Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
6 mars 2020
Ce mercredi à Paris je commence par explorer le Book-Off du Faubourgs Saint-Antoine et y trouve à mettre dans mon panier quelques livres à un euro, dont La défeuillée d’Henri Thomas (Le temps qu’il fait) et Journal de guerre de Hans Carossa (Cahiers Rouges Grasset) puis je passe chez Emmaüs voir s’il n’y aurait pas trois livres de poche pour un euro qui m’y attendraient.
Je vise ensuite la place de la Bastille, en fais le tour par le côté où les travaux sont terminés et emprunte la rue Saint-Antoine afin de réserver une table au café L’Arsenal pour fêter mon anniversaire, quelques semaines en retard, avec celle qui travaille dans le quartier.
En attendant ce moment, j’entre au Rivolux pour la première fois depuis que l’intérieur en a été refait. « Changement de gérance », m’apprend un barbu à bonnet quand je m’étonne de n’y plus trouver Libération. Le café de comptoir y est passé d’un euro à un euro vingt.
A midi et quart, je prends place à une table d’où l’on a bonne vue sur l’extérieur et observe les adeptes de la trottinette et de la bicyclette mettre leur vie en jeu au carrefour. Aucun accident n’est encore à déplorer (comme on dit) quand arrive un peu avant une heure moins le quart celle que j’attends. Faisant fi de la prudence, nous nous embrassons. Après qu’elle m’a raconté la dernière tuile qui lui est tombée dessus, nous commandons conjointement une saucisse aligot accompagnée d’un vin du pays.
Le rustique patron nous offre une démonstration de versement d’aligot qui fait songer à la façon dont on sert le thé à la menthe dans les cafés arabes. Son accent du milieu de la France nous rappelle des vacances devenues lointaines.
Cette cuisine est fort bonne. Nous la dégustons en parlant des sujets du moment. En dessert, c’est un flan pour elle et une part de tarte Bourdaloue pour moi.
Quand arrive l’heure où elle doit retourner au labeur, je descends dans le métro et avec son aide rejoins le Book-Off de Quatre-Septembre dans lequel je trouve le vieux bouquiniste.
-On ne se serre pas la main, me dit-il.
Le Corail qui me ramène à Rouen est peu peuplé, ce qui réduit le risque de contagion. Il longe une Seine limoneuse dans laquelle baignent les arbres des deux rives.
Sur les vingt-neuf jours de février, vingt-trois furent des jours de pluie. Mars est parti pour faire mieux.
*
Publicité pour Céline rue Saint-Antoine : jeune femme au torse nu qui cache ses seins avec ses bras, vingt et unième siècle oblige.
*
Rentré à la maison, je m’intéresse à l’actualité de Penelope Fillon, cette femme sous emprise depuis des décennies. Chacune des réponses faites par elle lors du procès de son mari est une preuve supplémentaire de son asservissement.
Comment se fait-il que les Néo Féministes ne se penchent pas sur sa situation et ne la dénoncent pas publiquement ?
*
Le nombre de cafés, tant à Paris qu’à Rouen, d’où j’ai vu disparaître Libération.
Je vise ensuite la place de la Bastille, en fais le tour par le côté où les travaux sont terminés et emprunte la rue Saint-Antoine afin de réserver une table au café L’Arsenal pour fêter mon anniversaire, quelques semaines en retard, avec celle qui travaille dans le quartier.
En attendant ce moment, j’entre au Rivolux pour la première fois depuis que l’intérieur en a été refait. « Changement de gérance », m’apprend un barbu à bonnet quand je m’étonne de n’y plus trouver Libération. Le café de comptoir y est passé d’un euro à un euro vingt.
A midi et quart, je prends place à une table d’où l’on a bonne vue sur l’extérieur et observe les adeptes de la trottinette et de la bicyclette mettre leur vie en jeu au carrefour. Aucun accident n’est encore à déplorer (comme on dit) quand arrive un peu avant une heure moins le quart celle que j’attends. Faisant fi de la prudence, nous nous embrassons. Après qu’elle m’a raconté la dernière tuile qui lui est tombée dessus, nous commandons conjointement une saucisse aligot accompagnée d’un vin du pays.
Le rustique patron nous offre une démonstration de versement d’aligot qui fait songer à la façon dont on sert le thé à la menthe dans les cafés arabes. Son accent du milieu de la France nous rappelle des vacances devenues lointaines.
Cette cuisine est fort bonne. Nous la dégustons en parlant des sujets du moment. En dessert, c’est un flan pour elle et une part de tarte Bourdaloue pour moi.
Quand arrive l’heure où elle doit retourner au labeur, je descends dans le métro et avec son aide rejoins le Book-Off de Quatre-Septembre dans lequel je trouve le vieux bouquiniste.
-On ne se serre pas la main, me dit-il.
Le Corail qui me ramène à Rouen est peu peuplé, ce qui réduit le risque de contagion. Il longe une Seine limoneuse dans laquelle baignent les arbres des deux rives.
Sur les vingt-neuf jours de février, vingt-trois furent des jours de pluie. Mars est parti pour faire mieux.
*
Publicité pour Céline rue Saint-Antoine : jeune femme au torse nu qui cache ses seins avec ses bras, vingt et unième siècle oblige.
*
Rentré à la maison, je m’intéresse à l’actualité de Penelope Fillon, cette femme sous emprise depuis des décennies. Chacune des réponses faites par elle lors du procès de son mari est une preuve supplémentaire de son asservissement.
Comment se fait-il que les Néo Féministes ne se penchent pas sur sa situation et ne la dénoncent pas publiquement ?
*
Le nombre de cafés, tant à Paris qu’à Rouen, d’où j’ai vu disparaître Libération.
5 mars 2020
Passant l’autre matin rue Richard-Lallemant, je vois sortir un homme à l’allure de lutin de la bouquinerie en gestation dans l’ancienne boutique de bicyclettes électriques située face à la porte discrète par où passent les clients honteux du sex-shop de la rue de la République.
Je le salue et lui demande quand cela va ouvrir. Il me désabuse, m’expliquant que ce n’est qu’un endroit où il rassemble ses livres, il a un travail ailleurs.
A considérer sa barbe et ses cheveux blancs, je l’aurais parié retraité. Me dit-il la vérité ? Tous les bouquinistes sont des caractériels, m’a déclaré un jour l’un d’eux. Ce que j’ai pu vérifier. Celui-ci (vrai ou faux), je ne l’ai jamais vu parmi les acheteurs de livres des marchés et vide greniers de la ville, et il est plutôt sympathique.
Comme je passe devant cette étrange boutique presque tous les jours pour aller faire mes courses chez U Express, je vais surveiller ça. Richard-Gontran Conteray dit Lallemant, fut imprimeur libraire à Rouen, une bouquinerie dans sa rue serait à sa place.
*
Agents immobiliers au Café des Chiens : ça cause de négo qui a abouti, de mandat signé, et de Tartempion qu’on avait mis dans la boucle.
*
Un jeune type qui vient de s’engager dans l’Armée, à sa copine : « Tu serais pas fière si j’allais en Irak ? »
Elle : « Non. »
*
Deux femmes sexagénaires :
-Quatre-vingt-dix-huit ans, toute seule dans son appartement. Depuis trente ans. Comment qu’a peut faire ?
-C’est peut-être ça qui la sauve.
*
Une cuisinière approximative : « Non, mais le veau, même si je le rate, ça peut pas être mauvais. »
*
« Moi j’ai toujours dit avant mes trente ans je veux être maman. » Sa mère perd la mémoire, elle a la maladie d’Elseneur.
*
« Allo, Michel, je t’appelle parce qu’il faut que tu penses à souhaiter un bon anniversaire à Bernadette demain. » (Il ne s’agit pas de moi, mais d’un amateur de jazz bien connu à Rouen)
*
Déjà qu’il fallait supporter « Au jour d’aujourd’hui », voici maintenant « A l’heure où on se parle ».
*
« On sera pas sans se revoir. »
(Hélas)
Je le salue et lui demande quand cela va ouvrir. Il me désabuse, m’expliquant que ce n’est qu’un endroit où il rassemble ses livres, il a un travail ailleurs.
A considérer sa barbe et ses cheveux blancs, je l’aurais parié retraité. Me dit-il la vérité ? Tous les bouquinistes sont des caractériels, m’a déclaré un jour l’un d’eux. Ce que j’ai pu vérifier. Celui-ci (vrai ou faux), je ne l’ai jamais vu parmi les acheteurs de livres des marchés et vide greniers de la ville, et il est plutôt sympathique.
Comme je passe devant cette étrange boutique presque tous les jours pour aller faire mes courses chez U Express, je vais surveiller ça. Richard-Gontran Conteray dit Lallemant, fut imprimeur libraire à Rouen, une bouquinerie dans sa rue serait à sa place.
*
Agents immobiliers au Café des Chiens : ça cause de négo qui a abouti, de mandat signé, et de Tartempion qu’on avait mis dans la boucle.
*
Un jeune type qui vient de s’engager dans l’Armée, à sa copine : « Tu serais pas fière si j’allais en Irak ? »
Elle : « Non. »
*
Deux femmes sexagénaires :
-Quatre-vingt-dix-huit ans, toute seule dans son appartement. Depuis trente ans. Comment qu’a peut faire ?
-C’est peut-être ça qui la sauve.
*
Une cuisinière approximative : « Non, mais le veau, même si je le rate, ça peut pas être mauvais. »
*
« Moi j’ai toujours dit avant mes trente ans je veux être maman. » Sa mère perd la mémoire, elle a la maladie d’Elseneur.
*
« Allo, Michel, je t’appelle parce qu’il faut que tu penses à souhaiter un bon anniversaire à Bernadette demain. » (Il ne s’agit pas de moi, mais d’un amateur de jazz bien connu à Rouen)
*
Déjà qu’il fallait supporter « Au jour d’aujourd’hui », voici maintenant « A l’heure où on se parle ».
*
« On sera pas sans se revoir. »
(Hélas)
3 mars 2020
C’est sous le parapluie que je me rends chez mon dentiste ce lundi matin pour la visite bisannuelle. Je suis son premier rendez-vous. « Je ne vous serre pas la main, mais le cœur y est », me dit-il à l’arrivée. « Avec mes assistantes, on se salue avec les pieds », ajoute-t-il en me faisant une petite démonstration.
Lui porte un masque chirurgical et celle qui m’enfonce le tuyau aspire salive dans la bouche a un masque de catégorie supérieure. Un détartrage est au programme. Ce n’est pas une bonne affaire pour le patricien. Heureusement, il me trouve une carie débutante qui augmente l’addition.
Il ne pleut plus, momentanément, lorsque j’en sors un peu sonné.
*
Après plusieurs écoles de l’Oise et de Haute-Savoie, voici celles de Crac’h, Carnac et Auray, dans le Morbihan, fermées sans préavis sur ordre de la Préfecture par crainte de la contagion.
Quand je pense qu’à la moindre grève, les enseignants ont droit à des remontrances de parents d’élèves « Vous nous prenez en otages, etc. » et aux hauts cris des politiciens de Droite réclamant un service minimum, et là, où il y a fermeture immédiate pour quatorze jours, ni cours, ni garderie, nul ne bronche.
Je suppose que certains de ces enfants seront gardés par leurs grands-parents, personnes particulièrement vulnérables.
*
« Heureusement y avait Fanny », chantait, il y a longtemps, Hugues Aufray, m’est-il revenu en cette fin de février lorsque j’ai entendu les échos de la cérémonie des César.
Entre être accompagné jusqu’à la guillotine par Fanny Ardant et faire trois mètres avec la vertueuse comédienne (venue là dans l’espoir, déçu, d’avoir un de ces César) qui surjoue sa sortie indignée (« C’est la honte ! ») quand on en donne un à Polanski, je n’hésite pas un quart de seconde.
*
Puisque le penser correct du vingt-et-unième siècle exige que l’on ne distingue plus chez un créateur entre l’homme et l’artiste, je présume que le César remis à Ladj Ly pour son film Les Misérables récompense aussi sa peine de trois ans d’emprisonnement (dont un avec sursis) pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d’une libération avant le septième jour ».
*
La morale mène à l’abstraction et à l’injustice. Elle est mère de fanatisme et d’aveuglement. Qui est vertueux doit couper des têtes. (François Mauriac, Carnets)
Lui porte un masque chirurgical et celle qui m’enfonce le tuyau aspire salive dans la bouche a un masque de catégorie supérieure. Un détartrage est au programme. Ce n’est pas une bonne affaire pour le patricien. Heureusement, il me trouve une carie débutante qui augmente l’addition.
Il ne pleut plus, momentanément, lorsque j’en sors un peu sonné.
*
Après plusieurs écoles de l’Oise et de Haute-Savoie, voici celles de Crac’h, Carnac et Auray, dans le Morbihan, fermées sans préavis sur ordre de la Préfecture par crainte de la contagion.
Quand je pense qu’à la moindre grève, les enseignants ont droit à des remontrances de parents d’élèves « Vous nous prenez en otages, etc. » et aux hauts cris des politiciens de Droite réclamant un service minimum, et là, où il y a fermeture immédiate pour quatorze jours, ni cours, ni garderie, nul ne bronche.
Je suppose que certains de ces enfants seront gardés par leurs grands-parents, personnes particulièrement vulnérables.
*
« Heureusement y avait Fanny », chantait, il y a longtemps, Hugues Aufray, m’est-il revenu en cette fin de février lorsque j’ai entendu les échos de la cérémonie des César.
Entre être accompagné jusqu’à la guillotine par Fanny Ardant et faire trois mètres avec la vertueuse comédienne (venue là dans l’espoir, déçu, d’avoir un de ces César) qui surjoue sa sortie indignée (« C’est la honte ! ») quand on en donne un à Polanski, je n’hésite pas un quart de seconde.
*
Puisque le penser correct du vingt-et-unième siècle exige que l’on ne distingue plus chez un créateur entre l’homme et l’artiste, je présume que le César remis à Ladj Ly pour son film Les Misérables récompense aussi sa peine de trois ans d’emprisonnement (dont un avec sursis) pour « arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d’une libération avant le septième jour ».
*
La morale mène à l’abstraction et à l’injustice. Elle est mère de fanatisme et d’aveuglement. Qui est vertueux doit couper des têtes. (François Mauriac, Carnets)
28 février 2020
Grésil dans la nuit, tonnerre au matin, mais accalmie au moment où je rejoins la gare de Rouen ce mercredi ; Manix y fait la publicité de ses préservatifs « sensations incroyables » et « douceur extrême ».
Tandis que le train à étage et à sièges colorés m’emmène à Paris une éclaircie inespérée montre un peu de ciel bleu. Cela ne dure pas. Cette journée sera souterraine. D’abord avec les métros Trois et Huit qui m’emmènent au Café du Faubourg où la barmaid fait preuve avec les habitués d’une amabilité commerçante, c'est-à-dire exagérée.
Chez Book-Off, où l’on cherche du personnel, je ne trouve guère. Ce n’est pas au marché d’Aligre que je peux me rattraper. Rarement, je l’ai vu autant déserté par les marchands qu’aujourd’hui ; la météo annoncée était encore pire que celle subie.
Le repas de post anniversaire envisagé avec celle qui travaille vers la Bastille ayant été ajourné pour cause de rendez-vous professionnel, j’opte pour le Péhemmu chinois où je côtoie une famille italienne tandis que la pluie se met à tomber.
Les métros Huit et Un m’emmènent ensuite à Hôtel de Ville. Le nouveau Book-Off n’est pas loin mais je suis quand même trempé en y arrivant. Très vite, je me demande ce que je suis venu y faire. Cette boutique n’est pas à la hauteur. Les livres ne sont pas renouvelés. J’y reste néanmoins jusqu’à ce que cesse l’averse puis rejoins Châtelet.
Les métros Quatre et Trois m’emmènent à Quatre-Septembre pour un dernier tour de Book-Off. Il n’est pas davantage fructueux. Redescendant dans le métro, je croise, montant à grandes enjambées, le Directeur d’une institution culturelle rouennaise qui ne me remarque pas. Je ne donne pas son nom. Qui sait s’il est autorisé à être ici en plein après-midi un mercredi.
Le Corail prévu pour le retour à dix-sept heures trente-neuf est remplacé par la bétaillère, mais celle-ci va comme si rien ne pouvait l’arrêter. Je sors de la gare au moment où y entre une femme blonde aux cheveux tressés. Nos regards se croisent.
J’aurais peut-être dû lui dire bonjour, je dois la connaître, me dis-je en descendant la rue de la Jeanne. Je l’ai déjà vue mais où ? Je cherche un moment, faisant mentalement le tour des lieux que je fréquente à Rouen, puis renonce.
Ce jeudi matin tout s’éclaire quand j’apprends que Delphine Batho, ancienne Ministre de l’Ecologie de François Hollande, est venue soutenir Jean-Michel Bérégovoy, le candidat écolo des prochaines Municipales rouennaises.
*
Dans le train de l’aller :
-Mince ! rosit une jeune fille allant passer la journée à la capitale avec sa mère quand elle appuie sur le bouton vert qui ouvre la porte des toilettes.
-Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquiert la génitrice.
-Y a un monsieur à l’intérieur.
-Bah, il a pas bloqué la porte.
L’exhibitionniste malgré lui s’excuse à la sortie.
*
Quand même, à un euro chez Book-Off : Sonnets luxurieux de L’Arétin (Rivages poche).
Tandis que le train à étage et à sièges colorés m’emmène à Paris une éclaircie inespérée montre un peu de ciel bleu. Cela ne dure pas. Cette journée sera souterraine. D’abord avec les métros Trois et Huit qui m’emmènent au Café du Faubourg où la barmaid fait preuve avec les habitués d’une amabilité commerçante, c'est-à-dire exagérée.
Chez Book-Off, où l’on cherche du personnel, je ne trouve guère. Ce n’est pas au marché d’Aligre que je peux me rattraper. Rarement, je l’ai vu autant déserté par les marchands qu’aujourd’hui ; la météo annoncée était encore pire que celle subie.
Le repas de post anniversaire envisagé avec celle qui travaille vers la Bastille ayant été ajourné pour cause de rendez-vous professionnel, j’opte pour le Péhemmu chinois où je côtoie une famille italienne tandis que la pluie se met à tomber.
Les métros Huit et Un m’emmènent ensuite à Hôtel de Ville. Le nouveau Book-Off n’est pas loin mais je suis quand même trempé en y arrivant. Très vite, je me demande ce que je suis venu y faire. Cette boutique n’est pas à la hauteur. Les livres ne sont pas renouvelés. J’y reste néanmoins jusqu’à ce que cesse l’averse puis rejoins Châtelet.
Les métros Quatre et Trois m’emmènent à Quatre-Septembre pour un dernier tour de Book-Off. Il n’est pas davantage fructueux. Redescendant dans le métro, je croise, montant à grandes enjambées, le Directeur d’une institution culturelle rouennaise qui ne me remarque pas. Je ne donne pas son nom. Qui sait s’il est autorisé à être ici en plein après-midi un mercredi.
Le Corail prévu pour le retour à dix-sept heures trente-neuf est remplacé par la bétaillère, mais celle-ci va comme si rien ne pouvait l’arrêter. Je sors de la gare au moment où y entre une femme blonde aux cheveux tressés. Nos regards se croisent.
J’aurais peut-être dû lui dire bonjour, je dois la connaître, me dis-je en descendant la rue de la Jeanne. Je l’ai déjà vue mais où ? Je cherche un moment, faisant mentalement le tour des lieux que je fréquente à Rouen, puis renonce.
Ce jeudi matin tout s’éclaire quand j’apprends que Delphine Batho, ancienne Ministre de l’Ecologie de François Hollande, est venue soutenir Jean-Michel Bérégovoy, le candidat écolo des prochaines Municipales rouennaises.
*
Dans le train de l’aller :
-Mince ! rosit une jeune fille allant passer la journée à la capitale avec sa mère quand elle appuie sur le bouton vert qui ouvre la porte des toilettes.
-Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquiert la génitrice.
-Y a un monsieur à l’intérieur.
-Bah, il a pas bloqué la porte.
L’exhibitionniste malgré lui s’excuse à la sortie.
*
Quand même, à un euro chez Book-Off : Sonnets luxurieux de L’Arétin (Rivages poche).
27 février 2020
Le temps prévu n’est pas glorieux mais j’ai vraiment envie de bouger, même si ce n’est que pour aller à Dieppe. A neuf heures quinze, je suis dans le train qui y mène, peu fréquenté ce lundi. Le contrôleur a quand même de quoi s’occuper avec l’affranchi de service.
-J’ai pas les moyens et il me faut absolument aller à Dieppe, se justifie-t-il quand lui est reproché une absence de billet.
Il a une carte d’identité dont il prétend l’adresse valable. Une amende lui est offerte, à régler dans les deux mois. Advienne que pourra.
Que la campagne est boueuse. Vivre avec des bottes aux pieds, cela ne m’arrivera plus, grâce au ciel (si je puis dire).
Au Tout Va Bien, commençant la lecture de l’année mil neuf cent trente-cinq du Journal particulier de Paul Léautaud (Mercure de France), je côtoie un trio masculin qui travaille dans les assurances. L’un briffe les deux autres qui débutent. On se croirait dans un jeu de rôle.
Quelle surprise à midi de découvrir à L’Espérance la jolie patronne copieusement enceinte. Le rognon de bœuf frites maison ne m’en console pas.
Malgré le vent, je vais voir la mer, longeant la plage où quelques jeunes couples sont assis contemplant les vagues d’un air vague.
Bifurquant à gauche, je me refugie au Brazza, tenu par père et fille, et y poursuis ma lecture, un peu lassé des incessantes scènes de jalousie de Léautaud envers Marie Dormoy, son amante, qui le fut et l’est peut-être encore d’Augustin Perret.
Pas davantage de monde dans le train de retour, j’y suis contrôlé par une jolie blonde qui faisait partie du trio de mon train Paris Rouen mercredi dernier. Un des passagers la connaissant l’avait interpellée pour lui rappeler qu’un jour elle avait fait un Nice Paris sans billet.
-Il y a prescription, lui avait-elle répondu.
-C’était en deux mille quinze quand même, lui avait-il rétorqué, cependant qu’elle s’éloignait en riant.
*
Avoir des espérances. Synonyme : être enceinte. Le nom du restaurant prend soudain toute son ampleur.
*
L’affichette de rue des Informations dieppoises ce lundi : « Les gendarmes se font passer pour une ado et piègent un Dieppois ».
*
Le propos qu’on entend partout dans la ville: « Faudrait pas que ça vienne par ici ». (Pas la peine de préciser de quoi il s'agit).
*
Rouen, mardi matin, rue Camille-Saint-Saëns, une femme au téléphone : « Bon, bah, toi t’as bien sauté ta cousine, alors tu la ramènes pas. »
*
Quel est donc ce nouveau bouquiniste qui s’installe au bout de la rue Richard-Lallemant, là où se trouvait un marchand de bicyclettes électriques dont la boutique fut attaquée un samedi par des Gilets Jaunes. Derrière les rideaux métalliques, une quantité de livres, dont des bons, dans le plus complet désordre.
-J’ai pas les moyens et il me faut absolument aller à Dieppe, se justifie-t-il quand lui est reproché une absence de billet.
Il a une carte d’identité dont il prétend l’adresse valable. Une amende lui est offerte, à régler dans les deux mois. Advienne que pourra.
Que la campagne est boueuse. Vivre avec des bottes aux pieds, cela ne m’arrivera plus, grâce au ciel (si je puis dire).
Au Tout Va Bien, commençant la lecture de l’année mil neuf cent trente-cinq du Journal particulier de Paul Léautaud (Mercure de France), je côtoie un trio masculin qui travaille dans les assurances. L’un briffe les deux autres qui débutent. On se croirait dans un jeu de rôle.
Quelle surprise à midi de découvrir à L’Espérance la jolie patronne copieusement enceinte. Le rognon de bœuf frites maison ne m’en console pas.
Malgré le vent, je vais voir la mer, longeant la plage où quelques jeunes couples sont assis contemplant les vagues d’un air vague.
Bifurquant à gauche, je me refugie au Brazza, tenu par père et fille, et y poursuis ma lecture, un peu lassé des incessantes scènes de jalousie de Léautaud envers Marie Dormoy, son amante, qui le fut et l’est peut-être encore d’Augustin Perret.
Pas davantage de monde dans le train de retour, j’y suis contrôlé par une jolie blonde qui faisait partie du trio de mon train Paris Rouen mercredi dernier. Un des passagers la connaissant l’avait interpellée pour lui rappeler qu’un jour elle avait fait un Nice Paris sans billet.
-Il y a prescription, lui avait-elle répondu.
-C’était en deux mille quinze quand même, lui avait-il rétorqué, cependant qu’elle s’éloignait en riant.
*
Avoir des espérances. Synonyme : être enceinte. Le nom du restaurant prend soudain toute son ampleur.
*
L’affichette de rue des Informations dieppoises ce lundi : « Les gendarmes se font passer pour une ado et piègent un Dieppois ».
*
Le propos qu’on entend partout dans la ville: « Faudrait pas que ça vienne par ici ». (Pas la peine de préciser de quoi il s'agit).
*
Rouen, mardi matin, rue Camille-Saint-Saëns, une femme au téléphone : « Bon, bah, toi t’as bien sauté ta cousine, alors tu la ramènes pas. »
*
Quel est donc ce nouveau bouquiniste qui s’installe au bout de la rue Richard-Lallemant, là où se trouvait un marchand de bicyclettes électriques dont la boutique fut attaquée un samedi par des Gilets Jaunes. Derrière les rideaux métalliques, une quantité de livres, dont des bons, dans le plus complet désordre.
25 février 2020
Encore un dimanche sous la pluie, j’espère que les pratiquants ont suivi le conseil d’Oncle Sacha (Guitry) : Ne faites jamais l'amour le samedi soir, car s'il pleut le dimanche, vous ne saurez plus quoi faire.
Pour ma part, faute de partenaire, j’en suis réduit à aller boire un café en ville. Les rues ont leur aspect désert qui désole. Comme si la ville de Rouen était déjà confinée en raison de l’expansion du coronavirus, ainsi que le sont depuis hier des villes italiennes situées entre Milan et Venise. Que l’on impose ce genre de mesure en Chine n’a rien d’étonnant, mais qu’un pays, dit démocratique, empêche si rapidement la circulation de sa population sous peine d’amende et de prison, je ne m’y attendais pas.
Où en sera-t-on dans un mois, à la date que j’ai choisie pour une escapade dans le Sud, pas très loin de la frontière, billet et location déjà payés. Cette région sera-t-elle interdite ? Pire, serons-nous tous assignés à résidence ?
*
Mort cette semaine d’« une longue maladie » du seul Ministre que je sois allé entendre discourir, Michel Charasse, cigare et bretelles. C’était pour l’inauguration de l’école Coluche à Val-de-Reuil, quelque temps après la mort du motard.
La veuve, invitée, n’était pas venue mais l’imprésario, Paul Lederman, était là, entouré par la municipalité socialiste et des habitants du quartier accompagnés des futurs élèves. Face à la statue du porteur de salopette, le Ministre d’identique corpulence fit son chaud.
Je me souviens d’une seule de ses phrases : « Dites des gros mots, les enfants,»
Ils en connaissaient de nombreux, comme je pus le constater quelques années plus tard, quand je fis l’instituteur en maternelle dans cette école où je suggérerai, sans succès, à mes trois collègues, d’inscrire sur le fronton cette citation de l’illustre comique : « Ils ont eu des enfants parce qu’ils ne pouvaient pas avoir de chien ».
*
Une cliente du Café de la Ville, à propos de son trois ans : « Ça va, il est chiant, mais il est drôle ».
Pour ma part, faute de partenaire, j’en suis réduit à aller boire un café en ville. Les rues ont leur aspect désert qui désole. Comme si la ville de Rouen était déjà confinée en raison de l’expansion du coronavirus, ainsi que le sont depuis hier des villes italiennes situées entre Milan et Venise. Que l’on impose ce genre de mesure en Chine n’a rien d’étonnant, mais qu’un pays, dit démocratique, empêche si rapidement la circulation de sa population sous peine d’amende et de prison, je ne m’y attendais pas.
Où en sera-t-on dans un mois, à la date que j’ai choisie pour une escapade dans le Sud, pas très loin de la frontière, billet et location déjà payés. Cette région sera-t-elle interdite ? Pire, serons-nous tous assignés à résidence ?
*
Mort cette semaine d’« une longue maladie » du seul Ministre que je sois allé entendre discourir, Michel Charasse, cigare et bretelles. C’était pour l’inauguration de l’école Coluche à Val-de-Reuil, quelque temps après la mort du motard.
La veuve, invitée, n’était pas venue mais l’imprésario, Paul Lederman, était là, entouré par la municipalité socialiste et des habitants du quartier accompagnés des futurs élèves. Face à la statue du porteur de salopette, le Ministre d’identique corpulence fit son chaud.
Je me souviens d’une seule de ses phrases : « Dites des gros mots, les enfants,»
Ils en connaissaient de nombreux, comme je pus le constater quelques années plus tard, quand je fis l’instituteur en maternelle dans cette école où je suggérerai, sans succès, à mes trois collègues, d’inscrire sur le fronton cette citation de l’illustre comique : « Ils ont eu des enfants parce qu’ils ne pouvaient pas avoir de chien ».
*
Une cliente du Café de la Ville, à propos de son trois ans : « Ça va, il est chiant, mais il est drôle ».
21 février 2020
Encore le foutu train à étage et sièges colorés pour m’emmener à Paris ce mercredi matin. J’y dispose néanmoins du siège voisin pour mon sac de livres à vendre et lis le Traité des excitants modernes, alcool, sucre, thé, café, tabac, ce qui me conduit à presque m’endormir. Comme l’écrit Balzac : Au lieu d’activer le cerveau, le vin l’hébète.
De Saint-Lazare, je marche jusqu’au Bistrot d’Edmond, y bois un café, puis suis à dix heures moins cinq devant la porte du Book-Off voisin en compagnie d’un jeune homme qui espère y trouver Le Petit Prince. Il veut l’acheter, me dit-il, pour le faire découvrir à deux petites filles chinoises trilingues à qui il donne des cours puisqu’elles ne peuvent pas retourner dans leur pays vous savez pourquoi. Il ne dit pas le nom de la maladie, comme si le prononcer augmentait le risque de l’attraper.
Je lui explique le fonctionnement de cette bouquinerie qu’il ne connaît pas et lui apprend que l’on n’a qu’une chance sur dix mille de trouver ce qu’on cherche. Comme en plus il est pressé, son cours commençant officiellement à dix heures, je lui conseille de ne pas attendre et de trouver le texte de Saint-Ex (et ses dessins) sur Internet.
-Sur le papier, c’est quand même mieux, me répond ce sympathique garçon.
A l’ouverture, je le fais passer devant moi, urgence oblige. Tandis que je sors mes livres, il fait chou blanc et me salue avant de partir en courant. Ces petites filles ont de la chance d’avoir ce garçon à leur service, me dis-je en le regardant s’éloigner. Un seul de mes livres est refusé. J’obtiens neuf euros quatre-vingt-dix pour les autres et n’en dépense qu’un dans la boutique pour Puissances de Paris de Jules Romains (L’Imaginaire/Gallimard).
Comme il fait à peu près beau, c’est à pied que je rejoins Beaubourg et le deuxième Book-Off, sur le trottoir duquel sont maintenant présentés dans des bacs nombre de romans à un euro qui à force d’être manipulés auront bientôt un aspect Boulinier.
A l’intérieur, un néophyte du scannage empli un panier dont le contenu, quand il l’aura mis en vente, aura vite fait de le désabuser. Je mets dans le mien le Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement de Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière (Bouquins/Laffont), que je compte offrir, l’ayant déjà, puis je reprends le chemin en direction de la Bastille.
Il est midi quand j’arrive à Saint-Paul. Je m’arrête aux Mousquetaires pour déjeuner du menu à treize euros quatre-vingt-dix : filet de hareng salade verte, hachis Parmentier salade verte, espèce de tiramisu à petit beurre, tout cela médiocre mais le pichet d’un quart de Vallefiore à six euros est à mon goût, de même que la musique d’ambiance jouée par je ne sais qui à la guitare.
Reprenant la marche, j’atteins le troisième Book-Off et n’y fais pas de bonnes affaires.
Pour retourner à Saint-Lazare, je prends le métro. Le train de seize heures quarante est un Corail partant à l’heure de la zone francilienne. A ma droite, y discutent Ferrero et Université de Saint-Denis. Le contrôle des billets est assuré par un trio de jeunes femmes. Rien que dans la demi-voiture où je me trouve sont débusqués trois voyageurs sans billet. C’est dire l’efficacité des coûteuses barrières à Pécresse, supposées empêcher la fraude.
*
L’amour (première) :
-J’ai été élevée par un mythomane et je suis sortie deux ans avec un pervers polymorphe.
*
L’amour (deuxième) :
-Ils vont acheter une maison ensemble, ça, ça veut dire, t’es invitée à leur mariage l’année prochaine.
*
L’amour (troisième) :
-Qu’est-ce que tu crois, pondre, ça marche pas à tous les coups.
De Saint-Lazare, je marche jusqu’au Bistrot d’Edmond, y bois un café, puis suis à dix heures moins cinq devant la porte du Book-Off voisin en compagnie d’un jeune homme qui espère y trouver Le Petit Prince. Il veut l’acheter, me dit-il, pour le faire découvrir à deux petites filles chinoises trilingues à qui il donne des cours puisqu’elles ne peuvent pas retourner dans leur pays vous savez pourquoi. Il ne dit pas le nom de la maladie, comme si le prononcer augmentait le risque de l’attraper.
Je lui explique le fonctionnement de cette bouquinerie qu’il ne connaît pas et lui apprend que l’on n’a qu’une chance sur dix mille de trouver ce qu’on cherche. Comme en plus il est pressé, son cours commençant officiellement à dix heures, je lui conseille de ne pas attendre et de trouver le texte de Saint-Ex (et ses dessins) sur Internet.
-Sur le papier, c’est quand même mieux, me répond ce sympathique garçon.
A l’ouverture, je le fais passer devant moi, urgence oblige. Tandis que je sors mes livres, il fait chou blanc et me salue avant de partir en courant. Ces petites filles ont de la chance d’avoir ce garçon à leur service, me dis-je en le regardant s’éloigner. Un seul de mes livres est refusé. J’obtiens neuf euros quatre-vingt-dix pour les autres et n’en dépense qu’un dans la boutique pour Puissances de Paris de Jules Romains (L’Imaginaire/Gallimard).
Comme il fait à peu près beau, c’est à pied que je rejoins Beaubourg et le deuxième Book-Off, sur le trottoir duquel sont maintenant présentés dans des bacs nombre de romans à un euro qui à force d’être manipulés auront bientôt un aspect Boulinier.
A l’intérieur, un néophyte du scannage empli un panier dont le contenu, quand il l’aura mis en vente, aura vite fait de le désabuser. Je mets dans le mien le Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement de Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière (Bouquins/Laffont), que je compte offrir, l’ayant déjà, puis je reprends le chemin en direction de la Bastille.
Il est midi quand j’arrive à Saint-Paul. Je m’arrête aux Mousquetaires pour déjeuner du menu à treize euros quatre-vingt-dix : filet de hareng salade verte, hachis Parmentier salade verte, espèce de tiramisu à petit beurre, tout cela médiocre mais le pichet d’un quart de Vallefiore à six euros est à mon goût, de même que la musique d’ambiance jouée par je ne sais qui à la guitare.
Reprenant la marche, j’atteins le troisième Book-Off et n’y fais pas de bonnes affaires.
Pour retourner à Saint-Lazare, je prends le métro. Le train de seize heures quarante est un Corail partant à l’heure de la zone francilienne. A ma droite, y discutent Ferrero et Université de Saint-Denis. Le contrôle des billets est assuré par un trio de jeunes femmes. Rien que dans la demi-voiture où je me trouve sont débusqués trois voyageurs sans billet. C’est dire l’efficacité des coûteuses barrières à Pécresse, supposées empêcher la fraude.
*
L’amour (première) :
-J’ai été élevée par un mythomane et je suis sortie deux ans avec un pervers polymorphe.
*
L’amour (deuxième) :
-Ils vont acheter une maison ensemble, ça, ça veut dire, t’es invitée à leur mariage l’année prochaine.
*
L’amour (troisième) :
-Qu’est-ce que tu crois, pondre, ça marche pas à tous les coups.
20 février 2020
Ce mardi matin, Matthieu de Montchalin, patron de L’Armitière, annonce la mort de son prédécesseur. Encore un, me dis-je, songeant que disparaissent les uns après les autres ceux que j’ai côtoyés lorsque j’étais jeune.
L'Armitière, sise rue de l’Ecole, était à l’origine (décembre mil neuf cent soixante-deux) une galerie d'art, créée par un certain Gérard Moulin. Il y proposait aussi des livres, mais je n’étais pas là, et la vendit à celui qui vient de mourir.
« Lorsque Jean-Pierre Paroche rachète L'Armitière en 1972, il construit son développement dans le sillage de Mai 68 en s'appuyant sur la littérature et les sciences humaines et en captant le public universitaire et intellectuel. » écrivait Livres Hebdo en deux mille douze. C’est exactement ça et c’est à ce moment-là que j’en fis la connaissance.
Je fréquentais l’endroit le mercredi, venant d’Evreux où j’étais à l’Ecole Normale puis des différentes écoles de l’Eure où je faisais l’instituteur. C’était relativement petit mais on y trouvait sur les tables tout ce qui faisait l’époque : écologie, féminisme, gauchisme, science-fiction, érotisme. Jouxtaient ces livres, le meilleur de la musique folk et les affiches de Mordillo ou de Druillet.
Outre Jean-Pierre, dont je n’ai appris le patronyme que lorsqu’il a pris sa retraite, travaillaient à la librairie deux jeunes femmes, l’une qui était le sosie de Catherine Le Forestier et dont j’étais vaguement amoureux, et l’autre, brune et hautaine, prénommée Catherine (si je me souviens bien), qui resta en poste jusqu’à sa propre retraite. Tous trois se vouvoyaient.
J’ai dépensé une petite fortune rue de l’Ecole jusqu’en mil neuf cent soixante-dix-neuf. A cette date, celle qui ressemblait à Catherine Le Forestier n’était plus là depuis longtemps et L’Armitière déménagea rue des Basnage dans une ancienne imprimerie. Ce fut le début de la fin.
J’y allais encore, fréquentant notamment l’étage où se trouvait les livres de poche et au milieu d’eux le petit bureau de Jean-Pierre. « Tous les livres achetés seront-il lus ? », me demanda-t-il un jour où ma pile était particulièrement haute. Ils le furent
Plus tard Matthieu de Montchalin devint l'associé de Jean-Pierre Paroche, puis il le remplaça. L’Armitière déménagea encore une fois pour s’installer rue de la Jeanne. Le choix exigeant d’autrefois fut progressivement remplacé par la logique commerciale. Sur les tables s’épanouirent meilleures ventes, tourne-pages, ouvrages de développement personnel et autres livres dans l’air du temps. Je n’y entre plus.
Devenu retraité, le prénommé Jean-Pierre fréquenta, en tant qu’abonné, l’Opéra de Rouen pendant deux ou trois ans, puis il disparut, ayant sans doute quitté la ville.
*
« Pour celles et ceux d’entre vous qui connaissez l’Armitière depuis longtemps, vous savez ce que la librairie doit à celui qui en assura la direction et le développement pendant plus de 30 ans. » écrit Matthieu de Montchalin dans une syntaxe toute personnelle.
*
Matthieu de Montchalin qui figure en bonne place sur la liste de Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, pour la prochaine élection municipale rouennaise. En regard de son nom, sa profession : « Commerçant ». Et non pas « Libraire ».
L'Armitière, sise rue de l’Ecole, était à l’origine (décembre mil neuf cent soixante-deux) une galerie d'art, créée par un certain Gérard Moulin. Il y proposait aussi des livres, mais je n’étais pas là, et la vendit à celui qui vient de mourir.
« Lorsque Jean-Pierre Paroche rachète L'Armitière en 1972, il construit son développement dans le sillage de Mai 68 en s'appuyant sur la littérature et les sciences humaines et en captant le public universitaire et intellectuel. » écrivait Livres Hebdo en deux mille douze. C’est exactement ça et c’est à ce moment-là que j’en fis la connaissance.
Je fréquentais l’endroit le mercredi, venant d’Evreux où j’étais à l’Ecole Normale puis des différentes écoles de l’Eure où je faisais l’instituteur. C’était relativement petit mais on y trouvait sur les tables tout ce qui faisait l’époque : écologie, féminisme, gauchisme, science-fiction, érotisme. Jouxtaient ces livres, le meilleur de la musique folk et les affiches de Mordillo ou de Druillet.
Outre Jean-Pierre, dont je n’ai appris le patronyme que lorsqu’il a pris sa retraite, travaillaient à la librairie deux jeunes femmes, l’une qui était le sosie de Catherine Le Forestier et dont j’étais vaguement amoureux, et l’autre, brune et hautaine, prénommée Catherine (si je me souviens bien), qui resta en poste jusqu’à sa propre retraite. Tous trois se vouvoyaient.
J’ai dépensé une petite fortune rue de l’Ecole jusqu’en mil neuf cent soixante-dix-neuf. A cette date, celle qui ressemblait à Catherine Le Forestier n’était plus là depuis longtemps et L’Armitière déménagea rue des Basnage dans une ancienne imprimerie. Ce fut le début de la fin.
J’y allais encore, fréquentant notamment l’étage où se trouvait les livres de poche et au milieu d’eux le petit bureau de Jean-Pierre. « Tous les livres achetés seront-il lus ? », me demanda-t-il un jour où ma pile était particulièrement haute. Ils le furent
Plus tard Matthieu de Montchalin devint l'associé de Jean-Pierre Paroche, puis il le remplaça. L’Armitière déménagea encore une fois pour s’installer rue de la Jeanne. Le choix exigeant d’autrefois fut progressivement remplacé par la logique commerciale. Sur les tables s’épanouirent meilleures ventes, tourne-pages, ouvrages de développement personnel et autres livres dans l’air du temps. Je n’y entre plus.
Devenu retraité, le prénommé Jean-Pierre fréquenta, en tant qu’abonné, l’Opéra de Rouen pendant deux ou trois ans, puis il disparut, ayant sans doute quitté la ville.
*
« Pour celles et ceux d’entre vous qui connaissez l’Armitière depuis longtemps, vous savez ce que la librairie doit à celui qui en assura la direction et le développement pendant plus de 30 ans. » écrit Matthieu de Montchalin dans une syntaxe toute personnelle.
*
Matthieu de Montchalin qui figure en bonne place sur la liste de Nicolas Mayer-Rossignol, Socialiste, pour la prochaine élection municipale rouennaise. En regard de son nom, sa profession : « Commerçant ». Et non pas « Libraire ».
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante