Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
30 janvier 2025
A mon arrivée au Camélia, ce mercredi, je souhaite une bonne année au patron et à son fils. C’est aujourd’hui le nouvel an lunaire, le début de l’année du serpent de bois. J’ai une pensée pour Chyi. Que devient-elle, celle qui m’écrivait de Pékin en commençant ses courriers par « Petit lapin chéri ». Le lapin est mon signe dans l’astrologie chinoise.
Le ciel est un peu bleu dans la capitale. Ça ne va pas durer. Une nouvelle pluie est en route. Au Marché d’Aligre, où Amin est en pleine introspection, « Qu’est-ce qu’on va devenir ? », je ne trouve rien pour moi.
Pas davantage chez Re-Read où entre un homme qui déclare à la bouquiniste « Je voudrais me rapprocher du siège social ». Il a des locaux commerciaux à fourguer et repart déçu.
De retour à Ledru-Rollin, je découvre que le Café du Faubourg n’est plus. Relouqué, il est devenu Tonton Lulu. Adieu prolo, bienvenue bobo. Le Rallye, où je souhaite la bonne année à la patronne et à la serveuse, est toujours dans son jus. Un alcoolisé anime le comptoir : « Elle, elle est née en France, chacun sa merde ». Après être ressorti de Book-Off avec seulement quelques ouvrages à parcourir vite fait avant de les revendre, j’y déjeune d’un filet de hareng suivi d’un sauté de bœuf aux carottes et riz.
De la pluie à la sortie, je m’abstiens d’ouvrir le parapluie dont je ne sais que faire quand il est mouillé et que je rentre quelque part. J’ai redécouvert que la pluie, c’est moins gênant quand on n’a pas de lunettes. Au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin je ne trouve rien qui me soit indispensable. Je dépense quand même un euro pour un roman, qui n’a pas l’air d’en être vraiment un, de Frédérique Clémençon, succombant à la tentation à cause de son titre Une saleté.
Toujours sous la pluie, avec une pause café au comptoir du Bistrot d’Edmond, je rejoins le troisième Book-Off où il n’y a pour moi à un euro qu’Ecrits et propos de Pierre Soulages (Hermann) et Oublier Berlin de Jean-Yves Cendrey (Editions de Minuit).
C’est le déluge à la sortie. Mon train de retour est à l’heure. La même pluie m’accueille à Rouen. J’attends le bus Effe Sept. Sous l’abribus, un excité déblatère. Il rentre du bled. Il se vante de ne pas travailler. Il déclare qu’il n’a besoin pour vivre que de sa bite et de son couteau. Dans le bus, il se colle près de la conductrice qui n’ose l’envoyer paître. Le couple qui l’accompagne rit de ses propos idiots de dragueur pénible. Il a tort de dire qu’il ne travaille pas. Il travaille, et très efficacement, pour le Pen, Bardella, Retailleau et les autres.
*
Disponible à quatre euros chez Re-Read : Jean-François Kahn, Droit dans le mur ! une définition de la mort, dont il vient de faire l’expérience.
Disponible à un euro chez Book-Off : Pierre Dupont, L’Abbé Pierre, une vie d’amour, sans sa mise à jour.
Le ciel est un peu bleu dans la capitale. Ça ne va pas durer. Une nouvelle pluie est en route. Au Marché d’Aligre, où Amin est en pleine introspection, « Qu’est-ce qu’on va devenir ? », je ne trouve rien pour moi.
Pas davantage chez Re-Read où entre un homme qui déclare à la bouquiniste « Je voudrais me rapprocher du siège social ». Il a des locaux commerciaux à fourguer et repart déçu.
De retour à Ledru-Rollin, je découvre que le Café du Faubourg n’est plus. Relouqué, il est devenu Tonton Lulu. Adieu prolo, bienvenue bobo. Le Rallye, où je souhaite la bonne année à la patronne et à la serveuse, est toujours dans son jus. Un alcoolisé anime le comptoir : « Elle, elle est née en France, chacun sa merde ». Après être ressorti de Book-Off avec seulement quelques ouvrages à parcourir vite fait avant de les revendre, j’y déjeune d’un filet de hareng suivi d’un sauté de bœuf aux carottes et riz.
De la pluie à la sortie, je m’abstiens d’ouvrir le parapluie dont je ne sais que faire quand il est mouillé et que je rentre quelque part. J’ai redécouvert que la pluie, c’est moins gênant quand on n’a pas de lunettes. Au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin je ne trouve rien qui me soit indispensable. Je dépense quand même un euro pour un roman, qui n’a pas l’air d’en être vraiment un, de Frédérique Clémençon, succombant à la tentation à cause de son titre Une saleté.
Toujours sous la pluie, avec une pause café au comptoir du Bistrot d’Edmond, je rejoins le troisième Book-Off où il n’y a pour moi à un euro qu’Ecrits et propos de Pierre Soulages (Hermann) et Oublier Berlin de Jean-Yves Cendrey (Editions de Minuit).
C’est le déluge à la sortie. Mon train de retour est à l’heure. La même pluie m’accueille à Rouen. J’attends le bus Effe Sept. Sous l’abribus, un excité déblatère. Il rentre du bled. Il se vante de ne pas travailler. Il déclare qu’il n’a besoin pour vivre que de sa bite et de son couteau. Dans le bus, il se colle près de la conductrice qui n’ose l’envoyer paître. Le couple qui l’accompagne rit de ses propos idiots de dragueur pénible. Il a tort de dire qu’il ne travaille pas. Il travaille, et très efficacement, pour le Pen, Bardella, Retailleau et les autres.
*
Disponible à quatre euros chez Re-Read : Jean-François Kahn, Droit dans le mur ! une définition de la mort, dont il vient de faire l’expérience.
Disponible à un euro chez Book-Off : Pierre Dupont, L’Abbé Pierre, une vie d’amour, sans sa mise à jour.
28 janvier 2025
Une question que je n’ai pas à me poser : quitter Ixe ou non ? Je n’y ai pas de compte. J’ai failli autrefois. J’ai reculé devant le risque d’y subir des fâcheux et le temps que j’y passerais. Quand ça s’appelait Touitteur. Avant que celui devenu le farfadet de Trump ne l’achète et n’en fasse un endroit pire qu’il n’était.
En matière de réseau social, je suis uniquement sur Effe Bé, un compte privé, accueillant aux aimables, inaccessible aux déplaisants. J’y ai soixante-douze « ami(e)s ». Dont un mort et une très grosse majorité de fantômes. J’ai des échanges réguliers avec les doigts d’une main et des échanges irréguliers avec les doigts de l’autre main.
