Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 juillet 2020
Même train qu’hier, même horaire, même contrôleur, mais ce samedi j’en descends à quelques encablures d’Aurillac. Le quai de la Gare définitivement fermée de Lacapelle-Viescamp est herbeux. Un intervalle dans une clôture permet de sortir.
Ce village jouxte le lac de barrage aménagé de Saint-Etienne-Cantalès, que j’ai repéré lors de mes précédents passages, lorsque du viaduc de Ribeyrès le machiniste fait tut tut pour amuser les baigneurs. Mon vieux Guide du Routard n’en dit pas un mot.
A huit heures trente-huit, seuls quelques volailles et bovins sont debout. Grâce à son clocher je repère l’église et me dirige de ce côté. Elle est entourée de quelques belles maisons à toit de lauze ainsi que d’une Mairie et d’une Ecole mignonnettes. Une moderne Salle des Fêtes complète l’ensemble. La voirie est neuve avec câbles enterrés. Il doit y avoir de l’argent dans les caisses municipales de Lacapelle-Viescamp. Dans ce très petit centre se trouve aussi l’Hôtel du Lac dont le restaurant est ouvert.
J’y réserve une table pour midi auprès du maître des lieux. Ce beau jeune homme à la peau cuivrée m’indique comment rejoindre au mieux la partie publique la plus proche du lac, au lieu-dit Puech des Ouilhes, à deux kilomètres d’ici.
-Vous passez au-dessus de la voie de chemin de fer puis vous prenez à droite en direction du Rieu, au bout de la route vous trouverez un chemin dans la forêt, il va au lac.
Ce chemin est tout à fait bucolique mais hélas il ne va pas jusqu’au bout, une barrière verte le termine que je peux heureusement contourner grâce à un grillage plié sauvagement. Il me faut marcher un peu le long de la route et j’y suis.
Quelle paix au bord de l’eau à cette heure. Il n’y a là que quelques pêcheurs que je n’évite pas sur mes photos car un pêcheur n’est pas un humain, c’est un élément du décor. Lorsque j’ai parcouru suffisamment la promenade sur pilotis, je m’installe à la terrasse du Nautilus et y bois un café verre d’eau à un euro trente en regardant ce qui se passe : une jolie fille qui court avec dans le dos Sport Etudes Font-Romeu, des employés du cleube nautique qui sortent un bateau de l’eau à l’aide d’un minuscule tracteur rouge.
Dix heures trente, c’est le moment où les premières familles arrivent. Les pêcheurs s’en vont, moi aussi. Je fais le chemin dans l’autre sens et trouve un banc à l’ombre pour lire Les Essais en attendant midi.
Assez souvent Montaigne me lasse, je saute des passages si ce n’est des pages, mais parfois ce qu’il dit de lui me va si bien qu’il pourrait l’avoir écrit pour moi. Ceci par exemple : Car j’en suis là que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoi je veuille ronger mes ongles, et que je veuille acheter aux prix du tourment d’esprit et de la contrainte, extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art.
Le Capellain est le restaurant de l’Hôtel du Lac, endroit un peu chic où l’on diffuse de la musique classique. Il est tenu par un jeune couple, lui Brésilien, elle Australienne, lui en cuisine, elle au service, très agréables tous les deux. Je choisis la formule plat dessert à vingt-quatre euros : mignon de porc en croûte d’herbes, terrine de pommes de terre à la tome fondue du Cantal et moelleux au chocolat, glace amande, avec une demi-bouteille de Marcillac à douze euros.
-Pour commencer un petit gaspacho de tomate glace à l’huile d’olive, m’annonce la maitresse des lieux, bonne dégustation.
De la terrasse panoramique, j’ai vu sur la forêt proche et un petit bout du lac au loin. On ne peut donc pas dire que l’Hôtel du Lac usurpe son nom, mais certains à l’arrivée doivent être déçus de ne pas pouvoir mettre les pieds dans l’eau (reste la piscine). Je suis le seul client de ce bon restaurant et m’en désole pour le jeune couple quand, vers un heure moins le quart, arrivent coup sur coup un couple avec leur grande fille, un couple avec le vieux père d’elle (un ancêtre dont je me demande si ce n’est pas le dernier repas, sourd comme un pot avec des problèmes de dentier) et un type mal aimable qui doit avoir une chambre ici (un plombier ou un garagiste, c’est la plaie de ce genre d’hôtel).
-Tout se passe bien avec le mignon, me demande la jeune Australienne, une question qui me fait penser aux mœurs de la Rome antique.
Après avoir bu le café à un euro soixante-dix, je règle l’addition puis tente de me rapprocher du lac en allant vers Le Roucan. Cet espoir ne va pas loin. Je me heurte à un quartier résidentiel dont plusieurs maisons ont accès privé au plan d’eau. C’est donc d’un peu loin que je le contemple, assis sur une pierre, reprenant ma lecture de Montaigne jusqu’à ce qu’il soit l’heure du train de retour à Aurillac.
Ce village jouxte le lac de barrage aménagé de Saint-Etienne-Cantalès, que j’ai repéré lors de mes précédents passages, lorsque du viaduc de Ribeyrès le machiniste fait tut tut pour amuser les baigneurs. Mon vieux Guide du Routard n’en dit pas un mot.
A huit heures trente-huit, seuls quelques volailles et bovins sont debout. Grâce à son clocher je repère l’église et me dirige de ce côté. Elle est entourée de quelques belles maisons à toit de lauze ainsi que d’une Mairie et d’une Ecole mignonnettes. Une moderne Salle des Fêtes complète l’ensemble. La voirie est neuve avec câbles enterrés. Il doit y avoir de l’argent dans les caisses municipales de Lacapelle-Viescamp. Dans ce très petit centre se trouve aussi l’Hôtel du Lac dont le restaurant est ouvert.
J’y réserve une table pour midi auprès du maître des lieux. Ce beau jeune homme à la peau cuivrée m’indique comment rejoindre au mieux la partie publique la plus proche du lac, au lieu-dit Puech des Ouilhes, à deux kilomètres d’ici.
-Vous passez au-dessus de la voie de chemin de fer puis vous prenez à droite en direction du Rieu, au bout de la route vous trouverez un chemin dans la forêt, il va au lac.
Ce chemin est tout à fait bucolique mais hélas il ne va pas jusqu’au bout, une barrière verte le termine que je peux heureusement contourner grâce à un grillage plié sauvagement. Il me faut marcher un peu le long de la route et j’y suis.
Quelle paix au bord de l’eau à cette heure. Il n’y a là que quelques pêcheurs que je n’évite pas sur mes photos car un pêcheur n’est pas un humain, c’est un élément du décor. Lorsque j’ai parcouru suffisamment la promenade sur pilotis, je m’installe à la terrasse du Nautilus et y bois un café verre d’eau à un euro trente en regardant ce qui se passe : une jolie fille qui court avec dans le dos Sport Etudes Font-Romeu, des employés du cleube nautique qui sortent un bateau de l’eau à l’aide d’un minuscule tracteur rouge.
Dix heures trente, c’est le moment où les premières familles arrivent. Les pêcheurs s’en vont, moi aussi. Je fais le chemin dans l’autre sens et trouve un banc à l’ombre pour lire Les Essais en attendant midi.
