Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

3 août 2020


Ce dimanche matin, je commande un café mini-viennoiseries verre d’eau à trois euros quatre-vingts, sous les petits drapeaux, en terrasse à l’FMR, « café bar glacier guinguette culture », face à la Gare de Brive et au Grand Hôtel Terminus. La guinguette, est-il écrit, c’est le dimanche à partir de quatorze heures.
Un peu avant neuf heures, je vais prendre mon train à réservation obligatoire. Un homme m’annonce être mon voisin. Je lui dis qu’on n’est pas obligé de se coller les uns aux autres puisqu’il y a de la place. « Je m’en tiens à ce que dit mon application », me répond ce possesseur d’objet nomade totalitaire. C’est donc moi qui change de siège.
C’est un plaisir de faire un bout de trajet avec des gens qui rentrent de vacances alors que soi-même non, je le constate encore une fois dans ce Paris Austerlitz dont je descends au premier arrêt à Uzerche, qu’en mil sept cent quatre-vingt-sept, Arthur Young qualifia de « Perle du Limousin ». C’est depuis son slogan publicitaire.
Il y a là des hommes venus conduire leur famille au train. Je demande à l’un par où le centre. Pas question de s’égarer, je sais que c’est un peu loin. Après être passé dans un tunnel, je traverse la Vézère au Pont Neuf et trouve l’ancien Hospice. A partir de là, je monte dans la vieille ville qui se blottit dans une courbe de la rivière.
J’en découvre (redécouvre) les différents châteaux, les maisons en pierre ou à pans de bois, la chapelle Notre-Dame de Bécharie et l’abbatiale Saint-Pierre. Contournant cette dernière, je trouve son cloître du onzième siècle. J’y entre. Il fait vraiment noir. A peine si j’ose m’avancer.
Je descends ensuite au bord de la Vézère qu’ici on peut longer, c’est même encouragé sous le nom de Parcours du Méandre. Des pompiers en manœuvre y arrosent les canards, puis ils s’offrent un petit-déjeuner que doivent quitter certains quand retentit une sonnerie discrète. La sirène de l’ambulance trouble le calme des kayakeurs.
Ayant repéré un petit restaurant à mi-chemin de la Gare, Chez Coralie, j’y remonte et réserve une table et, en attendant midi, descends par une petite route jusqu’au ruisseau nommé le Bradascou. Assis sur le parapet du Pont aux Malades, j’ouvre mon parapluie pour quelques gouttes.
Cette petite pluie a cessé quand Coralie m’installe à l’une des tables de la terrasse à l’arrière, qui ne donne sur rien et témoigne que l’endroit est du genre à être en travaux permanents. Elle est aidé de celui qui doit être son compagnon mais peut-être pas le père de ses trois enfants, dont deux nymphettes peut-être jumelles perchées au comptoir.
Coralie est pleine de bonne volonté, et pas très bien secondée, « T’as dit quoi ? ». Je lui commande un confit de canard à douze euros quatre-vingts avec un quart de vin rouge à quatre euros. « Je vais vous apprêter ça », me dit-elle. Je dois réclamer à son second la carafe d’eau qui ailleurs arrive dès qu’on s’assoit.
Ce confit de canard est correct et les frites excellentes. Un couple et ses filles jumelles de huit ans s’installent à la table voisine, puis un homme seul arrive qui dit être un peu pressé (il n’a pas choisi le bon endroit).
-La pression, c’est pour monsieur je suppose, dit le second en apportant les boissons à la famille.
-Eh bien, non ! lui répond la mère des jumelles.
La carte de Chez Coralie annonce divers choix de desserts mais en réalité il n’y en a que deux, le flan ou la glace. Je prends deux boules framboise rhum raisin sans chantilly dont j’ignore le prix. Le café n’est qu’un euro vingt.
Avant de payer je vais aux toilettes. A leurs murs figurent des plaisanteries beaufs que je ne m’attendais pas à voir là. Ce qui ne m’étonne pas, c’est qu’elles soient d’une propreté relative.
Je retourne à Brive pour la dernière fois, avec un train venant de Paris, précis à la minute près comme quasiment tous ceux circulant dans la région, une ville dont j’aurai assez peu parcouru les rues. Je ne pense pas que j’y reviendrai et cela ne me chagrine pas. Pas de guinguette au FMR, constaté-je à l’arrivée, la faute au Covid.
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Plus qu’à une perle, Uzerche me fait penser à une grosse bagouse surchargée.
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La Médiathèque d’Uzerche a pour nom Simone de Beauvoir car celle-ci, jeune fille, passait ses vacances à côté, dans la propriété familiale de Meyrignac à Saint Ybard. J’ai lu récemment Simone de Beauvoir Romantique en Corrèze de François Soustre (Descartes et Cie), trouvé un euro chez Book-Off, plus intéressant par les photos d’elle à cet âge que par le texte. Dans les Mémoires d’une jeune fille rangée, Simone écrit : Mon grand-père s’était retiré près d’Uzerche, dans une propriété achetée par son père. Je n’imaginais pas qu’il existait sur terre aucun endroit plus agréable à habiter.
 