L’un des soixante-douze vient de se mettre en retrait. On quitte aussi Effe Bé en ce moment. Depuis que le boss s’est relouqué physiquement et mentalement pour être adoubé par Trump. Cette mise en retrait avec migration vers un réseau social auto-hébergé, libre et décentralisé m’ennuie. Je sais que cela distendra notre lien.
J’ai vu ça quand d’autres sont partis, avant. Ainsi, celui qui fut mon éditeur, vexé d’avoir eu une image bloquée par Effe Bé, pour cause de sein. Depuis plus aucun échange entre nous. Nous aurions pu par mail. Il ne l’a pas fait et de mon côté, je me suis dis pourquoi est-ce toujours à moi d’écrire le premier. Une « amie » a, quant à elle, supprimé son compte sans prévenir il y a quelques mois. Plus moyen de savoir ce qu’elle devient. L’impression désagréable d’avoir été ghosté (comme on dit).
En revanche, j’en vois un qui s’y trouve encore et ne semble pas se poser la question d’en partir. Un ancien « ami » celui-là. Il y a quelques années, un jour qu’un article de presse disait Effe Bé c’est fini, il s’en était réjoui. En commentaire, je lui ai demandé comment on pouvait se réjouir de la fin d’un service que l’on utilise. Il a éludé. J’ai reposé ma question. Il m’a traité de troll. Fin de notre « amitié ». Il est toujours sur Effe Bé. Il s’en sert pour faire connaître ses écritures et de la publicité pour son livre publié au Tripode.
Malgré le boss de Effe Bé devenu trumpiste, je ne bouge pas. D’une part, vu mes faibles capacités techniques, je n’ai pas envie de perdre mon temps à galérer sur un réseau social aux mains propres. D’autre part, ça ne me gêne pas de fréquenter des lieux malpropres (faudrait-il que je ne lise plus Le Parisien dans les cafés de la capitale au prétexte que Bernard Arnault était lui aussi derrière Trump le jour de son investiture ?).
Personne n’a les mains propres en France. Chacun(e) subventionne les pro-Trump Rassemblement National et Reconquête avec ses impôts. Cela s’appelle le financement public des partis politiques.
*
Un de mes plaisirs de lecture sur Effe Bé, et donc une bonne raison d’y rester, la chronique d’André Markowicz.
Extraits de celle du quinze janvier deux mille vingt-cinq :
D’un coup, c’est comme la grippe. Tout le monde quitte Fb parce que Zuckerberg a dit qu’il n’y aurait plus de « fact checking » dorénavant et qu’il s’est rangé derrière Musk et Trump. Et moi, je suis là, sur Fb, et, tant que je peux, j’y resterai, parce que je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau.
Dites, vous l’avez vu, le « fact checking » de Fb ? Je veux dire, avant ? Du temps où Zuckerberg était, supposément, du côté du bien. Et qu’est-ce que c’est « le fact checking » ? Qui le fait ?
Moi, tout ce que je vois dans Fb, ce sont des limitations imbéciles, genre, l’interdiction d’une photo dès qu’il y a un sein visible - et ça, oui, c’est quelque chose qui est constant. (…)
Je n’ai aucune illusion sur la vertu de Fb - Je considère Fb comme un lieu commun dans lequel, plus ou moins, chacun, avec les aléas d’une dictature informatique (qui n’est pas uniquement dans Fb), chacun est responsable de ce qu’il dit et de la forme de ce qu’il dit. (…)
J’écris, parce que je me sens libre, dans ce monde absurde et ce monde de contrainte et que ça me permet aussi de rester en contact. (…)
Et je n’ai pas besoin de fact checking sur Fb, qu’on me dise que telle chose est mauvaise ou tel mot ne doit pas être employé - parce que c’est à moi de décider - je n’ai besoin d’aucune instance supérieure pour exercer le peu de jugement que j’ai. (…)
Je reste et j’essaierai de rester tant que ça va continuer et, à l’évidence, c’est en train d’aller vers la disparition. Mais imaginez, pour moi, la quantité de texte du journal ouvert qu’il abrite, Fb, - combien de dizaines de milliers de pages ?... A quoi elles servent ? C’est une autre question, que vous êtes en droit de vous poser, mais pas de me poser à moi, parce qu’on n’a pas le droit de demander à quelqu’un pourquoi est-ce qu’il reste vivant.
En matière de réseau social, je suis uniquement sur Effe Bé, un compte privé, accueillant aux aimables, inaccessible aux déplaisants. J’y ai soixante-douze « ami(e)s ». Dont un mort et une très grosse majorité de fantômes. J’ai des échanges réguliers avec les doigts d’une main et des échanges irréguliers avec les doigts de l’autre main.
L’un des soixante-douze vient de se mettre en retrait. On quitte aussi Effe Bé en ce moment. Depuis que le boss s’est relouqué physiquement et mentalement pour être adoubé par Trump. Cette mise en retrait avec migration vers un réseau social auto-hébergé, libre et décentralisé m’ennuie. Je sais que cela distendra notre lien.
J’ai vu ça quand d’autres sont partis, avant. Ainsi, celui qui fut mon éditeur, vexé d’avoir eu une image bloquée par Effe Bé, pour cause de sein. Depuis plus aucun échange entre nous. Nous aurions pu par mail. Il ne l’a pas fait et de mon côté, je me suis dis pourquoi est-ce toujours à moi d’écrire le premier. Une « amie » a, quant à elle, supprimé son compte sans prévenir il y a quelques mois. Plus moyen de savoir ce qu’elle devient. L’impression désagréable d’avoir été ghosté (comme on dit).
En revanche, j’en vois un qui s’y trouve encore et ne semble pas se poser la question d’en partir. Un ancien « ami » celui-là. Il y a quelques années, un jour qu’un article de presse disait Effe Bé c’est fini, il s’en était réjoui. En commentaire, je lui ai demandé comment on pouvait se réjouir de la fin d’un service que l’on utilise. Il a éludé. J’ai reposé ma question. Il m’a traité de troll. Fin de notre « amitié ». Il est toujours sur Effe Bé. Il s’en sert pour faire connaître ses écritures et de la publicité pour son livre publié au Tripode.
Malgré le boss de Effe Bé devenu trumpiste, je ne bouge pas. D’une part, vu mes faibles capacités techniques, je n’ai pas envie de perdre mon temps à galérer sur un réseau social aux mains propres. D’autre part, ça ne me gêne pas de fréquenter des lieux malpropres (faudrait-il que je ne lise plus Le Parisien dans les cafés de la capitale au prétexte que Bernard Arnault était lui aussi derrière Trump le jour de son investiture ?).
Personne n’a les mains propres en France. Chacun(e) subventionne les pro-Trump Rassemblement National et Reconquête avec ses impôts. Cela s’appelle le financement public des partis politiques.
*
Un de mes plaisirs de lecture sur Effe Bé, et donc une bonne raison d’y rester, la chronique d’André Markowicz.
Extraits de celle du quinze janvier deux mille vingt-cinq :
D’un coup, c’est comme la grippe. Tout le monde quitte Fb parce que Zuckerberg a dit qu’il n’y aurait plus de « fact checking » dorénavant et qu’il s’est rangé derrière Musk et Trump. Et moi, je suis là, sur Fb, et, tant que je peux, j’y resterai, parce que je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau.
Dites, vous l’avez vu, le « fact checking » de Fb ? Je veux dire, avant ? Du temps où Zuckerberg était, supposément, du côté du bien. Et qu’est-ce que c’est « le fact checking » ? Qui le fait ?
Moi, tout ce que je vois dans Fb, ce sont des limitations imbéciles, genre, l’interdiction d’une photo dès qu’il y a un sein visible - et ça, oui, c’est quelque chose qui est constant. (…)
Je n’ai aucune illusion sur la vertu de Fb - Je considère Fb comme un lieu commun dans lequel, plus ou moins, chacun, avec les aléas d’une dictature informatique (qui n’est pas uniquement dans Fb), chacun est responsable de ce qu’il dit et de la forme de ce qu’il dit. (…)
J’écris, parce que je me sens libre, dans ce monde absurde et ce monde de contrainte et que ça me permet aussi de rester en contact. (…)
Et je n’ai pas besoin de fact checking sur Fb, qu’on me dise que telle chose est mauvaise ou tel mot ne doit pas être employé - parce que c’est à moi de décider - je n’ai besoin d’aucune instance supérieure pour exercer le peu de jugement que j’ai. (…)
Je reste et j’essaierai de rester tant que ça va continuer et, à l’évidence, c’est en train d’aller vers la disparition. Mais imaginez, pour moi, la quantité de texte du journal ouvert qu’il abrite, Fb, - combien de dizaines de milliers de pages ?... A quoi elles servent ? C’est une autre question, que vous êtes en droit de vous poser, mais pas de me poser à moi, parce qu’on n’a pas le droit de demander à quelqu’un pourquoi est-ce qu’il reste vivant.
26 janvier 2025
Quittant momentanément ce siècle par la lecture, celle du Journal intime d’un mélancolique, j’accompagne James Boswell dans les buissons et au tripot :
J’ai senti en revenant chez moi cette nuit les désirs de la chair se déchaîner en moi. Je me suis donc rendu au parc St. James, et, comme Sir John Brute, j’y ai ramassé une putain. Pour la première fois j’attaque en cuirasse et n’y trouve qu’une piètre satisfaction. Celle qui s’est soumise à mes étreintes vigoureuses était une jeune fille du Shropshire. Elle n’a que dix-sept ans, elle est fort jolie et s’appelle Elizabeth Parker. Pauvre créature, quelle vie ! (vendredi vingt-cinq mars mil sept cent soixante-trois)
J’erre le soir dans le Parc, et j’aborde la première prostituée que je rencontre. Je m’accouple avec elle, sans grand discours, mais protégé du danger. Elle est laide, maigre et pue l’alcool. Je ne lui demande point son nom. La chose faite, elle s’esquive. J’ai la plus triste opinion de cette pratique grossière et je décide de ne plus m’y livrer. (jeudi trente et un mars mil sept cent soixante-trois)
Je me lance vers les Arcades, débordant de vie, brûlant de désir. Deux très jolies filles me demandent de les emmener. « Mes chers petites, dis-je, je ne suis qu’un pauvre diable. Je n’ai pas un denier à vous offrir, mais si vous voulez bien que nous nous amusions ensemble, si vous vous contentez d’un verre de vin et de ma personne, je suis votre homme. » Je retourne donc au Shakespeare. « Garçon, dis-je, que dites-vous de ces créatures ? Feront-elles l’affaire ?
-Je vais voir, Votre Honneur ! » s’écrie-t-il. Il les dévisage alors avec une effronterie incroyable. « Parfaitement ! s’exclame-t-il. -Vous m’assurez qu’elles seront de bonnes compagnes ? Alors, faites les monter ! » On nous conduit dans une chambre convenable où, la minute d’après, nous voyons arriver une bouteille de sherry. J’examine mon sérail. Il me paraît tout à fait propre aux jeux amoureux. Je caresse les deux belles, je bois, je chante La Jeunesse et la Saison et je me prends pour le capitaine Macheath. Puis, je me console de l’existence avec l’une et avec l’autre, par rang d’âge. Je me sens des ailes. Dire que je suis dans une taverne de Londres, au Shakespeare, dans les bras de la folle débauche, après avoir passé un hiver si austère ! Je prends courtoisement congé de mes deux femmes et je rentre chez moi, tout enflammé. (jeudi dix-neuf mai mil sept cent soixante-trois)
Je me rends au Parc, j’avise une virago de la plus basse espèce, auprès de qui je me fais passer pour un coiffeur et nous tombons d’accord pour la somme de six pence. Bras dessus, bras dessous, je l’entraîne dans les bosquets et me conduis le plus virilement du monde. Je m’en vais ensuite, en braillant, jusqu’au cimetière Saint-Paul. Puis je rentre dans l’estaminet d’Ashley, où je bois trois coups à trois pence. Dans le Strand, je ramasse une malheureuse petite débauchée et je lui donne six pence. La garce m’accorde mes entrées, mais me refuse l’assouvissement. Comme je suis le plus fort, volens nolens, je l’adosse au mur. La voilà, qui d’un bond, se libère de moi. Un ramassis de putains et de soldats accourt à ses hurlements. « Alors, soldats, mes frères, dis-je, un demi-solde ne peut donc plus baiser pour six pence ? Et celle-là qui fait la mijaurée ! » Je les mets de mon côté, j’accable la fille d’injures grossières, puis je bats en retraite. A White Hall, j’avise une autre fille et lui demande de faire crédit à un voleur de grand chemin, sans un liard. Elle refuse. Ma vanité est assez flattée ce soir. Sous mon accoutrement, on m’a toujours reconnu pour un gentilhomme. Je rentre chez moi, vers deux heures, très fatigué. (samedi quatre juin mil sept cent soixante-trois)
J’aurais dû noter hier que j’étais allé présenter mes devoirs à Monsieur Samuel Johnson. Il m’a fait beaucoup d’honnêtetés. (mardi quatorze juin mil sept cent soixante-trois)
James Boswell est l’auteur de Vie de Samuel Johnson, biographie publiée en mil sept cent quatre-vingt-onze.
