Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

17 février 2020


Une tempête pour cet anniversaire qui fait encore de moi durant un an un sexagénaire. Je m’en serais bien passé. C’est déjà assez rude de prendre un an quand on en a déjà trop et que cela arrive un dimanche, jour le plus sinistre de la vie rouennaise ; si en plus le vent et la pluie vous obligent à rester chez soi.
Je pourrais en profiter pour me livrer à des tâches domestiques indispensables et que je néglige, mais comme toujours je procrastine, vivant, selon la formule de Valère Novarina dans Vous qui habitez le temps, à l’inactif présent.
Seize temps sont quand il est encore temps, écrit Novarina. Parmi ceux-là, outre celui déjà cité, me concernent particulièrement le pire-que-passé, le jamais possible, le futur achevé, le plus-que-perdu et l’achevatif.
                                                                         *
L’achevatif, c’est ce qui guettait Graeme Allwright ce seize février. Mourir à quatre-vingt-treize ans n’est pas étonnant, mais c’est quand même Dommage (pour reprendre l’un de ses titres).
Celle qui me tenait la main et qui travaille à Paris, à qui j’ai fait découvrir ses chansons, va être triste elle aussi. Comme moi, elle aime particulièrement ses toutes premières adaptations de folk américain, celles d’avant ses succès : Le trimardeur, La femme du mineur, La mouche bleue, Billy Boy, Le clochard américain, La chauve-souris, Henrik ou La petite souris.
Je l’ai vu deux fois en concert lorsque j’étais jeune (Le temps est loin de nos vingt ans), à la Salle des Fêtes de Louviers (ville natale) où il était trop saoul pour chanter et sur le plateau du Larzac en mil neuf cent soixante-treize.
A cette époque un de mes copains de l’Ecole Normale d’Evreux, suite à une plainte de parents, eut de gros ennuis avec la hiérarchie pour avoir, lors d’un stage en classe, appris aux enfants Qu’as-tu appris à l’école ?
 

16 février 2020


Regardant par la fenêtre, ce jeudi à mon lever, pour savoir s’il pleut comme quasiment tous les jours depuis des mois, j’aperçois dans la ruelle un petit sac à main gisant sur le pavé.
L’ayant récupéré, je ne trouve à l’intérieur qu’un bâton pour les lèvres et une carte d’étudiante au nom d’une élève de la Neoma Business School.
Un sac jeté après le partage du butin, voilà comment je vois la chose.
Le nombre de sacs à main, de portefeuilles, de téléphones, dérobés à des étudiants la nuit, et même le jour, semble en accroissement constant dans cette ville si j’en juge par les appels au secours que je lis quotidiennement sur la page Effe Bé « Etudiants de Rouen ». A quoi s’ajoutent les vitres de leurs voitures brisées pour voler ce qu’elles peuvent contenir et leurs vélos emportés bien qu’attachés.
Je photographie sac et carte et poste l’image sur la page citée.
Quand la demoiselle me contacte, elle me dit qu’étant indisponible, c’est son copain qui passera, si ça ne me dérange pas. « Pas de problème, je serai chez moi à partir de dix-sept heures », lui réponds-je, songeant qu’il est possible que cette indisponibilité cache une mesure de prudence.
-Ça y est, il est en bas, m’écrit-elle vers vingt heures, comme si elle en contrôlait le déplacement.
J’ouvre la fenêtre. Effectivement, un jeune homme se trouve devant ma porte. Je descends lui remettre l’objet.
-J’imagine qu’il contenait bien d’autres choses, lui dis-je.
-Pas du tout, il n’y avait que ça, elle l’a juste oublié dans la rue, me répond ce sympathique garçon qui, je le découvre, habite en face de chez moi.
« Merci beaucoup Monsieur, vraiment », conclut sa copine qui fêtera son anniversaire ce lundi, un jour après le mien. Pour elle, ce sera vingt ans.
                                                                   *
Voici donc Benjamin Griveaux, le candidat En Marche pour la Mairie de Paris, jeté dans le précipice par l’action conjuguée d’une femme inconnue, d’un justicier russe et d’un avocat en gilet jaune.
Une question que je me pose : pourquoi ces trois complices n’ont pas attendu que sa liste soit officiellement déposée pour passer à l’acte, de façon à empêcher la possibilité d’un plan Bé ?
Autre question que je me pose : la femme du concerné savait-elle qu’il lui était infidèle ou bien l’a-t-elle appris le jour de la Saint Valentin ?
 

