Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
9 mai 2023
Après l’arrivée d’un nouveau voisin dans l’appartement contigu au mien en haut, il y a du nouveau dans l’appartement contigu au mien en bas. Sa propriétaire l’a vendu. L’acheteur fait des travaux.
Celle qui est partie durant mon absence sera restée là une bonne vingtaine d’années, étant arrivée peu après moi dans la copropriété (avant elle, c’était un couple de jeunes rastas écoutant sans cesse du reggae).
Avec celle qui vient de partir, je me suis bien entendu durant des années. Puis il y eut l’arrivée des propriétaires d’Abrutus et d’Aboyus. Elles l’attirèrent dans leur filet. Dès qu’elle en voyait une dans le jardin, elle filait la rejoindre. C’est ainsi qu’elle devint plus ou moins amie avec les amies de ces voisines d’en face. Quand ces dernières partirent, elle continua à en recevoir chez elle. Parmi lesquelles une qui sachant que je détestais Abrutus et Aboyus s’amusait à aboyer en passant devant ma porte et contre qui un jour je déposais plainte pour harcèlement, plainte dont je n’ai ensuite jamais entendu parler. Cette femme qu’in petto je nommais La Grosse Valérie de Franqueville-Saint-Pierre (elle s’occupait du personnel d’une entreprise là-bas, bien qu’on l’ait plutôt imaginée marchande de poissons) cessa ensuite de venir mais cette voisine continua à me faire la tronche. Jusqu'au jour où elle dut venir me voir, une fuite de mon chauffe-eau ayant fait des dégâts chez elle. Après la rédaction d’un constat pour l’assurance, elle recommença à me dire bonjour mais du bout des lèvres.
Je ne l’entendrai plus, avant d’aller au travail, chaque matin vers sept heures moins le quart, passer aux toilettes.
*
Bien que peu douée pour le jardinage, cette voisine s’occupait de temps à autre de fleurir la jardinière circulaire située devant son appartement à l’entrée du jardin. Maintenant celle-ci est envahie par une espèce de plante verte qui s’accorde avec la pelouse abandonnée.
*
Si la boîte à clés a disparu de mon mur, la location Air Bibi de l’un des appartements de la copropriété continue. Un couple à grosses valises me l’indique ce dimanche après-midi et j’en ai confirmation par ailleurs. Sans doute son propriétaire est-il allé fixer cette boîte à clés ailleurs par crainte d’ennuis avec le syndic.
*
A rebours du son qui traverse trop bien les murs de la copropriété, les ondes nécessaires au bon fonctionnement de mon smartphone se heurtent parfois à des obstacles qui m’empêchent de recevoir le code nécessaire pour rejoindre le réseau social Effe Bé. C’est à nouveau le cas depuis le huit mai.
Celle qui est partie durant mon absence sera restée là une bonne vingtaine d’années, étant arrivée peu après moi dans la copropriété (avant elle, c’était un couple de jeunes rastas écoutant sans cesse du reggae).
Avec celle qui vient de partir, je me suis bien entendu durant des années. Puis il y eut l’arrivée des propriétaires d’Abrutus et d’Aboyus. Elles l’attirèrent dans leur filet. Dès qu’elle en voyait une dans le jardin, elle filait la rejoindre. C’est ainsi qu’elle devint plus ou moins amie avec les amies de ces voisines d’en face. Quand ces dernières partirent, elle continua à en recevoir chez elle. Parmi lesquelles une qui sachant que je détestais Abrutus et Aboyus s’amusait à aboyer en passant devant ma porte et contre qui un jour je déposais plainte pour harcèlement, plainte dont je n’ai ensuite jamais entendu parler. Cette femme qu’in petto je nommais La Grosse Valérie de Franqueville-Saint-Pierre (elle s’occupait du personnel d’une entreprise là-bas, bien qu’on l’ait plutôt imaginée marchande de poissons) cessa ensuite de venir mais cette voisine continua à me faire la tronche. Jusqu'au jour où elle dut venir me voir, une fuite de mon chauffe-eau ayant fait des dégâts chez elle. Après la rédaction d’un constat pour l’assurance, elle recommença à me dire bonjour mais du bout des lèvres.
Je ne l’entendrai plus, avant d’aller au travail, chaque matin vers sept heures moins le quart, passer aux toilettes.
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Bien que peu douée pour le jardinage, cette voisine s’occupait de temps à autre de fleurir la jardinière circulaire située devant son appartement à l’entrée du jardin. Maintenant celle-ci est envahie par une espèce de plante verte qui s’accorde avec la pelouse abandonnée.
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Si la boîte à clés a disparu de mon mur, la location Air Bibi de l’un des appartements de la copropriété continue. Un couple à grosses valises me l’indique ce dimanche après-midi et j’en ai confirmation par ailleurs. Sans doute son propriétaire est-il allé fixer cette boîte à clés ailleurs par crainte d’ennuis avec le syndic.
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A rebours du son qui traverse trop bien les murs de la copropriété, les ondes nécessaires au bon fonctionnement de mon smartphone se heurtent parfois à des obstacles qui m’empêchent de recevoir le code nécessaire pour rejoindre le réseau social Effe Bé. C’est à nouveau le cas depuis le huit mai.
8 mai 2023
Météo France est formelle : des nuages et de la pluie pour samedi, pas de pluie et des éclaircies pour dimanche. Moyennant quoi, je mets mon réveil à cinq heures ce dimanche car c’est le jour de deux vide greniers de choix dans la Métropole, celui du Village à Mont-Saint-Aignan et celui de la rue Saint-Julien dans la rive gauche de Rouen.
Résultat, alors qu’il n’a presque pas plu samedi, il pleut ce dimanche matin. Je ne peux que renoncer. Mon unique sortie du jour consiste à aller acheter une baguette tradition avec des graines. Ensuite je regarde pousser la pelouse. Elle va bien, ressemblant de plus en plus à une prairie où se font remarquer les graines de pissenlit. Le propriétaire tondeur est pourtant là. La flemme, peut-être.