*
Autre lecture : celle de la brochure des Amateurs de Rémy de Gourmont publiée en soutien aux bouquinistes des quais de Paris lorsque Anne Hidalgo voulait les virer pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
J’y apprends que ce ne fut pas la seule fois où ils ont été menacés d’être chassés. Ainsi, le vingt-quatre mars mil neuf cent six, un Sénateur nommé Béranger, membre de l’Institut, dans L’Echo de Paris publiait un article intitulé Pour les mœurs, faut-il ou non une Censure ? dans lequel on trouvait ceci :
Niera-t-on le danger ? qu’on parcoure le boulevard, qu’on s’arrête devant les boîtes des bouquinistes des quais. Là, certes, l’administration a libre carrière sans crainte de blesser l’opinion. Y a-t-il rien de plus encombrant pour la circulation, de plus offensant pour les yeux, que ces installations malpropres qui détruisent la belle harmonie des quais, masquent les charmants aspects du fleuve, et donnent à une des parties les plus pittoresques de Paris, l’apparence d’une foire de petite ville. Si du moins la décence y était respectée. Mais qu’on y regarde de près. Il n’est presque pas une de ces installations qui n’ait, bien en vue, un casier spécial où s’entasse tout ce que la licence accumulée d’autrefois et d’aujourd’hui a produit de plus honteux : livres à titres ou images obscènes, photographies galantes, cartes transparentes. Tout y est, et tout y peut être manié, feuilleté et lu sur place sans bourse délier. C’est le cabinet de lecture en plein air et sans frais. C’est là que le lycéen, la petite ouvrière, l’enfant même vont se corrompre gratis.
J’ai senti en revenant chez moi cette nuit les désirs de la chair se déchaîner en moi. Je me suis donc rendu au parc St. James, et, comme Sir John Brute, j’y ai ramassé une putain. Pour la première fois j’attaque en cuirasse et n’y trouve qu’une piètre satisfaction. Celle qui s’est soumise à mes étreintes vigoureuses était une jeune fille du Shropshire. Elle n’a que dix-sept ans, elle est fort jolie et s’appelle Elizabeth Parker. Pauvre créature, quelle vie ! (vendredi vingt-cinq mars mil sept cent soixante-trois)
J’erre le soir dans le Parc, et j’aborde la première prostituée que je rencontre. Je m’accouple avec elle, sans grand discours, mais protégé du danger. Elle est laide, maigre et pue l’alcool. Je ne lui demande point son nom. La chose faite, elle s’esquive. J’ai la plus triste opinion de cette pratique grossière et je décide de ne plus m’y livrer. (jeudi trente et un mars mil sept cent soixante-trois)
Je me lance vers les Arcades, débordant de vie, brûlant de désir. Deux très jolies filles me demandent de les emmener. « Mes chers petites, dis-je, je ne suis qu’un pauvre diable. Je n’ai pas un denier à vous offrir, mais si vous voulez bien que nous nous amusions ensemble, si vous vous contentez d’un verre de vin et de ma personne, je suis votre homme. » Je retourne donc au Shakespeare. « Garçon, dis-je, que dites-vous de ces créatures ? Feront-elles l’affaire ?
-Je vais voir, Votre Honneur ! » s’écrie-t-il. Il les dévisage alors avec une effronterie incroyable. « Parfaitement ! s’exclame-t-il. -Vous m’assurez qu’elles seront de bonnes compagnes ? Alors, faites les monter ! » On nous conduit dans une chambre convenable où, la minute d’après, nous voyons arriver une bouteille de sherry. J’examine mon sérail. Il me paraît tout à fait propre aux jeux amoureux. Je caresse les deux belles, je bois, je chante La Jeunesse et la Saison et je me prends pour le capitaine Macheath. Puis, je me console de l’existence avec l’une et avec l’autre, par rang d’âge. Je me sens des ailes. Dire que je suis dans une taverne de Londres, au Shakespeare, dans les bras de la folle débauche, après avoir passé un hiver si austère ! Je prends courtoisement congé de mes deux femmes et je rentre chez moi, tout enflammé. (jeudi dix-neuf mai mil sept cent soixante-trois)
Je me rends au Parc, j’avise une virago de la plus basse espèce, auprès de qui je me fais passer pour un coiffeur et nous tombons d’accord pour la somme de six pence. Bras dessus, bras dessous, je l’entraîne dans les bosquets et me conduis le plus virilement du monde. Je m’en vais ensuite, en braillant, jusqu’au cimetière Saint-Paul. Puis je rentre dans l’estaminet d’Ashley, où je bois trois coups à trois pence. Dans le Strand, je ramasse une malheureuse petite débauchée et je lui donne six pence. La garce m’accorde mes entrées, mais me refuse l’assouvissement. Comme je suis le plus fort, volens nolens, je l’adosse au mur. La voilà, qui d’un bond, se libère de moi. Un ramassis de putains et de soldats accourt à ses hurlements. « Alors, soldats, mes frères, dis-je, un demi-solde ne peut donc plus baiser pour six pence ? Et celle-là qui fait la mijaurée ! » Je les mets de mon côté, j’accable la fille d’injures grossières, puis je bats en retraite. A White Hall, j’avise une autre fille et lui demande de faire crédit à un voleur de grand chemin, sans un liard. Elle refuse. Ma vanité est assez flattée ce soir. Sous mon accoutrement, on m’a toujours reconnu pour un gentilhomme. Je rentre chez moi, vers deux heures, très fatigué. (samedi quatre juin mil sept cent soixante-trois)
J’aurais dû noter hier que j’étais allé présenter mes devoirs à Monsieur Samuel Johnson. Il m’a fait beaucoup d’honnêtetés. (mardi quatorze juin mil sept cent soixante-trois)
James Boswell est l’auteur de Vie de Samuel Johnson, biographie publiée en mil sept cent quatre-vingt-onze.
*
Autre lecture : celle de la brochure des Amateurs de Rémy de Gourmont publiée en soutien aux bouquinistes des quais de Paris lorsque Anne Hidalgo voulait les virer pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
J’y apprends que ce ne fut pas la seule fois où ils ont été menacés d’être chassés. Ainsi, le vingt-quatre mars mil neuf cent six, un Sénateur nommé Béranger, membre de l’Institut, dans L’Echo de Paris publiait un article intitulé Pour les mœurs, faut-il ou non une Censure ? dans lequel on trouvait ceci :
Niera-t-on le danger ? qu’on parcoure le boulevard, qu’on s’arrête devant les boîtes des bouquinistes des quais. Là, certes, l’administration a libre carrière sans crainte de blesser l’opinion. Y a-t-il rien de plus encombrant pour la circulation, de plus offensant pour les yeux, que ces installations malpropres qui détruisent la belle harmonie des quais, masquent les charmants aspects du fleuve, et donnent à une des parties les plus pittoresques de Paris, l’apparence d’une foire de petite ville. Si du moins la décence y était respectée. Mais qu’on y regarde de près. Il n’est presque pas une de ces installations qui n’ait, bien en vue, un casier spécial où s’entasse tout ce que la licence accumulée d’autrefois et d’aujourd’hui a produit de plus honteux : livres à titres ou images obscènes, photographies galantes, cartes transparentes. Tout y est, et tout y peut être manié, feuilleté et lu sur place sans bourse délier. C’est le cabinet de lecture en plein air et sans frais. C’est là que le lycéen, la petite ouvrière, l’enfant même vont se corrompre gratis.
24 janvier 2025
Assis dans la galerie marchande de la Gare Saint-Lazare, je lis Huit Juifs (qui suit 16 Octobre 1943) de Giacomo Debenedetti. Et si un jour on voulait donner une décoration à ceux qui sont tombés, ce n’est certainement pas nous, les Juifs rescapés, qui la refuserions ; mais qu’on ne frappe pas de médailles différentes, qu’on n’imprime pas de diplômes spéciaux : que ce soit les médailles et les diplômes des autres soldats : « Soldat Cohen… Soldat Levi… Soldat Abramovic… Soldat Chaim Blumenthal, âgé de cinq ans, tombé à Leopoli, au milieu des siens, qui, les mains attachées derrière le dos, défendait encore la cause de la liberté et témoignait pour elle ».
« C’est un livre sur la Seconde Guerre Mondiale ? » me demande mon voisin, un trentenaire néo barbu. « Oui » « Vous avez lu Le tatoueur d’Auschwitz ? » « Non » « C’est très bien et ce soir il y a la série tirée du livre sur M6. Je vous la conseille fortement ». Je le remercie. Un conseil que je ne suivrai pas.
Ensuite, c’est le problème de signalisation à l’entrée de Saint-Lazare. Le seize heures quarante, comme tous les trains, n’arrive pas, puis, comme d’autres, il est supprimé. Une longue attente commence, emplie d’incertitude. Je repère le noyau dur des navetteurs. Ils sont facilement identifiables, car l’un d’eux, un homme à la peau noire, fait plus de deux mètres. Je ne les quitte pas d’une semelle, passant d’un quai à l’autre en fonction des espoirs d’arrivée du dix-sept heures quarante. Je sais qu’ils sont toujours au bon endroit, ayant des relais chez les cheminots, comme ce conducteur qui leur glisse « Quai Vingt-Sept ». Vers dix-huit heures, quand y arrive un train Nomad, je suis avec eux à la hauteur de la voiture Cinq. Dix minutes après, la voix de la Senecefe annonce ce train comme le direct Paris Rouen Le Havre. Nous nous y installons avant tout le monde.
La pluie tombe maintenant. Rien n’indique que ce train doive partir. Soudain, une foule galopante le prend d’assaut car la voix a annoncé qu’il va s’arrêter dans toutes les gares entre Paris et Rouen. Cinq minutes plus tard, plus une place assise. Il y a des voyageurs partout, debout dans les couloirs, assis dans les escaliers, grimpés dans les coffres à bagages. Un jeune homme réclame une place assise pour une femme à canne. Mon grand âge m’évite la tentation de la bonne action. Le chef de bord se fait entendre : « Notre train ne peut pas partir tant que vous êtes bloqués dans les portes. Je vous invite, soit à monter, soit à vous extraire. »
A dix-huit heures trente-cinq, la fermeture des portes étant devenue possible, c’est le grand départ. « Nous voyageons avec quatre trains supplémentaires à bord », nous indique le chef de bord. Malgré le collé serré, un silence quasi-total règne la voiture Cinq, une heureuse conséquence de l’existence du smartphone. Arrêts à Mantes-la-Jolie, Rosny-sur-Seine, Bonnières, Vernon Giverny, Gaillon Aubevoye, Val-de-Reuil, Oissel et nous voici à Rouen. Il est à peu près vingt-heures. J’aurais dû être là deux heures avant. A la descente, je retrouve le trentenaire néo barbu. Il a voyagé debout.
C’est sous une vilaine pluie que je rejoins mon logis ce mercredi, heureusement porteur d’un sac de livres à mon goût.
*
Un fidèle lecteur, « depuis quelques mois », jusque alors inconnu de moi, à propos de mon Quel contraste avec les trois mâles ayant terminé ce Vendée Globe, leurs cris de vainqueurs, leurs branlages de bouteille de champagne avec éjaculation publique. me signale que Mathias Enard dans son dernier livre, Mélancolie des confins, parle de cette étrange coutume de « l'onction champenoise » qui semble réservée aux conducteurs de formule 1, bizarre confrérie qui préfère se tremper de champagne plutôt que de le boire, sans que l'on sache précisément si cette vénérable tradition était au départ ou non religieuse, la foule recevant du pilote le champagne lustral dans une scène somme toute assez païenne dont une rapide recherche sur internet vous apprendra qu'elle existe depuis 1967 et la victoire d'un pilote américain aux 24 heures du Mans.
« C’est un livre sur la Seconde Guerre Mondiale ? » me demande mon voisin, un trentenaire néo barbu. « Oui » « Vous avez lu Le tatoueur d’Auschwitz ? » « Non » « C’est très bien et ce soir il y a la série tirée du livre sur M6. Je vous la conseille fortement ». Je le remercie. Un conseil que je ne suivrai pas.
Ensuite, c’est le problème de signalisation à l’entrée de Saint-Lazare. Le seize heures quarante, comme tous les trains, n’arrive pas, puis, comme d’autres, il est supprimé. Une longue attente commence, emplie d’incertitude. Je repère le noyau dur des navetteurs. Ils sont facilement identifiables, car l’un d’eux, un homme à la peau noire, fait plus de deux mètres. Je ne les quitte pas d’une semelle, passant d’un quai à l’autre en fonction des espoirs d’arrivée du dix-sept heures quarante. Je sais qu’ils sont toujours au bon endroit, ayant des relais chez les cheminots, comme ce conducteur qui leur glisse « Quai Vingt-Sept ». Vers dix-huit heures, quand y arrive un train Nomad, je suis avec eux à la hauteur de la voiture Cinq. Dix minutes après, la voix de la Senecefe annonce ce train comme le direct Paris Rouen Le Havre. Nous nous y installons avant tout le monde.
La pluie tombe maintenant. Rien n’indique que ce train doive partir. Soudain, une foule galopante le prend d’assaut car la voix a annoncé qu’il va s’arrêter dans toutes les gares entre Paris et Rouen. Cinq minutes plus tard, plus une place assise. Il y a des voyageurs partout, debout dans les couloirs, assis dans les escaliers, grimpés dans les coffres à bagages. Un jeune homme réclame une place assise pour une femme à canne. Mon grand âge m’évite la tentation de la bonne action. Le chef de bord se fait entendre : « Notre train ne peut pas partir tant que vous êtes bloqués dans les portes. Je vous invite, soit à monter, soit à vous extraire. »
A dix-huit heures trente-cinq, la fermeture des portes étant devenue possible, c’est le grand départ. « Nous voyageons avec quatre trains supplémentaires à bord », nous indique le chef de bord. Malgré le collé serré, un silence quasi-total règne la voiture Cinq, une heureuse conséquence de l’existence du smartphone. Arrêts à Mantes-la-Jolie, Rosny-sur-Seine, Bonnières, Vernon Giverny, Gaillon Aubevoye, Val-de-Reuil, Oissel et nous voici à Rouen. Il est à peu près vingt-heures. J’aurais dû être là deux heures avant. A la descente, je retrouve le trentenaire néo barbu. Il a voyagé debout.
C’est sous une vilaine pluie que je rejoins mon logis ce mercredi, heureusement porteur d’un sac de livres à mon goût.
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Un fidèle lecteur, « depuis quelques mois », jusque alors inconnu de moi, à propos de mon Quel contraste avec les trois mâles ayant terminé ce Vendée Globe, leurs cris de vainqueurs, leurs branlages de bouteille de champagne avec éjaculation publique. me signale que Mathias Enard dans son dernier livre, Mélancolie des confins, parle de cette étrange coutume de « l'onction champenoise » qui semble réservée aux conducteurs de formule 1, bizarre confrérie qui préfère se tremper de champagne plutôt que de le boire, sans que l'on sache précisément si cette vénérable tradition était au départ ou non religieuse, la foule recevant du pilote le champagne lustral dans une scène somme toute assez païenne dont une rapide recherche sur internet vous apprendra qu'elle existe depuis 1967 et la victoire d'un pilote américain aux 24 heures du Mans.
23 janvier 2025
C’est sous une vilaine pluie que je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi (le mercredi plus. belle journée de la semaine n’est plus d’actualité depuis quelques mois). Dans le sept heures vingt-deux, j’ai pour voisine une jeune endormie du Havre. Je lis 16 Octobre 1943 de Giacomo Debenedetti, un poche Allia dans lequel l’auteur raconte un épisode du sort tragique des Juifs en Italie pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Au moins ne pleut-il pas à Paris, du moins pas encore. Au Camélia, le café du comptoir est passé à un euro quarante. Celui-ci bu, je rejoins le Marché d’Aligre où chez Emile m’attendait pour deux euros Correspondance de Vladimir Nabokov et Edmond Wilson (Rivages) dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
En revanche, je boude celle de Gertrude Stein et Pablo Picasso chez Re-Read. Personne d’autre que moi avec la bouquiniste pendant presque une heure. Ce n’est pas la première fois. Je me demande si cette boutique tiendra.
Au Book-Off de Ledru-Rollin, parmi les livres à un euro, je trouve d’emblée Correspondance d’Alexander Vialatte et Jean Paulhan (Julliard). Suivent : Textes retrouvés de Pierre Drieu La Rochelle (Editions du Rocher), Lettres du Japon de Rudyard Kipling (Minerve), Mémoires du capitán Alonso de Contreras (Viviane Hamy), Un voyage en automne de Jean-Claude Pirotte (La Table Ronde), L’amphithéâtre des morts de Guy Hocquenghem (Digraphe), Les Caprices du sexe de Louise Dormienne, sans doute Renée Dunan (Le Terrain Vague) et Le Traité du transport amoureux de Patrick Wald Lasowski (Le Promeneur).
Il ne pleut toujours pas quand j’en ressors. Je déjeune à côté au Rallye d’un hareng pommes à l’huile et de rôti de longe de porc à la normande purée maison. A une autre table s’épanouit une famille composée de deux sœurs et de leurs trois filles de moins de douze ans. Première fois que je vois ça ici. On n’est à l’abri nulle part. Une des filles raconte qu’elle a regardé les vidéos d’un youtoubeur qui a un couteau en plastique. « C’était chez ton père ? » « Non » « Faudra que je vous coupe YouTube » « T’y arriveras pas » « J’ai envie de t’en mettre une ». Des bourgeoises, commerçantes du coin.
Dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je ne trouve que Le Père de Dirce de Assis Cavalcanti (Eulina Carvalho), perdu parmi les romans à un euro. Au Bistrot d’Edmond, le café du comptoir est toujours à un euro vingt et il ne pleut toujours pas quand je rejoins le troisième Book-Off au bout de la rue.
-Je peux poser mon sac ? demandé-je au grand jeune homme employé.
-Oui, regardez, il y a votre nom.
-Ah ! Ce serait bien et vous pourriez aussi mettre un crochet.
-Ah oui, je vais en parler à la direction.
Parmi les livres à un euro, je trouve Notes de Marcel Duchamp (Champs Flammarion), Comment débuta Marcel Proust de Louis de Robert (L’Eveilleur) et Love & Pop de Murakami Ryû (Philippe Picquier).
Encore une fois, trop de livres achetés, à considérer le peu de temps qui me reste.
*
Le jour d’avant : mort de Bertrand Blier. Les journalistes de la télé donnent la liste de ses films à succès en omettant Beau-père, louent leur côté subversif et concluent d’un air pincé « Mais c’était une autre époque »,
Au moins ne pleut-il pas à Paris, du moins pas encore. Au Camélia, le café du comptoir est passé à un euro quarante. Celui-ci bu, je rejoins le Marché d’Aligre où chez Emile m’attendait pour deux euros Correspondance de Vladimir Nabokov et Edmond Wilson (Rivages) dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
En revanche, je boude celle de Gertrude Stein et Pablo Picasso chez Re-Read. Personne d’autre que moi avec la bouquiniste pendant presque une heure. Ce n’est pas la première fois. Je me demande si cette boutique tiendra.
Au Book-Off de Ledru-Rollin, parmi les livres à un euro, je trouve d’emblée Correspondance d’Alexander Vialatte et Jean Paulhan (Julliard). Suivent : Textes retrouvés de Pierre Drieu La Rochelle (Editions du Rocher), Lettres du Japon de Rudyard Kipling (Minerve), Mémoires du capitán Alonso de Contreras (Viviane Hamy), Un voyage en automne de Jean-Claude Pirotte (La Table Ronde), L’amphithéâtre des morts de Guy Hocquenghem (Digraphe), Les Caprices du sexe de Louise Dormienne, sans doute Renée Dunan (Le Terrain Vague) et Le Traité du transport amoureux de Patrick Wald Lasowski (Le Promeneur).
