Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
22 septembre 2023
Arrivé ce jeudi à neuf heures à Chambéry grâce au combo bus Un Ondéa Grand Lac bus A Grand Chambéry, je me dirige muni du plan détaillé intitulé « Promenade Jean-Jacques Rousseau », auquel je ne comprends pas grand-chose, vers son point de départ derrière le Carré Curial côté Espace Malraux. Il s’agit d’aller pédestrement à la maison des Charmettes où le jeune Rousseau résidait l’été avec Madame de Warens.
L’aide de deux autochtones m’est nécessaire pour trouver l’entrée du Parc de la Calamine. Dès ce moment, je grimpe rudement, d’abord par un sentier forestier qui longe un petit torrent puis par un large chemin caillouteux qui ressemble au lit d’un torrent à sec. Cela m’épuise.
Quand ça devient goudronné, c’est un peu moins pénible pour les pieds mais ça m’essouffle toujours autant. A un embranchement, une pancarte indique Les Charmettes à une heure dix par le chemin que j’ai en main ou bien en trente minutes par une petite route sur la gauche qui ne monte guère. Mon choix est vite fait.
Je l’impression de marcher longtemps sur cette route. Soudain, en contrebas sur la gauche, je crois reconnaître la maison de campagne devenue Musée dont j’ai vu des photos. Le jardin surtout me donne à penser que c’est bien ça. Arrive un promeneur de chien à qui je demande Les Charmettes.
-Vous y êtes, me dit-il, ça dépend chez qui vous voulez aller.
-Chez Jean-Jacques Rousseau.
-Ah, alors il faut descendre à gauche au carrefour.
C’était bien ça. Je marche une bonne centaine de mètres sur cette route qui descend et j’arrive à l’entrée. Je fais quelques photos puis me dirige vers des voix que j’entends sur la gauche. Un homme et une femme sont assis à une table d’extérieur. Lui se lève en me voyant et demande s’il est dix heures. Très exactement. « Alors j’ouvre, me dit-il, on est comme les postiers, on ne commence qu’à l’heure pile. » La visite est gratuite. Je lui donne mon code postal et il me donne un livret.
J’ai la maison pour moi seul. Les pièces du bas puis les deux chambres à l’étage, la petite pour Jean-Jacques qu’elle appelait Petit ou Petit Chat, la grande pour Madame de Warens qu’il appelait Maman. Il y a aussi un réduit pour son serviteur à lui. Le mobilier est d’époque, peut-être le leur.
C’est charmant mais triste. Revenu en bas, je laisse trace de mon passage dans le Livre d’Or : « J’ai grimpé, je suis arrivé, j’ai visité, je suis reparti. Personne d’autre dans la maison, heureusement. »
Pour redescendre, pas question de faire le grand détour que propose le plan de l’Office du Tourisme, je vais droit par la route et c’est quand même fatigant. A l’arrivée en ville un aimable balayeur m’explique comment rejoindre par le plus court la place Saint-Léger.
A onze heures, je m’installe avec soulagement à la terrasse du Café de l’Horloge et à midi retourne déjeuner au Café Chabert. Rôti de porc à la moutarde douce avec gratin dauphinois, crème brûlée et quart de vin blanc de Savoie, cela fait vingt-quatre euros cinquante.
Le café, c’est encore au Café de l’Horloge. J’y termine la lecture du premier volume Folio des Mémoires de Saint-Simon.
*
Bus A du retour. Bretelle d’autoroute prise rapidement par le chauffeur. Par l’effet de la force centrifuge, l’étudiante assise de l’autre côté d’où je suis et ne se tenant pas chute violemment au sol. Elle crie. Sa tête heurte mes jambes. Deux étudiants m’aident à la relever, ramassent son sac et son téléphone. Elle dit que ça va mais a dû se faire très mal. Pas la moindre réaction côté chauffeur.
*
Celui qui dans la journée pousse des cris de temps à autre est le jeune homme de l’étage du dessus de ma studette Air Bibi. « Oh putain ! » Jeu vidéo en ligne ? « Merde, y fait chier lui ! ». Télétravail ? « Ah pis l’autre, y prend son truc là ! » Partouze ?
L’aide de deux autochtones m’est nécessaire pour trouver l’entrée du Parc de la Calamine. Dès ce moment, je grimpe rudement, d’abord par un sentier forestier qui longe un petit torrent puis par un large chemin caillouteux qui ressemble au lit d’un torrent à sec. Cela m’épuise.
Quand ça devient goudronné, c’est un peu moins pénible pour les pieds mais ça m’essouffle toujours autant. A un embranchement, une pancarte indique Les Charmettes à une heure dix par le chemin que j’ai en main ou bien en trente minutes par une petite route sur la gauche qui ne monte guère. Mon choix est vite fait.
Je l’impression de marcher longtemps sur cette route. Soudain, en contrebas sur la gauche, je crois reconnaître la maison de campagne devenue Musée dont j’ai vu des photos. Le jardin surtout me donne à penser que c’est bien ça. Arrive un promeneur de chien à qui je demande Les Charmettes.
-Vous y êtes, me dit-il, ça dépend chez qui vous voulez aller.
-Chez Jean-Jacques Rousseau.
-Ah, alors il faut descendre à gauche au carrefour.
C’était bien ça. Je marche une bonne centaine de mètres sur cette route qui descend et j’arrive à l’entrée. Je fais quelques photos puis me dirige vers des voix que j’entends sur la gauche. Un homme et une femme sont assis à une table d’extérieur. Lui se lève en me voyant et demande s’il est dix heures. Très exactement. « Alors j’ouvre, me dit-il, on est comme les postiers, on ne commence qu’à l’heure pile. » La visite est gratuite. Je lui donne mon code postal et il me donne un livret.
J’ai la maison pour moi seul. Les pièces du bas puis les deux chambres à l’étage, la petite pour Jean-Jacques qu’elle appelait Petit ou Petit Chat, la grande pour Madame de Warens qu’il appelait Maman. Il y a aussi un réduit pour son serviteur à lui. Le mobilier est d’époque, peut-être le leur.
C’est charmant mais triste. Revenu en bas, je laisse trace de mon passage dans le Livre d’Or : « J’ai grimpé, je suis arrivé, j’ai visité, je suis reparti. Personne d’autre dans la maison, heureusement. »
Pour redescendre, pas question de faire le grand détour que propose le plan de l’Office du Tourisme, je vais droit par la route et c’est quand même fatigant. A l’arrivée en ville un aimable balayeur m’explique comment rejoindre par le plus court la place Saint-Léger.
A onze heures, je m’installe avec soulagement à la terrasse du Café de l’Horloge et à midi retourne déjeuner au Café Chabert. Rôti de porc à la moutarde douce avec gratin dauphinois, crème brûlée et quart de vin blanc de Savoie, cela fait vingt-quatre euros cinquante.
Le café, c’est encore au Café de l’Horloge. J’y termine la lecture du premier volume Folio des Mémoires de Saint-Simon.
*
Bus A du retour. Bretelle d’autoroute prise rapidement par le chauffeur. Par l’effet de la force centrifuge, l’étudiante assise de l’autre côté d’où je suis et ne se tenant pas chute violemment au sol. Elle crie. Sa tête heurte mes jambes. Deux étudiants m’aident à la relever, ramassent son sac et son téléphone. Elle dit que ça va mais a dû se faire très mal. Pas la moindre réaction côté chauffeur.
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Celui qui dans la journée pousse des cris de temps à autre est le jeune homme de l’étage du dessus de ma studette Air Bibi. « Oh putain ! » Jeu vidéo en ligne ? « Merde, y fait chier lui ! ». Télétravail ? « Ah pis l’autre, y prend son truc là ! » Partouze ?
21 septembre 2023
Ce mercredi matin, je vais d’un coup de bus Deux jusqu’à l’arrêt Pont Pierre. Un peu plus haut, à gauche de l’aire de covoiturage, débute le chemin des Gorges du Sierroz, lesquelles furent interdites au public pendant quarante ans et sont de nouveau accessibles aux marcheurs depuis deux ans. Je trouve d’abord que ce n’est pas grand-chose, ce ruisseau encombré de plantations diverses, mais quand un pont permet de changer de rive cela commence à m’intéresser.
La Cascade de Gents, véritable chute d’eau, fort étroite, est le premier élément spectaculaire du parcours dont une partie se fait sur deux passerelles en encorbellement construites au-dessus du torrent. Viennent ensuite les concrétions calcaires, les roches sculptées par les eaux, le tout dans une végétation abondante, les vestiges du barrage qui permettait autrefois de faire la visite en bateau, l’ancien embarcadère en bois, le peu qu’il reste d’une scierie (un pan de mur) et enfin la Cascade de Grésy bordée sur une rive par les ruines du Moulin Dalby qui fabriquait de la farine et sur l’autre, où je suis, par le Moulin de Salauz et les restes de son pressoir à huile.
Au cœur de cette Cascade de Grésy se trouve la stèle que fit élever la Reine Hortense pour commémorer la noyade en ce lieu devant elle de son amie Adèle : « Ici, Madame la baronne de Broc, âgée de 25 ans, a péri sous les yeux de son amie, le 10 juin 1813. O vous qui visitez ces lieux, n’avancez qu’avec précaution sur ces abîmes : songez à ceux qui vous aiment ».
« La romantique noyade d’Adèle », titre un panneau explicatif. Bien sûr, Lamartine est venu ici avec sa Julie mais aussi Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Napoléon le Troisième.et la Reine Victoria.
De retour au point de départ, je redescends en ville avec le bus Deux puis avec le bus Un rejoins Grand Port pour un café Saint-Simon à la terrasse du Skiff où je suis maintenant qualifié d’habitué par la gentille serveuse qui a trois enfants mais ne les fait pas.
A onze heures et demie, je vais au Riva pour y réserver une table. La joviale aubergiste est ennuyée, l’entrée et le plat du jour sont les mêmes qu’hier. Elle interroge son mari le cuisinier sur la possibilité d’un plan Bé. C’est comme cela qu’à midi j’ai droit à une salade de magret de canard et beaufort puis à un pavé de rumsteck pommes sautées persillade. Le dessert est bon aussi mais j’oublie de noter son nom. « Vous êtes curiste ? », me demande la patronne quand je paie. Il semble que l'on puisse être curiste sans respecter un régime à Aix-les-Bains.
C’est une après-midi où lire au soleil. Ce que je fais sur un banc au bout de la jetée, un bon observatoire de la vie sur le lac. Je constate que ce qui vaut pour les couples à bicyclette vaut aussi pour les couples en canoë : l’homme devant, la femme derrière.
*
Lieux-dits dans les Gorges du Sierroz : la Passerelle du Contrebandier, le Saut du Marchand, le Trou de la Beurrière.
*
Ce Sierroz se jette (si l’on peut dire car à cet endroit il est devenu fort paisible) dans le Lac du Bourget à Grand Port. Avant cela, il longe le campigne qui porte son nom et est toujours complet.
La Cascade de Gents, véritable chute d’eau, fort étroite, est le premier élément spectaculaire du parcours dont une partie se fait sur deux passerelles en encorbellement construites au-dessus du torrent. Viennent ensuite les concrétions calcaires, les roches sculptées par les eaux, le tout dans une végétation abondante, les vestiges du barrage qui permettait autrefois de faire la visite en bateau, l’ancien embarcadère en bois, le peu qu’il reste d’une scierie (un pan de mur) et enfin la Cascade de Grésy bordée sur une rive par les ruines du Moulin Dalby qui fabriquait de la farine et sur l’autre, où je suis, par le Moulin de Salauz et les restes de son pressoir à huile.
Au cœur de cette Cascade de Grésy se trouve la stèle que fit élever la Reine Hortense pour commémorer la noyade en ce lieu devant elle de son amie Adèle : « Ici, Madame la baronne de Broc, âgée de 25 ans, a péri sous les yeux de son amie, le 10 juin 1813. O vous qui visitez ces lieux, n’avancez qu’avec précaution sur ces abîmes : songez à ceux qui vous aiment ».
« La romantique noyade d’Adèle », titre un panneau explicatif. Bien sûr, Lamartine est venu ici avec sa Julie mais aussi Alexandre Dumas, Guy de Maupassant, Napoléon le Troisième.et la Reine Victoria.
De retour au point de départ, je redescends en ville avec le bus Deux puis avec le bus Un rejoins Grand Port pour un café Saint-Simon à la terrasse du Skiff où je suis maintenant qualifié d’habitué par la gentille serveuse qui a trois enfants mais ne les fait pas.
A onze heures et demie, je vais au Riva pour y réserver une table. La joviale aubergiste est ennuyée, l’entrée et le plat du jour sont les mêmes qu’hier. Elle interroge son mari le cuisinier sur la possibilité d’un plan Bé. C’est comme cela qu’à midi j’ai droit à une salade de magret de canard et beaufort puis à un pavé de rumsteck pommes sautées persillade. Le dessert est bon aussi mais j’oublie de noter son nom. « Vous êtes curiste ? », me demande la patronne quand je paie. Il semble que l'on puisse être curiste sans respecter un régime à Aix-les-Bains.
C’est une après-midi où lire au soleil. Ce que je fais sur un banc au bout de la jetée, un bon observatoire de la vie sur le lac. Je constate que ce qui vaut pour les couples à bicyclette vaut aussi pour les couples en canoë : l’homme devant, la femme derrière.
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Lieux-dits dans les Gorges du Sierroz : la Passerelle du Contrebandier, le Saut du Marchand, le Trou de la Beurrière.
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Ce Sierroz se jette (si l’on peut dire car à cet endroit il est devenu fort paisible) dans le Lac du Bourget à Grand Port. Avant cela, il longe le campigne qui porte son nom et est toujours complet.
20 septembre 2023
Ce lundi à mon réveil il pleut encore un peu à Aix-les-Bains. Je vais néanmoins acheter mon pain au chocolat au lait à la Boulangerie Parisienne puis le mange à la terrasse de Chez Fanny. J’ai pour voisinage une tablée essentiellement composée de motards. Des habitués qui évidemment parlent de motos. L’un qui ne l’est pas s’en lasse. « Bon maintenant on parle de fers à repasser. Qu’est-ce que vous pensez du nouveau Calor ? ».
Cette pluie ne devant pas durer, vers dix heures je me risque à prendre les bus Deux et Un et descends du second à Grand Port. J’entre au Skiff pour un café Saint-Simon. J’ai pour voisinage un duo de collègues qui disent du mal de deux autres qu’ils nomment Chapi et Chapo. Pendant ce temps la pluie cesse et le soleil fait son apparition.
Il est là quand j’entre au Riva, brasserie qui donne sur les voitures et les immeubles. Son accorte patronne m’installe à une table proche de la porte et je lui commande le menu du jour à dix-neuf euros accompagné d’un quart de merlot à cinq euros. Son mari est en cuisine. « Je vous souhaite un bon moment », me dit-elle quand elle m’apporte la terrine paysanne maison, « Bonne continuation » quand c’est le tour de la selle de cochon Duroc de Battalé, basse température, au romarin, frites de polenta, haricots verts, et « Bonne gourmandise à vous, monsieur » pour la tartelette amandine à la poire. La nourriture est bonne, surtout le dessert. L’endroit, petit, est fréquenté par de vieilles Anglaises. Les toilettes sont de l’autre côté du bâtiment, pour lesquelles on vous confie la clé.
L’autre jour, avant l’orage, j’étais allé jusqu’au Port de Mémard au bout du Jardin Vagabond. Cette fois je désire aller au-delà. Le chemin est d’abord plat, coincé entre la voie ferrée qui mène à Annecy et la végétation luxuriante qui borde le lac. Quand il devient un véritable sentier de randonnée, il faut marcher au plus près de l’eau entre les racines des arbres. Parfois un train surgit bruyamment. Parfois l’on doit traverser une coulotte sur des planches peu stables. J’arrive soudain à une longue passerelle rectiligne en bois posée au-dessus du lac sur laquelle je marche en regardant le bout de mes chaussures car les vaguelettes me donnent un semblant de vertige. Après cet exploit, je retrouve un pas un peu plus assuré sur le sentier caillouteux mais ne peux aller bien loin car un obstacle se présente sous la forme d’une grosse flaque d’eau surmontée d’un arbre à moitié chu. Comme je viens de dépasser un banc à l’ombre, je vais m’y poser et regarde qui passe au bord du lac et sur le lac devant la montagne pointue de l’autre rive.
Reposé, je reviens sur mes pas et arrivé à Grand Port prends un café verre d’eau à un euro quatre-vingts dans un godet en carton au Kiosque Lamartine, une gargote devant laquelle s’agitent de joyeux boulistes et d’où l’on aperçoit l’Abbaye d’Hautecombe en face, desservie uniquement par le bateau promène-touristes.
*
Ces retraité(e)s qui passent. Pourraient faire le concours du chapeau le plus ridicule. Une seule catégorie, hommes et femmes.
Cette pluie ne devant pas durer, vers dix heures je me risque à prendre les bus Deux et Un et descends du second à Grand Port. J’entre au Skiff pour un café Saint-Simon. J’ai pour voisinage un duo de collègues qui disent du mal de deux autres qu’ils nomment Chapi et Chapo. Pendant ce temps la pluie cesse et le soleil fait son apparition.
Il est là quand j’entre au Riva, brasserie qui donne sur les voitures et les immeubles. Son accorte patronne m’installe à une table proche de la porte et je lui commande le menu du jour à dix-neuf euros accompagné d’un quart de merlot à cinq euros. Son mari est en cuisine. « Je vous souhaite un bon moment », me dit-elle quand elle m’apporte la terrine paysanne maison, « Bonne continuation » quand c’est le tour de la selle de cochon Duroc de Battalé, basse température, au romarin, frites de polenta, haricots verts, et « Bonne gourmandise à vous, monsieur » pour la tartelette amandine à la poire. La nourriture est bonne, surtout le dessert. L’endroit, petit, est fréquenté par de vieilles Anglaises. Les toilettes sont de l’autre côté du bâtiment, pour lesquelles on vous confie la clé.
L’autre jour, avant l’orage, j’étais allé jusqu’au Port de Mémard au bout du Jardin Vagabond. Cette fois je désire aller au-delà. Le chemin est d’abord plat, coincé entre la voie ferrée qui mène à Annecy et la végétation luxuriante qui borde le lac. Quand il devient un véritable sentier de randonnée, il faut marcher au plus près de l’eau entre les racines des arbres. Parfois un train surgit bruyamment. Parfois l’on doit traverser une coulotte sur des planches peu stables. J’arrive soudain à une longue passerelle rectiligne en bois posée au-dessus du lac sur laquelle je marche en regardant le bout de mes chaussures car les vaguelettes me donnent un semblant de vertige. Après cet exploit, je retrouve un pas un peu plus assuré sur le sentier caillouteux mais ne peux aller bien loin car un obstacle se présente sous la forme d’une grosse flaque d’eau surmontée d’un arbre à moitié chu. Comme je viens de dépasser un banc à l’ombre, je vais m’y poser et regarde qui passe au bord du lac et sur le lac devant la montagne pointue de l’autre rive.
Reposé, je reviens sur mes pas et arrivé à Grand Port prends un café verre d’eau à un euro quatre-vingts dans un godet en carton au Kiosque Lamartine, une gargote devant laquelle s’agitent de joyeux boulistes et d’où l’on aperçoit l’Abbaye d’Hautecombe en face, desservie uniquement par le bateau promène-touristes.
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Ces retraité(e)s qui passent. Pourraient faire le concours du chapeau le plus ridicule. Une seule catégorie, hommes et femmes.
19 septembre 2023
Un silence absolu et une obscurité absolue la nuit à ma nouvelle adresse Air Bibi, j’en suis un peu effrayé et je ne dors pas mieux que là où j’étais avant, où le calme était quand même traversé de bruits ponctuels et la rue éclairée.
Au matin, avant que le jour se lève, des éclairs illuminent le ciel. L’orage annoncé est déjà là. Pas bien fort mais il pleut dru. Durant une accalmie je vais à la Boulangerie Sabourdy, à deux pas, rue de Chambéry. Le pain au chocolat y est à un euro vingt-cinq. Je rentre pour le manger, accompagné d’un thé menthe en sachet.
A cet orage en succèdent d’autres. Inutile d’envisager une balade aujourd’hui. Ce sera ma journée de pause.
Avant l’heure du déjeuner, je prends le bus Deux à Hôtel de Ville jusqu’à Boulevard Wilson puis le bus Un jusqu’à Alliu. Il me reste la rue à traverser pour atteindre l’Hôtel de Viviers. J’y entre bien mouillé. Il est onze heures. Je prends un café à un euro trente puis lis Saint-Simon. Tout ne me m’intéresse pas dans ses Mémoires. J’aime les portraits ravageurs qu’il fait de ses semblables et les anecdotes à leur propos (bien que trop souvent il se contente de signaler qu’il y aurait à dire sans le dire). Je n’aime pas les longs développements de ses idées personnelles sur les évènements politiques de son époque et parfois je n’y comprends rien.
Il règne toujours une étrange atmosphère dans cet hôtel restaurant où l’on parle une langue des Balkans. Des hommes y mangent comme s’ils étaient chez eux, se servant eux-mêmes dans la vaisselle. C’est un lieu en décrépitude. En témoigne sa terrasse inutilisée envahie par un tas de choses inutiles qui la font ressembler à une décharge à ciel ouvert. Mon plat du jour ne me plaît pas plus que les précédents. Il n’est pas cuisiné. Ce ne sont que viandes grillées avec des haricots cuits à l’eau.
Après avoir subi un fort coup de tonnerre sous l’abribus, je descends à l’arrêt Gare pour faire quelques courses chez Franprix où les premiers prix sont souvent en rupture. Je prends ce que je trouve et me fais dracher le temps de remonter l’avenue Charles-de-Gaulle vers mon nouveau logis provisoire.
*
Entendu trop souvent ce jour : « Il en faut. ».
Au matin, avant que le jour se lève, des éclairs illuminent le ciel. L’orage annoncé est déjà là. Pas bien fort mais il pleut dru. Durant une accalmie je vais à la Boulangerie Sabourdy, à deux pas, rue de Chambéry. Le pain au chocolat y est à un euro vingt-cinq. Je rentre pour le manger, accompagné d’un thé menthe en sachet.
A cet orage en succèdent d’autres. Inutile d’envisager une balade aujourd’hui. Ce sera ma journée de pause.
Avant l’heure du déjeuner, je prends le bus Deux à Hôtel de Ville jusqu’à Boulevard Wilson puis le bus Un jusqu’à Alliu. Il me reste la rue à traverser pour atteindre l’Hôtel de Viviers. J’y entre bien mouillé. Il est onze heures. Je prends un café à un euro trente puis lis Saint-Simon. Tout ne me m’intéresse pas dans ses Mémoires. J’aime les portraits ravageurs qu’il fait de ses semblables et les anecdotes à leur propos (bien que trop souvent il se contente de signaler qu’il y aurait à dire sans le dire). Je n’aime pas les longs développements de ses idées personnelles sur les évènements politiques de son époque et parfois je n’y comprends rien.
Il règne toujours une étrange atmosphère dans cet hôtel restaurant où l’on parle une langue des Balkans. Des hommes y mangent comme s’ils étaient chez eux, se servant eux-mêmes dans la vaisselle. C’est un lieu en décrépitude. En témoigne sa terrasse inutilisée envahie par un tas de choses inutiles qui la font ressembler à une décharge à ciel ouvert. Mon plat du jour ne me plaît pas plus que les précédents. Il n’est pas cuisiné. Ce ne sont que viandes grillées avec des haricots cuits à l’eau.
Après avoir subi un fort coup de tonnerre sous l’abribus, je descends à l’arrêt Gare pour faire quelques courses chez Franprix où les premiers prix sont souvent en rupture. Je prends ce que je trouve et me fais dracher le temps de remonter l’avenue Charles-de-Gaulle vers mon nouveau logis provisoire.
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Entendu trop souvent ce jour : « Il en faut. ».
18 septembre 2023
Ce dimanche, après mon petit-déjeuner à la terrasse d’Alphonse « restaurant de paysans pour bons vivants » où l’allongé est à deux euros, je termine de faire ma valise et à dix heures moins le quart laisse la clé de mon studio Air Bibi dans la boîte à lettres de ma première logeuse.
A dix heures, je sonne au nom de ma deuxième logeuse, près du Théâtre de Verdure et ouf elle est là. Je lui laisse cette valise en garde et vais prendre le bus Dim, terminus plage du Bourget. Je m’en assure auprès du chauffeur avant de monter, ne souhaitant pas être largué à Rochettes comme la semaine dernière. Nous sommes peu à aller au bord du lac bien qu’il fasse beau. Il fait même trop chaud à mon goût.
A l’arrivée dans ce qui est une station balnéaire type, je marche le long du lac, de petit port en petit port, jusqu’à la Capitainerie. Là est une gargote à terrasse au-dessus de l’eau où je m’installe pour manger à onze heures et demie (les restaurants d’ici n’étant pas dans mes prix). Il faut commander au comptoir et je préfère le faire avant qu’il y ait foule. Je choisis les diots de Savoie frites salade avec un grand verre d’eau. Cela vaut quatorze euros et cela ne vaut pas ceux mangés à Chambéry. Un café servi dans un godet en carton achève ce repas (un euro soixante).
Je reviens vers l’arrêt de bus qui, comme l’indique son nom, jouxte la Plage Municipale. Celle-ci est le domaine des familles et je m’en tiens éloigné, lisant Saint-Simon sous un olivier près duquel est une statue de petite fille nue dont la sœur jumelle est à Moos sur les rives du Lac de Constance. Junges Mädchen symbolise l’amitié franco-allemande. L’artiste est Friedheim Zilly.
Peu de monde également dans le bus du retour dont je descends à Hôtel de Ville. Je n’ai que la rue à traverser pour sonner une nouvelle fois chez ma nouvelle logeuse. Mon nouveau logement est une studette avec un lit d’une personne. Il est au premier étage et donne sur une cour intérieure et un pavillon. Je ne sais où, un homme s’énerve parfois après je ne sais quoi. Je suis exposé comme dans le précédent au soleil d’après-midi, hélas. Que cesse enfin cette chaleur fatigante. Pour demain la météo annonce l’orage.
*
Au Bourget-du-Lac une boîte à livres où j’en trouve un qui me surprend vu la population croisée : Contre-jour Etudes sur Paul Celan, colloque de Cerisy édité par Martine Broda au Cerf.
*
Egalement une file de chevaux marchant à la longe. Ils sont suivis d’une fille tirant un chariot à crottin et d’un garçon avec une pelle pour ramasser.
*
Ce Jordan Bardella qui se voit Premier Ministre de Marion (dite Marine) Le Pen en deux mille vingt-sept. Elle peut être élue c’est certain. Ce que j’entends autour de moi, à Aix-les-Bains comme ailleurs, me le fait craindre, mais elle n’aura pas la majorité des Député(e)s aux Législatives qui suivront. Ce serait une cohabitation (ou une coalition avec la Droite) et donc un autre que Bardella nommé Premier Ministre. C’est comme cela que je sens la chose.
A dix heures, je sonne au nom de ma deuxième logeuse, près du Théâtre de Verdure et ouf elle est là. Je lui laisse cette valise en garde et vais prendre le bus Dim, terminus plage du Bourget. Je m’en assure auprès du chauffeur avant de monter, ne souhaitant pas être largué à Rochettes comme la semaine dernière. Nous sommes peu à aller au bord du lac bien qu’il fasse beau. Il fait même trop chaud à mon goût.
A l’arrivée dans ce qui est une station balnéaire type, je marche le long du lac, de petit port en petit port, jusqu’à la Capitainerie. Là est une gargote à terrasse au-dessus de l’eau où je m’installe pour manger à onze heures et demie (les restaurants d’ici n’étant pas dans mes prix). Il faut commander au comptoir et je préfère le faire avant qu’il y ait foule. Je choisis les diots de Savoie frites salade avec un grand verre d’eau. Cela vaut quatorze euros et cela ne vaut pas ceux mangés à Chambéry. Un café servi dans un godet en carton achève ce repas (un euro soixante).
Je reviens vers l’arrêt de bus qui, comme l’indique son nom, jouxte la Plage Municipale. Celle-ci est le domaine des familles et je m’en tiens éloigné, lisant Saint-Simon sous un olivier près duquel est une statue de petite fille nue dont la sœur jumelle est à Moos sur les rives du Lac de Constance. Junges Mädchen symbolise l’amitié franco-allemande. L’artiste est Friedheim Zilly.
Peu de monde également dans le bus du retour dont je descends à Hôtel de Ville. Je n’ai que la rue à traverser pour sonner une nouvelle fois chez ma nouvelle logeuse. Mon nouveau logement est une studette avec un lit d’une personne. Il est au premier étage et donne sur une cour intérieure et un pavillon. Je ne sais où, un homme s’énerve parfois après je ne sais quoi. Je suis exposé comme dans le précédent au soleil d’après-midi, hélas. Que cesse enfin cette chaleur fatigante. Pour demain la météo annonce l’orage.
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Au Bourget-du-Lac une boîte à livres où j’en trouve un qui me surprend vu la population croisée : Contre-jour Etudes sur Paul Celan, colloque de Cerisy édité par Martine Broda au Cerf.
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Egalement une file de chevaux marchant à la longe. Ils sont suivis d’une fille tirant un chariot à crottin et d’un garçon avec une pelle pour ramasser.
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Ce Jordan Bardella qui se voit Premier Ministre de Marion (dite Marine) Le Pen en deux mille vingt-sept. Elle peut être élue c’est certain. Ce que j’entends autour de moi, à Aix-les-Bains comme ailleurs, me le fait craindre, mais elle n’aura pas la majorité des Député(e)s aux Législatives qui suivront. Ce serait une cohabitation (ou une coalition avec la Droite) et donc un autre que Bardella nommé Premier Ministre. C’est comme cela que je sens la chose.
17 septembre 2023
Beaucoup de nuages et de la pluie annoncée pour ce samedi, première des deux Journées Européennes du Patrimoine. Avant que ça tombe, je teste la ligne Deux des bus Ondéa Grand Lac. Elle mène à Grésy-sur-Aix, village un peu en hauteur, pas suffisamment pour que l’on voie le lac. Descendu à l’arrêt Collège, le terminus, je monte la route dont les flèches indiquent l’église, la mairie et l’école et aperçois au loin une tour en ruine, vestige d’un château.
Quand j’arrive sur place, je vois qu’il n’y a que ça, une mairie, une église, une école, et cette tour que je ne peux approcher ; elle est dans une propriété privée. Aucun magasin, aucun café, ils sont plus bas au lieu-dit La Cascade, dans un centre commercial comme on en trouve partout.
Revenant sur mes pas, j’ai en ligne de mire au bas de la descente un bus Deux stationné à l’arrêt Collège. Je redoute qu’il parte avant que je l’aie atteint. Il n’en est rien, je suis dedans deux minutes avant son départ.
J’en descends à Hôtel de Ville d’où je rejoins Chez Fanny. A peine ai-je commandé mon café sous l’auvent que la pluie se déclenche. Ça tombe et ça dure. Je tente de lire Saint-Simon mais je suis gêné par les conversations autour de moi. Elles ne font pas honneur aux habitant(e)s du lieu.
A la Boulangerie Parisienne, j’achète un sandouiche mousse de canard et une tartelette aux pommes. La pluie ayant cessé, je les mange au balcon de mon cinquième étage.
Un quart d’heure avant que ne rouvre le Musée Faure, je me dirige vers celui-ci. Passant devant la Bibliothèque Municipale, je découvre que l’événement patrimonial qui devait être annulé en cas de pluie a lieu sous des barnums. Il s’agit de la vente annuelle des ouvrages désherbés. Tout est à un euro. Je ne peux résister à l’envie de fouiller dans les bacs. Heureusement, je n’y trouve aucun livre qui me serait indispensable.
Les clochards sont toujours à l’entrée du jardin du Musée Faure. Sur la plateforme de celui-ci je découvre une bonne vingtaine de déjà là à attendre, à quoi s’ajoute un groupe d’autant pour une visite guidée. Que des vieilles et des vieux comme moi, ce qui me déprime suffisamment pour que je fasse demi-tour.
Cinq minutes après mon retour, la voisine de l’autre jour est à nouveau en plein ébats sexuels. Je la situe dans l’immeuble d’en face à la même hauteur que mon studio provisoire. J’ai le son mais je n’ai pas l’image, dommage.
Vu son peu d’assiduité dans la pratique du coït, je n’aurai pas l’occasion de l’entendre une troisième fois. C’est ma dernière journée rue du Temple. Je reste à Aix-les-Bains mais je quitte mon studio pour un autre, pas bien loin. Ma deuxième logeuse répond à mes messages de façon tardive et succincte. J’espère qu’elle sera là demain matin à l’heure que je lui ai indiquée pour garder mon bagage en attendant que je puisse m’installer dans l’après-midi.
Quand j’arrive sur place, je vois qu’il n’y a que ça, une mairie, une église, une école, et cette tour que je ne peux approcher ; elle est dans une propriété privée. Aucun magasin, aucun café, ils sont plus bas au lieu-dit La Cascade, dans un centre commercial comme on en trouve partout.
Revenant sur mes pas, j’ai en ligne de mire au bas de la descente un bus Deux stationné à l’arrêt Collège. Je redoute qu’il parte avant que je l’aie atteint. Il n’en est rien, je suis dedans deux minutes avant son départ.
J’en descends à Hôtel de Ville d’où je rejoins Chez Fanny. A peine ai-je commandé mon café sous l’auvent que la pluie se déclenche. Ça tombe et ça dure. Je tente de lire Saint-Simon mais je suis gêné par les conversations autour de moi. Elles ne font pas honneur aux habitant(e)s du lieu.
A la Boulangerie Parisienne, j’achète un sandouiche mousse de canard et une tartelette aux pommes. La pluie ayant cessé, je les mange au balcon de mon cinquième étage.
Un quart d’heure avant que ne rouvre le Musée Faure, je me dirige vers celui-ci. Passant devant la Bibliothèque Municipale, je découvre que l’événement patrimonial qui devait être annulé en cas de pluie a lieu sous des barnums. Il s’agit de la vente annuelle des ouvrages désherbés. Tout est à un euro. Je ne peux résister à l’envie de fouiller dans les bacs. Heureusement, je n’y trouve aucun livre qui me serait indispensable.
Les clochards sont toujours à l’entrée du jardin du Musée Faure. Sur la plateforme de celui-ci je découvre une bonne vingtaine de déjà là à attendre, à quoi s’ajoute un groupe d’autant pour une visite guidée. Que des vieilles et des vieux comme moi, ce qui me déprime suffisamment pour que je fasse demi-tour.
Cinq minutes après mon retour, la voisine de l’autre jour est à nouveau en plein ébats sexuels. Je la situe dans l’immeuble d’en face à la même hauteur que mon studio provisoire. J’ai le son mais je n’ai pas l’image, dommage.
Vu son peu d’assiduité dans la pratique du coït, je n’aurai pas l’occasion de l’entendre une troisième fois. C’est ma dernière journée rue du Temple. Je reste à Aix-les-Bains mais je quitte mon studio pour un autre, pas bien loin. Ma deuxième logeuse répond à mes messages de façon tardive et succincte. J’espère qu’elle sera là demain matin à l’heure que je lui ai indiquée pour garder mon bagage en attendant que je puisse m’installer dans l’après-midi.
16 septembre 2023
Retour à l’arrêt de bus Base des Mottets ce vendredi matin d’où je rejoins pédestrement le Hameau de Terre Nue où je prends le chemin lacustre (comme il est écrit sur un panneau). Je suis déjà allé l’autre fois jusqu’à la sorte de demi-lune à bancs et à baignade. Cette fois je la dépasse, longeant, sur cette voie goudronnée partagée entre bicyclistes et piétons, le lac du Bourget d’un côté et la route de l’autre (hélas). Une sculpture d’homme creux indique la hauteur des différentes crues. Pour certaines, j’ai de l’eau au-dessus de la tête.
Le lac et la montagne sont plaisants dans le petit matin. Au bout d’un moment, j’arrive à la Plage du Lido où se trouve un restaurant du même nom ouvert sept sur sept toute l’année, commune de Tresserve. Le village est de l’autre côté de la route. Il ne présente pas d’intérêt particulier. Le catholique Daniel-Rops y a vécu et y est mort, auteur d’une flopée de livres oubliés.
Le ciel qui était partagé entre nuages et éclaircies devient de plus en plus bleu. Aussi quand je reviens sur mes pas je dois ôter ma veste et un peu plus tard, installé au soleil sur un banc de la demi-lune, je lis Saint-Simon, distrait par deux filles qui font des exercices de gymnastique puis se baignent, par un garçon qui dégonfle son bateau pneumatique puis le range dans un grand sac et par un autre qui regonfle son pneu de bicyclette après une crevaison. Bientôt, j’ai trop chaud.
Je reviens au Hameau de Terre Nue avec l’intention de m’asseoir sur le banc à l’ombre de la Plage des Dames mais dans le jardin d’une maison voisine se fait entendre le bruit du taille-haie que manie un homme. Aussi je poursuis jusqu’à la Plage des Mottets où enfin je suis à l’ombre et au calme.
A midi je déjeune encore une fois à l’Hôtel de Viviers avec en plat du jour de la morue chips salade. C’est toujours décevant. Un bus numéro Un me conduit ensuite à Grand Port où je m’assois sur un banc sous les platanes pour lire. Un homme passe le carcheur sur son bateau mais s’arrête assez vite heureusement.
En Savoie, comme ailleurs, un lieu paisible est toujours sous la menace d’un mâle ayant envie de se livrer à une activité bruyante.
*
Je pensais en avoir fini avec le bruit du ventilateur mais rentré en milieu d’après-midi il me faut le remettre à tourner. Il fait trop chaud après quatorze heures dans mon studio Air Bibi exposé au soleil. Il y a bien le volet roulant électrique mais je ne le descends pas jusqu’en bas quand j’y suis car en cas d’incendie et donc de coupure de courant cela devient un piège mortel, impossible de se réfugier sur le balcon pour attendre les pompiers.
*
Une autre précaution que je prends, à Rouen ou en villégiature. Je ne laisse pas la clé dans la serrure afin que si je meurs on puisse entrer sans être obligé de défoncer la porte ou une fenêtre. Je procède ainsi depuis quelques années. Quand il m’est apparu que cette éventualité était de moins en moins négligeable.
*
Dans l’un des bus pris ce jour tous les sièges sont occupés, sauf un, à côté de moi. Aucun(e) des debout n’y vient s’asseoir. Je dois avoir une tête qui fait peur.
Le lac et la montagne sont plaisants dans le petit matin. Au bout d’un moment, j’arrive à la Plage du Lido où se trouve un restaurant du même nom ouvert sept sur sept toute l’année, commune de Tresserve. Le village est de l’autre côté de la route. Il ne présente pas d’intérêt particulier. Le catholique Daniel-Rops y a vécu et y est mort, auteur d’une flopée de livres oubliés.
Le ciel qui était partagé entre nuages et éclaircies devient de plus en plus bleu. Aussi quand je reviens sur mes pas je dois ôter ma veste et un peu plus tard, installé au soleil sur un banc de la demi-lune, je lis Saint-Simon, distrait par deux filles qui font des exercices de gymnastique puis se baignent, par un garçon qui dégonfle son bateau pneumatique puis le range dans un grand sac et par un autre qui regonfle son pneu de bicyclette après une crevaison. Bientôt, j’ai trop chaud.
Je reviens au Hameau de Terre Nue avec l’intention de m’asseoir sur le banc à l’ombre de la Plage des Dames mais dans le jardin d’une maison voisine se fait entendre le bruit du taille-haie que manie un homme. Aussi je poursuis jusqu’à la Plage des Mottets où enfin je suis à l’ombre et au calme.
A midi je déjeune encore une fois à l’Hôtel de Viviers avec en plat du jour de la morue chips salade. C’est toujours décevant. Un bus numéro Un me conduit ensuite à Grand Port où je m’assois sur un banc sous les platanes pour lire. Un homme passe le carcheur sur son bateau mais s’arrête assez vite heureusement.
En Savoie, comme ailleurs, un lieu paisible est toujours sous la menace d’un mâle ayant envie de se livrer à une activité bruyante.
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Je pensais en avoir fini avec le bruit du ventilateur mais rentré en milieu d’après-midi il me faut le remettre à tourner. Il fait trop chaud après quatorze heures dans mon studio Air Bibi exposé au soleil. Il y a bien le volet roulant électrique mais je ne le descends pas jusqu’en bas quand j’y suis car en cas d’incendie et donc de coupure de courant cela devient un piège mortel, impossible de se réfugier sur le balcon pour attendre les pompiers.
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Une autre précaution que je prends, à Rouen ou en villégiature. Je ne laisse pas la clé dans la serrure afin que si je meurs on puisse entrer sans être obligé de défoncer la porte ou une fenêtre. Je procède ainsi depuis quelques années. Quand il m’est apparu que cette éventualité était de moins en moins négligeable.
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Dans l’un des bus pris ce jour tous les sièges sont occupés, sauf un, à côté de moi. Aucun(e) des debout n’y vient s’asseoir. Je dois avoir une tête qui fait peur.
15 septembre 2023
Par le même moyen que la première fois je rejoins Chambéry ce jeudi matin. De l’arrêt de bus Halles je marche jusqu’à la place Saint-Léger. Mon objectif est d’errer dans les passages couverts qui permettaient autrefois aux habitant(e)s de fuir l’ennemi et de se réfugier derrière les remparts.
Je veux d’abord trouver celui qui mène à l’endroit où ont vécu Jean-Jacques et Maman. Prendre à droite de la boutique Yves Rocher, ai-je lu quelque part, et ce sera au fond de la cour. Ce que je fais, mais rien n’est indiqué dans cette cour. Une jeune femme fait le ménage. Je l’interroge. Elle connaît Les Charmettes mais ignorait que Rousseau a vécu aussi ici. « Vous êtes peut-être au bon endroit », me dit-elle. Ajoutant que des traboules, il y en a beaucoup.
Par une autre cour, j’atteins un passage parallèle à celui pris précédemment. Au fond, je trouve une autre cour et là, bingo, sur le mur de droite une plaque indique que « Dans cette maison du Comte de St-Laurent Mme de Warens hébergea Jean-Jacques Rousseau de 1732 à 1740 ». Je veux l’annoncer à la jeune femme d’à côté mais elle a disparu. Quand je rejoins la place par la bonne traboule, je constate qu’elle démarre à droite du Tabac. C’est là qu’il faut se repérer. Rien n’y indique ce que je cherchais mais une plaque émaillée à demi-usée m’apprend que dans ce passage il y eut un Cercle Alain-Fournier avec une permanence tous les jours de dix-huit à dix-neuf heures (on y pratiquait l’éducation populaire).
Je continue à déambuler dans le labyrinthe. La plupart de ces passages sont couverts et ressemblent à des tunnels. Certains sont très étroits et éclairés en permanence. Quelques-uns sont étayés et deux sont condamnés pour risque d’effondrement. Les anciens hôtels particuliers qu’ils desservent sont gris sale, peu entretenus, et tels quels à mon goût. Je ne sais où donner de la photo.
Quand j’ai à peu prés tout vu, je m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge et y lis Saint-Simon jusqu’à ce que midi approche. Pour déjeuner, je retourne au Café Chabert, cédant à l’appel de son plat du jour, bien qu’il s’agisse encore de porc. Des travers caramélisés accompagnés d’une purée maison. Avec un quart de vin blanc de Savoie et un creumebeule aux poires, cela fait vingt-trois euros cinquante. Encore une fois, personne d’autre que moi-même pour y manger à l’extérieur dans ce qui est aussi un passage. Quelques-un(e)s l’empruntent sans se risquer à me souhaiter bon appétit.
Je prends le café sous l’Horloge, presque en face du Tabac d’où part le passage qui mène à Rousseau. Ce commerce est au rez-de-chaussée de la Maison Dieulefis dont le Routard est enthousiaste : « superbe façade Renaissance construite en fragile molasse », un bâtiment remarquable que je trouve laid. Jean-Jacques y donnait des leçons de musique à une jeune voisine qu’il redoutait de trouver « en déshabillé ».
*
En mil sept cent vingt-huit, Jean-Jacques Rousseau, alors âgé de quinze ans, fugue de la ville de Genève où il est né et rencontre sur son chemin, à Annecy, Madame de Warens.
Grâce à elle, quelques années plus tard, il est engagé au service du cadastre de Chambéry installé dans la Tour Trésorerie du Château des Ducs de Savoie. J’avais vingt ans passés, près de vingt et un… Je n’allais plus à mon bureau qu’à contre-cœur, la gêne et l’assiduité au travail m’en firent un supplice insupportable, et j’en vins enfin à vouloir quitter mon emploi pour me livrer totalement à la musique.
Il donne alors des leçons de musique aux jeunes filles de la ville et vit avec sa maîtresse qu’il appelle Maman au fond d’un passage couvert dans la maison du Comte de Saint-Laurent. La maison qu’elle occupait était sombre et triste, et ma chambre était la plus sombre et la plus triste de la maison.
J'engageai Maman à vivre à la campagne. Une maison isolée au penchant d'un vallon fut notre asile, et c'est là que dans l'espace de quatre ou cinq ans j'ai joui d'un siècle de vie et d'un bonheur pur et plein... Cette maison a pour nom Les Charmettes et Madame de Warens l’occupera surtout l’été, conservant sa maison de ville.
Jean-Jacques Rousseau quittera la Savoie pour Paris en mil sept cent quarante-deux quand il sera supplanté auprès de Maman par un plus jeune homme.
*
S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. La noblesse de la province qui s’y rassemble n’a que ce qu’il faut de bien pour vivre, elle n’en a pas assez pour parvenir. Les femmes sont belles et pourraient se passer de l’être, elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. Il est singulier qu’appelé par mon état à voir beaucoup de jeunes filles, je ne me rappelle pas d’en avoir vu à Chambéry une seule qui ne fut pas charmante. (Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre Cinq)
*
Jean-Jacques Rousseau, ce grand nigaud.
Je veux d’abord trouver celui qui mène à l’endroit où ont vécu Jean-Jacques et Maman. Prendre à droite de la boutique Yves Rocher, ai-je lu quelque part, et ce sera au fond de la cour. Ce que je fais, mais rien n’est indiqué dans cette cour. Une jeune femme fait le ménage. Je l’interroge. Elle connaît Les Charmettes mais ignorait que Rousseau a vécu aussi ici. « Vous êtes peut-être au bon endroit », me dit-elle. Ajoutant que des traboules, il y en a beaucoup.
Par une autre cour, j’atteins un passage parallèle à celui pris précédemment. Au fond, je trouve une autre cour et là, bingo, sur le mur de droite une plaque indique que « Dans cette maison du Comte de St-Laurent Mme de Warens hébergea Jean-Jacques Rousseau de 1732 à 1740 ». Je veux l’annoncer à la jeune femme d’à côté mais elle a disparu. Quand je rejoins la place par la bonne traboule, je constate qu’elle démarre à droite du Tabac. C’est là qu’il faut se repérer. Rien n’y indique ce que je cherchais mais une plaque émaillée à demi-usée m’apprend que dans ce passage il y eut un Cercle Alain-Fournier avec une permanence tous les jours de dix-huit à dix-neuf heures (on y pratiquait l’éducation populaire).
Je continue à déambuler dans le labyrinthe. La plupart de ces passages sont couverts et ressemblent à des tunnels. Certains sont très étroits et éclairés en permanence. Quelques-uns sont étayés et deux sont condamnés pour risque d’effondrement. Les anciens hôtels particuliers qu’ils desservent sont gris sale, peu entretenus, et tels quels à mon goût. Je ne sais où donner de la photo.
Quand j’ai à peu prés tout vu, je m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge et y lis Saint-Simon jusqu’à ce que midi approche. Pour déjeuner, je retourne au Café Chabert, cédant à l’appel de son plat du jour, bien qu’il s’agisse encore de porc. Des travers caramélisés accompagnés d’une purée maison. Avec un quart de vin blanc de Savoie et un creumebeule aux poires, cela fait vingt-trois euros cinquante. Encore une fois, personne d’autre que moi-même pour y manger à l’extérieur dans ce qui est aussi un passage. Quelques-un(e)s l’empruntent sans se risquer à me souhaiter bon appétit.
Je prends le café sous l’Horloge, presque en face du Tabac d’où part le passage qui mène à Rousseau. Ce commerce est au rez-de-chaussée de la Maison Dieulefis dont le Routard est enthousiaste : « superbe façade Renaissance construite en fragile molasse », un bâtiment remarquable que je trouve laid. Jean-Jacques y donnait des leçons de musique à une jeune voisine qu’il redoutait de trouver « en déshabillé ».
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En mil sept cent vingt-huit, Jean-Jacques Rousseau, alors âgé de quinze ans, fugue de la ville de Genève où il est né et rencontre sur son chemin, à Annecy, Madame de Warens.
Grâce à elle, quelques années plus tard, il est engagé au service du cadastre de Chambéry installé dans la Tour Trésorerie du Château des Ducs de Savoie. J’avais vingt ans passés, près de vingt et un… Je n’allais plus à mon bureau qu’à contre-cœur, la gêne et l’assiduité au travail m’en firent un supplice insupportable, et j’en vins enfin à vouloir quitter mon emploi pour me livrer totalement à la musique.
Il donne alors des leçons de musique aux jeunes filles de la ville et vit avec sa maîtresse qu’il appelle Maman au fond d’un passage couvert dans la maison du Comte de Saint-Laurent. La maison qu’elle occupait était sombre et triste, et ma chambre était la plus sombre et la plus triste de la maison.
J'engageai Maman à vivre à la campagne. Une maison isolée au penchant d'un vallon fut notre asile, et c'est là que dans l'espace de quatre ou cinq ans j'ai joui d'un siècle de vie et d'un bonheur pur et plein... Cette maison a pour nom Les Charmettes et Madame de Warens l’occupera surtout l’été, conservant sa maison de ville.
Jean-Jacques Rousseau quittera la Savoie pour Paris en mil sept cent quarante-deux quand il sera supplanté auprès de Maman par un plus jeune homme.
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S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. La noblesse de la province qui s’y rassemble n’a que ce qu’il faut de bien pour vivre, elle n’en a pas assez pour parvenir. Les femmes sont belles et pourraient se passer de l’être, elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. Il est singulier qu’appelé par mon état à voir beaucoup de jeunes filles, je ne me rappelle pas d’en avoir vu à Chambéry une seule qui ne fut pas charmante. (Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre Cinq)
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Jean-Jacques Rousseau, ce grand nigaud.
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