*
Des qui n’ont pas la flemme, ni peur de se mouiller, ce sont les opposant(e)s à ce qui est faussement appelé le Contournement Est de Rouen et qui n’est que le raccordement par un nouveau tronçon de deux autoroutes existantes.
Elles et eux sont rassemblés à Léry, ce village proche de Val-de-Reuil que je connais bien pour des raisons familiales, Il s’agit de défendre la partie de la Forêt de Bord qui serait saccagée pour construire le nouveau tronçon, un endroit où quand je faisais l’instituteur à l’école maternelle Jean Moulin de Védéherre, j’emmenais mes élèves en balade en longeant le cleube hippique et le cimetière, eux aussi menacés.
Ce rassemblement vise à armer les arbres contre ceux qui veulent les abattre : plantage de clous dans les troncs, installation de filins métalliques entre les cimes, faux marquage d’arbres à sauvegarder. Il a pour nom « Des bâtons dans les routes ». Celui-ci prend tout son sens quand l’autoroute A Treize est bloquée dans les deux sens par des branchages. Le Préfet de l’Eure (sa moustache, sa casquette) n’est pas content.
Résultat, alors qu’il n’a presque pas plu samedi, il pleut ce dimanche matin. Je ne peux que renoncer. Mon unique sortie du jour consiste à aller acheter une baguette tradition avec des graines. Ensuite je regarde pousser la pelouse. Elle va bien, ressemblant de plus en plus à une prairie où se font remarquer les graines de pissenlit. Le propriétaire tondeur est pourtant là. La flemme, peut-être.
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Des qui n’ont pas la flemme, ni peur de se mouiller, ce sont les opposant(e)s à ce qui est faussement appelé le Contournement Est de Rouen et qui n’est que le raccordement par un nouveau tronçon de deux autoroutes existantes.
Elles et eux sont rassemblés à Léry, ce village proche de Val-de-Reuil que je connais bien pour des raisons familiales, Il s’agit de défendre la partie de la Forêt de Bord qui serait saccagée pour construire le nouveau tronçon, un endroit où quand je faisais l’instituteur à l’école maternelle Jean Moulin de Védéherre, j’emmenais mes élèves en balade en longeant le cleube hippique et le cimetière, eux aussi menacés.
Ce rassemblement vise à armer les arbres contre ceux qui veulent les abattre : plantage de clous dans les troncs, installation de filins métalliques entre les cimes, faux marquage d’arbres à sauvegarder. Il a pour nom « Des bâtons dans les routes ». Celui-ci prend tout son sens quand l’autoroute A Treize est bloquée dans les deux sens par des branchages. Le Préfet de l’Eure (sa moustache, sa casquette) n’est pas content.
6 mai 2023
Retour des désagréments ce vendredi lorsque je me replonge dans la banalité de la vie quotidienne.
Vers neuf heures, j’appelle la secrétaire de mon médecin traitant pour obtenir un rendez-vous prochainement. Elle me dit qu’il est absent, ayant une remplaçante. Comme il s’agit avant tout d’un renouvellement d’ordonnance, je préférerais avoir affaire à lui, qui me connaît. « Quand revient-il ? » « On ne sait pas encore. » Soit je prends un rendez-vous maintenant avec la remplaçante, soit je rappelle après le douze pour savoir s’il est de retour car on ne prend pas de rendez-vous avec lui sans savoir s’il sera effectivement présent. Je prends donc un rendez-vous pour la semaine prochaine avec la remplaçante, me demandant s’il est malade ou quoi.
Un peu plus tard, je me rends à la Poste de la rue de la Jeanne afin d’acheter des vignettes d’expédition à l’un des automates. Ce que je redoutais arrive. Ni mes vignettes ni mes tickets ne sortent. Une première postière ne sait même pas comment régler le problème, c’est moi qui lui apprends qu’il y a des clés dans un tiroir pour ouvrir cette machine. Une deuxième sait ouvrir mais ne voit pas trace de vignettes, pas loin de m’accuser de fabuler. Il faut qu’elle appelle une responsable pour que le problème soit réglé. Je suggère à cette dernière d’organiser des stages pour celles qui n’ont pas su me venir en aide.
Quand Stendhal était énervé, il l’exprimait en disant « J’ai de l’humeur » ou « Cela me donne de l’humeur ». A son exemple, je peux dire qu’à peine y suis-je de retour, Rouen me donne de l’humeur.
Pour me remettre un peu, je décide d’aller déjeuner dans mon restaurant japonais préféré. Quand j’y entre, quatre jeunes filles sont déjà installées à la table proche de la porte. Je leur dis bonjour comme je le ferais pour n’importe qui dans la circonstance. Aucune ne me répond. Pas de doute, je ne suis plus dans le Pas de Calais.
*
Même s’il fait plus doux à Rouen qu’à Boulogne-sur-Mer, pas moyen d’y boire un café en terrasse en raison des averses. Je retourne donc à l’intérieur du Socrate ce samedi matin. En face, Le Flo’s a rouvert après sa fermeture administrative mais sous forme restreinte car la Mairie lui a fait retirer une grande partie de sa terrasse, installée sans autorisation.
Quand je rentre en fin de matinée, j’apprends la mort de Philippe Sollers, l’écrivain maoïste devenu papiste que je n’ai jamais pu supporter, à l’écrit comme à l’oral. Il ne manquait pas d’encenseurs car de lui dépendait la parution de leurs livres chez Gallimard. D’autres écrivains avant lui furent faiseurs de roi chez Gallimard : Marcel Arland, Alain Bosquet, Max-Pol Fouchet, encensés de leur vivant, oubliés depuis leur mort. Bientôt plus personne ne se souciera des écrits de Philippe Joyaux, dit Sollers.
Vers neuf heures, j’appelle la secrétaire de mon médecin traitant pour obtenir un rendez-vous prochainement. Elle me dit qu’il est absent, ayant une remplaçante. Comme il s’agit avant tout d’un renouvellement d’ordonnance, je préférerais avoir affaire à lui, qui me connaît. « Quand revient-il ? » « On ne sait pas encore. » Soit je prends un rendez-vous maintenant avec la remplaçante, soit je rappelle après le douze pour savoir s’il est de retour car on ne prend pas de rendez-vous avec lui sans savoir s’il sera effectivement présent. Je prends donc un rendez-vous pour la semaine prochaine avec la remplaçante, me demandant s’il est malade ou quoi.
Un peu plus tard, je me rends à la Poste de la rue de la Jeanne afin d’acheter des vignettes d’expédition à l’un des automates. Ce que je redoutais arrive. Ni mes vignettes ni mes tickets ne sortent. Une première postière ne sait même pas comment régler le problème, c’est moi qui lui apprends qu’il y a des clés dans un tiroir pour ouvrir cette machine. Une deuxième sait ouvrir mais ne voit pas trace de vignettes, pas loin de m’accuser de fabuler. Il faut qu’elle appelle une responsable pour que le problème soit réglé. Je suggère à cette dernière d’organiser des stages pour celles qui n’ont pas su me venir en aide.
Quand Stendhal était énervé, il l’exprimait en disant « J’ai de l’humeur » ou « Cela me donne de l’humeur ». A son exemple, je peux dire qu’à peine y suis-je de retour, Rouen me donne de l’humeur.
Pour me remettre un peu, je décide d’aller déjeuner dans mon restaurant japonais préféré. Quand j’y entre, quatre jeunes filles sont déjà installées à la table proche de la porte. Je leur dis bonjour comme je le ferais pour n’importe qui dans la circonstance. Aucune ne me répond. Pas de doute, je ne suis plus dans le Pas de Calais.
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Même s’il fait plus doux à Rouen qu’à Boulogne-sur-Mer, pas moyen d’y boire un café en terrasse en raison des averses. Je retourne donc à l’intérieur du Socrate ce samedi matin. En face, Le Flo’s a rouvert après sa fermeture administrative mais sous forme restreinte car la Mairie lui a fait retirer une grande partie de sa terrasse, installée sans autorisation.
Quand je rentre en fin de matinée, j’apprends la mort de Philippe Sollers, l’écrivain maoïste devenu papiste que je n’ai jamais pu supporter, à l’écrit comme à l’oral. Il ne manquait pas d’encenseurs car de lui dépendait la parution de leurs livres chez Gallimard. D’autres écrivains avant lui furent faiseurs de roi chez Gallimard : Marcel Arland, Alain Bosquet, Max-Pol Fouchet, encensés de leur vivant, oubliés depuis leur mort. Bientôt plus personne ne se souciera des écrits de Philippe Joyaux, dit Sollers.
5 mai 2023
Il est temps de quitter mon studio Air Bibi de la rue de l’Enseignement Mutuel ce jeudi matin. En face de ce logement de rez-de-chaussée en est un autre habité par une femme dont les volets sont toujours restés baissés durant mon séjour et qui est connue des services sociaux. Cette fois les volets sont ouverts et des déménageurs en action. Je vois donc cette personne pour la première fois au moment de partir. « Vous êtes le nouveau locataire ? », me demande-t-elle. Je la détrompe.
J’ai en ma possession un billet de train à un euro vingt pour aller de la Gare de Boulogne Tintelleries à la Gare de Boulogne Ville, obtenu auprès d’un guichetier de la Gare de Calais qui n’en revenait pas d’un tel achat. C’est qu’on ne peut aller facilement en bus d’une gare boulonnaise à l’autre et qu’à pied cela fait deux kilomètres que je ne voulais pas risquer de faire sous la pluie.
Je suis seul à attendre ce train de neuf heures quarante-deux dont je descendrai deux minutes plus tard. Ce train n’arrive pas. La Gare de Boulogne Tintelleries étant fermée, je ne sais pas pourquoi. Heureusement, il ne pleut pas. Je traîne ma valise en ville et comme j’ai du temps avant mon Tégévé et que je sais, pour être passé devant en bus, qu’il n’y a aucun café près de la Gare de Boulogne Ville, je m’arrête au dernier troquet sur le chemin, Le Daunou. J’y prends un café à un euro vingt et une dernière leçon de parler local.
Mon Tégévé pour Paris doit partir à onze heures cinquante et une. J’entre un peu avant onze heures dans la Gare et découvre qu’il est annulé. « On a eu un déraillement », me dit l’homme à casquette à qui je m’adresse. Il me dit de prendre le Téheuherre qui part de la voie cinq à onze heures. J’y fonce, me félicitant de la manie que j’ai de toujours être en avance. Le chef de bord m’apprend que ce train qui s’arrête six ou sept fois, notamment à Abbeville et Amiens, ne met pas plus de temps pour aller à Paris que le Tégévé car ce dernier fait des détours. En conséquence, j’arriverai dans la capitale plus tôt que prévu. En revanche, moi qui avais, pour quelques euros de plus, pris un billet de première classe pour rentrer à Rouen, me voici mélangé au tout-venant qui augmente d’arrêt en arrêt. Mon voisinage est heureusement calme, hormis deux moutardes à qui leur mère ment sans cesse en leur disant qu’elles sont bientôt arrivées.
Gare du Nord je suis surpris par la chaleur qui règne à Paris. Je trouve vite le métro Quatre, un changement à Châtelet, et me voici à Saint-Lazare. Je vais boire un café à deux euros cinquante à La Ville d’Argentan, ce que je n’aurais pas eu le temps de faire si j’avais eu mon Tégévé. C’est ainsi que j’apprends par sa sympathique serveuse que ce café va fermer la semaine prochaine. Les murs ont été vendus et le nouveau propriétaire de l’hôtel quatre étoiles au-dessus ne veut plus de bruit en dessous. Celle qui se fait appeler Stéphanie et que j’ai connue à son arrivée sous son vrai prénom Danuta (je n’ai jamais su si c’est par sa volonté ou par celle du patron qu’a eu lieu ce changement) a toujours été gentille avec moi. Elle est là depuis sept ans, me dit-elle, et l’un des serveurs depuis trente et un ans. Heureusement pour elle, elle a déjà retrouvé un emploi dans un restaurant chic du quartier. La Ville d’Argentan était le seul troquet proche de la Gare Saint-Lazare à être fréquentable (malgré Télé Bolloré sans le son tout le temps et une radio franchouillarde de temps à autre).