2 août 2020


Echappée en Dordogne, ce samedi premier août, à l’aide du train qui va à Périgueux et dont je descends au bout de vingt kilomètres à son premier arrêt : Terrasson-Lavilledieu, communément Terrasson, important centre du commerce de la truffe et des noix, et porte d’entrée du Périgord Noir.
La sortie de gare est décevante. J’erre un peu avant de trouver des autochtones pour me mettre dans la direction du centre. Il faut pour cela traverser la ville récente, plate dans tous les sens du mot. Enfin voici la Vézère et sur l’autre rive, dominant la vieille ville, l’église abbatiale Saint-Sour. Par le Pont Vieux, je traverse la rivière sur laquelle une gabare attend les familles d’onze heures.
Il n’est que huit heures et demie. Je suis absolument seul dans les ruelles pentues et devant l’abbatiale. Cependant, je ne peux pas dire qu’il n’y a pas un chat car j’en croise de nombreux, et même au milieu d’une rue, trois poules (je parle bien d’animaux).
De là-haut, j’admire la Vézère et les falaises au loin. C’est de ce côté que sont les Jardins de l’Imaginaire réalisés après concours international par l'atelier d'architecture Paysage Land, six hectares de divers jardins, uniquement visibles en visite guidée payante sur réservation, pas de quoi me donner envie.
Ce que j’aimerais, c’est me balader le long de cette Vézère, mais c’est impossible, les propriétés privées s’y succèdent. Je demande à un quidam qui a une tête à savoir ça où un bar. Vous traversez par le Pont Neuf et là y en a un, me dit-il. C’est le Drop. Pour deux euros trente, je prends un café croissant verre d’eau à la terrasse de ce bar d’habitués.
Côté restaurants, il y a dans la vieille ville des lieux de chipotage, sur le quai un piège à touristes, et en retrait sur la mauvaise rive (avec sa terrasse baptisée Johnny Halliday) Chez Canta qui n’hésite pas à faire payer son menu du samedi trente euros. Je retourne dans la ville plate et demande conseil à la tenancière d’un Péhemmu. « Vous en avez deux un peu plus loin, un à droite, l’autre à gauche, plutôt à gauche. » Las, le gauche est fermé jusqu’au quinze août. En revanche, j’en débusque un troisième dans une rue perpendiculaire, Le Rapoutet, une gargote de piètre apparence qui propose son menu à quatorze euros même le samedi (soupe, entrée, plat, dessert, quart de vin, café). J’y retiens une place sous la bâche, à l’une des quelques tables d’extérieur.
Ce restaurant pittoresque a ses habitués pittoresques. Pas un n’arrive sans me souhaiter bon appétit. Beaucoup préfèrent l’intérieur pourtant sombre et confiné. La patronne est sympathique derrière sa visière en plastique. La soupe est bonne, avec du pain dedans comme dans celle de mon enfance. L’entrée est une salade avec un  peu de saumon fumé. Le plat, une brochette de porc en petite quantité avec frites et légumes. Le vin, rosé et frais. Le dessert, une salade de fruits.
Aujourd’hui, je ne suis pas pressé par le train, mon retour n’est qu’à quatorze heures cinquante et une. Oui mais, il me faut quand même faire accélérer mon café, car le ciel s’obscurcit et ça gronde au loin. Je n’aimerais pas par la foudre être terrassé à Terrasson. Après avoir payé, je file à la Gare, fermée évidemment, et trouve à m’abriter sous sa verrière au moment où tombent les premières gouttes.
Mon programme de début d’après-midi est établi : regarder l’orage. Il n’est pas violent mais il dure presque jusqu’à l’arrivée du Périgueux Brive.
 

