Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
28 juillet 2021
Ai-je vraiment bien fait d’aller à Saint-Dizier, me dis-je ce mardi matin en descendant du car Fluo numéro Dix-Neuf au milieu des travaux devant la Gare de cette commune de Champagne proche de la Lorraine. Ma première impression n’est pas bonne. Je me rassure un peu quand arrivant au Canal entre Champagne et Bourgogne, j’aperçois au loin la Tour Miko.
Avant d’aller voir de près cette attraction, je passe par la massive Cathédrale. Près d’elle sont des maisons à pans de bois. L’une est en piteux état, c’est ma préférée. J’aime aussi les Halles soutenues par des échafaudages.
A proximité des remparts et du Château occupé par la Sous-Préfecture, l’Office du Tourisme est ouvert depuis neuf heures. Son aimable responsable m’apprend qu’il y a ici la maison d’un artiste de l’Art Naïf, Au Petit Paris. Elle m’indique où la trouver et me donne un livret retraçant l’histoire de Marcel Dhièvre et de son œuvre.
Il tombe quelques gouttes lorsque je remets le pied dehors. Je vais boire un café en face, abrité sous un parasol, au Café de l’Agriculture. Un suppliciant bruit d’avion se fait entendre régulièrement. Je demande à la tenancière, en réglant mon euro quarante, ce que c’est.
-C’est la Base. C’est des Rafales, me répond-elle comme s’il s’agissait d’une évidence.
L’averse ayant cessé, je retrouve, avec l’aide d’une autochtone qui me conseille de passer par devant le Leclerc, la Tour Miko. Vestige Art Nouveau de l’entreprise de crème glacée, elle est aujourd’hui incluse au sein d’un bâtiment regroupant un cinéma multiplexe en activité et une galerie marchande en dépôt de bilan. J’en fais le tour photographiquement.
Je marche ensuite un peu longuement jusqu’au quatre cent soixante-dix-huit avenue de la République. Sur ses murs, portes et volets, la petite maison du défunt Marcel Dhièvre offre au regard des monuments parisiens, des motifs floraux, végétaux et animaux, dont une illustration du Corbeau et du Renard, en faïence et aux couleurs vives. C’est le résultat d’un travail acharné d’une seule main, l’autre étant paralysée de naissance. Un bar culturel y est désormais installé, fermé à cette heure.
Je vague un peu dans ce quartier de la Noue aux ruelles déchues, passe pas loin de la Marne sans avoir le courage de descendre la voir, et décide, aucun restaurant ne m’ayant fait signe, de rejoindre la Gare pour rentrer avec le onze heures vingt-cinq qui arrive à Bar-le-Duc pour midi.
C’est au Restaurant du Marché que je déjeune en terrasse d’une salade de tomates, d’un faux-filet frites salade et d’un moelleux au chocolat avec un quart d’edelzwicker pour le même prix que l’autre fois. La Police Nationale n’oublie pas de venir chercher son repas à emporter. L’apprentie serveuse prend de l’assurance : « Voilà pour monsieur », me dit-elle en m’apportant une carafe d’eau sur un plateau. Elle parle de sa patronne en l’appelant ma collègue. Cette restauratrice à qui je n’arrivais pas à donner un âge me surprend en disant à mes voisins qu’elle a vingt-trois ans. C’est une ancienne du Comptoir de Maitre Kanter en délicatesse avec celui qui était son supérieur. « Quarante ans et encore serveur », dit-elle avec un souverain mépris.
*
L’usine Miko a été déplacée dans la zone industrielle de Trois-Fontaines où son entrepôt de stockage peut contenir trente-cinq mille palettes, ce qui en fait un des plus gros frigos d'Europe.
Avant d’aller voir de près cette attraction, je passe par la massive Cathédrale. Près d’elle sont des maisons à pans de bois. L’une est en piteux état, c’est ma préférée. J’aime aussi les Halles soutenues par des échafaudages.
A proximité des remparts et du Château occupé par la Sous-Préfecture, l’Office du Tourisme est ouvert depuis neuf heures. Son aimable responsable m’apprend qu’il y a ici la maison d’un artiste de l’Art Naïf, Au Petit Paris. Elle m’indique où la trouver et me donne un livret retraçant l’histoire de Marcel Dhièvre et de son œuvre.
Il tombe quelques gouttes lorsque je remets le pied dehors. Je vais boire un café en face, abrité sous un parasol, au Café de l’Agriculture. Un suppliciant bruit d’avion se fait entendre régulièrement. Je demande à la tenancière, en réglant mon euro quarante, ce que c’est.
-C’est la Base. C’est des Rafales, me répond-elle comme s’il s’agissait d’une évidence.
L’averse ayant cessé, je retrouve, avec l’aide d’une autochtone qui me conseille de passer par devant le Leclerc, la Tour Miko. Vestige Art Nouveau de l’entreprise de crème glacée, elle est aujourd’hui incluse au sein d’un bâtiment regroupant un cinéma multiplexe en activité et une galerie marchande en dépôt de bilan. J’en fais le tour photographiquement.
Je marche ensuite un peu longuement jusqu’au quatre cent soixante-dix-huit avenue de la République. Sur ses murs, portes et volets, la petite maison du défunt Marcel Dhièvre offre au regard des monuments parisiens, des motifs floraux, végétaux et animaux, dont une illustration du Corbeau et du Renard, en faïence et aux couleurs vives. C’est le résultat d’un travail acharné d’une seule main, l’autre étant paralysée de naissance. Un bar culturel y est désormais installé, fermé à cette heure.
Je vague un peu dans ce quartier de la Noue aux ruelles déchues, passe pas loin de la Marne sans avoir le courage de descendre la voir, et décide, aucun restaurant ne m’ayant fait signe, de rejoindre la Gare pour rentrer avec le onze heures vingt-cinq qui arrive à Bar-le-Duc pour midi.
C’est au Restaurant du Marché que je déjeune en terrasse d’une salade de tomates, d’un faux-filet frites salade et d’un moelleux au chocolat avec un quart d’edelzwicker pour le même prix que l’autre fois. La Police Nationale n’oublie pas de venir chercher son repas à emporter. L’apprentie serveuse prend de l’assurance : « Voilà pour monsieur », me dit-elle en m’apportant une carafe d’eau sur un plateau. Elle parle de sa patronne en l’appelant ma collègue. Cette restauratrice à qui je n’arrivais pas à donner un âge me surprend en disant à mes voisins qu’elle a vingt-trois ans. C’est une ancienne du Comptoir de Maitre Kanter en délicatesse avec celui qui était son supérieur. « Quarante ans et encore serveur », dit-elle avec un souverain mépris.
*
L’usine Miko a été déplacée dans la zone industrielle de Trois-Fontaines où son entrepôt de stockage peut contenir trente-cinq mille palettes, ce qui en fait un des plus gros frigos d'Europe.
27 juillet 2021
Ce lundi, je voulais aller à Saint-Dizier mais Castex et Darmanin ayant eu la même idée, je remets à demain et avance d’une journée ma découverte de Verdun, une ville associée pour toujours aux horreurs de la guerre, où a souffert comme tant d’autres Grand-Père Jules alors jeune homme.
C’est le car Fluo numéro Deux de sept heures quarante partant de la Gare Multimodale de Bar-le-Duc qui, pour quatre euros, m’emmène là-bas en soixante minutes. Il emprunte la Voie Sacrée sous un ciel gris, dans un paysage de vallons boisés et de villages déserts, de temps en temps des éoliennes.
A l’arrivée à la Gare Multimodale de Verdun, comme j’aperçois les deux tours de la Cathédrale Notre-Dame, je monte vers elle et vers l’ancien Palais Episcopal transformé en Centre Mondial de la Paix, des Libertés et des Droits de l’Homme. Pas loin, un reste de porte fortifiée m’attire près de laquelle je découvre un château d’eau massif. En tournant à gauche, j’arrive au-dessus de la Citadelle souterraine dans une zone interlope où derrière une barrière ornée de barbelés et d’écriteaux interdisant d’entrer, une immense inscription murale proclame I CAN’T WAIT. Ce pourrait être ma devise si j’en acceptais une.
Par un sentier forestier pentu, je trouve comment rejoindre les canaux. Le premier que je rencontre est le Canal des Augustins et son pont écluse Saint-Amand conçu par Vauban. A l’autre bout de la rue est un restaurant nommé Chez Nat avec terrasse dans le jardin et menu à quatorze euros. J’y retiens une table pour midi puis je me dirige vers le Canal de la Meuse.
Il me mène au quai de Londres où sont ancrés des bateaux de location et qui est bordé de bars et de restaurants. Je choisis Vitali’s pour boire un expresso près de l’eau et suis surpris de ne le payer qu’un euro trente. Je poursuis ensuite mon chemin, passant au pied de l’immense Monument de la Victoire puis près du défunt Hôtel du Coq Hardi et m’arrête enfin à la Tour Chaussée qui, dit-on, ressemble à ce qu’était la Bastille.
Un autre café chez Vitali’s et je me rapproche de Chez Nat. En attendant midi, je lis le Journal d’Edmond de Goncourt sur un banc près du Canal des Augustins. Soudain en levant les yeux de mon livre, je vois une femme nue dans un jardin, sous des saules-pleureurs, la main sur un garde-corps, l’œil sur les eaux troubles du canal. Cette statue est chez un particulier. Je ne peux m’en approcher.