Dans le train Nomad de quinze heures quarante, j’ai une place en première à l’entrée de la voiture Deux près de la cabine où se cache le chef de bord. J’y termine ma lecture du Journal de Stendhal.
Il fait également chaud à Rouen. Je tire une dernière fois une valise qui n’en peut plus (deux roulettes sur quatre sont hors service). Arrivé à mon logis, je constate que la boîte à clés qui ornait le mur à disparu. Plus de location Air Bibi dans la copropriété, semble-t-il.
J’ai en ma possession un billet de train à un euro vingt pour aller de la Gare de Boulogne Tintelleries à la Gare de Boulogne Ville, obtenu auprès d’un guichetier de la Gare de Calais qui n’en revenait pas d’un tel achat. C’est qu’on ne peut aller facilement en bus d’une gare boulonnaise à l’autre et qu’à pied cela fait deux kilomètres que je ne voulais pas risquer de faire sous la pluie.
Je suis seul à attendre ce train de neuf heures quarante-deux dont je descendrai deux minutes plus tard. Ce train n’arrive pas. La Gare de Boulogne Tintelleries étant fermée, je ne sais pas pourquoi. Heureusement, il ne pleut pas. Je traîne ma valise en ville et comme j’ai du temps avant mon Tégévé et que je sais, pour être passé devant en bus, qu’il n’y a aucun café près de la Gare de Boulogne Ville, je m’arrête au dernier troquet sur le chemin, Le Daunou. J’y prends un café à un euro vingt et une dernière leçon de parler local.
Mon Tégévé pour Paris doit partir à onze heures cinquante et une. J’entre un peu avant onze heures dans la Gare et découvre qu’il est annulé. « On a eu un déraillement », me dit l’homme à casquette à qui je m’adresse. Il me dit de prendre le Téheuherre qui part de la voie cinq à onze heures. J’y fonce, me félicitant de la manie que j’ai de toujours être en avance. Le chef de bord m’apprend que ce train qui s’arrête six ou sept fois, notamment à Abbeville et Amiens, ne met pas plus de temps pour aller à Paris que le Tégévé car ce dernier fait des détours. En conséquence, j’arriverai dans la capitale plus tôt que prévu. En revanche, moi qui avais, pour quelques euros de plus, pris un billet de première classe pour rentrer à Rouen, me voici mélangé au tout-venant qui augmente d’arrêt en arrêt. Mon voisinage est heureusement calme, hormis deux moutardes à qui leur mère ment sans cesse en leur disant qu’elles sont bientôt arrivées.
Gare du Nord je suis surpris par la chaleur qui règne à Paris. Je trouve vite le métro Quatre, un changement à Châtelet, et me voici à Saint-Lazare. Je vais boire un café à deux euros cinquante à La Ville d’Argentan, ce que je n’aurais pas eu le temps de faire si j’avais eu mon Tégévé. C’est ainsi que j’apprends par sa sympathique serveuse que ce café va fermer la semaine prochaine. Les murs ont été vendus et le nouveau propriétaire de l’hôtel quatre étoiles au-dessus ne veut plus de bruit en dessous. Celle qui se fait appeler Stéphanie et que j’ai connue à son arrivée sous son vrai prénom Danuta (je n’ai jamais su si c’est par sa volonté ou par celle du patron qu’a eu lieu ce changement) a toujours été gentille avec moi. Elle est là depuis sept ans, me dit-elle, et l’un des serveurs depuis trente et un ans. Heureusement pour elle, elle a déjà retrouvé un emploi dans un restaurant chic du quartier. La Ville d’Argentan était le seul troquet proche de la Gare Saint-Lazare à être fréquentable (malgré Télé Bolloré sans le son tout le temps et une radio franchouillarde de temps à autre).
Dans le train Nomad de quinze heures quarante, j’ai une place en première à l’entrée de la voiture Deux près de la cabine où se cache le chef de bord. J’y termine ma lecture du Journal de Stendhal.
Il fait également chaud à Rouen. Je tire une dernière fois une valise qui n’en peut plus (deux roulettes sur quatre sont hors service). Arrivé à mon logis, je constate que la boîte à clés qui ornait le mur à disparu. Plus de location Air Bibi dans la copropriété, semble-t-il.
4 mai 2023
Pour ma dernière journée sur la Côte d’Opale, je choisis de retourner à Ambleteuse avec le car Région Hauts-de-France dont le terminus est Calais. Je descends à l’arrêt Rue des Ecoles..
Le ciel est bleu. La Voix du Nord parle d’un « anticyclone très éphémère ». Je rejoins un chemin qui longe la Slack et en suis les méandres jusqu’au Fort Vauban dont je fais encore une fois le tour.
Boulevard de la Liberté, je glandouille sur un banc de la digue, regardant qui passe sur terre : un lévrier à manteau blanc, un couple à bâtons, et sur mer : un trois-mâts à voiles blanches, des cargos.
A midi, je déjeune de la formule du jour au Fort des Caps, cette fois dans la véranda d’où j’ai vue sur la mer au loin : cassolette de la mer, verre de chardonnay, soupe de fruits.
Je redescends ensuite vers le Fort et trouve une gargote de plage ouverte, La Gourmandise du Fort. J’y achète un café un euro cinquante que je bois à l’une des tables au soleil puis y lis un peu Stendhal. Un vent frais court à nouveau, mais l’anticyclone tient le coup. Près de moi, dans des chaises longues, sont deux enfants et leurs parents, lui est arrivé là à bicyclette avec la fille en trottinette, elle à pied par les dunes avec le garçon. Ils pique-niquent sans anicroches puis lui repart seul à Wimereux chercher la voiture. Quand il revient, avant de quitter les lieux, il fait un selfie de lui avec elle, puis un autre d’eux deux avec les enfants, le Fort en arrière-plan. Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant. Au fort de Belonzio qui domine la plaine. D'où l'ennemi viendra qui me fera héros., leur dit-il. Enfin une famille que je suis content d’avoir côtoyée.
*
Un fidèle lecteur, auteur de Paris Diaries of the 1990s, journal qu’il met en ligne sous un pseudonyme (aussi bien en anglais qu'en version française), m’apprend qu’en mil neuf cent cinquante-trois, à l’âge de trente-six ans, Anthony Burgess traversa la Manche en compagnie de Lynne et d’un couple d’amis pour un voyage d’Ambleteuse à Wimereux.
Dans l’album photo qu’il fit de ce voyage, intitulé « France ! », une photographie montre Burgess assis à la terrasse d’un restaurant, près d’un panneau indiquant : « À L’INTÉRIEUR DÉGUSTATION DE MOULES », une deuxième le montre avec un de ses compagnons sur la route de Wimereux, avec la légende suivante : « Après Avoir Beaucoup Bu à Ambleteuse, On Reprend le Chemin – Tard pour le Déjeuner – Pour Wimereux. » et une troisième le montre étendu en maillot, jeune et svelte : « Sur la Plage en Plein Soleil, Wimereux. ».
Ces documents sont reproduits dans l’introduction de l’ouvrage collectif Anthony Burgess et la France paru aux Presses Universitaires de Rennes en deux mille dix-neuf.
Le ciel est bleu. La Voix du Nord parle d’un « anticyclone très éphémère ». Je rejoins un chemin qui longe la Slack et en suis les méandres jusqu’au Fort Vauban dont je fais encore une fois le tour.
Boulevard de la Liberté, je glandouille sur un banc de la digue, regardant qui passe sur terre : un lévrier à manteau blanc, un couple à bâtons, et sur mer : un trois-mâts à voiles blanches, des cargos.
A midi, je déjeune de la formule du jour au Fort des Caps, cette fois dans la véranda d’où j’ai vue sur la mer au loin : cassolette de la mer, verre de chardonnay, soupe de fruits.
Je redescends ensuite vers le Fort et trouve une gargote de plage ouverte, La Gourmandise du Fort. J’y achète un café un euro cinquante que je bois à l’une des tables au soleil puis y lis un peu Stendhal. Un vent frais court à nouveau, mais l’anticyclone tient le coup. Près de moi, dans des chaises longues, sont deux enfants et leurs parents, lui est arrivé là à bicyclette avec la fille en trottinette, elle à pied par les dunes avec le garçon. Ils pique-niquent sans anicroches puis lui repart seul à Wimereux chercher la voiture. Quand il revient, avant de quitter les lieux, il fait un selfie de lui avec elle, puis un autre d’eux deux avec les enfants, le Fort en arrière-plan. Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant. Au fort de Belonzio qui domine la plaine. D'où l'ennemi viendra qui me fera héros., leur dit-il. Enfin une famille que je suis content d’avoir côtoyée.
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Un fidèle lecteur, auteur de Paris Diaries of the 1990s, journal qu’il met en ligne sous un pseudonyme (aussi bien en anglais qu'en version française), m’apprend qu’en mil neuf cent cinquante-trois, à l’âge de trente-six ans, Anthony Burgess traversa la Manche en compagnie de Lynne et d’un couple d’amis pour un voyage d’Ambleteuse à Wimereux.
Dans l’album photo qu’il fit de ce voyage, intitulé « France ! », une photographie montre Burgess assis à la terrasse d’un restaurant, près d’un panneau indiquant : « À L’INTÉRIEUR DÉGUSTATION DE MOULES », une deuxième le montre avec un de ses compagnons sur la route de Wimereux, avec la légende suivante : « Après Avoir Beaucoup Bu à Ambleteuse, On Reprend le Chemin – Tard pour le Déjeuner – Pour Wimereux. » et une troisième le montre étendu en maillot, jeune et svelte : « Sur la Plage en Plein Soleil, Wimereux. ».
Ces documents sont reproduits dans l’introduction de l’ouvrage collectif Anthony Burgess et la France paru aux Presses Universitaires de Rennes en deux mille dix-neuf.
3 mai 2023
Etrange nuit que celle que je passe après mon coup de froid du Premier Mai à la Ville Haute, il y a des moments où j’ai l’impression de délirer.
Au réveil tout s’efface. Je me sens dans mon état normal quand je rejoins la Station Liane, quai Dix-Sept, pour prendre le bus A de huit heures onze, terminus La Plage, celle d’Equihen-Plage.
Sous l’abribus je suis entouré de femmes et d’hommes qui ont des têtes étranges. Certains habitants du Pas de Calais ont un physique ingrat, mais là c’est le cas de l’ensemble. Quand arrive un car de la Région Hauts-de-France sur la girouette duquel est écrit ASAT, je comprends. Elles et eux partis vers leur Etablissement et Service d'Aide par le Travail, je me retrouve seul puis arrivent quelques scolaires car c’est aujourd’hui la rentrée des classes (en sortant de mon logis temporaire, j’ai retrouvé une rue parsemée de collégien(e)s de Saint-Joseph).
Sur le trajet sont plusieurs établissements scolaires qui me replongent dans un passé révolu. A un endroit, tandis que les enfants attendent l’ouverture des portes de l’école, leurs parents attendent l’ouverture des portes d’Aldi. Je suis le seul à aller jusqu’à La Plage.
La seconde chance que je donne à Equihen-Plage ne tourne pas à son avantage. On ne peut rien y faire, hormis descendre sur cette plage par une succession d’escaliers en bois qu’arrivé en bas je n’aurais pas envie de remonter. Aucun chemin accessible et partout ça monte dur.
Je rejoins donc l’abribus pour y attendre le neuf heures vingt-sept du retour près du salon de coiffure Mylène Hair (hors concours !) où le tarif homme n’est qu’à quinze euros. Deux minutes avant le départ prévu du bus A arrive la collégienne de l’autre jour. Je m’abstiens de lui demander si elle est contente d’y retourner.
De retour à Boulogne, je m’offre un dernier café verre d’eau congolais lecture Chez Jules. Celle qui commente La Voix du Nord au profit de son mari invite un bourgeois à leur table. Il tique quand elle déclare qu’un homme chauve c’est viril alors qu’un homme à perruque ça fait tantouze, puis quand elle évoque un magistrat de Boulogne surpris il y a dix ans en train de se masturber sous sa robe, il prend la fuite en leur laissant la note de son café.
Ce couple parti, il est remplacé par une jeune femme qui lit (première fois que je vois ça dans le Pas-de-Calais depuis mon arrivée, un Dix Dix-Huit dont je ne peux discerner ni le titre ni l’auteur). Quand Régis, qui office au comptoir, se réjouit qu’il y ait encore les Parigots en vacances, elle lui signale qu’il y a aussi des Belges. C’est la première année que les Wallons ont des vacances séparées d’avec les Flamands et les Bruxellois. « Un mois de Belges », dit-elle. Il croit qu’elle en est une, mais non, elle y vit depuis plusieurs années. « Vous avez pris l’accent », lui dit-il. Ça la navre.
A midi, je déjeune une dernière fois à La Table du Vingt : cassolette de poissons, verre de vin blanc, mousse au chocolat, puis malgré l’absence de soleil je m’installe à la terrasse du Café Français pour le café.
*
Vingt-huit ans cette nuit du deux au trois mai qu’est mort mon frère Jacques à La Rochelle.
Lui qui n’a jamais eu de télé a participé à un jeu animé par Jacques Martin le dimanche après-midi. Il espérait gagner un grand voyage. Il a perdu, obtenant un petit voyage de consolation. Aucune trace ne reste de son passage à la télévision.
Au réveil tout s’efface. Je me sens dans mon état normal quand je rejoins la Station Liane, quai Dix-Sept, pour prendre le bus A de huit heures onze, terminus La Plage, celle d’Equihen-Plage.
Sous l’abribus je suis entouré de femmes et d’hommes qui ont des têtes étranges. Certains habitants du Pas de Calais ont un physique ingrat, mais là c’est le cas de l’ensemble. Quand arrive un car de la Région Hauts-de-France sur la girouette duquel est écrit ASAT, je comprends. Elles et eux partis vers leur Etablissement et Service d'Aide par le Travail, je me retrouve seul puis arrivent quelques scolaires car c’est aujourd’hui la rentrée des classes (en sortant de mon logis temporaire, j’ai retrouvé une rue parsemée de collégien(e)s de Saint-Joseph).
Sur le trajet sont plusieurs établissements scolaires qui me replongent dans un passé révolu. A un endroit, tandis que les enfants attendent l’ouverture des portes de l’école, leurs parents attendent l’ouverture des portes d’Aldi. Je suis le seul à aller jusqu’à La Plage.
La seconde chance que je donne à Equihen-Plage ne tourne pas à son avantage. On ne peut rien y faire, hormis descendre sur cette plage par une succession d’escaliers en bois qu’arrivé en bas je n’aurais pas envie de remonter. Aucun chemin accessible et partout ça monte dur.
Je rejoins donc l’abribus pour y attendre le neuf heures vingt-sept du retour près du salon de coiffure Mylène Hair (hors concours !) où le tarif homme n’est qu’à quinze euros. Deux minutes avant le départ prévu du bus A arrive la collégienne de l’autre jour. Je m’abstiens de lui demander si elle est contente d’y retourner.
De retour à Boulogne, je m’offre un dernier café verre d’eau congolais lecture Chez Jules. Celle qui commente La Voix du Nord au profit de son mari invite un bourgeois à leur table. Il tique quand elle déclare qu’un homme chauve c’est viril alors qu’un homme à perruque ça fait tantouze, puis quand elle évoque un magistrat de Boulogne surpris il y a dix ans en train de se masturber sous sa robe, il prend la fuite en leur laissant la note de son café.
Ce couple parti, il est remplacé par une jeune femme qui lit (première fois que je vois ça dans le Pas-de-Calais depuis mon arrivée, un Dix Dix-Huit dont je ne peux discerner ni le titre ni l’auteur). Quand Régis, qui office au comptoir, se réjouit qu’il y ait encore les Parigots en vacances, elle lui signale qu’il y a aussi des Belges. C’est la première année que les Wallons ont des vacances séparées d’avec les Flamands et les Bruxellois. « Un mois de Belges », dit-elle. Il croit qu’elle en est une, mais non, elle y vit depuis plusieurs années. « Vous avez pris l’accent », lui dit-il. Ça la navre.
A midi, je déjeune une dernière fois à La Table du Vingt : cassolette de poissons, verre de vin blanc, mousse au chocolat, puis malgré l’absence de soleil je m’installe à la terrasse du Café Français pour le café.
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Vingt-huit ans cette nuit du deux au trois mai qu’est mort mon frère Jacques à La Rochelle.
Lui qui n’a jamais eu de télé a participé à un jeu animé par Jacques Martin le dimanche après-midi. Il espérait gagner un grand voyage. Il a perdu, obtenant un petit voyage de consolation. Aucune trace ne reste de son passage à la télévision.
2 mai 2023
Ni bus, ni car ce lundi. C’est le Premier Mai. Le seul endroit où j’aurais pu avoir envie de me rendre par le train, c’est Saint-Omer, mais aucun n’est direct, il faut passer par Calais, ce qui me fait renoncer.
Je passerai donc cette journée à Boulogne-sur-Mer, ne sachant pas ce que j’y trouverai ouvert, notamment pour déjeuner. Il y aura toujours comme plan ultime le stand merguez de la Cégété.
Le Columbus Café, qui fait face à l’élégant Théâtre, m’accueille comme d’habitude pour le petit-déjeuner. Je passe ensuite par la place Dalton pour en faire des photos sans personne. L’un des restaurants, Le Dalton, va prochainement fermer pour renaître avec une nouvelle équipe (jeune) et un nouveau nom (choisi par les amis) : Bistrot Canaille. Cela ne présage rien de bon.
Je remonte la Grande Rue et arrive dans la Ville Haute. Le patron de La Table du Beffroi vient d’ouvrir son café restaurant. Il s’empresse de me déplier une table en terrasse. Je lui en retiens une à l’intérieur pour midi (plus de souci à se faire). Le café bu, je lis au soleil, tant qu’il est là, c'est-à-dire pas longtemps, puis à l’ombre. Près de moi s’est assis un couple qui prend un petit-déjeuner complet. Le silence entre eux est également complet.
Au fur du temps la température baisse. Je ne puis rester assis. Je me réchauffe un peu en faisant le tour des remparts, cette fois par l’extérieur. Ça fait une trotte et me permet d’entrer dans la cour intérieure du Château Musée. Un léger retour du soleil me conduit à lire sur un banc jusqu’à midi mais c’est frigorifié que je retourne à La Table du Beffroi.
Je commande un welsh complet avec un quart de côtes-du-rhône et j’ai du mal à le terminer. Je suis un peu patraque. Ce Premier Mai est la journée la plus froide de mon séjour boulonnais. Rentrer au chaud est la seule chose qui me fasse envie. Pour ce faire, j’entre dans ce qui me semble un raccourci, le Jardin Valentine Hugo (née Valentine Gross à Boulogne-sur-Mer) et je découvre qu’il est sans issue.
*
Vu aussi ce jour à Boulogne-sur-Mer :
La Casa San Martin, Grande Rue, maison qui fut habitée de mil huit cent quarante-huit à sa mort par le Général argentin José de San Martin qui libéra son pays, le Chili et le Pérou de la domination espagnole.
L’Hôtel Désandrouin, dit Palais Impérial, rue du Puits d’Amour dans la Ville Haute, que Napoléon habita en plusieurs occasions, jusqu’à ce qu’il cesse de convoiter l’Angleterre.
Je passerai donc cette journée à Boulogne-sur-Mer, ne sachant pas ce que j’y trouverai ouvert, notamment pour déjeuner. Il y aura toujours comme plan ultime le stand merguez de la Cégété.
Le Columbus Café, qui fait face à l’élégant Théâtre, m’accueille comme d’habitude pour le petit-déjeuner. Je passe ensuite par la place Dalton pour en faire des photos sans personne. L’un des restaurants, Le Dalton, va prochainement fermer pour renaître avec une nouvelle équipe (jeune) et un nouveau nom (choisi par les amis) : Bistrot Canaille. Cela ne présage rien de bon.
Je remonte la Grande Rue et arrive dans la Ville Haute. Le patron de La Table du Beffroi vient d’ouvrir son café restaurant. Il s’empresse de me déplier une table en terrasse. Je lui en retiens une à l’intérieur pour midi (plus de souci à se faire). Le café bu, je lis au soleil, tant qu’il est là, c'est-à-dire pas longtemps, puis à l’ombre. Près de moi s’est assis un couple qui prend un petit-déjeuner complet. Le silence entre eux est également complet.
Au fur du temps la température baisse. Je ne puis rester assis. Je me réchauffe un peu en faisant le tour des remparts, cette fois par l’extérieur. Ça fait une trotte et me permet d’entrer dans la cour intérieure du Château Musée. Un léger retour du soleil me conduit à lire sur un banc jusqu’à midi mais c’est frigorifié que je retourne à La Table du Beffroi.
Je commande un welsh complet avec un quart de côtes-du-rhône et j’ai du mal à le terminer. Je suis un peu patraque. Ce Premier Mai est la journée la plus froide de mon séjour boulonnais. Rentrer au chaud est la seule chose qui me fasse envie. Pour ce faire, j’entre dans ce qui me semble un raccourci, le Jardin Valentine Hugo (née Valentine Gross à Boulogne-sur-Mer) et je découvre qu’il est sans issue.
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Vu aussi ce jour à Boulogne-sur-Mer :
La Casa San Martin, Grande Rue, maison qui fut habitée de mil huit cent quarante-huit à sa mort par le Général argentin José de San Martin qui libéra son pays, le Chili et le Pérou de la domination espagnole.
L’Hôtel Désandrouin, dit Palais Impérial, rue du Puits d’Amour dans la Ville Haute, que Napoléon habita en plusieurs occasions, jusqu’à ce qu’il cesse de convoiter l’Angleterre.
1er mai 2023
Un bruit de bouteilles qui s’entrechoquent ce samedi soir dans l’entrée et l’escalier de l’immeuble où je réside pour quelques jours encore, puis le voisin du dessus frappe à ma porte pour m’annoncer qu’il va faire une petite fête et que si je suis trop dérangé par le bruit, je peux monter le signaler. Je crains le pire. A tort car je ne suis réveillé que par la sortie des invités.
Le dimanche, le Columbus Café ouvre à huit heures mais je ne me précipite pas car, en ce dernier jour d’avril, je veux aller au Portel, où c’est la braderie, autrement dit le vide greniers, et le premier bus dominical qui y mène ne part de la Station Liane qu’à neuf heures treize.
Le ciel est étonnamment bleu quand je sors. « Croissant ou petit pain ? », me demande comme chaque matin celle qui officie, car à pain au chocolat et à chocolatine, ici on préfère petit pain. Je fais un peu traîner ce petit-déjeuner en lisant La Voix du Nord. Sa page météo explique le soleil matutinal par « une petite dorsale anticyclonique ». Ça ne va pas durer.
En avance quand même à la station Liane, j’y trouve un homme qui lui aussi va au Portel pour sa braderie. Il m’apprend que les bus sont gratuits le dimanche. C’est écrit nulle part. Il vit ici depuis trois ans, venu de La Napoule. Son point de vue sur Boulogne-sur-Mer est le même que le mien : il n’y a que la Ville Haute de bien. Nous continuons à discuter dans le bus C. Il me montre au passage le Chaudron, la salle de l’équipe locale de basquette, un sport sur lequel il vaut mieux ne pas plaisanter ici.
A l’arrivée sur la place de l’église, nous nous saluons et chacun vaque à ses recherches. Aucun des livres que je vois ne m’intéresse, même de loin. Je descends au bord de mer et arrive au Chant de l’Heurt pour son ouverture. Je m’installe à l’une des rares tables de la terrasse au soleil, un mange debout assis d’où je vois bien la mer. Après un café, je lis Stendhal un long moment, tout en regardant qui passe.
Vers onze heures, cet emplacement retenu pour mon déjeuner, je vais marcher en contrebas de la digue, observant les familles à la plage. Celle-ci est vaste mais elles s’accumulent au plus près de leur lieu d’arrivée commun, avec enfants et chiens (ces derniers interdits sur le sable à partir de demain). Elles sont loin de la mer dont il semble qu’elles n’aient rien à faire. Ce qui compte, c’est le sable, dans lequel certains, un homme et son fils, s’enterrent. Cela me fait songer à ces quatre jeunes filles de dix-sept à vingt ans qui, allant au Carnaval du Portel, furent enterrées sur l’une des plages entre ici et Equihen-sur-Mer après avoir été violées et tuées par deux frères ferrailleurs. C’était il y a vingt-six ans.
A midi, de nouveau perché en terrasse, bien que le soleil soit de plus en plus souvent caché, je déjeune d’une carbonade flamande frites salade accompagnée d’un quart de vin rouge, le tout pour dix-neuf euros quatre-vingts. C’est mon premier repas en bord de mer depuis que je suis sur la Côte d’Opale. Il n’y en aura pas d’autres.
Pour le café, je m’installe à une table d’extérieur près de la plage, au bar Le Rivage, où il coûte un euro soixante. Je lis un peu puis rentre avec le bus C de treize heures cinquante-sept.
Le dimanche après-midi, le centre de Boulogne est aussi vide que celui de Rouen. Quand j’arrive dans mon quartier, dont nombre de boutiques sont définitivement fermées mais où se concurrencent trois supérettes, Auchan, Spar et Carrefour Express, marchent derrière moi un homme et une femme. Si je ne les vois pas, je les entends.
-T’as vu, Carrefour c’est ouvert, lui dit-elle.
-Oui je sais, Sandrine est venue y voler deux fois ce matin.
*
Ce sont mes adieux au Portel, la plage des pauvres, l’anti Wimereux. Les pauvres m’énervent. Les riches m’ennuient. Je préfère être énervé.
Le dimanche, le Columbus Café ouvre à huit heures mais je ne me précipite pas car, en ce dernier jour d’avril, je veux aller au Portel, où c’est la braderie, autrement dit le vide greniers, et le premier bus dominical qui y mène ne part de la Station Liane qu’à neuf heures treize.
Le ciel est étonnamment bleu quand je sors. « Croissant ou petit pain ? », me demande comme chaque matin celle qui officie, car à pain au chocolat et à chocolatine, ici on préfère petit pain. Je fais un peu traîner ce petit-déjeuner en lisant La Voix du Nord. Sa page météo explique le soleil matutinal par « une petite dorsale anticyclonique ». Ça ne va pas durer.
En avance quand même à la station Liane, j’y trouve un homme qui lui aussi va au Portel pour sa braderie. Il m’apprend que les bus sont gratuits le dimanche. C’est écrit nulle part. Il vit ici depuis trois ans, venu de La Napoule. Son point de vue sur Boulogne-sur-Mer est le même que le mien : il n’y a que la Ville Haute de bien. Nous continuons à discuter dans le bus C. Il me montre au passage le Chaudron, la salle de l’équipe locale de basquette, un sport sur lequel il vaut mieux ne pas plaisanter ici.
A l’arrivée sur la place de l’église, nous nous saluons et chacun vaque à ses recherches. Aucun des livres que je vois ne m’intéresse, même de loin. Je descends au bord de mer et arrive au Chant de l’Heurt pour son ouverture. Je m’installe à l’une des rares tables de la terrasse au soleil, un mange debout assis d’où je vois bien la mer. Après un café, je lis Stendhal un long moment, tout en regardant qui passe.
Vers onze heures, cet emplacement retenu pour mon déjeuner, je vais marcher en contrebas de la digue, observant les familles à la plage. Celle-ci est vaste mais elles s’accumulent au plus près de leur lieu d’arrivée commun, avec enfants et chiens (ces derniers interdits sur le sable à partir de demain). Elles sont loin de la mer dont il semble qu’elles n’aient rien à faire. Ce qui compte, c’est le sable, dans lequel certains, un homme et son fils, s’enterrent. Cela me fait songer à ces quatre jeunes filles de dix-sept à vingt ans qui, allant au Carnaval du Portel, furent enterrées sur l’une des plages entre ici et Equihen-sur-Mer après avoir été violées et tuées par deux frères ferrailleurs. C’était il y a vingt-six ans.
A midi, de nouveau perché en terrasse, bien que le soleil soit de plus en plus souvent caché, je déjeune d’une carbonade flamande frites salade accompagnée d’un quart de vin rouge, le tout pour dix-neuf euros quatre-vingts. C’est mon premier repas en bord de mer depuis que je suis sur la Côte d’Opale. Il n’y en aura pas d’autres.
Pour le café, je m’installe à une table d’extérieur près de la plage, au bar Le Rivage, où il coûte un euro soixante. Je lis un peu puis rentre avec le bus C de treize heures cinquante-sept.
Le dimanche après-midi, le centre de Boulogne est aussi vide que celui de Rouen. Quand j’arrive dans mon quartier, dont nombre de boutiques sont définitivement fermées mais où se concurrencent trois supérettes, Auchan, Spar et Carrefour Express, marchent derrière moi un homme et une femme. Si je ne les vois pas, je les entends.
-T’as vu, Carrefour c’est ouvert, lui dit-elle.
-Oui je sais, Sandrine est venue y voler deux fois ce matin.
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Ce sont mes adieux au Portel, la plage des pauvres, l’anti Wimereux. Les pauvres m’énervent. Les riches m’ennuient. Je préfère être énervé.
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