Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 mars 2020
Ce mercredi matin, j’écris « huit heures trente-cinq » comme il est désormais obligatoire sur mon autorisation de sortie, un exemplaire fait à la main et simplifié par mes soins (pourquoi recopier toutes les occurrences ?) qui me vaudra peut être des ennuis avec la maréchaussée le jour où je serai contrôlé, puis je me rends chez U Express.
Une jeune femme masquée y entre devant moi. Je remplis mon panier en évitant de la croiser puis paie à un caissier masqué de plus en plus isolé par du film plastique translucide. En rentrant je constate qu’il y a davantage de piétons que lors de mes dernières sorties rue de la République. Je suppose qu’ils doivent, comme moi, avoir une bonne raison d’être là.
Tout le monde semble encore dormir dans la copropriété. Globalement, mes codétenus sont calmes, sauf l’exception (les étudiants sont absents, rentrés chez papamaman avant le bouclage). Je fais le compte des présents : sept célibataires de tous les âges, un couple de trentenaires et l’exception. Côte ruelle dans le bâtiment d’en face, les étudiants sont également partis, ne sont là que deux jeunes célibataires. Cela donne une idée du nombre de personnes vivant seules.
Il est des endroits où, chaque soir, ont lieu des sortes de fêtes des voisins avec sono sur les balcons et trinquages à distance. Heureusement que j’échappe à ça. Ce soir, exceptionnellement, un quart d’heure de carillon de la Cathédrale, à l’occasion de l’Annonciation, fête religieuse avec messe télédiffusée.
*
Un léger gratouillis dans les bronches et une petite toux de temps en temps me conduisent à demander son numéro de téléphone à une jeune femme de ma connaissance qui pourrait me ravitailler si j’étais malade à la maison, une ancienne élève qui ne resta qu’une semaine dans ma classe de grande section de maternelle car elle savait presque lire d’où son envoi immédiat en cours préparatoire.
*
Suite et fin de l’étape Arno dans ma réécoute alphabétique de cédés : Jus de box, Covers Cocktail, Live un Brussels. Retrouvé un Dominique A, mal rangé. Tant pis, pas question de revenir en arrière.
*
Extrait de mon texte du vingt-sept janvier, la scène se passe au Tout Va Bien à Dieppe : Trois femmes sexagénaires profitent de l’absence des maris « Y a la Foire aux Livres à la Paul Eluard, y sont là-bas ». Elles sont toutes gaies mais, remarque l’une, « Vous allez voir, on va moins rigoler avec le virus qui s’amène ».
Une jeune femme masquée y entre devant moi. Je remplis mon panier en évitant de la croiser puis paie à un caissier masqué de plus en plus isolé par du film plastique translucide. En rentrant je constate qu’il y a davantage de piétons que lors de mes dernières sorties rue de la République. Je suppose qu’ils doivent, comme moi, avoir une bonne raison d’être là.
Tout le monde semble encore dormir dans la copropriété. Globalement, mes codétenus sont calmes, sauf l’exception (les étudiants sont absents, rentrés chez papamaman avant le bouclage). Je fais le compte des présents : sept célibataires de tous les âges, un couple de trentenaires et l’exception. Côte ruelle dans le bâtiment d’en face, les étudiants sont également partis, ne sont là que deux jeunes célibataires. Cela donne une idée du nombre de personnes vivant seules.
Il est des endroits où, chaque soir, ont lieu des sortes de fêtes des voisins avec sono sur les balcons et trinquages à distance. Heureusement que j’échappe à ça. Ce soir, exceptionnellement, un quart d’heure de carillon de la Cathédrale, à l’occasion de l’Annonciation, fête religieuse avec messe télédiffusée.
*
Un léger gratouillis dans les bronches et une petite toux de temps en temps me conduisent à demander son numéro de téléphone à une jeune femme de ma connaissance qui pourrait me ravitailler si j’étais malade à la maison, une ancienne élève qui ne resta qu’une semaine dans ma classe de grande section de maternelle car elle savait presque lire d’où son envoi immédiat en cours préparatoire.
*
Suite et fin de l’étape Arno dans ma réécoute alphabétique de cédés : Jus de box, Covers Cocktail, Live un Brussels. Retrouvé un Dominique A, mal rangé. Tant pis, pas question de revenir en arrière.
*
Extrait de mon texte du vingt-sept janvier, la scène se passe au Tout Va Bien à Dieppe : Trois femmes sexagénaires profitent de l’absence des maris « Y a la Foire aux Livres à la Paul Eluard, y sont là-bas ». Elles sont toutes gaies mais, remarque l’une, « Vous allez voir, on va moins rigoler avec le virus qui s’amène ».
25 mars 2020
Personne dans les rues quand je vais acheter du pain pour deux jours ce mardi matin. Personne quand j’en reviens. Samedi dernier il me semblait qu’il passait un être humain par heure dans ma ruelle. En réalité, c’est plutôt un toutes les trois ou quatre heures. Je ne compte pas les riverains dont une partie sont mes voisins (mes codétenus). Ceux-ci respectent le confinement à la lettre, hormis une exception.