Il ne pleut toujours pas quand j’en ressors. Je déjeune à côté au Rallye d’un hareng pommes à l’huile et de rôti de longe de porc à la normande purée maison. A une autre table s’épanouit une famille composée de deux sœurs et de leurs trois filles de moins de douze ans. Première fois que je vois ça ici. On n’est à l’abri nulle part. Une des filles raconte qu’elle a regardé les vidéos d’un youtoubeur qui a un couteau en plastique. « C’était chez ton père ? » « Non » « Faudra que je vous coupe YouTube » « T’y arriveras pas » « J’ai envie de t’en mettre une ». Des bourgeoises, commerçantes du coin.
Dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je ne trouve que Le Père de Dirce de Assis Cavalcanti (Eulina Carvalho), perdu parmi les romans à un euro. Au Bistrot d’Edmond, le café du comptoir est toujours à un euro vingt et il ne pleut toujours pas quand je rejoins le troisième Book-Off au bout de la rue.
-Je peux poser mon sac ? demandé-je au grand jeune homme employé.
-Oui, regardez, il y a votre nom.
-Ah ! Ce serait bien et vous pourriez aussi mettre un crochet.
-Ah oui, je vais en parler à la direction.
Parmi les livres à un euro, je trouve Notes de Marcel Duchamp (Champs Flammarion), Comment débuta Marcel Proust de Louis de Robert (L’Eveilleur) et Love & Pop de Murakami Ryû (Philippe Picquier).
Encore une fois, trop de livres achetés, à considérer le peu de temps qui me reste.
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Le jour d’avant : mort de Bertrand Blier. Les journalistes de la télé donnent la liste de ses films à succès en omettant Beau-père, louent leur côté subversif et concluent d’un air pincé « Mais c’était une autre époque »,
20 janvier 2025
Rue aux Ours, je longe ce samedi en début d’après-midi une longue file d’attente majoritairement féminine. C’est qu’à partir de quinze heures il y a dédicace d’Emma Green à l’intérieur de L'Encre du Cœur, la rose librairie dédiée à la romance. Cette Emma Green cache un duo d’autrices parisiennes qui ont écrit, entre autres, La Vie en vrai. Certaines des filles qui attendent, des moins de trente ans, sont accompagnées de leur copain. « Au moins, si ça fait lire les jeunes … », dit une passante de cinquante ans à celle qui passe avec elle le long de la file. Je serais curieux de savoir ce qu’elles lisent elles-mêmes. Si seulement elles lisent.
*
« Ça va finir mal, tout le monde en parle », annonce une patronne de café. Quand même, l’une de ses clientes prévoit de partir en vacances l’été prochain dans un campigne. « Y a pas de piscine, nan nan nan. Parce que, quand il y a une piscine, souvent y a des enfants. » Je lis les citations groupées par Serge Sanchez sous le titre Les sautes d’humour de Marcel Proust. Dans Le Temps retrouvé : A découvrir qu’ils ont vieilli, bien des gens eussent été moins tristes que moi. Mais d’abord il en est de la vieillesse comme de la mort, quelques-uns les affrontent avec indifférence, non pas parce qu’ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu’ils ont moins d’imagination. Inutile et néfaste ce « Mais d’abord ».
*
Par coïncidence, c’est le Blue Monday, comme on dit aux Etats-Unis, le prétendu jour le plus déprimant de l’année, que Trump redevient Président. Pas seul, cette fois. Il est accompagné de son farfadet. Ça va tanguer. Il n’a aucune raison de se modérer. Presque tous les pays du monde sont aux mains d’un autocrate. L’Europe est cernée, et même gangrenée de l’intérieur. Quant à la France, inutile de s’étendre.
*
Pour me rafraîchir l’esprit, je fais le tour du monde en voilier avec Violette. Dorange, vingt-trois ans, un mètre cinquante-neuf, partageant ses joies, ses peines, ses peurs et ses audaces. C’est la fille d’à côté. The Girl Next Door. Quel contraste avec les trois mâles ayant terminé ce Vendée Globe, leurs cris de vainqueurs, leurs branlages de bouteille de champagne avec éjaculation publique.
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« Ça va finir mal, tout le monde en parle », annonce une patronne de café. Quand même, l’une de ses clientes prévoit de partir en vacances l’été prochain dans un campigne. « Y a pas de piscine, nan nan nan. Parce que, quand il y a une piscine, souvent y a des enfants. » Je lis les citations groupées par Serge Sanchez sous le titre Les sautes d’humour de Marcel Proust. Dans Le Temps retrouvé : A découvrir qu’ils ont vieilli, bien des gens eussent été moins tristes que moi. Mais d’abord il en est de la vieillesse comme de la mort, quelques-uns les affrontent avec indifférence, non pas parce qu’ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu’ils ont moins d’imagination. Inutile et néfaste ce « Mais d’abord ».
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Par coïncidence, c’est le Blue Monday, comme on dit aux Etats-Unis, le prétendu jour le plus déprimant de l’année, que Trump redevient Président. Pas seul, cette fois. Il est accompagné de son farfadet. Ça va tanguer. Il n’a aucune raison de se modérer. Presque tous les pays du monde sont aux mains d’un autocrate. L’Europe est cernée, et même gangrenée de l’intérieur. Quant à la France, inutile de s’étendre.
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Pour me rafraîchir l’esprit, je fais le tour du monde en voilier avec Violette. Dorange, vingt-trois ans, un mètre cinquante-neuf, partageant ses joies, ses peines, ses peurs et ses audaces. C’est la fille d’à côté. The Girl Next Door. Quel contraste avec les trois mâles ayant terminé ce Vendée Globe, leurs cris de vainqueurs, leurs branlages de bouteille de champagne avec éjaculation publique.
16 janvier 2025
Encore un changement de temps ce mercredi, une mouillasse adoucit la température. Cependant, je ne regrette pas d’avoir annulé ma journée à Paris. Encore moins quand j’apprends qu’un défaut d’alimentation électrique entraîne un gros retard sur la ligne.
Au lieu des trois Book-Off j’explore le Bibliovore après avoir vendu à l’aimable bouquiniste trois lourds livres. Le monde étant bien fait, je peux proposer les ouvrages pesants près de chez moi où on les reprend un euro le kilo et emporter à Paris les ouvrages légers où Re Read me les reprend vingt-cinq centimes pièce.
Je trouve rarement de quoi acheter au Bibliovore rouennais dont le fond est constitué de ce que l’on lit en province. Quand même, l’autre semaine, pour trois euros, est devenu mien Lettres de Benjamin Constant et Madame Récamier (Librairie Honoré Champion).
L’après-midi, je traverse le désert de Gobi avec Sylvain Tesson dans l’un des cafés qui m’abritent désormais. Il y a dans notre vie, un secret très simple, et pourtant négligé : partir, c’est vivre. écrit-il dans l’avant-propos de L’Energie vagabonde.
*
Lecture annexe : Perles de vie de René de Obaldia, le recueil des citations préférées de celui-ci ainsi qu’il l’explique dans sa préface : Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter. Oui, disparaître de cette planète. Et il m’est venu à l’idée, encouragé par mon cher éditeur, de rassembler moult pensées, citations (la plupart méconnues), engrangées tout au long de mon existence, et de vous les léguer en héritage dans l’espoir que pour vous aussi, elles seront source de réflexions, méditations voire matière à rire et à pleurer. Comme la faiblesse est humaine, Obaldia n’a pas résisté à la tentation de se citer lui-même à plusieurs reprises.
Quatre citations ont retenu mon attention.
De Kafka : J’ai peu de choses en commun avec moi-même.
De Pessoa : Aujourd’hui, je me sens aussi lucide que si je n’existais pas.
De Saint-Pol-Roux : L’univers est une catastrophe tranquille.
De Jules Renard : J’aime la solitude, même quand je suis seul.
Au lieu des trois Book-Off j’explore le Bibliovore après avoir vendu à l’aimable bouquiniste trois lourds livres. Le monde étant bien fait, je peux proposer les ouvrages pesants près de chez moi où on les reprend un euro le kilo et emporter à Paris les ouvrages légers où Re Read me les reprend vingt-cinq centimes pièce.
Je trouve rarement de quoi acheter au Bibliovore rouennais dont le fond est constitué de ce que l’on lit en province. Quand même, l’autre semaine, pour trois euros, est devenu mien Lettres de Benjamin Constant et Madame Récamier (Librairie Honoré Champion).
L’après-midi, je traverse le désert de Gobi avec Sylvain Tesson dans l’un des cafés qui m’abritent désormais. Il y a dans notre vie, un secret très simple, et pourtant négligé : partir, c’est vivre. écrit-il dans l’avant-propos de L’Energie vagabonde.
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Lecture annexe : Perles de vie de René de Obaldia, le recueil des citations préférées de celui-ci ainsi qu’il l’explique dans sa préface : Chers lecteurs, je vais bientôt me quitter. Oui, disparaître de cette planète. Et il m’est venu à l’idée, encouragé par mon cher éditeur, de rassembler moult pensées, citations (la plupart méconnues), engrangées tout au long de mon existence, et de vous les léguer en héritage dans l’espoir que pour vous aussi, elles seront source de réflexions, méditations voire matière à rire et à pleurer. Comme la faiblesse est humaine, Obaldia n’a pas résisté à la tentation de se citer lui-même à plusieurs reprises.
Quatre citations ont retenu mon attention.
De Kafka : J’ai peu de choses en commun avec moi-même.
De Pessoa : Aujourd’hui, je me sens aussi lucide que si je n’existais pas.
De Saint-Pol-Roux : L’univers est une catastrophe tranquille.
De Jules Renard : J’aime la solitude, même quand je suis seul.
15 janvier 2025
Je crains fort d’oublier, de perdre, d’écraser ou de me faire chourer mes nouvelles lunettes qui sont rarement sur mon nez. Je ne les mets que le soir dans mon lit quand je lis et dans les cafés où je me livre au même vice, impuni. J’aurai mis un certain temps avant de retrouver un café rouennais où écrire et lire pénard en première moitié d’après-midi après mon éviction du Socrate, la brasserie dont les serveuses ne sont ni désagréables, ni vulgaires. J’en fréquente deux, proches l’un de l’autre, dont je tais les noms.
Aussi ce mardi matin à neuf heures cinq, je me présente à nouveau chez Ecouter Voir afin de profiter de l’offre « une seconde paire pour vingt-deux euros ». Cela ne diminuera pas le risque d’oubli, de perte, de casse et de vol, mais me permettra de ne pas me retrouver démuni au cas où.
C’est la même jeune vendeuse monteuse qui s’occupe de moi. Comme aucune monture actuelle ne me sied, c’est encore une vieille à moi qui fera usage. « Dans une dizaine de jours », me dit-elle.
En sortant, je laisse passer un véhicule de la Police qui file vers à la rue Alsace-Lorraine. Au loin, j’aperçois des ambulances et d’autres voitures de la Police. Plus tard, j’apprends qu’une démente au volant d’une camionnette a renversé trois femmes bicyclistes et que l’une en est morte.
*
Je ne sais comment je m’y suis pris lorsque j’ai réservé mon aller et retour Rouen Paris pour ce mercredi de mi-janvier. Un retour à seize heures quarante okay mais un aller à six heures douze. Je m’en suis rendu compte ce mardi matin, à six heures douze précisément, lorsque la Senecefe m’a envoyé la confirmation de cet aller. Etre si tôt dans les rues de Rouen par cette saison, qui plus est un jour de grand froid, je n’hésite pas longtemps avant d’annuler et d’être remboursé intégralement. Passer une semaine sans cette respiration me coûte, mais pas financièrement.
*
François Bayrou : « Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse. »
Dans l’une de mes vies passées, je me suis épuisé à tenir un jardin potager, et s’il est une chose dont je me souviens bien, c’est que les poireaux, comme les autres légumes, ne poussent pas tous à la même vitesse.
Aussi ce mardi matin à neuf heures cinq, je me présente à nouveau chez Ecouter Voir afin de profiter de l’offre « une seconde paire pour vingt-deux euros ». Cela ne diminuera pas le risque d’oubli, de perte, de casse et de vol, mais me permettra de ne pas me retrouver démuni au cas où.
C’est la même jeune vendeuse monteuse qui s’occupe de moi. Comme aucune monture actuelle ne me sied, c’est encore une vieille à moi qui fera usage. « Dans une dizaine de jours », me dit-elle.
En sortant, je laisse passer un véhicule de la Police qui file vers à la rue Alsace-Lorraine. Au loin, j’aperçois des ambulances et d’autres voitures de la Police. Plus tard, j’apprends qu’une démente au volant d’une camionnette a renversé trois femmes bicyclistes et que l’une en est morte.
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Je ne sais comment je m’y suis pris lorsque j’ai réservé mon aller et retour Rouen Paris pour ce mercredi de mi-janvier. Un retour à seize heures quarante okay mais un aller à six heures douze. Je m’en suis rendu compte ce mardi matin, à six heures douze précisément, lorsque la Senecefe m’a envoyé la confirmation de cet aller. Etre si tôt dans les rues de Rouen par cette saison, qui plus est un jour de grand froid, je n’hésite pas longtemps avant d’annuler et d’être remboursé intégralement. Passer une semaine sans cette respiration me coûte, mais pas financièrement.
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François Bayrou : « Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils ne poussent pas tous à la même vitesse. »
Dans l’une de mes vies passées, je me suis épuisé à tenir un jardin potager, et s’il est une chose dont je me souviens bien, c’est que les poireaux, comme les autres légumes, ne poussent pas tous à la même vitesse.
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