1er août 2020


Ce vendredi, dernier jour de juillet, aurait pu être celui de mon expédition en car à Collonges-la-Rouge mais considérant la chaleur qui rendrait le trajet éprouvant (et s’y ajouterait la radio que chaque conducteur s’arroge le droit de faire subir aux voyageurs) et la foule des familles que je suis certain de trouver à l’arrivée, je préfère prendre le train climatisé Brive Limoges et en descendre au bout de dix-sept kilomètres à Allassac dont mon vieux Guide du Routard ne dit pratiquement rien, si ce n’est que ce fut la ville de l’ardoise.
Première bonne surprise à l’arrivée, la Gare n’est qu’à une centaine de mètres du centre, repérable à la tour César. Pas loin d’icelle est l’église de la Décollation de Saint Jean Baptiste auprès de laquelle s’installe le marché. Vous la prenez en photo, me dit un marchand, vous avez de la chance, elle n’était pas là hier. De nombreuses maisons retiennent également mon attention. Autre bonne surprise, il fait chaud ici mais moins qu’à Brive.
Les deux boulangeries que je rencontre sont fermées. Ce sont les seules, m’apprend le patron du Café de France dont la terrasse domine le marché. Prenant donc un café verre d’eau sans croissant, j’observe les locaux, la plupart masqués, faire la file devant le primeur. A côté est une vendeuse de blouses laides pour ménagères. A Allassac, on peut se vêtir comme un sac. Je note également la présence de la Marie Charentaise et d’Aux Fromages de Bréchailles (M et Mme Raymond). Aucun touriste sur ce marché, pas davantage dans la ville, je suis le seul, pourtant on en espère d’autres comme le montre la présence d’un Office du Tourisme où je n’entre pas. Je trouve sans aide la route qui mène au Manoir des Tours dont les portes s’ouvrent à dix heures (on y présente une exposition).
Monté un peu plus haut, j’emprunte un chemin qui permet un point de vue sur l’ensemble de cette agréable petite ville que j’ai vraiment bien fait de préférer à Collonges. Redescendu, je réserve une table à l’ombre au D’Click où l’on propose un menu à treize euros tout compris (entrée plat fromage dessert vin café). Aujourd’hui, c’est paella.
En attendant, je lis Montaigne sur un banc du jardin public proche de la Gare. Il me plaît bien ce jardin, car on n’y a fait aucune plantation. Il ressemble à un pré tondu où poussent des arbres. Un coin jeux est pour les enfants et pour tout le monde des toilettes Sanisphère « au service du soulagement public » « autonomes à lombricompostage ».
Je reviens au D’Click vers midi moins le quart pour assurer ma table à l’ombre et commande, ce qui n’est plus mon habitude, un apéritif à la jeune patronne, un verre de salers. Je suis un peu pressé, lui dis-je, car j’ai mon train à treize heures trente pour rentrer à Brive. C’est le seul de la journée. Ce qui est bien dommage car je suis bien à Allassac et j’aimerais pouvoir m’attarder sous les platanes de cette terrasse qui n’est fréquentée que par les gens du cru dont beaucoup ont une tête sympathique. A côté, des dames du lieu ont accrochés sur des grilles leurs œuvres personnelles, des tableaux hideux qui n’intéressent personne.
Le vin blanc que j’ai choisi est frais et bon, la petite salade d’entrée me convient mais ensuite la paella se fait attendre. Le patron a des soucis en cuisine. Je stresse un peu. La patronne qui court partout à servir les boissons dedans et dehors et aussi à vendre du tabac et à délivrer les paquets de son point relais prend le temps de me rassurer. « Je peux vous conduire à la gare en voiture », me dit-elle. Je la remercie. Ce ne sera pas nécessaire, elle est à cinq minutes à pied, mais ce ne sont pas des paroles en l’air, elle est vraiment prête à le faire, je le sais. Le patron m’apporte ma part de paella lui-même en s’excusant. Elle est bonne, hormis le poulet trop sec. Dans un coin de l’assiette sont déjà là le fromage et sa petite salade. Le dessert est une simple boule de glace, cela me suffit
-Je vous remercie pour votre gentillesse, dis-je à cette jeune patronne.
-A une autre fois peut-être, me dit-elle.
-Je crains que non, mais je me souviendrai de cette étape.
Je devrais dire : j’espère que je m’en souviendrai. Au moins cela sera-t-il écrit.
J’ai dix minutes d’avance à la gare d’Allassac. Le conducteur du train l’arrête de façon à ce qu’une porte soit devant moi. A l’intérieur est accroché un sérieux vélo et par terre posé un gros sac à dos. Sur le seul siège occupé est une menue jeune fille blonde à qui on pourrait donner quatorze ans mais qui en a plus.
A l’arrivée à Brive, je n’ai plus de doute, ce petit gabarit décroche le gros vélo et amarre son sac à dos.
 

1er août 2020


En octobre deux mille dix-sept après avoir acheté un billet aller-retour non échangeable non remboursable dans le but de passer deux semaines à Souillac (Lot), je renonçais à y aller par crainte de ne savoir qu’y faire. Ce dernier jeudi de juillet, quittant pour la journée le Limousin, je suis dans le train électrique qui y mène, direction Cahors. C’est le premier arrêt, sitôt après deux viaducs en courbe.
Une constatation : le bourg est loin de la Gare. Je suis quatre filles et garçons descendus avec moi qui ont l’air de savoir où ils vont dans une longue rue de moches pavillons qui est aussi celle du cimetière. Elle bénéficie du statut de chemin de grande randonnée.
Il fait déjà une chaleur épuisante et il faut bien longtemps pour arriver au centre. J’en contemple l’abbatiale Sainte-Marie et le beffroi semi-ruiné de l’ancienne église Saint-Martin puis constate que les restaurants proposent soit des menus du jour minables, soit des planches et des burgueurs, soit des plats chers à la carte.
De Souillac, j’en ai déjà ma claque. Je passe à l’Office de Tourisme pour savoir s’il y a moyen de remonter à la Gare autrement qu’à pied. Aucunement, il n’y a ni bus ni navette dans cette ville.
J’y retourne donc comme j’en suis venu, sous un pire soleil, et arrive lessivé au Restaurant de la Gare où la serviable patronne déroule un auvent afin que j’aie une table à l’ombre avec vue panoramique. Je bois un café verre d’eau puis un diabolo menthe puis à midi y déjeune du menu du jour à quatorze euros (entrée plat fromage dessert café). L’entrée est sous forme de buffet (melon charcuterie crudités), le plat de l’araignée de porc tagliatelles. Je les accompagne d’un quart de vin mauvais et de beaucoup d’eau. Arrivé au fromage, je le zappe et remplace le dessert par un misérable cône chocolat pistache.
Le café bu, je vais voir à la Gare s’il n’y aurait pas un train pour Brive avant le mien (quinze heures zéro sept). Effectivement, il y a en a un à treize heures vingt-cinq mais c’est un Intercités à réservation obligatoire que je n’ai pas le droit de prendre. « Il n’y a que le contrôleur qui peut en décider autrement », me dit la guichetière.
A l’arrivée de ce long train allant à Paris Austerlitz, je vais le trouver sur le quai. « Allez-y, dépêchez-vous, on fera comme si on ne vous avait pas vu », me dit-il. Ouf, je quitte sans attendre cette ville où n’est pas mon bonheur (comme je fus bien inspiré en deux mille dix-sept). Il fait une chaleur éprouvante dans ce train de retour de vacances pour beaucoup. Chacun(e) suffoque derrière son masque.
Il ne fait pas moins chaud dans le « studio douillet » où j’ai renoncé à faire fonctionner le climatiseur qui fait un bruit de réacteur pour peu d’efficacité. Ce n’est pas le seul défaut de ce logis temporaire. J’y dors sur un matelas posé à même le sol. De plus, le haut de l’escalier de l’immeuble n’est pas éclairé du tout. Il me faut trouver la serrure dans le noir pour rentrer dans le plus cher de tous mes logements Air Bibi (il n’y avait pas le choix).
« En effet je réclame des tuiles translucides à la copropriété », m’a répondu mon hôte quand je me suis plaint du noir de l’escalier. « Bon, lui ai-je écrit, je ne pense pas qu'elles seront là avant lundi prochain, je vais donc essayer de me débrouiller ainsi. Le plus simple ce serait quand même d'éclairer cet escalier jusqu'en haut par l’électricité. »
Depuis que je suis à Brive j’ai constaté qu’il y reste des hôtels (le France, le Montauban) qui proposent des chambres à moins de quarante euros (reste à savoir si elles auraient été disponibles). Le confort doit y être modeste mais je pense qu’on n’y dort pas par terre.
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Le bonheur à Souillac est le livre le plus connu de Denis Tillinac. Je l’ai lu, et même relu je crois, mais j’en ai tout oublié.
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Le dix-neuf juin deux mille quatorze, j’écrivais ceci dans mon Journal :
Dans le train d’aller, lecture de Spleen en Corrèze de Denis Tillinac (La Petite Vermillon), une année de la vie d’un journaliste localier à Tulle au temps de Chirac par celui qui dit de lui Je suis conservateur, anarchiste, libéral sur les bords, intéressant et bien écrit.
 