Grâce à un emploi du temps que je qualifierai de drastique, je ne supporte pas trop mal l’enfermement (relatif, il y a le jardin). Chacune de mes journées est le copier coller de la précédente. Nous avons des vies monotones / Comme on ne dit plus rien à personne / Personne ne nous dit plus rien, chantait Gérard Manset. Arriverai-je à la lettre Emme du domaine francophone de ma cédéthèque ? J’en suis toujours à Arno, quatre cédés écoutés aujourd’hui : A la française en concert, A poil commercial, Charles Ernest et French Bazaar. Côté lecture, je me régale du Journal intégral de Julien Green, de ses indiscrétions mais aussi de ses obscénités.
*
Vers seize heures, téléphonage de celle qui est confinée à Paris. En plus de tous les soucis qui sont les siens, elle a dû faire face à des vols de matériaux sur les chantiers dont elle est responsable. La nature humaine.
*
Triste d’appendre que l’une des victimes du coronavirus est Manu Dibango. J’ai deux vinyles de lui, de la période Soul Makossa, achetés, je m’en souviens, au Printemps à Rouen, du temps où je vivais dans la cambrousse (années soixante-dix).
*
Revu la couverture du numéro six daté du premier avril mil neuf cent soixante-treize de La Gueule Ouverte sous titré « le journal qui annonce la fin du monde », créé par l’équipe de Charlie Hebdo sous la direction de Pierre Fournier (il venait de mourir lorsque ce numéro a paru). Sur cette couverture, on voit deux êtres humains se baladant en combinaison intégrale avec un masque à gaz. « C’est le printemps », dit la légende.
Les textes de Pierre Fournier furent publiés de façon posthume sous le titre Où on va ? J’en sais rien mais on y va. Un titre d’actualité.
Sa femme, Danielle, est toujours vivante, si j’en crois Delfeil de Ton. C’est elle qui, dans les années soixante-dix, écrivit un article pour me défendre quand l’Education Nationale voulut m’exclure pour avoir refusé l’examen radiologique des poumons que les instits devaient subir chaque année dans un camion itinérant.
Je fus convoqué à un conseil de discipline dont les membres, devant le bruit généré par l’affaire, préférèrent se séparer sans prendre de décision (une des trois fois où j’ai failli être viré de l’Education Nationale).
Grâce à un emploi du temps que je qualifierai de drastique, je ne supporte pas trop mal l’enfermement (relatif, il y a le jardin). Chacune de mes journées est le copier coller de la précédente. Nous avons des vies monotones / Comme on ne dit plus rien à personne / Personne ne nous dit plus rien, chantait Gérard Manset. Arriverai-je à la lettre Emme du domaine francophone de ma cédéthèque ? J’en suis toujours à Arno, quatre cédés écoutés aujourd’hui : A la française en concert, A poil commercial, Charles Ernest et French Bazaar. Côté lecture, je me régale du Journal intégral de Julien Green, de ses indiscrétions mais aussi de ses obscénités.
*
Vers seize heures, téléphonage de celle qui est confinée à Paris. En plus de tous les soucis qui sont les siens, elle a dû faire face à des vols de matériaux sur les chantiers dont elle est responsable. La nature humaine.
*
Triste d’appendre que l’une des victimes du coronavirus est Manu Dibango. J’ai deux vinyles de lui, de la période Soul Makossa, achetés, je m’en souviens, au Printemps à Rouen, du temps où je vivais dans la cambrousse (années soixante-dix).
*
Revu la couverture du numéro six daté du premier avril mil neuf cent soixante-treize de La Gueule Ouverte sous titré « le journal qui annonce la fin du monde », créé par l’équipe de Charlie Hebdo sous la direction de Pierre Fournier (il venait de mourir lorsque ce numéro a paru). Sur cette couverture, on voit deux êtres humains se baladant en combinaison intégrale avec un masque à gaz. « C’est le printemps », dit la légende.
Les textes de Pierre Fournier furent publiés de façon posthume sous le titre Où on va ? J’en sais rien mais on y va. Un titre d’actualité.
Sa femme, Danielle, est toujours vivante, si j’en crois Delfeil de Ton. C’est elle qui, dans les années soixante-dix, écrivit un article pour me défendre quand l’Education Nationale voulut m’exclure pour avoir refusé l’examen radiologique des poumons que les instits devaient subir chaque année dans un camion itinérant.
Je fus convoqué à un conseil de discipline dont les membres, devant le bruit généré par l’affaire, préférèrent se séparer sans prendre de décision (une des trois fois où j’ai failli être viré de l’Education Nationale).
24 mars 2020
Ce lundi j’aurais dû prendre un train pour Paris puis un Tégévé m’aurait conduit à Nice où j’avais prévu de passer une dizaine de jours, logé dans un studio Airbibi entre la gare et la mer (dès que la saloperie est arrivée en France, j’ai su que cette escapade était compromise et je m’en suis voulu de n’avoir pas choisi de partir plus tôt). Maintenant, cette ville est en couvre-feu et la promenade des Anglais sous la surveillance d’un drone. Je ne sais si un jour je connaîtrai Nice.
A l’heure du départ de mon train, je suis (seul) à la boulangerie où je dois acheter ce qu’il y a, une baguette tradition, les pains spéciaux qui me permettraient de tenir deux jours ne sont pas prêts. Une belle journée, ensoleillée mais fraîche, se profile.
