Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 juillet 2020
Ce mercredi l’orage, avec ou sans grêle, est annoncé pour quatorze heures dans le Puy de Dôme. Cela me laisse le temps de prendre un train pour Riom (un euro quatre-vingt-dix pour dix minutes de trajet).
J’y suis à huit heures vingt. De la Gare, un chemin vélo-piétonnier mène droit au bourg de forme circulaire. Ce fut autrefois la capitale de l’Auvergne.
Comme le dit mon Guide du Routard datant de deux mille deux, « la ville ne manque pas d’intérêt ». J’en trouve les curiosités et les photographie sans chercher à en savoir plus. Je n’ai guère envie de m’instruire et si je le faisais, ce serait en pure perte car, comme Michel de Montaigne, j’oublie tout très vite.
Ayant bien pérégriné dans les rues étroites, je reprends la lecture des Essais à la terrasse de la Brasserie du Commerce où les conversations sont à la hauteur du nom. « Regarde, les candidats verts, ils sont tous, tous, en train de changer d’avis sur le nucléaire. » J’en suis au chapitre fort connu Que philosopher c’est apprendre à mourir et ne peux que m’incliner devant la sagesse du Bordelais sans qu’elle m’aide à mieux appréhender la mienne de mort. Faites place aux autres, comme d’autres vous l’ont faite, bien sûr, bien sûr.
Vers dix heures, je reprends mon tour de Riom puis à onze heures ma lecture café verre d’eau au Café de la Mairie, un bar de picolo-fumeurs qui toussent et à qui la tâche n’est pas aisée vu la traitrise des marches d’entrée-sortie et des toilettes.
A midi, je retourne à la Brasserie du Commerce qui, en ce premier juillet, rouvre son restaurant. J’y déjeune en terrasse d’une galette auvergnate, pommes de terre, oignons, lardons, tome fraîche, avec jambon cru et salade, que j’accompagne d’un quart de Pic Saint-Loup Grand Terroir. Ce vin est fort bon, le plat un peu décevant. Près de moi mangent deux travailleurs qui s’y entendent pour acheter des terrains à bas prix et les faire fructifier, notamment en y installant des roulottes à louer. Ces petits capitalistes rêvent pour leur chez soi d’un jacuzzi.
A mi-chemin de la Gare, je m’arrête pour prendre le café au Petit Bonheur dont les arbres de la terrasse perdent déjà leurs feuilles par la faute de la sécheresse. Je dois protéger mon verre d’eau à l’aide de la soucoupe.
Le train qui me ramène à Clermont y arrive alors que le ciel s’obscurcit. Quelques gouttes me tombent sur la tête peu avant que j’atteigne mon logement. Il ne me déplairait pas d’avoir droit à un bel orage dont je pourrais suivre les péripéties par la fenêtre de ce quatrième étage donnant sur la Cathédrale et Notre-Dame du Port.
Las, ces nuages noirs ne tiennent pas leurs promesses.
*
Sur un banc de Riom : « La France c’est l’Auvergne avec quelque chose autour ».
J’y suis à huit heures vingt. De la Gare, un chemin vélo-piétonnier mène droit au bourg de forme circulaire. Ce fut autrefois la capitale de l’Auvergne.
Comme le dit mon Guide du Routard datant de deux mille deux, « la ville ne manque pas d’intérêt ». J’en trouve les curiosités et les photographie sans chercher à en savoir plus. Je n’ai guère envie de m’instruire et si je le faisais, ce serait en pure perte car, comme Michel de Montaigne, j’oublie tout très vite.
Ayant bien pérégriné dans les rues étroites, je reprends la lecture des Essais à la terrasse de la Brasserie du Commerce où les conversations sont à la hauteur du nom. « Regarde, les candidats verts, ils sont tous, tous, en train de changer d’avis sur le nucléaire. » J’en suis au chapitre fort connu Que philosopher c’est apprendre à mourir et ne peux que m’incliner devant la sagesse du Bordelais sans qu’elle m’aide à mieux appréhender la mienne de mort. Faites place aux autres, comme d’autres vous l’ont faite, bien sûr, bien sûr.
Vers dix heures, je reprends mon tour de Riom puis à onze heures ma lecture café verre d’eau au Café de la Mairie, un bar de picolo-fumeurs qui toussent et à qui la tâche n’est pas aisée vu la traitrise des marches d’entrée-sortie et des toilettes.
A midi, je retourne à la Brasserie du Commerce qui, en ce premier juillet, rouvre son restaurant. J’y déjeune en terrasse d’une galette auvergnate, pommes de terre, oignons, lardons, tome fraîche, avec jambon cru et salade, que j’accompagne d’un quart de Pic Saint-Loup Grand Terroir. Ce vin est fort bon, le plat un peu décevant. Près de moi mangent deux travailleurs qui s’y entendent pour acheter des terrains à bas prix et les faire fructifier, notamment en y installant des roulottes à louer. Ces petits capitalistes rêvent pour leur chez soi d’un jacuzzi.
A mi-chemin de la Gare, je m’arrête pour prendre le café au Petit Bonheur dont les arbres de la terrasse perdent déjà leurs feuilles par la faute de la sécheresse. Je dois protéger mon verre d’eau à l’aide de la soucoupe.
Le train qui me ramène à Clermont y arrive alors que le ciel s’obscurcit. Quelques gouttes me tombent sur la tête peu avant que j’atteigne mon logement. Il ne me déplairait pas d’avoir droit à un bel orage dont je pourrais suivre les péripéties par la fenêtre de ce quatrième étage donnant sur la Cathédrale et Notre-Dame du Port.
Las, ces nuages noirs ne tiennent pas leurs promesses.
*
Sur un banc de Riom : « La France c’est l’Auvergne avec quelque chose autour ».
1er juillet 2020
Pas un bruit dans le voisinage de mon studio temporaire où je dors la fenêtre ouverte. Après un simple bol de thé comme petit-déjeuner, je pars ce mardi sous un soleil radieux à la redécouverte de Clermont-Ferrand, ville autrefois parcourue avec mes amoureuses, dont l’une à qui je pense particulièrement en la circonstance. Lorsque je l’ai connue, elle vivait à deux pas, chez ses parents, dans la commune de Chamalières. Qu’il est malheureux que ce temps-là ne soit plus.
Au bout de la rue du Port j’aperçois les deux flèches de la noire Cathédrale. Un homme en ouvre une porte. J’y entre brièvement. Quand on en ressort, on se trouve face au Puy de Dôme. Sur la place voisine, je fais une photo de la statue du pape Urbain le Deuxième, laquelle ne fait pas encore l’objet d’une polémique visant à la mettre bas. Pas davantage n’est remise en question celle de Vercingétorix, le fier de pierre fanfaronnant au centre de cette place de Jaude qui est loin d’avoir le charme de celle de la Comédie à Montpellier.
Je passe pour rien à l’Office de Tourisme où l’on n’a aucune documentation sur comment aller autour de Clermont, puis à la Gare Routière où une charmante dame me dit que ce n’est pas gagné, les cars de la Région (qui sont à trois euros) font surtout le trajet dans l’autre sens le matin pour conduire ceux qui travaillent dans la capitale auvergnate puis ils les ramènent chez eux le soir. A la Gare Ferroviaire, un aimable cheminot à l’ancienne me donne tout ce qui existe comme possibilités d’aller ailleurs par le train, horaires valables jusqu’au onze juillet. « A vous de choisir », me dit-il. J’y compte bien.
Pas loin de cette Gare, je déjeune à une table de trottoir de Toques Académie, face à un immeuble pour pauvres dont certains déjeunent au balcon. Dans le menu du marché à dix-neuf euros cinquante, je choisis la fricassée de volaille au cumin, coulis de fenouil, caramel d’orange puis l’araignée de cochon grillé, mousseline de pois chiche, jus de homard aux champignons noirs et estragon enfin la crème brûlée à la verveine. J’accompagne cela de deux verres à quatre euros de cerise sur le gâteau, un pinot noir du pays. A la table voisine, deux hommes discutent de vie municipale et d’écologie. L’un vient d’être élu à qui l’autre donne des conseils :
-Par contre pour les éoliennes ne t’emballe pas, on n’est pas dans un courant d’air. Et puis rappelle-toi que les éoliennes c’est bien, c’est bien chez le voisin.
Ce restaurant semi-gastronomique, je l’apprends après coup, vient d’ouvrir et il offre des repas à moindre prix aux démunis (six euros au lieu des presque vingt) ainsi que des formations en cuisine sous la direction du chef ancien élève de Pierre Gagnère.
En remontant vers mon logement, je découvre sur le mur d’un bâtiment autrefois transformé en hôpital militaire, une plaque commémorant l’évasion de Pierre Mendès-France. C’était le vingt et un juin mil neuf cent quarante et un, une belle façon de fêter l’été au temps du Maréchal.
Arrivé place Delille, je bois un café puis un diabolo menthe (trois euros trente les deux) à la terrasse d’un café dont j’oublie de regarder le nom. Pas loin, avec indécence, claironne le sien, l’Hôtel Littéraire Alexandre Vialatte. J’avance peu dans Montaigne, me laissant distraire par tout un tas de jeunes filles dont les tenues déshabillées font croire à l’été.
*
Au-dessus du portail latéral de la Cathédrale de Clermont-Ferrand, cette inscription : « Le peuple français reconnoit l’être suprême et l’immortalité de l’âme ».
*
S’embrasser avec le masque pour se dire au revoir à la gare, ça se fait.
Au bout de la rue du Port j’aperçois les deux flèches de la noire Cathédrale. Un homme en ouvre une porte. J’y entre brièvement. Quand on en ressort, on se trouve face au Puy de Dôme. Sur la place voisine, je fais une photo de la statue du pape Urbain le Deuxième, laquelle ne fait pas encore l’objet d’une polémique visant à la mettre bas. Pas davantage n’est remise en question celle de Vercingétorix, le fier de pierre fanfaronnant au centre de cette place de Jaude qui est loin d’avoir le charme de celle de la Comédie à Montpellier.
Je passe pour rien à l’Office de Tourisme où l’on n’a aucune documentation sur comment aller autour de Clermont, puis à la Gare Routière où une charmante dame me dit que ce n’est pas gagné, les cars de la Région (qui sont à trois euros) font surtout le trajet dans l’autre sens le matin pour conduire ceux qui travaillent dans la capitale auvergnate puis ils les ramènent chez eux le soir. A la Gare Ferroviaire, un aimable cheminot à l’ancienne me donne tout ce qui existe comme possibilités d’aller ailleurs par le train, horaires valables jusqu’au onze juillet. « A vous de choisir », me dit-il. J’y compte bien.
Pas loin de cette Gare, je déjeune à une table de trottoir de Toques Académie, face à un immeuble pour pauvres dont certains déjeunent au balcon. Dans le menu du marché à dix-neuf euros cinquante, je choisis la fricassée de volaille au cumin, coulis de fenouil, caramel d’orange puis l’araignée de cochon grillé, mousseline de pois chiche, jus de homard aux champignons noirs et estragon enfin la crème brûlée à la verveine. J’accompagne cela de deux verres à quatre euros de cerise sur le gâteau, un pinot noir du pays. A la table voisine, deux hommes discutent de vie municipale et d’écologie. L’un vient d’être élu à qui l’autre donne des conseils :
-Par contre pour les éoliennes ne t’emballe pas, on n’est pas dans un courant d’air. Et puis rappelle-toi que les éoliennes c’est bien, c’est bien chez le voisin.
Ce restaurant semi-gastronomique, je l’apprends après coup, vient d’ouvrir et il offre des repas à moindre prix aux démunis (six euros au lieu des presque vingt) ainsi que des formations en cuisine sous la direction du chef ancien élève de Pierre Gagnère.
En remontant vers mon logement, je découvre sur le mur d’un bâtiment autrefois transformé en hôpital militaire, une plaque commémorant l’évasion de Pierre Mendès-France. C’était le vingt et un juin mil neuf cent quarante et un, une belle façon de fêter l’été au temps du Maréchal.
Arrivé place Delille, je bois un café puis un diabolo menthe (trois euros trente les deux) à la terrasse d’un café dont j’oublie de regarder le nom. Pas loin, avec indécence, claironne le sien, l’Hôtel Littéraire Alexandre Vialatte. J’avance peu dans Montaigne, me laissant distraire par tout un tas de jeunes filles dont les tenues déshabillées font croire à l’été.
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Au-dessus du portail latéral de la Cathédrale de Clermont-Ferrand, cette inscription : « Le peuple français reconnoit l’être suprême et l’immortalité de l’âme ».
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S’embrasser avec le masque pour se dire au revoir à la gare, ça se fait.
30 juin 2020
Ce lundi à la gare de Rouen mon train Rouen Paris étant affiché avec un retard de vingt minutes et le précédent encore à quai, je demande à la contrôleuse si et elle me dit oui. Si n’est pas que je craigne de manquer celui d'après Paris car, sachant que tout est possible sur cette ligne normande, j’ai prévu une grosse marge. Peu de monde dans ce train, chacun y a place loin des autres.
A l’arrivée, une rame du métro Quatorze me conduit à Bercy où je passe une partie de mon avance à commencer la lecture du premier volume des Essais (un été avec Montaigne, tel est mon choix), cela dans un café brasserie dont je ne songe pas à relever le nom. On y est fort aimable. Un chat tient compagnie au peu de clientèle.
Vers midi, je pique-nique dans le charmant petit jardin à siège individuel qui jouxte la gare de Bercy. Celle-ci a su garder son côté province. Nulle barrière n’y filtre les voyageurs des quelques destination qu’elle dessert. A quatorze heures une doit partir pour Clermont-Ferrand le train pour lequel j’ai une réservation, voiture une, place une. Ce qui correspond, je le constate en m’y installant à la dernière place de la dernière voiture.
Contrairement à ce que je pensais, il est complet, empli de personnes à valises de tous les âges qui ont l’air d’être autant en vacances que moi. Mon voisin est un branlotin qui porte plus ou moins son masque. J’espère qu’il est « safe », pas comme ce collégien de Camille Saint-Saëns testé positif juste avant mon départ et que j’ai peut-être côtoyé au Café du Philosophe. La vie est devenue une loterie.
Arrêts à Nevers, Moulins, Vichy, et dès après la montagne est en point de mire. Le Puy de Dôme est une balise, un Mont-Saint-Michel, une Cathédrale de Chartres. Une dernière étape à Riom et me voici à Clermont.
Un autochtone m’indique la rue qui mène vers Notre-Dame du Port. Dans ce quartier est mon logement, un studio Air Bibi sous les toits au quatrième étage sans ascenseur, dans lequel j’entre après avoir récupéré les clés dans une boîte à code. C’est petit, c’est propre, c’est un peu chaud. Par la fenêtre, outre l’église susnommée, je peux voir les deux flèches de la Cathédrale et la pointe du Puy de Dôme.
Descendu faire un tour dans le quartier, je le découvre de population cosmopolite et à bâtiments de style méridional (cela me fait songer à Beaucaire ou à Tarascon en moins pauvre). Une grande terrasse devant un restaurant indo-pakistanais nommé Le Gandhi m’appelle. J’y dîne correctement pour dix-sept euros quatre-vingt-dix (nan au fromage inclus). Quand j’en pars, toutes les tables sont occupées par des couples ou des duos.
*
Une rue des Aimés qui conduit à l’impasse des Aimés.
A l’arrivée, une rame du métro Quatorze me conduit à Bercy où je passe une partie de mon avance à commencer la lecture du premier volume des Essais (un été avec Montaigne, tel est mon choix), cela dans un café brasserie dont je ne songe pas à relever le nom. On y est fort aimable. Un chat tient compagnie au peu de clientèle.
Vers midi, je pique-nique dans le charmant petit jardin à siège individuel qui jouxte la gare de Bercy. Celle-ci a su garder son côté province. Nulle barrière n’y filtre les voyageurs des quelques destination qu’elle dessert. A quatorze heures une doit partir pour Clermont-Ferrand le train pour lequel j’ai une réservation, voiture une, place une. Ce qui correspond, je le constate en m’y installant à la dernière place de la dernière voiture.
Contrairement à ce que je pensais, il est complet, empli de personnes à valises de tous les âges qui ont l’air d’être autant en vacances que moi. Mon voisin est un branlotin qui porte plus ou moins son masque. J’espère qu’il est « safe », pas comme ce collégien de Camille Saint-Saëns testé positif juste avant mon départ et que j’ai peut-être côtoyé au Café du Philosophe. La vie est devenue une loterie.
Arrêts à Nevers, Moulins, Vichy, et dès après la montagne est en point de mire. Le Puy de Dôme est une balise, un Mont-Saint-Michel, une Cathédrale de Chartres. Une dernière étape à Riom et me voici à Clermont.
Un autochtone m’indique la rue qui mène vers Notre-Dame du Port. Dans ce quartier est mon logement, un studio Air Bibi sous les toits au quatrième étage sans ascenseur, dans lequel j’entre après avoir récupéré les clés dans une boîte à code. C’est petit, c’est propre, c’est un peu chaud. Par la fenêtre, outre l’église susnommée, je peux voir les deux flèches de la Cathédrale et la pointe du Puy de Dôme.
Descendu faire un tour dans le quartier, je le découvre de population cosmopolite et à bâtiments de style méridional (cela me fait songer à Beaucaire ou à Tarascon en moins pauvre). Une grande terrasse devant un restaurant indo-pakistanais nommé Le Gandhi m’appelle. J’y dîne correctement pour dix-sept euros quatre-vingt-dix (nan au fromage inclus). Quand j’en pars, toutes les tables sont occupées par des couples ou des duos.
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Une rue des Aimés qui conduit à l’impasse des Aimés.
29 juin 2020
La catastrophe va tranquillement son chemin. On est maintenant sûr de deux choses : pas de traitement contre ce coronavius, pas de disparition estivale. Pour le vaccin, on verra plus tard, peut-être.
Bref, il est urgent de bouger avant de se trouver à nouveau confiné ou, pire, malade. Plus que les autres années, j’ai à l’esprit que cet été pourrait pour moi être le dernier. Cette semaine a des allures de compte à rebours. Dans ma tête, ma valise est déjà faite.
Je passe les matins au jardin où règne en ce moment une calme monacal, La nouvelle voisine, installée dans le studio rénové du rez-de-chaussée est fort discrète, au point que je ne sais jamais si elle est là ou non. Elle a installé une petite table à l’extérieur et laisse aller son chat à sa guise, ne se doutant pas que dans une dizaine de jours, si toutefois la situation ne leur interdit pas de venir du lointain endroit où ils sont, vont débouler Abrutus et Aboyus.
En début d’après-midi, je suis à ma table habituelle au Son du Cor où le poids de l’air est un peu atténué par le vent coulis qui remonte la rue Eau-de-Robec. J’y lis Elégance des temps endormis du Vicomte de Lascano-Tegui dans l’excellente traduction de Francis de Miomandre, un petit livre réédité au Dilettante, découvert autrefois parmi ceux à un euro de Book-Off. Avant que le hasard ne me le mette entre les mains, jamais je n’avais entendu parler de ce texte en forme de journal, ni de son auteur. J’y fais une moisson d’extraits sur lesquels je reviendrai lorsque je reviendrai.
Ce samedi, averti la veille par mail de l’arrivée de mes lunettes chez les Opticiens Mutualistes, je m’y présente à neuf heures et bien que je n’aie pas rendez-vous, l’affaire est vite faite. De retour à la maison, je me débarrasse de mon masque et ressors pour aller à la Poste de la rue de la Jeanne où l’aimable vigile refuse de me laisser entrer.
Ne voilà-t-il pas que seulement maintenant, fin juin donc, on y a rendu le masque obligatoire. Plus qu’à retourner le chercher. De retour sur place, je constate que ce service public a aussi installé des parois de plexiglas entre les automates, lesquels sont distants de moins d’un mètre ; jusqu’à présent, cela ne posait pas problème.
*
Quinze heures au Café du Philosophe. Un couple entre pour un déjeuner tardif. Lui commande un Ricard, un œuf à la parisienne et un fish and chips. Pas forcément ce à quoi je m’attendais de la part d’un dirigeant national d’Europe Ecologie Les Verts.
*
Tiré d’Elégance des temps endormis du Vicomte de Lascano-Tegui :
Deux janvier mil huit cent… : La vie, c’est le triomphe du fœtus. Naître est son but. La mort ne lui apparaît pas encore, dans ses neuf mois de réflexion comme la tragédie qu’elle représente pour les philosophes chrétiens. On ne pense à rien dans les salles d’attente.
Seize janvier mil huit cent… : Les écrivains exagèrent lorsqu’ils tuent les acteurs de leurs romans dans une catastrophe, un incendie ou un crime. Ils ne croient donc pas à la lente asphyxie des jours monotones.
Bref, il est urgent de bouger avant de se trouver à nouveau confiné ou, pire, malade. Plus que les autres années, j’ai à l’esprit que cet été pourrait pour moi être le dernier. Cette semaine a des allures de compte à rebours. Dans ma tête, ma valise est déjà faite.
Je passe les matins au jardin où règne en ce moment une calme monacal, La nouvelle voisine, installée dans le studio rénové du rez-de-chaussée est fort discrète, au point que je ne sais jamais si elle est là ou non. Elle a installé une petite table à l’extérieur et laisse aller son chat à sa guise, ne se doutant pas que dans une dizaine de jours, si toutefois la situation ne leur interdit pas de venir du lointain endroit où ils sont, vont débouler Abrutus et Aboyus.
En début d’après-midi, je suis à ma table habituelle au Son du Cor où le poids de l’air est un peu atténué par le vent coulis qui remonte la rue Eau-de-Robec. J’y lis Elégance des temps endormis du Vicomte de Lascano-Tegui dans l’excellente traduction de Francis de Miomandre, un petit livre réédité au Dilettante, découvert autrefois parmi ceux à un euro de Book-Off. Avant que le hasard ne me le mette entre les mains, jamais je n’avais entendu parler de ce texte en forme de journal, ni de son auteur. J’y fais une moisson d’extraits sur lesquels je reviendrai lorsque je reviendrai.
Ce samedi, averti la veille par mail de l’arrivée de mes lunettes chez les Opticiens Mutualistes, je m’y présente à neuf heures et bien que je n’aie pas rendez-vous, l’affaire est vite faite. De retour à la maison, je me débarrasse de mon masque et ressors pour aller à la Poste de la rue de la Jeanne où l’aimable vigile refuse de me laisser entrer.
Ne voilà-t-il pas que seulement maintenant, fin juin donc, on y a rendu le masque obligatoire. Plus qu’à retourner le chercher. De retour sur place, je constate que ce service public a aussi installé des parois de plexiglas entre les automates, lesquels sont distants de moins d’un mètre ; jusqu’à présent, cela ne posait pas problème.
*
Quinze heures au Café du Philosophe. Un couple entre pour un déjeuner tardif. Lui commande un Ricard, un œuf à la parisienne et un fish and chips. Pas forcément ce à quoi je m’attendais de la part d’un dirigeant national d’Europe Ecologie Les Verts.
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Tiré d’Elégance des temps endormis du Vicomte de Lascano-Tegui :
Deux janvier mil huit cent… : La vie, c’est le triomphe du fœtus. Naître est son but. La mort ne lui apparaît pas encore, dans ses neuf mois de réflexion comme la tragédie qu’elle représente pour les philosophes chrétiens. On ne pense à rien dans les salles d’attente.
Seize janvier mil huit cent… : Les écrivains exagèrent lorsqu’ils tuent les acteurs de leurs romans dans une catastrophe, un incendie ou un crime. Ils ne croient donc pas à la lente asphyxie des jours monotones.
26 juin 2020
D’Ecrits et correspondances de Franz Marc, publié par l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts, payé cinq euros avant-guerre chez Book-Off, j’ai sauté beaucoup de pages car sont très souvent abordées des questions relatives à la peinture, ce qui ne m’intéresse pas assez pour que je m’y arrête.
Ce qui a retenu mon attention est le récit en français du grand voyage que fit Franz Marc du dix-huit mai au vingt-six septembre mil neuf cent trois, accompagné de Friedrich Lauer qui finançait l’expédition,
Après avoir visité Paris et Versailles (avec excursion à Chartres), les Châteaux de la Loire, Angers, Nantes, Auray, Carnac, Quimperlé, Quimper, Douarnenez, Audierne, la Pointe du Raz, Brest, Saint-Malo, Dinard, le Mont-Saint-Michel, Guingamp, Concarneau, Pont-l’Abbé, Douarnenez encore, Ploërmel, être repassé à Paris, y avoir eu une aventure avec la jeune Marie qu’il nomme Petite chocolatière, il met le cap sur la Normandie :
Samedi douze septembre mil neuf cent trois : nos adieux à Paris, le matin encore dans la laiterie, moi plus tard je me promenais. Dames emballait. A 1h25 nous partîmes pour Le Havre. Petite chocolatière et Mme Devaux montaient dans notre voiture, adieux à la gare Saint-Lazare. Petite chocolatière voulait nous accompagner à Rouen ! Nos cœurs attristés. Le Havre Hôtel Frascati, ne vaut pas celui de Paris, premier Hôtel de Havre.
Dimanche : le matin visité La Lorraine (Le Havre-New York) le soir à Rouen, même attristement dans nos cœurs, le soir au théâtre (Blanchette, par Brieux, une pièce populaire trop française). L’anglais tel qu’on le parle, très gai – de la musique et de l’entrain dans la ville. Le tout d’une étrange vivacité. Hôtel de France, très bon et agréable.
Lundi et mardi : à Rouen. Les cathédrales, magnifiques vitres. Les pâtisseries de Rouen ! mardi soir sur la colline de Bonsecours ; monument (par Barrias) de la Jeanne d’Arc. Vue sur Rouen ! atmosphère de fête. Le musée de Rouen contient 2 Corot et un superbe portrait par J.F. Millet (un officier).
Sa dernière étape française (avant un passage à Bruxelles, Anvers, Cologne, Heidelberg, puis le retour à Munich) est Amiens :
Mercredi quatorze septembre mil neuf cent trois : à Amiens. Hôtel de France et d’Angleterre, cher et délabré, mauvais repas. L’immense et belle cathédrale. Beau musée (Frz Hals).
à la basse-ville, un petit Venise (aussi sale et puante, mais pittoresque comme quelques coins perdus de Venise.)
*
Le dernier voyage de Franz Marc en France, il le fera comme engagé volontaire dans l’armée allemande et y mourra d’un éclat d’obus le quatre mars mil neuf cent seize à Braquis près de Verdun âgé de trente-six ans.
Ce qui a retenu mon attention est le récit en français du grand voyage que fit Franz Marc du dix-huit mai au vingt-six septembre mil neuf cent trois, accompagné de Friedrich Lauer qui finançait l’expédition,
Après avoir visité Paris et Versailles (avec excursion à Chartres), les Châteaux de la Loire, Angers, Nantes, Auray, Carnac, Quimperlé, Quimper, Douarnenez, Audierne, la Pointe du Raz, Brest, Saint-Malo, Dinard, le Mont-Saint-Michel, Guingamp, Concarneau, Pont-l’Abbé, Douarnenez encore, Ploërmel, être repassé à Paris, y avoir eu une aventure avec la jeune Marie qu’il nomme Petite chocolatière, il met le cap sur la Normandie :
Samedi douze septembre mil neuf cent trois : nos adieux à Paris, le matin encore dans la laiterie, moi plus tard je me promenais. Dames emballait. A 1h25 nous partîmes pour Le Havre. Petite chocolatière et Mme Devaux montaient dans notre voiture, adieux à la gare Saint-Lazare. Petite chocolatière voulait nous accompagner à Rouen ! Nos cœurs attristés. Le Havre Hôtel Frascati, ne vaut pas celui de Paris, premier Hôtel de Havre.
Dimanche : le matin visité La Lorraine (Le Havre-New York) le soir à Rouen, même attristement dans nos cœurs, le soir au théâtre (Blanchette, par Brieux, une pièce populaire trop française). L’anglais tel qu’on le parle, très gai – de la musique et de l’entrain dans la ville. Le tout d’une étrange vivacité. Hôtel de France, très bon et agréable.
Lundi et mardi : à Rouen. Les cathédrales, magnifiques vitres. Les pâtisseries de Rouen ! mardi soir sur la colline de Bonsecours ; monument (par Barrias) de la Jeanne d’Arc. Vue sur Rouen ! atmosphère de fête. Le musée de Rouen contient 2 Corot et un superbe portrait par J.F. Millet (un officier).
Sa dernière étape française (avant un passage à Bruxelles, Anvers, Cologne, Heidelberg, puis le retour à Munich) est Amiens :
Mercredi quatorze septembre mil neuf cent trois : à Amiens. Hôtel de France et d’Angleterre, cher et délabré, mauvais repas. L’immense et belle cathédrale. Beau musée (Frz Hals).
à la basse-ville, un petit Venise (aussi sale et puante, mais pittoresque comme quelques coins perdus de Venise.)
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Le dernier voyage de Franz Marc en France, il le fera comme engagé volontaire dans l’armée allemande et y mourra d’un éclat d’obus le quatre mars mil neuf cent seize à Braquis près de Verdun âgé de trente-six ans.
25 juin 2020
La Métropole de Rouen, dirigée par les Socialistes et leurs alliés Ecologistes, a entrepris de détruire, sans étude préalable, soixante hectares de la forêt du Madrillet pour construire des bâtiments universitaires. J’ai signé la pétition contre, mais ne suis pas allé à la manifestation. On y scandait un slogan inepte : « Tout le monde déteste le béton ». J’aime le béton, mais pas n’importe où.
L’un de ma connaissance résume la situation ainsi :
« Heureusement que c'est l'alliance socialo - écolo qui va prendre la tête de la Métropole » dit l'un .... « Mais ils y sont déjà depuis très longtemps » répond l'autre .... « Oui mais les nouveaux sont plus verts foncés que les anciens » rétorque le premier .... « Alors tout va s'arranger » consent le second .....
C’est exactement ça. Voter pour eux serait une aberration. Voter pour les autres aussi.
J’ai reçu depuis un moment le matériel dont je ne me servirai pas.
Sur le visuel de la liste de Droite, Jean-François Bures figure en compagnie de son alliée du Centre, Marine Caron, avec un peu de vert évocateur entre les deux.
Sur le visuel de la liste de Gauche, Nicolas Meyer-Rossignol est tout seul, comme s’il voulait faire oublier son allié écolo Jean-Michel Bérégovoy.
Il faut dire aussi que Meyer-Rossignol et Bérégovoy côte-à-côte, c’est un peu Monsieur le Directeur avec son jardinier.
L’un de ma connaissance résume la situation ainsi :
« Heureusement que c'est l'alliance socialo - écolo qui va prendre la tête de la Métropole » dit l'un .... « Mais ils y sont déjà depuis très longtemps » répond l'autre .... « Oui mais les nouveaux sont plus verts foncés que les anciens » rétorque le premier .... « Alors tout va s'arranger » consent le second .....
C’est exactement ça. Voter pour eux serait une aberration. Voter pour les autres aussi.
J’ai reçu depuis un moment le matériel dont je ne me servirai pas.
Sur le visuel de la liste de Droite, Jean-François Bures figure en compagnie de son alliée du Centre, Marine Caron, avec un peu de vert évocateur entre les deux.
Sur le visuel de la liste de Gauche, Nicolas Meyer-Rossignol est tout seul, comme s’il voulait faire oublier son allié écolo Jean-Michel Bérégovoy.
Il faut dire aussi que Meyer-Rossignol et Bérégovoy côte-à-côte, c’est un peu Monsieur le Directeur avec son jardinier.
24 juin 2020
Une envie d’aller à Dieppe ou au Havre, vu le beau temps, mais non suivie d’effet par la perspective d’un voyage masqué, me conduit ce lundi matin à faire le touriste à la terrasse de la Brasserie Paul. Le café est à un euro quatre-vingt-dix, vue imprenable sur la Cathédrale.
Quand même entre ce magnifique édifice et moi s’épanouissent des conteneurs à ordures enterrés dont dépassent les bouches avides. Des femmes et des hommes se succèdent pour en nourrir une de leurs bouteilles bues. Le verre en se fracassant les dénonce et me fait lever la tête de ma lecture, Les deux bouts d’Henri Calet, que je fais durer.
Les deux bouts sont ceux que n’arrivent pas à joindre des hommes et des femmes de Paris et banlieue dont Calet fit les portraits d’un ton empreint de désespoir narquois pour Le Parisien Libéré à partir de février mil neuf cent cinquante-trois. Gallimard les publia un an plus tard, deux ans avant la mort de l’auteur. Cet ouvrage a heureusement été réédité en deux mille seize par l’éditeur suisse Héros-Limite.
Dans ces femmes et hommes qu’il choisissait au hasard de ses pérégrinations (sauf le couple de retraités vivant dans la misère du dernier portrait, dont on apprend à la fin qu’il s’agit de ses propres parents), voici mon prélèvement :
Odette Ruet n’a que 16 ans et demi. Elle semblait égarée dans la cohue des Grands Boulevards ; c’était un lundi, elle sortait du cinéma.
-Je vais sur mes 17 ans, m’a-t-elle dit.
Le lendemain, nous nous retrouvions dans l’arrière-boutique des Fermes Sarthoises, une crémerie de la rue Jean-Jaurès, où elle travaille. (…)
Mme Roquet est à la caisse vitrée. Odette s’habille en blanc, le tablier marqué « Roquet » est seul fourni. Et c’est la vente jusqu’à midi et demi. Lait en bouteille ou à la bassine, beurre demi-sel ou laitier.
-Les clientes préfèrent le beurre au poids, elles trouvent qu’il a plus de volume. (…)
Je lui ai demandé de me dire à quoi elle aspirait :
-Réussir dans mon travail. Acheter un petit fonds, plus tard, à Paris.
Très bien. Des crémières, il en faut. Et que pensait-elle du mariage ?
*
Tout de même que le futur époux. Ce « Tout de même que » est employé pour « Comme » par Calet à plusieurs reprises.
*
Sur ce qu’on appelle les réseaux sociaux, beaucoup condamnent les jeunes gens dansant en masse dans une rue parisienne le soir de la Fête de la Musique.
Des jeunes qui ont envie de vivre, rien de plus. S’ils sont malades du Covid par la suite, ce sera sans conséquence pour eux. Et il faut bien qu’il y ait de plus en plus de malades pour atteindre l’immunité collective (si ça fonctionne). J’en côtoie d’autres pas plus raisonnables au Café du Philosophe. Je prends des risques, c’est certain.
L’une de mes jeunes voisines à sa copine :
-Tu fais quoi ce soir ?
-Bah je sais pas, je vais peut-être boire un verre avec ma sœur et ma cousine. Pas ma cousine grosse moche. L’autre.
*
Un vieux qui s’est bien amusé le soir de la Fête de la Musique, c’est Patrick Balkany, que l’on a filmé dansant avec son pull rose dans les rues de Levallois. De quoi exciter les toujours indigné(e)s « C’est une honte » « Je vais vomir ».
J’adore ce type, ayant une faiblesse pour les escrocs flamboyants. Alors que je ne supporte pas ceux du genre faux cul, comme Fillon.
Okay pour une soirée avec les Balkany au Moulin de Giverny mais pour rien au monde avec les Fillon au Manoir de Beaucé.
*
Examen d’économie à distance au Café du Philosophe, le professeur interroge l’élève via l’ordinateur. Ce dernier a près de lui un autre élève qui à la vitesse de l’éclair trouve sur son téléphone les réponses aux questions posées sans être vu par la caméra. Le regard toujours tourné vers la gauche de l’interrogé pourrait le dénoncer, mais il fait ça bien, jouant avec talent celui qui hésite et réfléchit en laissant errer ses yeux.
-Bon là c’est sûr, j’ai au moins le dix dont j’ai besoin, commente-t-il à la fin de son épreuve.
Quand même entre ce magnifique édifice et moi s’épanouissent des conteneurs à ordures enterrés dont dépassent les bouches avides. Des femmes et des hommes se succèdent pour en nourrir une de leurs bouteilles bues. Le verre en se fracassant les dénonce et me fait lever la tête de ma lecture, Les deux bouts d’Henri Calet, que je fais durer.
Les deux bouts sont ceux que n’arrivent pas à joindre des hommes et des femmes de Paris et banlieue dont Calet fit les portraits d’un ton empreint de désespoir narquois pour Le Parisien Libéré à partir de février mil neuf cent cinquante-trois. Gallimard les publia un an plus tard, deux ans avant la mort de l’auteur. Cet ouvrage a heureusement été réédité en deux mille seize par l’éditeur suisse Héros-Limite.
Dans ces femmes et hommes qu’il choisissait au hasard de ses pérégrinations (sauf le couple de retraités vivant dans la misère du dernier portrait, dont on apprend à la fin qu’il s’agit de ses propres parents), voici mon prélèvement :
Odette Ruet n’a que 16 ans et demi. Elle semblait égarée dans la cohue des Grands Boulevards ; c’était un lundi, elle sortait du cinéma.
-Je vais sur mes 17 ans, m’a-t-elle dit.
Le lendemain, nous nous retrouvions dans l’arrière-boutique des Fermes Sarthoises, une crémerie de la rue Jean-Jaurès, où elle travaille. (…)
Mme Roquet est à la caisse vitrée. Odette s’habille en blanc, le tablier marqué « Roquet » est seul fourni. Et c’est la vente jusqu’à midi et demi. Lait en bouteille ou à la bassine, beurre demi-sel ou laitier.
-Les clientes préfèrent le beurre au poids, elles trouvent qu’il a plus de volume. (…)
Je lui ai demandé de me dire à quoi elle aspirait :
-Réussir dans mon travail. Acheter un petit fonds, plus tard, à Paris.
Très bien. Des crémières, il en faut. Et que pensait-elle du mariage ?
*
Tout de même que le futur époux. Ce « Tout de même que » est employé pour « Comme » par Calet à plusieurs reprises.
*
Sur ce qu’on appelle les réseaux sociaux, beaucoup condamnent les jeunes gens dansant en masse dans une rue parisienne le soir de la Fête de la Musique.
Des jeunes qui ont envie de vivre, rien de plus. S’ils sont malades du Covid par la suite, ce sera sans conséquence pour eux. Et il faut bien qu’il y ait de plus en plus de malades pour atteindre l’immunité collective (si ça fonctionne). J’en côtoie d’autres pas plus raisonnables au Café du Philosophe. Je prends des risques, c’est certain.
L’une de mes jeunes voisines à sa copine :
-Tu fais quoi ce soir ?
-Bah je sais pas, je vais peut-être boire un verre avec ma sœur et ma cousine. Pas ma cousine grosse moche. L’autre.
*
Un vieux qui s’est bien amusé le soir de la Fête de la Musique, c’est Patrick Balkany, que l’on a filmé dansant avec son pull rose dans les rues de Levallois. De quoi exciter les toujours indigné(e)s « C’est une honte » « Je vais vomir ».
J’adore ce type, ayant une faiblesse pour les escrocs flamboyants. Alors que je ne supporte pas ceux du genre faux cul, comme Fillon.
Okay pour une soirée avec les Balkany au Moulin de Giverny mais pour rien au monde avec les Fillon au Manoir de Beaucé.
*
Examen d’économie à distance au Café du Philosophe, le professeur interroge l’élève via l’ordinateur. Ce dernier a près de lui un autre élève qui à la vitesse de l’éclair trouve sur son téléphone les réponses aux questions posées sans être vu par la caméra. Le regard toujours tourné vers la gauche de l’interrogé pourrait le dénoncer, mais il fait ça bien, jouant avec talent celui qui hésite et réfléchit en laissant errer ses yeux.
-Bon là c’est sûr, j’ai au moins le dix dont j’ai besoin, commente-t-il à la fin de son épreuve.
23 juin 2020
Un premier passage à la gare vendredi pour tenter d’obtenir au guichet un billet au même prix que sur le site de Oui. « Impossible, me dit celle à qui je fais ma demande, on n’a pas le même tarif ». Je lui explique que, n’ayant ni mobile ni imprimante, il m’est désormais impossible d’éditer un billet pris via Internet à la borne. Elle me certifie qu’on peut encore le faire.
De retour chez moi, je fais ma réservation d’un billet de Paris à mon lieu d’arrivée, constatant qu’entre la veille et ce jour son prix a augmenté de quatre euros. Après avoir payé, en lisant les petites lignes, je découvre qu’effectivement, en cas d’oubli du billet imprimé chez soi, on peut en obtenir une copie à la borne. Je relève les six lettres de son identifiant.
Ce samedi matin, je repasse à la Gare et les indique à la borne. Mon billet n’apparaît pas sur l’écran. Je vais au guichet. Celui à qui j’explique mon cas l’imprime. Comme je lui dis qu’il est de plus en plus difficile de voyager avec la Senecefe qui pourtant se plaint d’avoir quatre milliards de déficit, il me déclare qu’un billet comme le mien coûte cinq euros rien que pour le papier, puis il me vante le changement.
-Le changement, c’est le discours de la Macronie, lui dis-je, et un jour il conduira à ce que vous n’ayez plus d’emploi.
Lui et ses collègues disent du mal de moi dans mon dos tandis que je m’éloigne pour aller prendre à la borne mon billet Rouen Paris à sept euros (dont cinq pour le papier, s’il faut le croire).
*
Pour cette escapade qui durera le temps qu’elle durera, je ne m’occupe que de l’aller. Pour me loger, je ne réserve que la première semaine sur le site d’Air Bibi où l’on peut lire que depuis le quatorze mars les annulations liées au Covid Dix-Neuf ne sont pas considérées comme cas de force majeure et donc plus remboursées.
Se projeter au bout de la semaine est déjà incertain. « On est repassé à l’orange », s’inquiète le patron au Café du Philosophe. « On » désigne la Normandie. C’est même au rouge pour l’un des indicateurs, essentiellement par la faute de la banlieue rouennaise de la rive gauche où ont été détectées des contagions familiales.
Il aurait été prudent d’interdire la Fête des Mères. La Fêtes des Pères aussi.
*
Du danger de lire en bord de rue à la terrasse du Son du Cor. « Vous attendez la Princesse Charmante ?, m’interpelle une vieille revenant du marché, moi ça fait longtemps que je l’attends le Prince Charmant. »
Je lui offre mon regard le plus méprisant. Elle ne demande pas son reste (comme on dit).
De retour chez moi, je fais ma réservation d’un billet de Paris à mon lieu d’arrivée, constatant qu’entre la veille et ce jour son prix a augmenté de quatre euros. Après avoir payé, en lisant les petites lignes, je découvre qu’effectivement, en cas d’oubli du billet imprimé chez soi, on peut en obtenir une copie à la borne. Je relève les six lettres de son identifiant.
Ce samedi matin, je repasse à la Gare et les indique à la borne. Mon billet n’apparaît pas sur l’écran. Je vais au guichet. Celui à qui j’explique mon cas l’imprime. Comme je lui dis qu’il est de plus en plus difficile de voyager avec la Senecefe qui pourtant se plaint d’avoir quatre milliards de déficit, il me déclare qu’un billet comme le mien coûte cinq euros rien que pour le papier, puis il me vante le changement.
-Le changement, c’est le discours de la Macronie, lui dis-je, et un jour il conduira à ce que vous n’ayez plus d’emploi.
Lui et ses collègues disent du mal de moi dans mon dos tandis que je m’éloigne pour aller prendre à la borne mon billet Rouen Paris à sept euros (dont cinq pour le papier, s’il faut le croire).
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Pour cette escapade qui durera le temps qu’elle durera, je ne m’occupe que de l’aller. Pour me loger, je ne réserve que la première semaine sur le site d’Air Bibi où l’on peut lire que depuis le quatorze mars les annulations liées au Covid Dix-Neuf ne sont pas considérées comme cas de force majeure et donc plus remboursées.
Se projeter au bout de la semaine est déjà incertain. « On est repassé à l’orange », s’inquiète le patron au Café du Philosophe. « On » désigne la Normandie. C’est même au rouge pour l’un des indicateurs, essentiellement par la faute de la banlieue rouennaise de la rive gauche où ont été détectées des contagions familiales.
Il aurait été prudent d’interdire la Fête des Mères. La Fêtes des Pères aussi.
*
Du danger de lire en bord de rue à la terrasse du Son du Cor. « Vous attendez la Princesse Charmante ?, m’interpelle une vieille revenant du marché, moi ça fait longtemps que je l’attends le Prince Charmant. »
Je lui offre mon regard le plus méprisant. Elle ne demande pas son reste (comme on dit).
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