15 février 2020


Pas loin du restaurant chinois de la rue de la Verrerie est la rue Saint-Martin dans laquelle a ouvert le nouveau Book-Off qui s’est doté d’un auvent vert bouteille rompant avec le bleu nuit de ses prédécesseurs. Son autre particularité est d’être largement ouvert sur la rue afin qu'y entre qui n’avait pas prévu de le faire.
J’y trouve des employés détachés des deux autres boutiques et le vieux bouquiniste qui me semble en meilleure forme qu’il y a quelques semaines.
-Tous les marchands de la place de Paris étaient là samedi pour l’ouverture, me dit-il, ils sont repartis avec de pleins sacs.
Je suppose qu’il se compte dans le lot. Nous explorons de conserve les rayons Littérature, Histoire et Sciences Humaines. Un livre de Margarete Buber-Neumann l’amène à me parler du procès Kravchenko durant lequel Aragon et Pierre Daix se sont montrés valets zélés du stalinisme. « On ne savait pas. » « On était jeunes. » Des excuses qui ont servi à beaucoup d’autres. « Mon père était sénateur communiste », me dit-il. « Oui, vous m’avez raconté ça un jour. »
Ce troisième BéO, où l’on écoute Fip, a une clientèle de néophytes qui apprend qu’il en existe deux autres. Je crains de les y trouver prochainement. Pour l’instant, cet endroit en devenir manque de chaleur, dans tous les sens du terme. J’y trouve à un euro deux livres qui pourraient provenir du sous-sol de feu Le Gai Rossignol : Textes de critique d’art de Jules Laforgue (Presses Universitaires de Lille) et Les derniers mois de Charles Baudelaire et la publication posthume de ses œuvres, correspondances et documents présentés par Jean Richer et Marcel A. Ruff (Editions Nizet).
Le bus Vingt et Un m’emmène au Book-Off de Quatre-Septembre dans lequel j’alourdis un peu mon sac, notamment avec Lettres à sa femme 1914-1917 d’Henri Barbusse (Buchet Chastel), payé trois euros.
Pour rentrer à Rouen je bénéficie d’un train Corail qui au moment de partir à l’heure reste à quai. Après un certain temps, le chef de bord nous apprend qu’aucun train ne peut quitter Sant-Lazare en raison d’une panne informatique en gare de Mantes-la-Ville. « Plus rien ne fonctionne dans cette gare. » Il ne sait pas quand nous pourrons partir. Ce sera avec vingt-cinq minutes de retard.
Arrivé dans ma ruelle, j’aperçois deux paires de pieds devant ma porte. Ils appartiennent à des jeunes filles assises sur le seuil. Elles n’attendent personne, me disent-elles, elles avaient juste envie de s’asseoir.
-Vous pourrez vous rasseoir quand je serai entré, cela ne me dérange pas.
Ce qu’elles font. Je les entends papoter et rire tandis que je grignote du fromage en regardant sur France Cinq les derniers développements de l’affaire Matzneff.
 

14 février 2020


Pire que la bétaillère de la semaine dernière, c’est un train à étage aux sièges colorés qui se présente au lieu d’un train Corail ce mercredi matin à sept heures cinquante-six. Il a une particularité : toutes ses toilettes sont fermées. Le jeune homme assis derrière moi à hauteur de l’une d’elles passe son temps à l’expliquer à qui a envie. Il conseille d’aller voir le contrôleur pour qu’il les débloque. Or celui-ci est introuvable, peut-être inexistant.
Arrivé à Saint-Lazare, je monte dans le Corail garé sur le quai voisin et utilise les siennes puis je rejoins Ledru-Rollin en métro où j’arrive cinq minutes avant l’ouverture du Book-Off de la rue du Faubourg Saint-Antoine. Sur le mur de celui-ci une plaque commémorative en papier a été collée par l’Union des Etudiants Juifs de France. Elle indique qu’à cette adresse vivait Berthe Tiszow, âgée de huit ans quand elle fut victime de la barbarie nazie.
Après m’être tenu à l’écart de nombreux tousseurs (l’air de ce BéO ne serait-il pas coronavicié ?) et avoir dépensé quelques euros, je rejoins Beaubourg à pied.
Un peu avant midi, j’entre chez Templon afin d’y voir On the water’s edge, l’exposition photographique de James Casebere, né en mil neuf cent cinquante-trois dans le Michigan et vivant présentement à New York,  Il y présente d’irréels bâtiments sur pilotis de couleurs vives, comme autant de refuges potentiels face au dérèglement climatique.
Sans la présence d’un duo de femmes du style institutrices en retraite commentant bêtement ce qu’elles voient (« C’est bien ici : c’est gratuit et on a du recul » «  Ah moi j’accroche beaucoup avec celle-là »), ce moment serait agréable.
New New étant fermé pour vacances de nouvel an lunaire, je me rabats sur un autre restaurant chinois à volonté, rue de la Verrerie, dans lequel il faut réchauffer son assiette au micro onde. J’en ignore le nom bien que l’ayant fréquenté plusieurs fois le soir quand j’étais bien accompagné. Cette époque où je n’étais pas seul à la Saint-Valentin commence à me sembler lointaine.
 

13 février 2020


Ce mardi après-midi je suis au Café des Chiens quand arrive un homme qui dit au serveur qu’il attend quelqu’un. Il s’assoit à la table voisine. Une jeune femme se présente à son tour, qui dit au serveur qu’elle attend quelqu’un. « Ce n’est pas ce monsieur ? », lui demande ce dernier.
-Ah non, j’attends un monsieur, se défend le premier entré.
Ce monsieur arrive cinq minutes plus tard, un jeune homme qui ouvre un bar et à qui l’autre va vendre la machine nécessaire à fabriquer les expressos. Puis un autre monsieur rejoint la jeune femme et je n’arrive pas percevoir quel est leur lien.
Le seul qui semble n’attendre personne est moi-même. L’apparence est trompeuse. J’attends la plus rohmerienne des Rouennaises qui, après avoir remis d’une semaine, doit me retrouver ici. Ce pourquoi, j’ai bravé la drache vers quatorze heures trente, emportant comme à l’accoutumée mon ordinateur avec lequel j’organise les notes prises lors de mes nombreuses lectures passées.
Elle ne vient pas.
Vers seize heures trente je rentre à la maison et apprends la mort de Claire Bretécher à l’âge de soixante-dix-neuf ans, victime de la maladie d’Alzheimer. Dix ans de plus que moi qui ai commencé à la lire dans ma préadolescence. J’en ai parlé en racontant ma visite de l’exposition à elle consacrée au Centre Pompidou, il y a trois ans.
Encore dix ans au mieux pour moi, me dis-je, rendu encore plus pessimiste que d’habitude par l’approche de mon anniversaire. Les nouvelles de mort et de maladie d’artistes qui me sont chers se succèdent en ce moment. L’autre semaine c’est Arno, un an de plus que moi, qui annonçait avoir un cancer du pancréas.
                                                             *
Le serveur du Café des Chiens, à propos d’une cliente y ayant déjeuné :
-Elle a même pris en photo son œuf mayo.
                                                             *
Le même à propos d’une autre :
-Elle a laissé la couche du bébé sur la table, jamais vu ça encore.
La patronne :
-Couche caca ou couche pipi ?

 

8 février 2020


Bénéficiant une nouvelle fois d’un billet qui n’est pas à moi, j’entre ce jeudi soir à l’Opéra de Rouen. L’affluence des grands jours y est perceptible dès que l’on grimpe à l’étage. On ne sait où poser son verre et son assiette. Les serveuses derrière le bar ne cessent d’appeler une quiche. Suis-je le seul à penser qu’il pourrait s’agir d’une spectatrice ? Il y a des jours où la bourgeoisie bourgeoisante m’exaspère. Ce jeudi en est un.
A l’ouverture de la salle je prends place à l’orchestre en Bé Un. De ce milieu du deuxième rang on est assuré d’avoir la meilleure vue sur le dos du maestro. Pour les doigts du pianiste, ce sera non.
-T’as pris tes pastilles ? demande une femme derrière moi à son mari qui à peine assis tousse.
A mon côté gauche et devant moi sont des quadragénaires se connaissant. Tou(te)s travaillent dans la téléphonie. L’une raconte à l’un un achat de burgueur qui a mal tourné : « Il est parti en vrille et m’a attrapé par le col. »
Un poème tombé du ciel, lu par la voix de La Factorie (Maison de Poésie de Normandie), relève le niveau. Il s’agit de Tout entière de Charles Baudelaire tout en correspondances.
Comme la calvitie de ce musicien s’est étendue depuis que je ne l’ai vu. Comme tel autre, en laissant pousser ses cheveux ondulés, s’est fait une belle tête de musicien. Tiens celui-ci a pris du galon, le voici assis à la gauche de la cheffe d’attaque des premiers violons, lui qui était toujours au dernier rang et dont j’ai appris qu’en second métier il est vigneron. Telles sont les pensées qui occupent mon cerveau lorsque s’installe l’Orchestre, chaque instrumentiste de deuxième ou troisième rang disposant désormais d’une estrade individuelle le rehaussant.
Bientôt arrive le jeune chef à la barbe florissante : Pierre Dumoussaud.
C’est d’abord la Sinfonietta de Serge Prokofiev puis le piano est roulé à l’avant-scène afin que soit donné le Concerto numéro deux pour piano et orchestre en fa majeur que Dimitri Chostakovitch composa pour l’examen de son fils Maxime.
Toujours aussi fluet et légèrement grisonnant au sommet de son crâne s’y assoit Alexandre Tharaud. Pour reprendre les mots d’un de ma connaissance, il nous enchante de son jeu « véloce, sensible, puissant et espiègle » et obtient de gros applaudissements. En bonus et, nous dit-il, « en miroir avec Chostakovitch, ce qui peut paraître paradoxal, mais pas à moi », il nous offre une sonate de Dominico Scarlatti.
A l’entracte, coincé comme je suis au milieu de la rangée, je mets bien du temps à m’extraire de la salle. Si j’en restais là, me dis-je, fatigué de côtoyer ces quidams qui à peine la musique terminée se ruent sur la messagerie de leur téléphone. Cela me permettrait de rester sur un excellent moment.
Néanmoins je persiste et je n’ai pas tort. La Symphonie numéro quatre en si bémol majeur de Ludwig van Beethoven dirigée par le chef bondissant me plaît fort.
                                                                   *
Comme l’ignoraient mes voisin(e)s, ce jeudi était l’une des « Journées mondiales sans téléphone portable ».
                                                                   *
Tous les téléphones sont portables, même les fixes. Ce pourquoi je n’emploie jamais ce mot pour parler d’un téléphone mobile ou portatif.
 

7 février 2020


Tiens le piano de gare est de retour, me dis-je ce mercredi en le découvrant face à l’annexe de la boulangerie Yvonne. Le Playboy Communiste y est installé. Il joue une musique que je qualifierai de contemporaine.
A sept heures cinquante-six, point de train Corail mais une bonne vieille bétaillère dans laquelle je lis L’Univers concentrationnaire de David Rousset. J’ai près de moi un sac de livres à vendre chez Book-Off.
A l’arrivée, il me faut prendre garde aux poubelles débordantes mais j’ai tous les feux verts piéton jusqu’au Bistrot d’Edmond où j’ai dix minutes pour prendre un café au comptoir. Il m’est servi par celle avec qui j’ai eu une discussion musclée pendant la grève du métro, un sujet de conversation qui ni elle ni moi ne remettons sur le zinc.
Cette fois mon sac de livres me rapporte neuf euros soixante. Au rayon Littérature des livres à un euro, je mets la main sur Le Sâr Peladan de Christophe Beaufils (Aux Amateurs de Livres) et sur la Correspondance de Georges Rouault et André Suarès (Gallimard).
Ayant rejoint le Onzième d’un coup de métro Huit, je constate qu’ici aussi les ordures s’amoncellent, conséquence de la grève des ouvriers des usines d’incinération. Après le marché d’Aligre et Emmaüs, j’entre à midi au Camélia face au square Trousseau. Sa formule à treize euros quatre-vingt-dix propose une saucisse de Toulouse haricots blancs fondants suivie d’un tiramisu aux boudoirs. Je les accompagne d’un quart de côtes-du-rhône à six euros. Près de moi mangent cinq ouvriers qui ont peu à se dire.
Peut-être parce que je n’ai rien eu à y noter, j’oublie mon carnet Muji en partant. Avant que je m’en sois rendu compte, la charmante serveuse me court après.
Peu après, j’explore les rayonnages du deuxième Book-Off puis décide de rejoindre à pied la Petite Rockette en haut de la rue du Chemin Vert. Au bout de la rue de la Roquette se tient un mini marché avec un poissonnier qui attire mon attention par sa raison sociale : « La P’tite Dieppoise, pêche artisanale ». Sur sa bâche est dessiné un bateau nommé Celtit et est inscrit le nom du propriétaire François Métaut.
Pour un euro cinquante, j’acquiers trois opuscules à la Petite Rockette. De la station Père-Lachaise je rejoins Saint-Lazare par le Trois et attends le train du retour à La Ville d’Argentan en poursuivant ma lecture du livre de David Rousset.
A la table voisine un trio de Rotariens composé de deux hommes et d’une femme quinquagénaires cherchent comment donner un peu de vie à leur association bourgeoise. Il est question de liant et de lien.
                                                              *
A Saint-Lazare, pires que les barrières à Morin, les barrières à Pécresse. Il faut y présenter son billet pour sortir de l’enclos qu’elles déterminent et dans lequel arrivent certains trains normands. Plutôt que de chercher le mien, je passe avec qui me précède, tel un fraudeur, m’attendant à ce qu’un agent de la Sûreté Ferroviaire me saute dessus.
                                                             *
Avenue Parmentier une vieille Antillaise me hèle : « Monsieur, monsieur, est-ce que vous pouvez m’aider à pousser la porte, elle est lourde. »
Il me faut appuyer sérieusement pour décoincer cette porte cochère.
-C’est la porte des Enfers, me dit cette charmante dame en s’excusant de m’avoir dérangé.
                                                             *
La grande nouvelle de ce début d’année (pour moi du moins) : l’ouverture samedi prochain d’un troisième Book-Off rue Saint-Martin à la place du Gai Rossignol que j’avais trouvé fermé il y a quelques semaines et qui a fait faillite. Auparavant c’était l’un des Mona Lisait. Il avait été repris par des employé(e)s dont j’imagine le détresse.
Seul le rez-de-chaussée sera occupé. « Le sous-sol est en trop mauvais état, il n’a pas été entretenu », m’explique un employé de la boutique de Quatre Septembre.
Chez BéO, maison japonaise, on aime l’ordre et la propreté.
 

3 février 2020


Je suis bien en peine de raconter quoi que ce soit sur ce qui se passe à Rouen en ce début deux mille vingt. La ville est plus endormie que jamais. Tout ce que je peux dire c’est qu’il y pleut presque tous les jours. De quoi parle-t-on dans les cafés ? De foute et du temps qu’il fait. Jamais un mot sur la prochaine élection municipale. Elle semble n’intéresser que les candidats des différentes listes et leur entourage. Ceux-ci organisent de petites réunions ici ou là. Sans doute sont-ils aussi sur le marché le dimanche matin, mais comme ils se lèvent tard et que je me lève tôt, je n’ai pas l’occasion de le vérifier.
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Ce dimanche est cependant un jour particulier, l’une des très rares dates palindromes, le 02-02-2020, jour 33 d’une année qui en compte encore 333.
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La bonne nouvelle du jour : le barbu buté chef des Gilets Jaunes dont Jean-Luc Mélenchon s’était enamouré vient de s’acheter une Jaguar.
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Une presque quadragénaire qui ne voit pas le temps passer : « Nous les jeunes, on tient pas les comptes. »
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Dire, comme je l’entends ce dimanche place du Vieux, « Je vais y aller en deux roues. » vous range également dans une certaine catégorie d’âge.
 

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