C’est vers dix heures et demie que le soleil atteint le banc du jardin. J’y lis pendant trois heures le livre que je voulais emporter à Nice : le premier tome du Journal intégral de Julien Green (Bouquins/Laffont) dont je me régale des indiscrétions. J’ai appris hier que les jardins de copropriété n’étaient pas des lieux de sortie autorisés mais tant qu’un drone ne le survole pas. Seul passe parfois dans le ciel l’hélicoptère du Céhachu.
Il ne fait pas assez chaud pour que je m’installe dehors à l’ombre afin de tapoter mes notes de lecture. C’est à l’intérieur, ordinateur sur le bureau et fesses sur mon fauteuil de ministre, que je me livre à cette activité que l’on peut juger inutile mais qui me permet de lire une nouvelle fois mes passages préférés. Je fais cela en poursuivant la réécoute alphabétique du domaine français de ma cédéthèque. D’abord Arielle, Toute une vie à une et Mortelle (sur la pochette duquel elle est nue) puis j’attaque Arno le polyglotte avec Ratata, Tracks From The Story et A la française. Sa tournée, qu’il voulait terminer avant de se faire opérer de son cancer du pancréas, est à l’eau. Que va-t-il devenir ?
*
Le facteur passe encore, pas l’habituel, un plus jeune monté sur un tricycle électrique. Passe aussi dans la ruelle, masqué, le livreur du repas d’une voisine bénéficiant de ce service social, laquelle a du mal à comprendre qu’elle doit lui ouvrir après son coup de sonnette. A l’interphone, cela donne ceci : « C’est le repas ! » « Ouvrez-moi la porte, madame ! » « Ah putain ! ».
*
« Le théâtre s’invite dans votre salon », m’écrit le Centre Dramatique de Normandie qui propose des captations de ses spectacles passés. On n’entre pas ainsi dans mon salon, même en temps normal.
*
En Italie, l’Eglise dispense une absolution collective à l’entrée des services hospitaliers en utilisant un haut-parleur pour se faire entendre. En Espagne, une patinoire de Madrid est transformée en morgue. En France, vingt résidents d’un Ehpad des Vosges sont morts.
*
La bonne blague du jour : ce couple de patrons partis passer un confinement doré dans une petite maison à la campagne et qui ont découvert à l’arrivée qu’elle est située dans une zone blanche, impossible pour eux d’être en contact avec leurs employés en télétravail.
A l’heure du départ de mon train, je suis (seul) à la boulangerie où je dois acheter ce qu’il y a, une baguette tradition, les pains spéciaux qui me permettraient de tenir deux jours ne sont pas prêts. Une belle journée, ensoleillée mais fraîche, se profile.
C’est vers dix heures et demie que le soleil atteint le banc du jardin. J’y lis pendant trois heures le livre que je voulais emporter à Nice : le premier tome du Journal intégral de Julien Green (Bouquins/Laffont) dont je me régale des indiscrétions. J’ai appris hier que les jardins de copropriété n’étaient pas des lieux de sortie autorisés mais tant qu’un drone ne le survole pas. Seul passe parfois dans le ciel l’hélicoptère du Céhachu.
Il ne fait pas assez chaud pour que je m’installe dehors à l’ombre afin de tapoter mes notes de lecture. C’est à l’intérieur, ordinateur sur le bureau et fesses sur mon fauteuil de ministre, que je me livre à cette activité que l’on peut juger inutile mais qui me permet de lire une nouvelle fois mes passages préférés. Je fais cela en poursuivant la réécoute alphabétique du domaine français de ma cédéthèque. D’abord Arielle, Toute une vie à une et Mortelle (sur la pochette duquel elle est nue) puis j’attaque Arno le polyglotte avec Ratata, Tracks From The Story et A la française. Sa tournée, qu’il voulait terminer avant de se faire opérer de son cancer du pancréas, est à l’eau. Que va-t-il devenir ?
*
Le facteur passe encore, pas l’habituel, un plus jeune monté sur un tricycle électrique. Passe aussi dans la ruelle, masqué, le livreur du repas d’une voisine bénéficiant de ce service social, laquelle a du mal à comprendre qu’elle doit lui ouvrir après son coup de sonnette. A l’interphone, cela donne ceci : « C’est le repas ! » « Ouvrez-moi la porte, madame ! » « Ah putain ! ».
*
« Le théâtre s’invite dans votre salon », m’écrit le Centre Dramatique de Normandie qui propose des captations de ses spectacles passés. On n’entre pas ainsi dans mon salon, même en temps normal.
*
En Italie, l’Eglise dispense une absolution collective à l’entrée des services hospitaliers en utilisant un haut-parleur pour se faire entendre. En Espagne, une patinoire de Madrid est transformée en morgue. En France, vingt résidents d’un Ehpad des Vosges sont morts.
*
La bonne blague du jour : ce couple de patrons partis passer un confinement doré dans une petite maison à la campagne et qui ont découvert à l’arrivée qu’elle est située dans une zone blanche, impossible pour eux d’être en contact avec leurs employés en télétravail.
23 mars 2020
Vu la population qui le fréquente, dont une grande partie est infoutue de se discipliner, je ne prends pas le risque, ce dimanche matin, de me rendre au marché du Clos Saint-Marc (consciente du risque engendré par ce genre d’évènement la Mairie de Sotteville-lès-Rouen a d’ailleurs eu la sagesse d’annuler le sien). A la place, je m’offre, pour la première fois depuis le début de l’enfermement général, une autorisation de « déplacement bref à proximité du domicile lié à l’activité physique individuelle ».
Il est sept heures lorsque je mets le pied dehors. Cette sortie aura la forme d’un quadrilatère. A droite rue Saint-Romain. Passage par le parvis désert de la Cathédrale dont j’admire la beauté. A droite rue des Carmes où je croise une jeune femme (au loin, vers le Palais de Justice, un camion poubelle en activité). Au carrefour de la Crosse, encore à droite rue de l’Hôpital dans laquelle Albane Coiffure et Bouygues Immobilier se font remarquer par l’électricité gâchée dans leurs vitrines. Un regard sur l’Abbatiale Saint-Ouen. A droite rue de la République que remonte un véhicule de la Police qui ne s’intéresse pas à moi (au bout de la rue de la Chaîne une moto portant un couple de quinquagénaires qui ont j’espère un alibi). Une dernière fois à droite au croisement de la rue Saint-Romain et me voici rentré. Il est sept heures quinze.
J’en suis à écouter Dick Annegarn, Bruxelles (compilation), Approche-toi, Adieu verdure, quand une apparition du soleil me pousse sur le banc du jardin mais je ne peux y rester longtemps pour cause de nuages et de vent. Je poursuis ma lecture à l’intérieur avec en fond sonore Antoine (période chemise à fleurs). Je me souviens de la question de celle qui est confinée à Paris lorsque je le lui avais fait découvrir dans la voiture en revenant d’une journée à la mer : « Mais c’est le même Antoine que celui de la pub pour les lunettes ? »
*
Plus tard, c’est un couple de voisins qui utilise le banc pour battre un tapis. Une bonne façon de se défouler.
*
Ce dimanche matin, j’aurais dû aller voter au second tour des Municipales. Contre Louvel, le candidat de la République en Marche. Il en est beaucoup pour reprocher à Macron le maintien du premier tour. Je ne l’accable pas sur ce point. Il voulait l’annuler. Ce sont les politiciens de Droite et de Gauche qui ont fait pression sur lui (maintenant, ils tonnent contre ce premier tour ; s’il l’avait annulé, ils auraient gueulé comme des putois).
Quand ce second tour aura lieu, même si je suis encore vivant je n’irai pas, conséquence du comportement d’une des Fier.e.s de Rouen.
*
Image de ce convoi de camions militaires en Italie, chargés des cercueils qu’ils sont allés chercher dans un hôpital et qu’ils emportent vers un cimetière où il y a encore de la place.
*
« S’en sortir sans sortir », écrit à la peinture sur les murs de Rouen. Il aurait été correct d’en citer l’auteur : Gherasim Luca.
Il est sept heures lorsque je mets le pied dehors. Cette sortie aura la forme d’un quadrilatère. A droite rue Saint-Romain. Passage par le parvis désert de la Cathédrale dont j’admire la beauté. A droite rue des Carmes où je croise une jeune femme (au loin, vers le Palais de Justice, un camion poubelle en activité). Au carrefour de la Crosse, encore à droite rue de l’Hôpital dans laquelle Albane Coiffure et Bouygues Immobilier se font remarquer par l’électricité gâchée dans leurs vitrines. Un regard sur l’Abbatiale Saint-Ouen. A droite rue de la République que remonte un véhicule de la Police qui ne s’intéresse pas à moi (au bout de la rue de la Chaîne une moto portant un couple de quinquagénaires qui ont j’espère un alibi). Une dernière fois à droite au croisement de la rue Saint-Romain et me voici rentré. Il est sept heures quinze.
J’en suis à écouter Dick Annegarn, Bruxelles (compilation), Approche-toi, Adieu verdure, quand une apparition du soleil me pousse sur le banc du jardin mais je ne peux y rester longtemps pour cause de nuages et de vent. Je poursuis ma lecture à l’intérieur avec en fond sonore Antoine (période chemise à fleurs). Je me souviens de la question de celle qui est confinée à Paris lorsque je le lui avais fait découvrir dans la voiture en revenant d’une journée à la mer : « Mais c’est le même Antoine que celui de la pub pour les lunettes ? »
*
Plus tard, c’est un couple de voisins qui utilise le banc pour battre un tapis. Une bonne façon de se défouler.
*
Ce dimanche matin, j’aurais dû aller voter au second tour des Municipales. Contre Louvel, le candidat de la République en Marche. Il en est beaucoup pour reprocher à Macron le maintien du premier tour. Je ne l’accable pas sur ce point. Il voulait l’annuler. Ce sont les politiciens de Droite et de Gauche qui ont fait pression sur lui (maintenant, ils tonnent contre ce premier tour ; s’il l’avait annulé, ils auraient gueulé comme des putois).
Quand ce second tour aura lieu, même si je suis encore vivant je n’irai pas, conséquence du comportement d’une des Fier.e.s de Rouen.
*
Image de ce convoi de camions militaires en Italie, chargés des cercueils qu’ils sont allés chercher dans un hôpital et qu’ils emportent vers un cimetière où il y a encore de la place.
*
« S’en sortir sans sortir », écrit à la peinture sur les murs de Rouen. Il aurait été correct d’en citer l’auteur : Gherasim Luca.
22 mars 2020
« Merci à tout le personnel hospitalier » est-il maintenant affiché sur la fenêtre d’un appartement qui donne sur la ruelle mais dont l’entrée est rue Saint-Nicolas (un voisin que je ne connais pas). Je le découvre ce samedi un peu après huit heures trente quand je vais me ravitailler chez U Express où les employé(e)s portent désormais des masques. Deux autres clients s’y trouvent. Nous nous tenons éloignés. Comme j’achète toujours la même chose, j’ai vite rempli mon panier. A la caisse nous nous tenons à la distance réglementaire.
Rentré, je prends connaissance du dernier épisode de Vie de Carabin, une bande dessinée faite par un étudiant en médecine qui travaille vingt heures par jour en hôpital. Ce qu’il raconte est hallucinant. J’y apprends un nouveau terme du jargon médical : limitation. J’en trouve l’explication dans un commentaire : « On ne procédera pas à une réanimation. On prend la décision avant un épisode nécessitant une réanimation pour ne pas se poser la question en urgence. Parfois contre toute attente, la personne n'aura pas besoin de réanimation et s'en sort. Parole de médecin en équipe mobile de soins palliatifs. C'est différent d'un arrêt de traitement de réanimation. »
Heureusement, il est encore un concert qui peut se donner à Rouen, celui de onze trente au carillon de la Cathédrale dont j’ai la chance de pouvoir être auditeur en ouvrant ma fenêtre.
Place ensuite à la musique enregistrée, je continue d’écouter mes cédés dans l’ordre alphabétique, m’en tenant au domaine francophone, trois Dominique A (sans cheveux) : Auguri, Tout sera comme avant et La musique puis celui d’Isabelle Adjani et Emmène-moi de Graeme Allwright (lequel aura éviter le confinement de peu).
Le silence de la ruelle est impressionnant. Il doit y passer une personne par heure. Alors qu’en cette fin de mars, les premiers troupeaux de touristes grisonnants cornaqués par des guides vociférants devraient s’y succéder.
*
Pénurie de masques dans les hôpitaux, manque de matériel, de lits de réanimation et de personnel qualifié : un coproduction Sarkozy Hollande Macron. Surtout des deux premiers qui devraient avoir des comptes à rendre à la Justice.
*
En attendant plus tard occupe toi des prochaines secondes. (Dominique A, La Fin d’un monde)
Rentré, je prends connaissance du dernier épisode de Vie de Carabin, une bande dessinée faite par un étudiant en médecine qui travaille vingt heures par jour en hôpital. Ce qu’il raconte est hallucinant. J’y apprends un nouveau terme du jargon médical : limitation. J’en trouve l’explication dans un commentaire : « On ne procédera pas à une réanimation. On prend la décision avant un épisode nécessitant une réanimation pour ne pas se poser la question en urgence. Parfois contre toute attente, la personne n'aura pas besoin de réanimation et s'en sort. Parole de médecin en équipe mobile de soins palliatifs. C'est différent d'un arrêt de traitement de réanimation. »
Heureusement, il est encore un concert qui peut se donner à Rouen, celui de onze trente au carillon de la Cathédrale dont j’ai la chance de pouvoir être auditeur en ouvrant ma fenêtre.
Place ensuite à la musique enregistrée, je continue d’écouter mes cédés dans l’ordre alphabétique, m’en tenant au domaine francophone, trois Dominique A (sans cheveux) : Auguri, Tout sera comme avant et La musique puis celui d’Isabelle Adjani et Emmène-moi de Graeme Allwright (lequel aura éviter le confinement de peu).
Le silence de la ruelle est impressionnant. Il doit y passer une personne par heure. Alors qu’en cette fin de mars, les premiers troupeaux de touristes grisonnants cornaqués par des guides vociférants devraient s’y succéder.
*
Pénurie de masques dans les hôpitaux, manque de matériel, de lits de réanimation et de personnel qualifié : un coproduction Sarkozy Hollande Macron. Surtout des deux premiers qui devraient avoir des comptes à rendre à la Justice.
*
En attendant plus tard occupe toi des prochaines secondes. (Dominique A, La Fin d’un monde)
21 mars 2020
De la pluie au réveil pour annoncer le premier jour d’un printemps dont la majeure partie, si ce n’est la totalité, sera passée confiné. J’attends un quart d’heure après son ouverture pour me rendre à la boulangerie, ne croisant rue Saint-Nicolas, à distance réglementaire, que deux jeunes femmes. Toutes les boutiques ont éteint leur éclairage de vitrine, sauf Jeux et Stratégie où l’on a de l’argent à dépenser pour rien. Je prends ce qu’il y a : une Petite Marie (bien chaude) pour aujourd’hui, un pain aux céréales pour samedi et dimanche (manger du pain rassis me rappellera mon enfance).
Vers onze heures ma sœur m’appelle pour savoir comment ça va et me donner de ses nouvelles. Elle me parle du confinement à la campagne où à la supérette qui fait aussi tabac, certains viennent encore jouer à des jeux à perdre, ce qui énerve fort le commerçant. Comme l’a mis hors de lui, un type venu d’on ne sait où en voiture qui voulait acheter toutes les bouteilles d’eau du magasin (ce qu’il a refusé).
Impossible de bénéficier du jardin par ce temps médiocre ; je décide, ce que je n’ai pas fait depuis plusieurs années, de mettre en marche mon lecteur de cédés afin de réécouter ceux que je possède par ordre alphabétique,
Aujourd’hui Dominique A (avec des cheveux) : La Fossette, Si je connais Harry, La Mémoire neuve, Remué, dont au vu des évènements certaines chansons prennent un sens particulier, ainsi Passé l’hiver Passé l'hiver / Qu'allons-nous faire / Qu'est-ce qui t'inquiète? / Ça ne m'inquiète pas plus que ça / Mais je crois savoir où on va ou Chanson de la ville silencieuse Et toute la ville autour de nous / Serait belle, serait silencieuse / Et toute la ville autour de nous / Serait belle, serait... / Là, trouver une occupation / Mettre un disque, manger des biscuits ou Je suis une ville Je suis une ville dont beaucoup sont partis / Enfin pas tous encore mais ça se rétrécit / Et je suis bien marquée, d'ailleurs je ne vis plus / Que sur ce capital, mes rides bien en vue / Mais mes poches sont vides et ma tête est ailleurs…
*
L’ont échappé belle ceusses qui veulent être nouveaux Maire, adjoints et conseillers de Rouen. L’ancienne équipe, qui pensait être quitte, va se taper le sale boulot. Pendant ce temps, l’une qui aurait été élue dimanche prochain vit un confinement doré en bord de mer dans sa résidence secondaire.
*
Loïc Lachenal, Directeur de l’Opéra de Rouen, interrogé par Paris Normandie. Il ne parle que de sa boutique qui perd de l’argent. A la fin, on lui demande :
Avez-vous un message à faire passer aux spectateurs ?
« Qu’ils soient compréhensifs et patients, car nous n’avons pas toutes les réponses. La question du remboursement va se poser bien sûr. Pour l’instant, le théâtre est à l’arrêt. On ne peut rien traiter. Et on aura vraiment besoin d’eux quand on va rouvrir. »
Pas la moindre trace d’empathie, alors que son public est très majoritairement composé de personnes de plus de soixante-dix ans, certaines de santé précaire.
*
C'’était aujourd'hui la Journée Mondiale du Bonheur.
Vers onze heures ma sœur m’appelle pour savoir comment ça va et me donner de ses nouvelles. Elle me parle du confinement à la campagne où à la supérette qui fait aussi tabac, certains viennent encore jouer à des jeux à perdre, ce qui énerve fort le commerçant. Comme l’a mis hors de lui, un type venu d’on ne sait où en voiture qui voulait acheter toutes les bouteilles d’eau du magasin (ce qu’il a refusé).
Impossible de bénéficier du jardin par ce temps médiocre ; je décide, ce que je n’ai pas fait depuis plusieurs années, de mettre en marche mon lecteur de cédés afin de réécouter ceux que je possède par ordre alphabétique,
Aujourd’hui Dominique A (avec des cheveux) : La Fossette, Si je connais Harry, La Mémoire neuve, Remué, dont au vu des évènements certaines chansons prennent un sens particulier, ainsi Passé l’hiver Passé l'hiver / Qu'allons-nous faire / Qu'est-ce qui t'inquiète? / Ça ne m'inquiète pas plus que ça / Mais je crois savoir où on va ou Chanson de la ville silencieuse Et toute la ville autour de nous / Serait belle, serait silencieuse / Et toute la ville autour de nous / Serait belle, serait... / Là, trouver une occupation / Mettre un disque, manger des biscuits ou Je suis une ville Je suis une ville dont beaucoup sont partis / Enfin pas tous encore mais ça se rétrécit / Et je suis bien marquée, d'ailleurs je ne vis plus / Que sur ce capital, mes rides bien en vue / Mais mes poches sont vides et ma tête est ailleurs…
*
L’ont échappé belle ceusses qui veulent être nouveaux Maire, adjoints et conseillers de Rouen. L’ancienne équipe, qui pensait être quitte, va se taper le sale boulot. Pendant ce temps, l’une qui aurait été élue dimanche prochain vit un confinement doré en bord de mer dans sa résidence secondaire.
*
Loïc Lachenal, Directeur de l’Opéra de Rouen, interrogé par Paris Normandie. Il ne parle que de sa boutique qui perd de l’argent. A la fin, on lui demande :
Avez-vous un message à faire passer aux spectateurs ?
« Qu’ils soient compréhensifs et patients, car nous n’avons pas toutes les réponses. La question du remboursement va se poser bien sûr. Pour l’instant, le théâtre est à l’arrêt. On ne peut rien traiter. Et on aura vraiment besoin d’eux quand on va rouvrir. »
Pas la moindre trace d’empathie, alors que son public est très majoritairement composé de personnes de plus de soixante-dix ans, certaines de santé précaire.
*
C'’était aujourd'hui la Journée Mondiale du Bonheur.
20 mars 2020
Guère de monde rue de la République quand je la remontre ce jeudi vers huit heures quarante-cinq pour me ravitailler chez U Express. Je n’y vois que deux ou trois clients faciles à éviter et le personnel habituel occupé à reconstituer des rayonnages un peu clairsemés. Je trouve tout ce dont j’ai besoin et suis seul face à la caissière désormais protégée par un plastique translucide descendant du plafond. Je lui souhaite bon courage.
Une mienne connaissance racontait hier qu’elle avait acheté des gâteaux pour les offrir à celles de son supermarché. L’une d’elles lui a répondu qu’il fallait qu’elle en réfère à sa supérieure, laquelle est venue et a emporté les gâteaux. « J'espère juste que ladite cheffe qui a récupéré le butin l'a bien partagé et... ne l'a pas remis en vente ! », s’inquiète cette généreuse personne.
A onze heures me téléphone celle qui se soucie de moi, ayant elle-même bien des soucis à Paris. Je lui dis que j’espère que le repas de post anniversaire que nous avons partagé au Café L’Arsenal ne sera pas la dernière fois où nous nous serons vus.
L’après-midi, profitant de cette journée encore plus douce que la veille, c’est de nouveau Léautaud, plateau, tréteaux. Heureusement que j’ai la lecture et l’écriture.
Rentré, je regarde où nous en sommes sur France Cinq. Un professeur de l’Hôpital Saint-Antoine énonce à la journaliste les trois critères selon lesquels seront sélectionnés les malades à ne pas réanimer quand les capacités d’accueil seront saturées : cas très grave, mauvais état général et rédaction de directives anticipées. C’est même cette dernière raison qu’il donne en premier. Je découvre qu’en cas de crise, les directives anticipées sont considérées par les médecins comme un feu vert pour vous délaisser. J’ai bien fait de toujours remettre à demain la rédaction des miennes.
*
Ces « Nouvelles du front » ressemblent plutôt à des « Lettres de prison ». m’écrit un fidèle lecteur. « Nous sommes tou(te)s à la fois en prison et en première ligne. », lui réponds-je.
*
Il semblerait que ce soit les élèves qui donnent des cours aux profs en leur expliquant comment ils peuvent créer des classes virtuelles sur les plates-formes de jeux vidéo (vu que du côté de l’Education Nationale, quelle surprise, ça plante).
*
A la télé, ces courts-métrages montrant des voitures qui roulent seules dans une ville ou une campagne déserte. Je croyais regarder des films publicitaires. En fait, il s’agissait de films d’anticipation.
*
L’impression de vivre un anti An 01.
Une mienne connaissance racontait hier qu’elle avait acheté des gâteaux pour les offrir à celles de son supermarché. L’une d’elles lui a répondu qu’il fallait qu’elle en réfère à sa supérieure, laquelle est venue et a emporté les gâteaux. « J'espère juste que ladite cheffe qui a récupéré le butin l'a bien partagé et... ne l'a pas remis en vente ! », s’inquiète cette généreuse personne.
A onze heures me téléphone celle qui se soucie de moi, ayant elle-même bien des soucis à Paris. Je lui dis que j’espère que le repas de post anniversaire que nous avons partagé au Café L’Arsenal ne sera pas la dernière fois où nous nous serons vus.
L’après-midi, profitant de cette journée encore plus douce que la veille, c’est de nouveau Léautaud, plateau, tréteaux. Heureusement que j’ai la lecture et l’écriture.
Rentré, je regarde où nous en sommes sur France Cinq. Un professeur de l’Hôpital Saint-Antoine énonce à la journaliste les trois critères selon lesquels seront sélectionnés les malades à ne pas réanimer quand les capacités d’accueil seront saturées : cas très grave, mauvais état général et rédaction de directives anticipées. C’est même cette dernière raison qu’il donne en premier. Je découvre qu’en cas de crise, les directives anticipées sont considérées par les médecins comme un feu vert pour vous délaisser. J’ai bien fait de toujours remettre à demain la rédaction des miennes.
*
Ces « Nouvelles du front » ressemblent plutôt à des « Lettres de prison ». m’écrit un fidèle lecteur. « Nous sommes tou(te)s à la fois en prison et en première ligne. », lui réponds-je.
*
Il semblerait que ce soit les élèves qui donnent des cours aux profs en leur expliquant comment ils peuvent créer des classes virtuelles sur les plates-formes de jeux vidéo (vu que du côté de l’Education Nationale, quelle surprise, ça plante).
*
A la télé, ces courts-métrages montrant des voitures qui roulent seules dans une ville ou une campagne déserte. Je croyais regarder des films publicitaires. En fait, il s’agissait de films d’anticipation.
*
L’impression de vivre un anti An 01.
19 mars 2020
Nous ne sommes qu’au début de ce confinement et déjà je ne sais plus quel jour on est. Je dois demander à mon ordinateur. Mercredi, le jour où je devrais être à Paris. Est-ce que je pourrai y retourner un jour ? Depuis que je suis moins en contact avec autrui, je crains davantage d’attraper la saloperie. On dira que c’est paradoxal.
France Culture ayant perdu son honneur et sa dignité, je passe sur France Musique. Il en sera ainsi chaque matin.
Vers huit heures moins le quart, muni de mon attestation de déplacement dérogatoire recopiée à la main et datée du dix-huit mars (théoriquement il faudrait en faire une pour chaque jour, mais j’utiliserai du correcteur liquide pour changer la date, au risque de l’amende de cent trente-cinq euros, qui sait ?), je me rends à la boulangerie en faisant un détour (autorisé ou non ?) par une boîte à lettres afin d’y jeter un livre vendu.
Je suis le seul client du Fournil du Carré d’Or et ça me va bien. J’y prends un Rive Droite qui me fera deux jours et demande à la patronne si elle ouvrira les dimanches comme il est désormais autorisé.
-Oh non, me dit-elle, déjà qu’on ne voit plus personne.
Ce sera ma seule sortie de la journée.
Dès que le soleil est sur le banc, j’y vais lire Léautaud pendant deux heures puis installe plateau et tréteaux à l’ombre du bâtiment afin de tapoter mes notes de lecture que je publierai chaque après-midi (jusqu’à nouvel ordre). Un voisin s’occupe à débroussailler le jardin pour se faire un coin personnel où semer des petits pois. D’autres regardent je ne sais quoi sur des écrans ou écoutent des musiques diverses qui me parviennent par les fenêtres ouvertes sans me gêner. C’est l’une des conséquences du confinement : tous les voisins sont là. Il est des endroits où cela débouchera sur des querelles. De même dans certaines familles et couples obligés de se supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou presque.
*
J’entends l’un de ces voisins se moucher régulièrement au premier étage. Qu’il ne m’approche pas.
*
Il est des lieux où à vingt heures tous les voisins se mettent aux fenêtres pour applaudir les soignant€s, ces « héros en blouses blanches ». Ici ce serait ridicule. Et côté rue j’applaudirais seul, tant il y a d’appartements vides.
*
Bientôt, les hommes qui vivent seuls auront les cheveux longs, à moins qu’ils soient suffisamment hardis pour les couper eux-mêmes.
*
Le bilan du soir : « En France 50% des malades en réanimation ont moins de 60 ans. Au total, 7% des 264 personnes décédées (dont 89 lors des dernières 24 heures) sont âgées de moins de 65 ans. »
En clair, il y a un pourcentage important de moins de soixante ans en réanimation et presque tous en sortent vivants.
En revanche, quatre-vingt-treize pour cent des morts ont plus de soixante-cinq ans.
J’en déduis que soit leur tentative de réanimation a échoué, soit ils n’y ont même pas eu droit.
De quoi me rassurer.
France Culture ayant perdu son honneur et sa dignité, je passe sur France Musique. Il en sera ainsi chaque matin.
Vers huit heures moins le quart, muni de mon attestation de déplacement dérogatoire recopiée à la main et datée du dix-huit mars (théoriquement il faudrait en faire une pour chaque jour, mais j’utiliserai du correcteur liquide pour changer la date, au risque de l’amende de cent trente-cinq euros, qui sait ?), je me rends à la boulangerie en faisant un détour (autorisé ou non ?) par une boîte à lettres afin d’y jeter un livre vendu.
Je suis le seul client du Fournil du Carré d’Or et ça me va bien. J’y prends un Rive Droite qui me fera deux jours et demande à la patronne si elle ouvrira les dimanches comme il est désormais autorisé.
-Oh non, me dit-elle, déjà qu’on ne voit plus personne.
Ce sera ma seule sortie de la journée.
Dès que le soleil est sur le banc, j’y vais lire Léautaud pendant deux heures puis installe plateau et tréteaux à l’ombre du bâtiment afin de tapoter mes notes de lecture que je publierai chaque après-midi (jusqu’à nouvel ordre). Un voisin s’occupe à débroussailler le jardin pour se faire un coin personnel où semer des petits pois. D’autres regardent je ne sais quoi sur des écrans ou écoutent des musiques diverses qui me parviennent par les fenêtres ouvertes sans me gêner. C’est l’une des conséquences du confinement : tous les voisins sont là. Il est des endroits où cela débouchera sur des querelles. De même dans certaines familles et couples obligés de se supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou presque.
*
J’entends l’un de ces voisins se moucher régulièrement au premier étage. Qu’il ne m’approche pas.
*
Il est des lieux où à vingt heures tous les voisins se mettent aux fenêtres pour applaudir les soignant€s, ces « héros en blouses blanches ». Ici ce serait ridicule. Et côté rue j’applaudirais seul, tant il y a d’appartements vides.
*
Bientôt, les hommes qui vivent seuls auront les cheveux longs, à moins qu’ils soient suffisamment hardis pour les couper eux-mêmes.
*
Le bilan du soir : « En France 50% des malades en réanimation ont moins de 60 ans. Au total, 7% des 264 personnes décédées (dont 89 lors des dernières 24 heures) sont âgées de moins de 65 ans. »
En clair, il y a un pourcentage important de moins de soixante ans en réanimation et presque tous en sortent vivants.
En revanche, quatre-vingt-treize pour cent des morts ont plus de soixante-cinq ans.
J’en déduis que soit leur tentative de réanimation a échoué, soit ils n’y ont même pas eu droit.
De quoi me rassurer.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante