coule à côté puis trouve un café comme je les aime dont la terrasse s’est étendue jusqu’au jardin de la place du Square, le Grand Café Mary, d’aspect chic et à la clientèle mélangée. Surprise : le café est à un euro trente et le diabolo menthe à deux cinquante. Je lis là Montaigne en regardant passer les jolies filles du pays. C’est toujours le Centre mais c’est le Sud aussi.
Une ultime angoisse en rentrant, impossible d’ouvrir la porte de l’appartement. J’ai beau mettre la clenche en haut ou en bas, rien n’y fait. A l’étage du dessous un nouvel habitant emménage auprès de qui je vais chercher secours. En bidouillant, il découvre qu’il faut forcer la clenche vers le bas, ce que me confirme ma logeuse quand je lui expose ma difficulté par mail.
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Disposant d’une machine à laver, je peux faire une vraie lessive, pas comme avant où c’était à la main avec du gel douche.
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Place du Square, j’adore ce nom, qui ne peut donner lieu à aucune polémique.
 

13 juillet 2020


Pour mon dernier jour en Puy-de-Dôme, j’attends la première navette Panorama des Dômes en compagnie de deux femmes d’âges différents. « Allez-y, montez, c’est gratuit, le composteur ne fonctionne pas », nous dit le chauffeur de bonne humeur. Je lui demande de me signaler l’arrêt Place Allard quand on sera à Royat. « Mettez-vous devant, ce sera plus facile pour descendre », me dit-il.
La navette se charge un peu en ville, «Allez-y c’est gratuit ». Arrivé à Royat, l’homme aimable me fait descendre place Allard, près des Thermes, devant un hôtel nommé Le César. J’y prends un café verre d’eau en extérieur et regarde passer, bientôt lancés à l’assaut du Puy de Dôme, les Anquetil et les Poulidor du dimanche.
Cela bu, invité par les pancartes « Vieux Royat » « Eglise XIe siècle », je monte un peu plus haut. Quel bel édifice que cette église fortifiée Saint-Léger devant laquelle je me trouve à l’heure de l’arrivée des paroissiens à la messe dominicale. Un mendiant les sollicite que la plupart ignore. Le vieux Royat ne vaut pas certains cœurs de villes de la région mais il a son charme. Un ruisseau coule par-là, nommé la Tiretaine.
Après avoir vu de Royat l’essentiel, je descends gentiment la route et arrive à Chamalières « ville de référence et d’innovation ». Là aussi c’est l’église qui retient mon attention mais le manque de recul m’empêche de la bien photographier. Quant au centre-ville, il est sans vie ce dimanche et de moindre intérêt architectural que celui de  sa jumelle.
Dans un premier temps, je voulais regagner Clermont à pied mais mon ticket inutilisé à l’aller m’oblige à prendre un bus ordinaire jusqu’à place de Jaude. De là, par la rue des Gras, je marche droit sur la Cathédrale à qui je dis adieu, puis fais la même chose par la rue du Port pour Notre-Dame du Port dans laquelle l’orgue se fait entendre.
En chemin vers la Gare je m’arrête au Petit Albert, qui est devenu asiatique. J’y prends un café verre d’eau en extérieur et y termine le premier volume des Essais. … je me trouve peu sujet aux maladies populaires, qui se chargent par la conversation et qui naissent de la contagion de l’air, et je me suis sauvé de celles de mon temps… Fasse la fortune que je sois comme ce Michel de Montaigne, me dis-je.
Pour déjeuner je n’ai pas le choix, c’est chez le kebabier d’à côté de chez moi, d’un plat aux trois viandes (merguez poulet kebab) avec jus d’orange Oasis, dessert au caramel et café pour seize euros cinquante.
Il fait un temps magnifique pour mon dernier jour à Clermont-Ferrand, une ville où sans doute je ne reviendrai pas.
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Il y a celui qui plie son masque soigneusement, en quatre, et le glisse dans la poche de sa chemise. Il y a celle qui le jette, en vrac, dans son sac à main.
Il y en a d’autres qui les laissent derrière leur pare-brise, là où certains mettaient un gilet jaune.
 

12 juillet 2020


Première fois que je me réveille aussi tard depuis mon départ en vadrouille : six heures quarante-cinq. Le jour où j’ai un train à sept heures trente-six. Cela oblige à faire vite. Heureusement, je suis en face de la Gare. Me voilà même un peu en avance sur le quai indiqué.
 Ce samedi, le Clermont-Ferrand Thiers se compose de deux rames, dont « J’irai revoir ma Normandie »  où je suis seul durant tout le trajet (arrêts à Aulnat Aéroport, Pont-du-Château, Vertazon, Lezoux et Pont-de-Dore ; des lieux qui ne donnent pas envie de descendre). Arrivé en Gare de Thiers, je découvre qu’il n’y avait personne dans l’autre rame, même pas un contrôleur. Avoir un train pour soi tout seul, c’est une première fois dans ma vie. Le billet m’a coûté cinq euros, ce qui est le prix du papier selon un guichetier de Rouen. C’est une bonne affaire pour la Senecefe.
A la sortie, je descends un doux escalier qui mène droit à l’Hôtel de la Gare, un charmant petit établissement à glycines, la seule adresse « Où dormir » de mon Guide du Routard deux mille deux. Je m’assois à sa terrasse et commande un café croissant au chaleureux hôtelier. « C’est un croissant au beurre de Charentes que je fais moi-même », m’annonce-t-il.
Il m’indique comment rejoindre le centre de Thiers, ville qui monte et qui descend et pas qu’un peu, célèbre au passé pour ses coutelleries. Dommage qu’elle ne soit pas mieux connue pour sa beauté. Personnellement, elle m’enchante. François Truffaut y a tourné L’Argent de poche. Je passe par l’Hôtel du Pirou, remarquable demeure du quinzième siècle, la Maison de l’Homme des Bois (tout poilu) et l’église Saint-Genès où je trouve un homme (peut-être le curé) qui repasse au fer à vapeur sur le maître-autel. Il me dit bonjour comme si la situation était banale. Je descends ensuite marcher le long de la partie calme de la Durolle, près de l’église Saint-Jean et de son vieux cimetière, puis vais voir la partie agitée, façon torrent de montagne, qui faisait tourner les usines. La chute d’eau la plus impressionnante a pour nom Le Creux de l’Enfer.
Remonté en ville, je bois un café verre d’eau à l’une des deux tables d’extérieur de La Civette, place du Pirou (avec une pensée pour un certain Jean-Pierre). Juste en face est la Maison des Sept Péchés Capitaux, lesquels péchés sont sculptés à l’extrémité de sept poutres. Pas très loin, je retiens une table au Coutelier (la seule adresse « Où manger » de mon Routard deux mille deux).
Si l’Hôtel de la Gare n’a pas bougé depuis deux mille deux, il y a eu changement de propriétaire au Coutelier. La collection de couteaux a disparu. Restent des fresques murales représentant des curiosités de la ville. Ici, on ne peut manger qu’à l’intérieur et on se déplace avec masque. Dès midi et quart, c’est complet. J’avais oublié cette nuisance : les moutards de restaurant. Heureusement, ceux-ci sont loin de moi sous la fresque du Creux de l’Enfer, à leur place.
Délaissant le menu du jour, je choisis la terrine de pied de porc en gelée à sept euros cinquante puis la saucisse de choux d’Arconsat à la moutarde de Charroux à quatorze euros, avec un quart de vin d’Auvergne à huit euros cinquante. Cette cuisine un peu chichiteuse ne vaudra jamais pour moi la cuisine de gargote. Mes trente euros réglés, je prends le café à La Civette, un euro trente.
Je songe à en prendre un autre à l’Hôtel de la Gare mais déception il est fermé. Sur la porte, en différentes langues, l’écriteau « Complet ». C’est sur un banc ombragé que j’attends le train de retour avec Montaigne.
Si je n’ai pas ce train pour moi tout seul, je n’ai personne à moins de trente mètres, distanciation physique assurée.
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Mes photos : sans humains, sans voitures, sans poubelles. La première exigence est la plus facile à satisfaire.
 

11 juillet 2020


Il est bien compliqué d’aller par le transport en commun à La Bourboule (et au Mont-Dore quelques kilomètres plus haut) car la liaison par autorail s'est arrêtée en novembre deux mille quinze en raison des problèmes de déshuntage du matériel (je refuse de savoir ce que ça veut dire). Depuis lors, c’est par les cars de la Région mais au prix de la Senecefe qu’il faut y grimper. Pour ne rien arranger, le premier départ n’est qu’à dix heures dix et oblige à un changement à Laqueuille, car ce premier car file sur Ussel qui, si j’en juge ce vendredi matin par certains qui y montent, doit avoir son lot de pauvres.
Nous frôlons le lac d’Aydat, passons par le Puy de la Vache puis près d’Orcival, des lieux qui furent pour moi synonyme d’intense vie. Plus loin, c’est Rochefort-Montagne, au centre mignon dans son trou. Il faut une heure pour atteindre Laqueuille, joli village, mais l’arrêt est à la Gare, éloignée de tout.
Le deuxième véhicule est un minibus. Une jeune femme et moi tenons compagnie à sa chauffeuse un peu nerveuse. Elle nous laisse devant l’église de La Bourboule, fort belle, où se terminent des obsèques.
Dans cette rue principale, les restaurants ne manquent pas. Je choisis le Café de Paris dont la terrasse donne sur l’église et le menu du jour est à seize euros dix. C’est l’occasion de retrouver pour la première fois en entrée le pounti. J’opte ensuite pour une pièce de boucher, le dessus de la palette appelé « surprise » du bœuf, « morceau de bœuf rare », « peu connue et en quantité très limitée » (tellement limitée qu’il est à ce menu tous les jours). Je le fais accompagner d’un aligot avec supplément de deux euros. Tout cela est bien bon et le petit vin d’Ardèche aussi. Comme dessert, je choisis une classique crème brûlée.
Cela fait, je visite cette « ville insolite », comme il est écrit sur les camions municipaux. La prospérité n’y est plus. La faute à la Sécurité Sociale qui a exigé des médecins qu’ils remplacent les cures par les corticoïdes. La Maison Thermale Guillaume Lacoste est en vente à la découpe. A l’entrée du bourg, un autre bâtiment remarquable est en ruine. Le casino tient bon. La Dordogne aussi, qui coule étroitement à travers la cité.
Lorsque j’ai photographié tout ce qui retient mon attention, je vais boire un café verre d’eau à la terrasse du Bistroquet puis marche jusqu’à la Gare proche où j’attends le car du retour, un direct cette fois. Cette gare de La Bourboule est en travaux de réfection complète alors qu’elle ne sert plus à rien puisque n’y passent plus de train. C’est mystérieux.
Un jeune homme et un jeune couple montés au Mont-Dore sont avec moi les seuls passagers de ce retour. A l’arrivée à la Gare de Clermont ils sortent de la soute de gros sacs à dos. C’est léger que je traverse l’avenue de l’Union Soviétique pour regagner mon chez moi provisoire.
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Jean-Louis Murat, né à Chamalières, a passé sa jeunesse à La Bourboule.
 

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