30 juillet 2020


Je suis content de retrouver un petit train diésel à une seule rame pour aller à Tulle ce mercredi matin. Il est siglé Limousin, cette région qu’a fait malheureusement disparaître, comme plusieurs autres, François Hollande, ancien Maire de Tulle, Socialiste. Mon billet était pour le train suivant mais, étant comme toujours en avance, je suis arrivé deux minutes avant le départ de celui-ci et l’aimable contrôleuse m’a dit : « Pas de problème, allez-y ».
Le trajet n’est pas aussi spectaculaire qu’en Cantal mais bien agréable quand même, forêt, rivière et courts tunnels. Après deux arrêts où ne monte personne, la dizaine de passagers de ce train qui relie les deux villes les plus importantes de la Corrèze descendent.
La Gare de Tulle est assez éloignée du centre historique. Je dois d’abord marcher dans une rue commerçante puis apparaît un haut immeuble blanc qu’on ne s’attend pas à voir là. A partir de là, la rue suit la Corrèze, mieux chargée en eau qu’à Brive. Quand le clocher de la Cathédrale Notre-Dame de Tulle se fait voir derrière le vieux Théâtre, je passe sur l’autre rive, évite le marché et pars à la découverte de ce centre de taille réduite. Il comporte quelques belles façades et des bâtiments originaux. Des commerces y promeuvent l’accordéon et le poinct de Tulle.
Tout cela monte évidemment, et la chaleur étant de retour, je cesse d’explorer à dix heures et prends un café verre d’eau à un euro vingt au Caveau (sur la porte voisine, deux plaques vantent la naissance dans la même maison à un an d’intervalle de deux gloires locales : Léger Rabès et Edmond Perrier).
Un peu avant dix heures et demie et l’ouverture du cloître de la Cathédrale, ainsi que du Musée attenant, je m’en rapproche. Quand les grilles s’ouvrent, je suis le seul à entrer, ce qui me permet de photographier à ma guise. Les deux dames du Musée espèrent me voir le visiter. Il est gratuit, mais je les déçois. Comme je leur fais remarquer qu’il est dommage que le panneau explicatif soit accroché juste à côté de la statue dite du moine Gérald,  l’une d’elle va le décrocher afin que je puisse le prendre en photo tel qu’il le mérite.
-Il y a des explications à l’entrée sur ce cloître, me dit-elle.
Je lui réponds que je préfère saisir les lieux sans les connaître.
Le centre de Tulle ne brille pas par ses restaurants attirants. Ne voyant rien alentour, je décide de remonter vers la Gare. En chemin, je fais un détour par l’Hôtel de Ville situé au-dessus et en dehors de ce centre. Il ressemble tragiquement à une caserne, rien à voir avec l’Elysée.
Vers la Gare, ce n’est pas mieux question restaurants. Mon Guide du Routard Auvergne Limousin deux mille deux signalait l’Hôtel-restaurant de la Gare « table généreuse que semblent apprécier les Tullistes ». Ce lieu et ce temps-là ne sont plus. Alors j’opte pour le décalé Juline Café sur l’auvent duquel est inscrit « Découvrez la frite du Nord ». Bien qu’il ne soit qu’onze et demie, le patron est okay pour me servir de son plat du jour : cuisse de canard confite avec frites et salade (pommes de terre épluchées par nous-même, est-il écrit sur la façade). Je mange à l’ombre, à la table la plus éloignée des autres, servi par une sympathique jeune femme en mini-chorte un brin vulgaire, pas plus qu’il ne faut.
Parfois, elle vient déplacer mon parasol. « Le soleil, il bouge tout le temps » « Oui, je ne sais pas ce qu’il a aujourd’hui ». Les frites sont excellentes. En dessert, je prends une glace mangue pistache. Avec le quart de vin et le café, je frôle les vingt euros.
Je me balade un peu autour de la Gare et y découvre la Médiathèque Intercommunale Eric Rohmer, vaste et élégant bâtiment dans lequel je n’entre pas. Je préfère m’asseoir en terrasse à L’Imprévu, un troquet comme on en voit tant, et y boire des diabolos menthe.
C’est le même train qui me ramène à Brive, avec la même aimable contrôleuse. La moitié des passagers est composée de cinq petites Anglaises bien agréables à regarder.
                                                                   *
A Tulle, sur une porte en bois de la vieille ville, à la peinture blanche et en cursive : « François ni loi ».
 

29 juillet 2020


Ce mardi matin après une nuit difficile due à la forte chaleur, je passe à la Gare de Brive avec l’espoir d’y dégotter des horaires sur papier comme j’avais pu le faire à Clermont et à Aurillac, mais macache. Je descends alors en ville sous un ciel qui hésite entre nuages et éclaircies avec pour avantage une température redevenue supportable.
Je n’ai aucun mal à photographier les bâtiments qui retiennent mon attention, peu de monde est dans les rues à huit heures. Mon constat est le suivant : Brive se tient solide et austère dans ses boulevards circulaires. Nulle trace de folie ou même d’originalité dans son architecture, hormis dans le phare (un ancien château d’eau) où se niche l’Office de Tourisme. Près d’icelui est un marché peu fréquenté dont la partie couverte, récente et très laide, a été nommée Georges Brassens (pour service rendu à la ville). Un peu loin coule une Corrèze en manque d’eau.
Hier, j’ai repéré un plat du jour servi le mardi à l’Estaminet Farro : la mique petit salé. Le patron m’en a expliqué la teneur ce qui m’a conduit à réserver l’une de ses tables dans la rue du Lieutenant-Colonel Farro. J’y suis à midi, découvrant ce plat roboratif, une sorte de pain poché dans le bouillon de la viande de porc qui l’accompagne servie avec choux, carottes, etc. Il convient au temps d’aujourd’hui. Je l’accompagne d’un quart de vin rouge. A un mètre de moi mangent un père et sa fille (soixante et trente ans). J’ai fait faire un double de clés que je vais te donner, lui dit-il, il y a deux mille euros dans un tiroir de la commode, s’il m’arrivait quelque chose, tu as dit à ta mère que tu mangeais avec moi. Elle a choisi la mique, lui la tête de veau, cela fait longtemps qu’il n’en a pas mangé. Les deux femmes de la boutique d’en face (foie gras, saucisses et saucissons) installent une table privée dans la rue pour déjeuner de salades faites à la maison (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient minces). En dessert le serveur me propose une autre spécialité corrézienne, la flauniarde, une sorte de flan aux pommes. Avec le café, j’en ai pour dix-sept euros.
Vers quatorze heures je passe à l’Office de Tourisme afin de savoir si un car va à Collonges-la-Rouge et à Turenne, deux des Plus Beaux Villages de France. Cet Office de Tourisme ressemble davantage à une boutique de vêtements et accessoires qu’à un service de renseignements touristiques mais celle qui s’occupe de moi se donne le mal de m’imprimer les horaires du car qui va dans les deux villages. Il est compliqué de faire un aller et retour dans la même journée, me dit-elle. Turenne est accessible par le train mais le village est à trois kilomètres de la Gare. Je vais étudier ça.
Je tente de lire un peu Montaigne en buvant deux diabolos menthe à l’une des tables de rue d’un bar tenu par un couple de femmes mais je n’arrive pas à me concentrer. Brive ne m’inspire pas. A les regarder passer, ses habitants et les touristes ont l’air de s’y ennuyer (pour ne pas employer un autre verbe). A une table loin de la mienne, une femme se réjouit : elle a trouvé du travail. Son voisin lui demande si c’est un Cédéhi.
-Je sais pas, je travaille chez lui tant qu’il est en vie, c’est un vieux monsieur.
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Une femme et un mari qui se partagent le même masque pour aller chacun à leur tour aux toilettes.
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Sur une boîte à livres de Brive : « Attention la boîte à lire n’est pas une boite retour de la médiathèque ».
 

28 juillet 2020


Ce dernier lundi de juillet, je prends le café verre d’eau au Café des 2 Cygnes (ceux du square) car c’est sur cette terrasse qu’est le soleil matutinal, un bar d’habitués plutôt du genre agents immobiliers ou notaires ayant maison à Ramatuelle ou Sainte-Maxime. L’un parle de sa fille : « Elle habite à Paris, elle a jamais été à la Tour Eiffel. C’est comme chez nous dans le Cantal, ceux qui y habitent, y z’y vont pas à la montagne. »
Puis, après avoir laissé sous le paillasson les clés de mon détestable logement Air Bibi de la rue Victor Hugo et avoir dit au revoir à la charmante serveuse du Moment' Café, je monte pour la dernière fois dans la navette électrique gratuite pour les possesseurs d’un billet de train. Elle m’emmène à la Gare d’Aurillac, ce qui m’évite d’avoir à tirer ma valise dans la côte.
C’est la rame Nord Pas-de-Calais en provenance de Figeac, dont est descendue une seule passagère, qui repart ce lundi un peu avant midi vers Brive-la-Gaillarde. Adieu le Cantal, bonjour la Corrèze.
Nous sommes une dizaine, répartis et masqués. Je connais le paysage jusqu’à Laroquebrou, que je revois avec plaisir accroché à la montagne. Ensuite, c’est tout aussi beau. Le train suit un long moment les gorges de la Cère en empruntant moult tunnels.
Une Gare où nul ne peut descendre, La Mative, permet, par un doublement de la voie, au train faisant le chemin inverse et au nôtre de se croiser. Après Laval-de-Cère, dont je vois surtout le cimetière, deux palmiers et une usine, la Cère s’apaise. Ensuite c’est plat. A Bretenoux-Biars monte pas mal de monde peut-être lié à une importante menuiserie. Cela redevient beau avec des falaises pierreuses puis c’est à nouveau banal et voici Brive où il fait une chaleur terrifique : trente-sept degrés.
De la Gare je rejoins facilement le « studio douillet » Air Bibi où je dois passer une semaine. Les clés récupérées dans la boîte à code, je monte au troisième et dernier étage, découvrant que l’escalier n’est pas éclairé jusqu’en haut. Je trouve quand même la serrure dans le noir total. Comme je m’y attendais, il fait affreusement chaud dans ce logement sous le toit. Je n’ai pas eu le choix : c’était le seul bien situé disponible dans mes prix.
J’en ressors illico et trouve près d’une fontaine Le Toulzac qui sert à manger toute la journée. Il est quinze heures. Une salade chèvre miel à onze euros cinquante me suffit. Je bois une bouteille d’eau entière avec ça, puis un café à un euro cinquante. Je visiterai la ville demain matin.
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A Brive, on trouve aussi des casquettes à l’envers.
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A Brive, on diffuse aussi de la soupe musicale dans les rues commerçantes.
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Où que ce soit dans le Centre, dans les bars d’habitués, personne ne se déplace avec le masque, clients comme patrons. Cent trente-cinq euros d’amende, mais personne pour en mettre une.
 