Assez souvent Montaigne me lasse, je saute des passages si ce n’est des pages, mais parfois ce qu’il dit de lui me va si bien qu’il pourrait l’avoir écrit pour moi. Ceci par exemple : Car j’en suis là que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoi je veuille ronger mes ongles, et que je veuille acheter aux prix du tourment d’esprit et de la contrainte, extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art.
Le Capellain est le restaurant de l’Hôtel du Lac, endroit un peu chic où l’on diffuse de la musique classique. Il est tenu par un jeune couple, lui Brésilien, elle Australienne, lui en cuisine, elle au service, très agréables tous les deux. Je choisis la formule plat dessert à vingt-quatre euros : mignon de porc en croûte d’herbes, terrine de pommes de terre à la tome fondue du Cantal et moelleux au chocolat, glace amande, avec une demi-bouteille de Marcillac à douze euros.
-Pour commencer un petit gaspacho de tomate glace à l’huile d’olive, m’annonce la maitresse des lieux, bonne dégustation.
De la terrasse panoramique, j’ai vu sur la forêt proche et un petit bout du lac au loin. On ne peut donc pas dire que l’Hôtel du Lac usurpe son nom, mais certains à l’arrivée doivent être déçus de ne pas pouvoir mettre les pieds dans l’eau (reste la piscine). Je suis le seul client de ce bon restaurant et m’en désole pour le jeune couple quand, vers un heure moins le quart, arrivent coup sur coup un couple avec leur grande fille, un couple avec le vieux père d’elle (un ancêtre dont je me demande si ce n’est pas le dernier repas, sourd comme un pot avec des problèmes de dentier) et un type mal aimable qui doit avoir une chambre ici (un plombier ou un garagiste, c’est la plaie de ce genre d’hôtel).
-Tout se passe bien avec le mignon, me demande la jeune Australienne, une question qui me fait penser aux mœurs de la Rome antique.
Après avoir bu le café à un euro soixante-dix, je règle l’addition puis tente de me rapprocher du lac en allant vers Le Roucan. Cet espoir ne va pas loin. Je me heurte à un quartier résidentiel dont plusieurs maisons ont accès privé au plan d’eau. C’est donc d’un peu loin que je le contemple, assis sur une pierre, reprenant ma lecture de Montaigne jusqu’à ce qu’il soit l’heure du train de retour à Aurillac.
25 juillet 2020
La Gare d’Aurillac possède deux composteurs, l’un est en panne et l’autre n’imprime pas. Chaque fois que je monte dans un train, je dois signaler au contrôleur que mon billet est composté mais qu’on ne voit rien. Ce vendredi matin dans celui qui va à Figeac mais dont je descendrai à Maurs, je fais de même. « Faites voir », me dit l’homme à casquette.
-Mais si, on voit bien là, Aurillac, vous êtes de mauvaise foi, monsieur.
Ce contrôleur est un taquin, il me dit que c’est signalé mais vous savez avec la SNCF…
Je lui réponds qu’ici au moins les trains sont à l’heure. Il semble que sur la ligne Paris Rouen, ce soit l’enfer cet été.
Je suis seul dans l’une des deux rames de ce train de huit heures vingt-quatre. Il avance vaillamment, fouetté par les branches et surplombant des ravins. Personne d’autre que moi ne descend au bout de presque une heure à Maurs (On dit Maursse et non pas Maur, contrairement à Salers. Comment le touriste peut-il s’y retrouver ?)
Maurs se fait aussi appeler Maurs-la-Jolie et se qualifie de « Petit Nice du Cantal » en raison d’un microclimat. Deux rangées de palmiers plantés le long de la voie ferrée en sont le témoignage publicitaire.
Le bourg a une forme circulaire. A l’intérieur se trouve une belle église costaude. J’y entre et me rends sur le côté dans la chapelle Saint Césaire. Le buste de cet évêque d’Arles, datant du douzième siècle, s’éclaire à mon approche. A son côté, une crosse dite de Saint Césaire date d’un siècle plus tard.
On voit aussi à Maurs des rues étroites et des maisons qui ont du cachet (comme disent certains) mais j’ai vu mieux ailleurs. Une fille n’a pas besoin de préciser qu’elle est jolie quand elle l’est. Il en est de même pour une ville. Pour aggraver son cas, Maurs déverse dans ses rues commerçantes une radio locale nommée Totem. Elle est trop maquillée.
A midi, je prends place à la terrasse de La Taverne près de l’église. A la table voisine, un quinquagénaire du lieu dort devant son couvert.
-Ne croyez pas que c’est parce que le service est trop long qu’il s’est endormi, me dit la patronne.
Le bruit le réveille. « Maintenant que la sieste est terminée, je vous envoie le plat du jour », lui dit-elle.
De mon côté, je prends le menu complet qui n’est qu’à douze euros cinquante et inclut le café : rillettes, bavette sauce au poivre avec purée maison et tarte aux poires. Le quart de vin rouge est à quatre euros. Maurs n’est pas cher. Ma bavette est tendre et d’importance, elle mériterait le nom de pièce du boucher. Et la purée est parfaite. Encore un repas dont je n’attendais pas grand-chose et que me surprend en bien. J’en fais compliment à la tavernière.
Le café bu, je sillonne un peu les rues hors cercle central puis m’installe à la terrasse du Globe près d’une fontaine sur le boulevard circulaire où roulent beaucoup de camions. J’y lis Montaigne, un diabolo menthe sur la table.
Je retrouve le contrôleur du matin dans le train du retour, une petite rame où nous ne sommes pas plus de dix voyageurs. Le machiniste tout en conduisant lui raconte ses aventures de cheminot d’Auvergne. Un jour, c’était l’hiver dans la neige, je montais au Lioran et à la sortie d’un virage, qu’est-ce que je vois surgir face au train : deux skieurs…
*
Deux voisines discutant dans le centre de Maurs. L’une avec sa fille de sept huit ans à la main. L’autre : « Maintenant y zont des calculettes. Nous, on n’avait pas tout ça. Fallait que ça tombe juste. Y en avait une, elle s’appelait Sœur Marie-Madeleine, une faute, toc sur les doigts. Nous, on l’appelait Sœur Marie-Salope.
-Mais si, on voit bien là, Aurillac, vous êtes de mauvaise foi, monsieur.
Ce contrôleur est un taquin, il me dit que c’est signalé mais vous savez avec la SNCF…
Je lui réponds qu’ici au moins les trains sont à l’heure. Il semble que sur la ligne Paris Rouen, ce soit l’enfer cet été.
Je suis seul dans l’une des deux rames de ce train de huit heures vingt-quatre. Il avance vaillamment, fouetté par les branches et surplombant des ravins. Personne d’autre que moi ne descend au bout de presque une heure à Maurs (On dit Maursse et non pas Maur, contrairement à Salers. Comment le touriste peut-il s’y retrouver ?)
Maurs se fait aussi appeler Maurs-la-Jolie et se qualifie de « Petit Nice du Cantal » en raison d’un microclimat. Deux rangées de palmiers plantés le long de la voie ferrée en sont le témoignage publicitaire.
Le bourg a une forme circulaire. A l’intérieur se trouve une belle église costaude. J’y entre et me rends sur le côté dans la chapelle Saint Césaire. Le buste de cet évêque d’Arles, datant du douzième siècle, s’éclaire à mon approche. A son côté, une crosse dite de Saint Césaire date d’un siècle plus tard.
On voit aussi à Maurs des rues étroites et des maisons qui ont du cachet (comme disent certains) mais j’ai vu mieux ailleurs. Une fille n’a pas besoin de préciser qu’elle est jolie quand elle l’est. Il en est de même pour une ville. Pour aggraver son cas, Maurs déverse dans ses rues commerçantes une radio locale nommée Totem. Elle est trop maquillée.
A midi, je prends place à la terrasse de La Taverne près de l’église. A la table voisine, un quinquagénaire du lieu dort devant son couvert.
-Ne croyez pas que c’est parce que le service est trop long qu’il s’est endormi, me dit la patronne.
Le bruit le réveille. « Maintenant que la sieste est terminée, je vous envoie le plat du jour », lui dit-elle.
De mon côté, je prends le menu complet qui n’est qu’à douze euros cinquante et inclut le café : rillettes, bavette sauce au poivre avec purée maison et tarte aux poires. Le quart de vin rouge est à quatre euros. Maurs n’est pas cher. Ma bavette est tendre et d’importance, elle mériterait le nom de pièce du boucher. Et la purée est parfaite. Encore un repas dont je n’attendais pas grand-chose et que me surprend en bien. J’en fais compliment à la tavernière.
Le café bu, je sillonne un peu les rues hors cercle central puis m’installe à la terrasse du Globe près d’une fontaine sur le boulevard circulaire où roulent beaucoup de camions. J’y lis Montaigne, un diabolo menthe sur la table.
Je retrouve le contrôleur du matin dans le train du retour, une petite rame où nous ne sommes pas plus de dix voyageurs. Le machiniste tout en conduisant lui raconte ses aventures de cheminot d’Auvergne. Un jour, c’était l’hiver dans la neige, je montais au Lioran et à la sortie d’un virage, qu’est-ce que je vois surgir face au train : deux skieurs…
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Deux voisines discutant dans le centre de Maurs. L’une avec sa fille de sept huit ans à la main. L’autre : « Maintenant y zont des calculettes. Nous, on n’avait pas tout ça. Fallait que ça tombe juste. Y en avait une, elle s’appelait Sœur Marie-Madeleine, une faute, toc sur les doigts. Nous, on l’appelait Sœur Marie-Salope.
24 juillet 2020
Ce jeudi matin, je laisse « J’irai revoir ma Normandie » à une colonie à sacs à dos et grimpe avec quelques autres dans Centre Val de Loire, l’autre moitié du train qui part d’Aurillac pour Clermont à dix heures vingt-six, une dernière occasion pour moi de bénéficier du magnifique paysage de moyenne montagne qu’offre cette ligne et de repasser par Vic-sur-Cère et Le Lioran.
Je suis le seul à descendre au troisième arrêt : Murat. Un escalier fait raccourci pour accéder à la rue pentue qui conduit dans la bourgade. Ce n’est que la première grimpette. Murat est fort raide et son aspect est âpre. Elle est dominée par Notre-Dame de Haute Auvergne qui présente son enfant au monde depuis le sommet du rocher de Bonnevie.
Je parcours le centre du bourg, un œil sur les bâtiments remarquables, un œil sur les restaurants, et comme il est déjà midi, j’opte pour une table en terrasse au Comptoir qui affiche un menu à quinze euros : céleri rémoulade œufs durs, chou farci et sa salade, pomme au four et sa boule de glace. En attendant mon entrée, j’observe les locaux et quelques touristes qui font la file devant la pâtisserie voisine vantant ses Cornets de Murat.
Une demi-bouteille de Côtes d’Auvergne Cave de St-Verny « Les Volcans » à neuf euros accompagne mon repas. Je suis agréablement surpris. C’est mieux cuisiné et présenté que je m’y attendais. Mon problème est la proximité de deux autochtones, dont l’un loue des gîtes ruraux. Ils boivent de la bière en me saoulant de leur conversation sur la peinture des barrières. Quand arrive un troisième, ils veulent que ce dernier trouve place entre ma table et la leur, ce qui le mettrait à moins d’un mètre de moi. Je proteste et leur dis de changer de table. « Il n’y a pas de malades en Auvergne », ronchonne le loueur de meublés touristiques. Le trio s’exécute quand même. Il y a un tas de cons à Murat, je le pressens. Pas étonnant que Jean-Louis s’en soit attribué le nom.
Mon train de retour étant à quatorze heures quarante-sept, c’est sans café bu que j’entreprends de monter en haut du pays puis de grimper par un sentier semi-caillouteux qui fait office de chemin de croix le Vendredi Saint (cela me rappelle Castellane). Son aboutissement est la Vierge blanche.
Je crois mourir plusieurs fois avant d’y être presque. Un raidillon final permet d’atteindre directement la Vierge mais je préfère la prendre par derrière. Epuisé, je contemple de là-haut la ville dans son entièreté et les montagnes autour. Il y a là une famille pique-niquant. « Tu sais, Tonton Yves, ce qu’il a fait quand il était petit, y avait une statue comme ici et il a mis la tête entre les barreaux, et il arrivait pas à la retirer, on a failli appeler les pompiers. » (hachetague putaindefamille)
Je ne m’attarde pas, redescends, traverse la ville dont les rues sont désormais désertes, retrouve la grand-route à camions où est établie la Gare et bois un café (un euro vingt) à l’une des deux tables de trottoir de l’Hôtel Les Messageries.
Je suis le seul à monter dans le train à Murat, présentant mon billet au contrôleur, puisque la Gare, fermée, ne dispose pas de composteur à l’extérieur.
*
C’est quand même mieux de s’appeler Murat que Bergheaud.
Je suis le seul à descendre au troisième arrêt : Murat. Un escalier fait raccourci pour accéder à la rue pentue qui conduit dans la bourgade. Ce n’est que la première grimpette. Murat est fort raide et son aspect est âpre. Elle est dominée par Notre-Dame de Haute Auvergne qui présente son enfant au monde depuis le sommet du rocher de Bonnevie.
Je parcours le centre du bourg, un œil sur les bâtiments remarquables, un œil sur les restaurants, et comme il est déjà midi, j’opte pour une table en terrasse au Comptoir qui affiche un menu à quinze euros : céleri rémoulade œufs durs, chou farci et sa salade, pomme au four et sa boule de glace. En attendant mon entrée, j’observe les locaux et quelques touristes qui font la file devant la pâtisserie voisine vantant ses Cornets de Murat.
Une demi-bouteille de Côtes d’Auvergne Cave de St-Verny « Les Volcans » à neuf euros accompagne mon repas. Je suis agréablement surpris. C’est mieux cuisiné et présenté que je m’y attendais. Mon problème est la proximité de deux autochtones, dont l’un loue des gîtes ruraux. Ils boivent de la bière en me saoulant de leur conversation sur la peinture des barrières. Quand arrive un troisième, ils veulent que ce dernier trouve place entre ma table et la leur, ce qui le mettrait à moins d’un mètre de moi. Je proteste et leur dis de changer de table. « Il n’y a pas de malades en Auvergne », ronchonne le loueur de meublés touristiques. Le trio s’exécute quand même. Il y a un tas de cons à Murat, je le pressens. Pas étonnant que Jean-Louis s’en soit attribué le nom.
Mon train de retour étant à quatorze heures quarante-sept, c’est sans café bu que j’entreprends de monter en haut du pays puis de grimper par un sentier semi-caillouteux qui fait office de chemin de croix le Vendredi Saint (cela me rappelle Castellane). Son aboutissement est la Vierge blanche.
Je crois mourir plusieurs fois avant d’y être presque. Un raidillon final permet d’atteindre directement la Vierge mais je préfère la prendre par derrière. Epuisé, je contemple de là-haut la ville dans son entièreté et les montagnes autour. Il y a là une famille pique-niquant. « Tu sais, Tonton Yves, ce qu’il a fait quand il était petit, y avait une statue comme ici et il a mis la tête entre les barreaux, et il arrivait pas à la retirer, on a failli appeler les pompiers. » (hachetague putaindefamille)
Je ne m’attarde pas, redescends, traverse la ville dont les rues sont désormais désertes, retrouve la grand-route à camions où est établie la Gare et bois un café (un euro vingt) à l’une des deux tables de trottoir de l’Hôtel Les Messageries.
Je suis le seul à monter dans le train à Murat, présentant mon billet au contrôleur, puisque la Gare, fermée, ne dispose pas de composteur à l’extérieur.
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C’est quand même mieux de s’appeler Murat que Bergheaud.
23 juillet 2020
Je ne me souviens jamais s’il faut dire Salersse ou Salerre. Ce mercredi matin je tente Salersse auprès d’un chauffeur de bus urbain à qui je demande s’il sait d’où part la navette de la Région qui y va deux jours par semaine.
-D’abord, on dit Salerre, me répond-il, je vous le dis parce que si vous ne voulez pas passer pour un touriste…
-D’accord, je ne le ferai plus, mais je crains de passer quand même pour un touriste.
Il ne sait d’où part exactement cette navette. La place du Gravier, c’est à côté, devant le Conseil Départemental où on vous en dira peut-être plus.
J’y retrouve la sympathique fonctionnaire territoriale chargée des transports. Elle s’en veut de m’avoir donné l’autre jour de mauvais horaires, cette navette ne repart pas à seize heures trente mais à quatorze heures trente. Quant à savoir d’où elle part…
Je la repère facilement un peu avant dix heures et demie. Je craignais de ne pas y trouver de place, vingt-deux sièges seulement et ramenés à onze par le virus, mais j’y suis le seul passager quand la chauffeuse démarre. Une heure plus tard, après un trajet de beau paysage de montagne ayant pour sommet le Puy Mary, elle me dépose près de l’Hôtel Le Baillage.
Je connais Salers pour y être venu bien accompagné ou seul et y avoir même dormi en chambre d’hôtes. Le plus souvent, c’était hors saison. Ce jour, il y a foule, surtout près de l’église où s’étale un marché pour touristes. On se croirait à Rocamadour ou au Mont-Saint-Michel. Difficile d’éviter les autres, que ce soit pour ma santé ou pour photographier. Pas une rue sans que je pense « Putain de famille ! ».
A midi pile, à la terrasse de Chez la Préfète, abrité de la possible pluie orageuse qui menace par un parasol, le touriste que je suis choisit le pavé de salers (de la boucherie Lacoste) et son aligot à dix-huit euros. « C’est un beau pavé ? », demandé-je au patron. « Deux cent grammes », me répond-il d’un ton légèrement outré. Je commande aussi un quart de Côtes-d’Auvergne-Boudes à sept euros cinquante.
Ce pavé n’est pas énorme mais il est cuit bleu comme je l’avais demandé et accompagné d’une sauce au bleu. Bientôt, cette terrasse est complète. Les mangeurs les plus proches de moi sont mari et femme quinquagénaires. Tout ce qu’elle trouve à lui dire c’est « Il fait moins chaud aujourd’hui ». Lui ne lui dit rien, mais essaie de transformer le verre de vin qu’elle suggère en pichet.
Il commence à pleuvoir quand je commande un café à un euro soixante. Assez peu, ce qui me permet, après avoir réglé l’addition, de parcourir une ville moins chargée en présence humaine.
Quand approche l’heure du retour, les gouttes s’épaississent. Je vais m’abriter sous un arbre près d’un pré où se trouve un taureau, deux génisses et un veau brun de la race de salers. J’étais à ce même endroit il y a plusieurs années avec celle qui me tenait la main. Nous y avions photographié de ces mêmes bovins. Lorsque ceux d’aujourd’hui s’approchent et que je veux faire pareillement, l’appareil qu’elle m’a offert m’indique que la batterie est à plat.
Je fais le retour à Aurillac en duo avec la conductrice. Trois euros de recette aujourd’hui pour cette navette qui aura parcouru deux fois quarante kilomètres pour un homme seul.
*
Salers, de la maison en pierre grise, en veux-tu en voilà, l’un des « Plus Beaux Villages de France ».
*
Quand même dans l’unique boîte à livres d’Aurillac : Mémoires de l’abbé de Choisy (Le temps retrouvé / Mercure de France) contenant Mémoires pour servir à l’histoire de Louis XIV et Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme.
-D’abord, on dit Salerre, me répond-il, je vous le dis parce que si vous ne voulez pas passer pour un touriste…
-D’accord, je ne le ferai plus, mais je crains de passer quand même pour un touriste.
Il ne sait d’où part exactement cette navette. La place du Gravier, c’est à côté, devant le Conseil Départemental où on vous en dira peut-être plus.
J’y retrouve la sympathique fonctionnaire territoriale chargée des transports. Elle s’en veut de m’avoir donné l’autre jour de mauvais horaires, cette navette ne repart pas à seize heures trente mais à quatorze heures trente. Quant à savoir d’où elle part…
Je la repère facilement un peu avant dix heures et demie. Je craignais de ne pas y trouver de place, vingt-deux sièges seulement et ramenés à onze par le virus, mais j’y suis le seul passager quand la chauffeuse démarre. Une heure plus tard, après un trajet de beau paysage de montagne ayant pour sommet le Puy Mary, elle me dépose près de l’Hôtel Le Baillage.
Je connais Salers pour y être venu bien accompagné ou seul et y avoir même dormi en chambre d’hôtes. Le plus souvent, c’était hors saison. Ce jour, il y a foule, surtout près de l’église où s’étale un marché pour touristes. On se croirait à Rocamadour ou au Mont-Saint-Michel. Difficile d’éviter les autres, que ce soit pour ma santé ou pour photographier. Pas une rue sans que je pense « Putain de famille ! ».
A midi pile, à la terrasse de Chez la Préfète, abrité de la possible pluie orageuse qui menace par un parasol, le touriste que je suis choisit le pavé de salers (de la boucherie Lacoste) et son aligot à dix-huit euros. « C’est un beau pavé ? », demandé-je au patron. « Deux cent grammes », me répond-il d’un ton légèrement outré. Je commande aussi un quart de Côtes-d’Auvergne-Boudes à sept euros cinquante.
Ce pavé n’est pas énorme mais il est cuit bleu comme je l’avais demandé et accompagné d’une sauce au bleu. Bientôt, cette terrasse est complète. Les mangeurs les plus proches de moi sont mari et femme quinquagénaires. Tout ce qu’elle trouve à lui dire c’est « Il fait moins chaud aujourd’hui ». Lui ne lui dit rien, mais essaie de transformer le verre de vin qu’elle suggère en pichet.
Il commence à pleuvoir quand je commande un café à un euro soixante. Assez peu, ce qui me permet, après avoir réglé l’addition, de parcourir une ville moins chargée en présence humaine.
Quand approche l’heure du retour, les gouttes s’épaississent. Je vais m’abriter sous un arbre près d’un pré où se trouve un taureau, deux génisses et un veau brun de la race de salers. J’étais à ce même endroit il y a plusieurs années avec celle qui me tenait la main. Nous y avions photographié de ces mêmes bovins. Lorsque ceux d’aujourd’hui s’approchent et que je veux faire pareillement, l’appareil qu’elle m’a offert m’indique que la batterie est à plat.
Je fais le retour à Aurillac en duo avec la conductrice. Trois euros de recette aujourd’hui pour cette navette qui aura parcouru deux fois quarante kilomètres pour un homme seul.
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Salers, de la maison en pierre grise, en veux-tu en voilà, l’un des « Plus Beaux Villages de France ».
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Quand même dans l’unique boîte à livres d’Aurillac : Mémoires de l’abbé de Choisy (Le temps retrouvé / Mercure de France) contenant Mémoires pour servir à l’histoire de Louis XIV et Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme.
22 juillet 2020
Parfaitement dormi sur ce canapé pas fait pour ça en cette première nuit de rue des Parapluies, laquelle est silencieuse jusqu’à ce qu’arrivent les premiers livreurs, ce qui correspond à l’heure où je me lève chaque matin.
Après un café croissant à L’Abside, je monte à la Gare avec la navette électrique gratuite et suis assis bien avant l’heure dans « J’irai revoir ma Normandie ». Ce n’est qu’à dix heures vingt-six que ce petit train prend le chemin de Clermont-Ferrand. J’en descends au bout d’une demi-heure de grimpette, après la longue traversée d’un tunnel obscur, à la Gare du Lioran (mille cent cinquante-deux mètres d'altitude).
Cette station de ski est connue pour son autre tunnel creusé à la pelle et à la pioche dans la première moitié du dix-neuvième siècle sur mille quatre cent douze mètres de longueur. Il fait aujourd’hui neuf mètres de large. Voitures et camions s’y croisent au péril des premières qui régulièrement y perdent leur rétroviseur. Son entrée est proche de la Gare. Je la photographie ainsi que des installations hors-saison : remonte-pente à l’arrêt, boutique de location de ski entrouverte. Il me semblait que Le Lioran était décevant. J’aurais dû faire confiance en mon souvenir. Présentement, l’endroit n’est fréquenté que par des collectivités : enfants de colonies, groupes d’ados placés en institution (il faut rentabiliser l’été les locaux utilisés l’hiver à l’heure du ski).
En contrebas de la route sur laquelle circulent nombre de camions est l’Auberge de la Hutte. Elle est tenue par un couple de quinquagénaires que je présume d’origine portugaise. L’homme est en cuisine, la femme au service. Cette dame est très gentille et a du mal à rester enfermée dans son établissement. Elle sort souvent me dire un mot, assis que je suis à l’une des quatre tables du dehors, la seule occupée. Je prends le menu du jour : salade de chèvre, côte de porc frites salade, glace vanille raisin, avec un quart de merlot. C’est honnête et de toute façon je n’avais pas le choix. J’en suis au café quand fonce sur la route des camions, sirène hurlante, un véhicule « Identification criminelle ». Il se passe plus de choses que l’on pense en montagne l’été.
Un chemin près de la Gare me permet de marcher jusqu’à un ruisseau près duquel je ne peux descendre tandis que les nuages montent doucement.
Il est quinze heures moins deux lorsque s’arrête, rigoureusement à l’heure, le petit train Nord Pas de Calais du retour. L’orage n’est pas prêt d’éclater mais il fait fort chaud. La navette que j’espérais pour redescendre en ville ne passe plus par la faute de travaux.
J’ai besoin de deux diabolos menthe au Grand Café Mary où le serveur masqué se plaint de ses vieilles habituées qui entrent sans en faire autant.
*
Toujours détesté les tunnels, surtout ceux plongés dans l’obscurité. Cela doit avoir un rapport avec ma naissance.
*
Une octogénaire dans le train à son mari qui l’accompagne jusqu’à sa place : « J’ai emmené des gants, j’ai du produit, j’ai des lingettes, j’ai mon masque, j’ai tout ce qu’il faut. »
*
Dans La Montagne, un article révélant que le bleu d’Auvergne est d’origine normande, dû à un « bougnat » travaillant dans une pharmacie de Rouen qui s’est inspiré d’un fromage anglais trouvé au marché de la ville pour améliorer la tomme de son village.
Après un café croissant à L’Abside, je monte à la Gare avec la navette électrique gratuite et suis assis bien avant l’heure dans « J’irai revoir ma Normandie ». Ce n’est qu’à dix heures vingt-six que ce petit train prend le chemin de Clermont-Ferrand. J’en descends au bout d’une demi-heure de grimpette, après la longue traversée d’un tunnel obscur, à la Gare du Lioran (mille cent cinquante-deux mètres d'altitude).
Cette station de ski est connue pour son autre tunnel creusé à la pelle et à la pioche dans la première moitié du dix-neuvième siècle sur mille quatre cent douze mètres de longueur. Il fait aujourd’hui neuf mètres de large. Voitures et camions s’y croisent au péril des premières qui régulièrement y perdent leur rétroviseur. Son entrée est proche de la Gare. Je la photographie ainsi que des installations hors-saison : remonte-pente à l’arrêt, boutique de location de ski entrouverte. Il me semblait que Le Lioran était décevant. J’aurais dû faire confiance en mon souvenir. Présentement, l’endroit n’est fréquenté que par des collectivités : enfants de colonies, groupes d’ados placés en institution (il faut rentabiliser l’été les locaux utilisés l’hiver à l’heure du ski).
En contrebas de la route sur laquelle circulent nombre de camions est l’Auberge de la Hutte. Elle est tenue par un couple de quinquagénaires que je présume d’origine portugaise. L’homme est en cuisine, la femme au service. Cette dame est très gentille et a du mal à rester enfermée dans son établissement. Elle sort souvent me dire un mot, assis que je suis à l’une des quatre tables du dehors, la seule occupée. Je prends le menu du jour : salade de chèvre, côte de porc frites salade, glace vanille raisin, avec un quart de merlot. C’est honnête et de toute façon je n’avais pas le choix. J’en suis au café quand fonce sur la route des camions, sirène hurlante, un véhicule « Identification criminelle ». Il se passe plus de choses que l’on pense en montagne l’été.
Un chemin près de la Gare me permet de marcher jusqu’à un ruisseau près duquel je ne peux descendre tandis que les nuages montent doucement.
Il est quinze heures moins deux lorsque s’arrête, rigoureusement à l’heure, le petit train Nord Pas de Calais du retour. L’orage n’est pas prêt d’éclater mais il fait fort chaud. La navette que j’espérais pour redescendre en ville ne passe plus par la faute de travaux.
J’ai besoin de deux diabolos menthe au Grand Café Mary où le serveur masqué se plaint de ses vieilles habituées qui entrent sans en faire autant.
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Toujours détesté les tunnels, surtout ceux plongés dans l’obscurité. Cela doit avoir un rapport avec ma naissance.
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Une octogénaire dans le train à son mari qui l’accompagne jusqu’à sa place : « J’ai emmené des gants, j’ai du produit, j’ai des lingettes, j’ai mon masque, j’ai tout ce qu’il faut. »
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Dans La Montagne, un article révélant que le bleu d’Auvergne est d’origine normande, dû à un « bougnat » travaillant dans une pharmacie de Rouen qui s’est inspiré d’un fromage anglais trouvé au marché de la ville pour améliorer la tomme de son village.
21 juillet 2020
Ce lundi, je quitte l’« appartement de charme » de la rue des Frères Charmes pour un autre situé cent mètres plus loin, moins charmant et peu cher. C’était le seul disponible pour cette semaine à venir dans ma tranche de prix.
Durant la semaine écoulée, jamais mes nuits n’ont été troublées dans cet appartement de fille à la décoration girly que loue sa propriétaire en son absence. Je n’y ai subi aucun bruit de voisinage ni de circulation automobile.
Vers dix heures, je descends une dernière fois les quatre étages par le bel escalier, laisse les clés dans la boîte à lettres et, tirant ma valise, prends la première rue à gauche jusqu’au Moment’ Café où je réserve ma table préférée pour midi auprès de la sympathique et jolie serveuse. Je lui demande si je peux laisser ma valise dans l’établissement le temps de mon transfert. « Bien sûr, me répond-elle, je vais la mettre dans mon vestiaire, elle sera en sécurité. » « Dans ce cas, lui dis-je, je veux bien vous confier aussi mon sac à dos. » Elle termine à quinze heures, je repasserai vers quatorze heures.
Après un café croissant au Kiosque, je vais me balader dans des coins d’Aurillac pas encore vus. Je découvre ainsi l’imposante statue du pape Sylvestre le Deuxième (Gerbert d’Aurillac, dit le savant Gerbert), puis à midi de retour au Moment’ Café, je déjeune d’encore une cuisse de poulet, avec sa poêlée de légumes, et d’une tarte aux pommes. Avec le quart que de vin d’Auvergne, cela fait dix-huit euros.
-On se revoit tout à l’heure, me dit l’aimable serveuse quand je règle l’addition, suscitant l’interrogation de ses collègues.
Je bois le café au Kiosque où je demande à un serveur si ça vaut le coup d’aller visiter Arpajon-sur-Cère. « C’est à côté, me répond-il, mais y a rien là-bas ». Je présume qu’il pourrait me dire la même chose d’un tas de lieux que j’ai vus avec intérêt. De toutes façons, avec ce qu’il me reste à (re)découvrir dans le coin, je n’aurai pas le temps d’y aller.
A quatorze heures, je vais chercher valise et sac, remerciant bien celle qui m’a permis ne pas en être chargé pendant quatre heures. Au premier étage de l’immeuble indiqué je trouve la clé sous le paillasson. Elle me permet d’entrer dans un appartement un peu vieillot. Il dispose d’un lave-linge et de la ouifi, également de quoi faire la cuisine (comme partout, mais je ne m’en sers jamais). Il est situé face à la boutique de la distillerie Louis Couderc, rue Victor Hugo, l’une des deux à parapluies suspendus.
Le hic, c’est sa mezzanine mal foutue à l’escalier dangereux (pourquoi d’ailleurs en avoir fait une, il y avait la place pour un lit au sol). Je décide de dormir sur le canapé.
*
Ah ça, il y en a des masques aux poignets, maintenant qu’il est obligatoire dans tous les commerces. Qu’on s’ajuste pour y entrer. Qu’on tripote à nouveau pour l’ôter dès la sortie. Qu’on remet un peu plus loin. Et ainsi toute la journée. Mains parfois lavées, souvent non.
Durant la semaine écoulée, jamais mes nuits n’ont été troublées dans cet appartement de fille à la décoration girly que loue sa propriétaire en son absence. Je n’y ai subi aucun bruit de voisinage ni de circulation automobile.
Vers dix heures, je descends une dernière fois les quatre étages par le bel escalier, laisse les clés dans la boîte à lettres et, tirant ma valise, prends la première rue à gauche jusqu’au Moment’ Café où je réserve ma table préférée pour midi auprès de la sympathique et jolie serveuse. Je lui demande si je peux laisser ma valise dans l’établissement le temps de mon transfert. « Bien sûr, me répond-elle, je vais la mettre dans mon vestiaire, elle sera en sécurité. » « Dans ce cas, lui dis-je, je veux bien vous confier aussi mon sac à dos. » Elle termine à quinze heures, je repasserai vers quatorze heures.
Après un café croissant au Kiosque, je vais me balader dans des coins d’Aurillac pas encore vus. Je découvre ainsi l’imposante statue du pape Sylvestre le Deuxième (Gerbert d’Aurillac, dit le savant Gerbert), puis à midi de retour au Moment’ Café, je déjeune d’encore une cuisse de poulet, avec sa poêlée de légumes, et d’une tarte aux pommes. Avec le quart que de vin d’Auvergne, cela fait dix-huit euros.
-On se revoit tout à l’heure, me dit l’aimable serveuse quand je règle l’addition, suscitant l’interrogation de ses collègues.
Je bois le café au Kiosque où je demande à un serveur si ça vaut le coup d’aller visiter Arpajon-sur-Cère. « C’est à côté, me répond-il, mais y a rien là-bas ». Je présume qu’il pourrait me dire la même chose d’un tas de lieux que j’ai vus avec intérêt. De toutes façons, avec ce qu’il me reste à (re)découvrir dans le coin, je n’aurai pas le temps d’y aller.
A quatorze heures, je vais chercher valise et sac, remerciant bien celle qui m’a permis ne pas en être chargé pendant quatre heures. Au premier étage de l’immeuble indiqué je trouve la clé sous le paillasson. Elle me permet d’entrer dans un appartement un peu vieillot. Il dispose d’un lave-linge et de la ouifi, également de quoi faire la cuisine (comme partout, mais je ne m’en sers jamais). Il est situé face à la boutique de la distillerie Louis Couderc, rue Victor Hugo, l’une des deux à parapluies suspendus.
Le hic, c’est sa mezzanine mal foutue à l’escalier dangereux (pourquoi d’ailleurs en avoir fait une, il y avait la place pour un lit au sol). Je décide de dormir sur le canapé.
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Ah ça, il y en a des masques aux poignets, maintenant qu’il est obligatoire dans tous les commerces. Qu’on s’ajuste pour y entrer. Qu’on tripote à nouveau pour l’ôter dès la sortie. Qu’on remet un peu plus loin. Et ainsi toute la journée. Mains parfois lavées, souvent non.
20 juillet 2020
Encore un tout petit train d’une rame ce dimanche à la Gare d’Aurillac, celui qui va à Brive-la-Gaillarde. Il doit m’emmener à son premier arrêt : Laroquebrou, « petite cité de caractère ». Il part à dix heures trente-six et arrive vingt-deux minutes plus tard après avoir tracé sa voie unique à flanc de montagne au milieu des arbres parfois à l’aide d’audacieux viaducs. Je suis le seul à en descendre.
J’ai des souvenirs à Laroquebrou mais je ne me souviens plus lesquels. Cela doit remonter à loin. Ce qui est sûr c’est qu’en descendant vers la Cère je ne reconnais pas ce que je vois, un bourg en plein soleil dominé par un château et une Vierge.
Cependant, une fois au pied de l’église fortifiée, cette atmosphère de bourgade rugueuse ne m’est pas étrangère. J’en parcours quelques rues, guère dérangé par autrui, il n’est pas là.
Une réunion d’élus, ou un banquet, se prépare à la Mairie. J’interroge un des participants qui me confirme ce que je pressentais : pour déjeuner ici un dimanche il n’y a rien, hormis un snack baptisé le 107, bien qu’il soit au numéro cinq de sa rue.
Il n’est qu’onze heures trente mais je demande si. Une gentille vieille dame me répond oui et je m’installe en terrasse face à l’église dont le cadran solaire est à l’ombre. Peut-être est-ce la mère de celle qui tient l’affaire, laquelle réussit à être mal aimable (pas seulement avec moi) tout en étant souriante.
Sur chaque table de cette terrasse est disponible un petit flacon de gel hydro alcoolique mais on ne porte pas le masque à l’intérieur, que l’on soit client ou de service. Le seul plat possible, si on veut éviter l’omelette, c’est saucisse frites salade à dix euros. J’accompagne ça d’un quart de vin rouge à cinq euros, et le fais suivre d’une assiette de fromages à quatre euros et d’un café à un euro vingt. Longtemps que je n’avais pas mangé dans un tel snack, ils ont disparu pour beaucoup, où l’on a l’impression de ne faire que se nourrir.
La chaleur est forte quand je rejoins le soleil. Je n’en entreprends pas moins de grimper jusqu’au château en passant par la Vierge blanche à laquelle on accède par un escalier rudimentaire à hautes marches. C’est la copie de Notre-Dame de Fourvière. Me voici à ses pieds. Quant au château, il a fière allure avec sa partie ruinée qui lui donne un supplément d’âme (si je puis dire).
Redescendu, je vais flâner au bord de la Cère puis m’offre un diabolo menthe au 107 avant de remonter à la Gare, bien sûr fermée, où je suis seul à attendre le dix-sept heures une. Il arrive sans être annoncé, à l’heure pile.
*
Une femme à la terrasse du 107 : « Moi, j’ai dit à mon père : pourquoi tu mets pas de l’argent de côté ? ». Il dépense tout et après il faudra qu’elle paie quand il sera en maison de retraite.
*
A Laroquebrou, une cabine téléphonique reconvertie en boîte à livres. A l’intérieur : que de la daube.
*
Au guichet de la gare d’Aurillac, une quadragénaire qui se plaint que le site de la Senecefe ne lui délivre pas de billet car il ne reconnaît pas sa date de naissance. Elle a une hypothèse : « J’ai donné une fausse date de naissance sur Facebook ».
J’ai des souvenirs à Laroquebrou mais je ne me souviens plus lesquels. Cela doit remonter à loin. Ce qui est sûr c’est qu’en descendant vers la Cère je ne reconnais pas ce que je vois, un bourg en plein soleil dominé par un château et une Vierge.
Cependant, une fois au pied de l’église fortifiée, cette atmosphère de bourgade rugueuse ne m’est pas étrangère. J’en parcours quelques rues, guère dérangé par autrui, il n’est pas là.
Une réunion d’élus, ou un banquet, se prépare à la Mairie. J’interroge un des participants qui me confirme ce que je pressentais : pour déjeuner ici un dimanche il n’y a rien, hormis un snack baptisé le 107, bien qu’il soit au numéro cinq de sa rue.
Il n’est qu’onze heures trente mais je demande si. Une gentille vieille dame me répond oui et je m’installe en terrasse face à l’église dont le cadran solaire est à l’ombre. Peut-être est-ce la mère de celle qui tient l’affaire, laquelle réussit à être mal aimable (pas seulement avec moi) tout en étant souriante.
Sur chaque table de cette terrasse est disponible un petit flacon de gel hydro alcoolique mais on ne porte pas le masque à l’intérieur, que l’on soit client ou de service. Le seul plat possible, si on veut éviter l’omelette, c’est saucisse frites salade à dix euros. J’accompagne ça d’un quart de vin rouge à cinq euros, et le fais suivre d’une assiette de fromages à quatre euros et d’un café à un euro vingt. Longtemps que je n’avais pas mangé dans un tel snack, ils ont disparu pour beaucoup, où l’on a l’impression de ne faire que se nourrir.
La chaleur est forte quand je rejoins le soleil. Je n’en entreprends pas moins de grimper jusqu’au château en passant par la Vierge blanche à laquelle on accède par un escalier rudimentaire à hautes marches. C’est la copie de Notre-Dame de Fourvière. Me voici à ses pieds. Quant au château, il a fière allure avec sa partie ruinée qui lui donne un supplément d’âme (si je puis dire).
Redescendu, je vais flâner au bord de la Cère puis m’offre un diabolo menthe au 107 avant de remonter à la Gare, bien sûr fermée, où je suis seul à attendre le dix-sept heures une. Il arrive sans être annoncé, à l’heure pile.
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Une femme à la terrasse du 107 : « Moi, j’ai dit à mon père : pourquoi tu mets pas de l’argent de côté ? ». Il dépense tout et après il faudra qu’elle paie quand il sera en maison de retraite.
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A Laroquebrou, une cabine téléphonique reconvertie en boîte à livres. A l’intérieur : que de la daube.
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Au guichet de la gare d’Aurillac, une quadragénaire qui se plaint que le site de la Senecefe ne lui délivre pas de billet car il ne reconnaît pas sa date de naissance. Elle a une hypothèse : « J’ai donné une fausse date de naissance sur Facebook ».
19 juillet 2020
Le ciel bleu est de retour avec douze degrés au matin de ce samedi à Aurillac. Je passe acheter un croissant à la Mie Câline. La boulangère s’y lave les mains au gel hydro alcoolique après avoir touché l’argent de chaque client. Puis je m’installe au soleil à la terrasse du Kiosque pour le premier café verre d’eau du jour. J’ai le temps de lire un peu des Essais (Apologie de Raimond Sebond) avant d’aller attendre la navette électrique qu’un billet de train pour Vic-sur-Cère me permet de prendre gratuitement.
Le train est celui qui va à Clermont-Ferrand. Il est surtout occupé pas des vacanciers qui rejoignent Paris. Chacun peut ne pas y avoir de voisin. Je le quitte treize minutes plus tard.
Une rue de la Gare descend vers le pont qui permet de traverser la Cère puis je pars à l’assaut des rues pentues de ce bourg de petite montagne dont le passé de ville thermale est effacé. Ses habitants font la file sur le trottoir devant l’unique boucherie et l’unique boulangerie. Je photographie quelques maisons imposantes dont le Manoir qui autrefois était un couvent de bénédictines où l’on s’occupait de l’éducation des jeunes filles (ça me rappelle quelque chose) puis je grimpe jusqu’à la chapelle du Calvaire d’où l’on a vue panoramique.
Derrière l’église est le départ d’un chemin qui doit mener à la cascade de la Conche. Je demande à une autochtone si c’est loin. Un quart d’heure, me dit-elle, ajoutant : « Faut y aller avant qu’il n’y ait plus d’eau, y en a déjà pas beaucoup. » Il ne m’en faut pas plus pour que je renonce. A quoi bon aller voir une cascade rendue à l’état de pissette.
Je retourne du côté de la Gare où j’ai repéré un restaurant possible, le Bel Horizon. J’y réserve une table et en attendant midi y prends un café. A l’heure officielle du repas, je choisis la meilleure table de la terrasse, celle ombragée par un arbre, la température a doublé depuis ce matin.
Cet hôtel semble vivre au ralenti. Il faut plus d’un quart d’heure pour que la serveuse qui a l’air de sortir du formol vienne s’occuper de moi. Le menu du jour à dix-sept euros étant proposé le samedi, je le prends : assiette de charcuterie, cuisse de poulet pommes au four et crème brulée. En l’absence de pichet, je prends une demi-bouteille de saint-pourçain deux mille dix-sept à onze euros de chez Jean-Pierre Laurent. « Ce vin a été créé dans la philosophe du domaine afin d’élaborer des vins à notre image malgré les aléas climatiques », est-il écrit de façon absconse sur l’étiquette. Je le trouve un peu jeune.
C’est bien, mais mon Guide du Routard de deux mille deux m’apprend qu’à cette époque on y mangeait mieux et pour moins cher, avec l’apéritif offert. Côté hôtel, le prix des chambres a doublé comme partout.
A part moi (« le monsieur tout seul », comme dit la serveuse) ne mangent là que trois habitués à tournées d’apéro. Je crains pour l’avenir de cet établissement. Comme pour celui de la Gare près de laquelle est déployée une banderole « Comité pluraliste de défense, de modernisation et de promotion des lignes ferroviaires du Cantal. Non à la fermeture ».
Redescendu au bord la Cère, je prends place à la terrasse ombragée de l’Hôtel Restaurant Beauséjour, plus chic, mieux situé, avec un peu plus de clientèle, mais les affaires doivent être difficiles car un panneau annonce que tout le monde est bienvenu et que le café n’est qu’à un euro trente.
Après avoir bu le mien, je lis là tranquillement Montaigne. Jusqu’à ce qu’arrive l’inévitable pousseuse de poussette garnie. Ce n’est pas tant que son un an et demi soit particulièrement pénible, c’est elle qui l’est à bêtifier sans cesse.
*
« Si Balzac avait été auvergnat, il aurait, c’est sûr, choisi Vic-sur-Cère pour en faire le théâtre de la comédie auvergnate », prétendait Le Routard en deux mille deux. Marguerite de Valois s’y fit soigner. Anne d’Autriche aussi. Louis le Quatorzième s’en faisait envoyer de l’eau pour soigner sa goutte. Le plus étrange est qu’à un moment, Vic fut sous la domination de la Principauté de Monaco.
Le train est celui qui va à Clermont-Ferrand. Il est surtout occupé pas des vacanciers qui rejoignent Paris. Chacun peut ne pas y avoir de voisin. Je le quitte treize minutes plus tard.
Une rue de la Gare descend vers le pont qui permet de traverser la Cère puis je pars à l’assaut des rues pentues de ce bourg de petite montagne dont le passé de ville thermale est effacé. Ses habitants font la file sur le trottoir devant l’unique boucherie et l’unique boulangerie. Je photographie quelques maisons imposantes dont le Manoir qui autrefois était un couvent de bénédictines où l’on s’occupait de l’éducation des jeunes filles (ça me rappelle quelque chose) puis je grimpe jusqu’à la chapelle du Calvaire d’où l’on a vue panoramique.
Derrière l’église est le départ d’un chemin qui doit mener à la cascade de la Conche. Je demande à une autochtone si c’est loin. Un quart d’heure, me dit-elle, ajoutant : « Faut y aller avant qu’il n’y ait plus d’eau, y en a déjà pas beaucoup. » Il ne m’en faut pas plus pour que je renonce. A quoi bon aller voir une cascade rendue à l’état de pissette.
Je retourne du côté de la Gare où j’ai repéré un restaurant possible, le Bel Horizon. J’y réserve une table et en attendant midi y prends un café. A l’heure officielle du repas, je choisis la meilleure table de la terrasse, celle ombragée par un arbre, la température a doublé depuis ce matin.
Cet hôtel semble vivre au ralenti. Il faut plus d’un quart d’heure pour que la serveuse qui a l’air de sortir du formol vienne s’occuper de moi. Le menu du jour à dix-sept euros étant proposé le samedi, je le prends : assiette de charcuterie, cuisse de poulet pommes au four et crème brulée. En l’absence de pichet, je prends une demi-bouteille de saint-pourçain deux mille dix-sept à onze euros de chez Jean-Pierre Laurent. « Ce vin a été créé dans la philosophe du domaine afin d’élaborer des vins à notre image malgré les aléas climatiques », est-il écrit de façon absconse sur l’étiquette. Je le trouve un peu jeune.
C’est bien, mais mon Guide du Routard de deux mille deux m’apprend qu’à cette époque on y mangeait mieux et pour moins cher, avec l’apéritif offert. Côté hôtel, le prix des chambres a doublé comme partout.
A part moi (« le monsieur tout seul », comme dit la serveuse) ne mangent là que trois habitués à tournées d’apéro. Je crains pour l’avenir de cet établissement. Comme pour celui de la Gare près de laquelle est déployée une banderole « Comité pluraliste de défense, de modernisation et de promotion des lignes ferroviaires du Cantal. Non à la fermeture ».
Redescendu au bord la Cère, je prends place à la terrasse ombragée de l’Hôtel Restaurant Beauséjour, plus chic, mieux situé, avec un peu plus de clientèle, mais les affaires doivent être difficiles car un panneau annonce que tout le monde est bienvenu et que le café n’est qu’à un euro trente.
Après avoir bu le mien, je lis là tranquillement Montaigne. Jusqu’à ce qu’arrive l’inévitable pousseuse de poussette garnie. Ce n’est pas tant que son un an et demi soit particulièrement pénible, c’est elle qui l’est à bêtifier sans cesse.
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« Si Balzac avait été auvergnat, il aurait, c’est sûr, choisi Vic-sur-Cère pour en faire le théâtre de la comédie auvergnate », prétendait Le Routard en deux mille deux. Marguerite de Valois s’y fit soigner. Anne d’Autriche aussi. Louis le Quatorzième s’en faisait envoyer de l’eau pour soigner sa goutte. Le plus étrange est qu’à un moment, Vic fut sous la domination de la Principauté de Monaco.
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