27 juillet 2020


Le ciel est gris quand je mets le pied sous les parapluies de la rue Victor Hugo ce dimanche matin pour ma dernière journée à Aurillac (et même en Auvergne). Je passe faire une photo du Grand Café Mary avant son ouverture puis vais de rue en rue au hasard, découvrant ainsi la chapelle d’Auringues.
J’aperçois un fort là-haut et profite de la fraîcheur pour l’atteindre sans souffrir. Il a nom Château Saint-Etienne et sert d’abri au Musée des Volcans. Son jardin est ouvert. Je m’y promène en solitaire et admire la ville en contrebas ainsi que les douces montagnes au loin.
Redescendu, je bois un café verre d’eau au Grand Café Mary, protégé par l’auvent d’une fine pluie qui ne dure pas.
Peu de restaurants sont ouverts ce midi. Je trouve au Renaissance ce qu’il me faut pour un dernier repas dans le Cantal : un menu du terroir à vingt-deux euros quatre-vingt-dix. Il inclut un pelou en apéritif et le fromage d’Auvergne (bleu, cantal, saint-nectaire). Assis à la terrasse, je choisis en entrée la tête de veau, en plat les tripoux et leur truffade, en dessert le café et son assiette gourmande. J’ajoute un quart de vin rouge. « C’est un buzet », me dit le patron. Un instant je crois entendre « C’est abusé » (il n’aurait pas tort).
Outre moi-même mangent ici en solo, un homme bizarre à l’intérieur, un homme bizarre en terrasse et une bourgeoise habillée de rouge en terrasse. Cette dernière discute de loin avec une masquée de sa connaissance qui ne veut pas s’approcher. Elle ne mange pas le midi, dit-elle. Vu sa silhouette d’anorexique, je pense qu’elle ne mange pas non plus le soir.
Je ne suis pas déçu de ce repas sans doute trop copieux (ah le goût inimitable des tripoux). Cinq gâteaux ou verrines entourent mon café. Ouf, j’en ai terminé.
-Il n’y a personne, me dit le patron quand je paie. Hier, on a eu du monde. Aujourd’hui, je me demande où ils sont passés.
C’est vrai que la ville est quasiment déserte. Les bus orange ne circulant pas le dimanche, ça n’arrange pas la fréquentation de son centre.
Dans l’après-midi, un autre café, au Kiosque, me permet de poursuive la lecture de Montaigne sous un ciel nuageux parsemé d’éclaircies.
J’ai quelque regret à quitter Aurillac, ville à mon goût où je ne reviendrai sans doute pas, mais non à quitter mon studio Air Bibi, vieillot, lugubre, sombre, inconfortable, et où j’ai préféré dormir sur le canapé par crainte d’avoir un accident avec le lit en mezzanine.
                                                             *
« Une chocolatine ? », me reprend la boulangère quand je lui demande un pain au chocolat. Je n’avais pas conscience d’avoir franchi la frontière.
 

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