« Vous êtes sûr que vous voulez manger dehors ? » me demande la serveuse de Chez Nat. Elle pourrait être le modèle de la statue du jardin voisin. « Du moment que je suis à l’abri oui. » Elle me laisse faire. Au bout de deux minutes, une sévère drache s’abat sur le parasol. Les rillettes de porc qu’elle m’apporte sont un peu mouillées et elle aussi. « Si ça vous complique la vie, je peux rentrer », lui dis-je. « Si vous êtes bien ici, vous pouvez rester », me répond-elle.
J’y suis seul, on ne peut plus tranquille. Quand l’averse cesse, le soleil apparaît en même temps que mon entrecôte poêlée et ses choux braisés aux lardons. C’est fort bon et le petit vin rouge se laisse boire.
Je dois ensuite attendre un certain temps. « J’ai cru que vous m’aviez oublié », dis-je à celle qui finit par réapparaître. « Je ne cesse pas de penser à vous, me répond-elle, mais j’avais des commandes à prendre à l’intérieur. » Mon dessert est une honnête madeleine façon profiteroles.
-Ah, c’est vous le courageux qui mangeait dehors, me dit la patronne à qui je règle dix-neuf euros.
-Oui, ça a été un peu difficile au début mais après ça s’est arrangé.
Je remercie cette dame qui doit être Pat, et surtout sa serveuse, puis longeant plus ou moins le canal, je rejoins la Gare Multimodale. Après un café à un euro trente bu à la terrasse du Terminus, je repère l’endroit d’où part le car Fluo numéro Deux de quatorze heures trente pour la Gare Multimodale de Bar-le-Duc.
Nous étions sept à l’aller conduits par une femme. Nous sommes trois au retour conduits par un homme.
C’est le car Fluo numéro Deux de sept heures quarante partant de la Gare Multimodale de Bar-le-Duc qui, pour quatre euros, m’emmène là-bas en soixante minutes. Il emprunte la Voie Sacrée sous un ciel gris, dans un paysage de vallons boisés et de villages déserts, de temps en temps des éoliennes.
A l’arrivée à la Gare Multimodale de Verdun, comme j’aperçois les deux tours de la Cathédrale Notre-Dame, je monte vers elle et vers l’ancien Palais Episcopal transformé en Centre Mondial de la Paix, des Libertés et des Droits de l’Homme. Pas loin, un reste de porte fortifiée m’attire près de laquelle je découvre un château d’eau massif. En tournant à gauche, j’arrive au-dessus de la Citadelle souterraine dans une zone interlope où derrière une barrière ornée de barbelés et d’écriteaux interdisant d’entrer, une immense inscription murale proclame I CAN’T WAIT. Ce pourrait être ma devise si j’en acceptais une.
Par un sentier forestier pentu, je trouve comment rejoindre les canaux. Le premier que je rencontre est le Canal des Augustins et son pont écluse Saint-Amand conçu par Vauban. A l’autre bout de la rue est un restaurant nommé Chez Nat avec terrasse dans le jardin et menu à quatorze euros. J’y retiens une table pour midi puis je me dirige vers le Canal de la Meuse.
Il me mène au quai de Londres où sont ancrés des bateaux de location et qui est bordé de bars et de restaurants. Je choisis Vitali’s pour boire un expresso près de l’eau et suis surpris de ne le payer qu’un euro trente. Je poursuis ensuite mon chemin, passant au pied de l’immense Monument de la Victoire puis près du défunt Hôtel du Coq Hardi et m’arrête enfin à la Tour Chaussée qui, dit-on, ressemble à ce qu’était la Bastille.
Un autre café chez Vitali’s et je me rapproche de Chez Nat. En attendant midi, je lis le Journal d’Edmond de Goncourt sur un banc près du Canal des Augustins. Soudain en levant les yeux de mon livre, je vois une femme nue dans un jardin, sous des saules-pleureurs, la main sur un garde-corps, l’œil sur les eaux troubles du canal. Cette statue est chez un particulier. Je ne peux m’en approcher.
« Vous êtes sûr que vous voulez manger dehors ? » me demande la serveuse de Chez Nat. Elle pourrait être le modèle de la statue du jardin voisin. « Du moment que je suis à l’abri oui. » Elle me laisse faire. Au bout de deux minutes, une sévère drache s’abat sur le parasol. Les rillettes de porc qu’elle m’apporte sont un peu mouillées et elle aussi. « Si ça vous complique la vie, je peux rentrer », lui dis-je. « Si vous êtes bien ici, vous pouvez rester », me répond-elle.
J’y suis seul, on ne peut plus tranquille. Quand l’averse cesse, le soleil apparaît en même temps que mon entrecôte poêlée et ses choux braisés aux lardons. C’est fort bon et le petit vin rouge se laisse boire.
Je dois ensuite attendre un certain temps. « J’ai cru que vous m’aviez oublié », dis-je à celle qui finit par réapparaître. « Je ne cesse pas de penser à vous, me répond-elle, mais j’avais des commandes à prendre à l’intérieur. » Mon dessert est une honnête madeleine façon profiteroles.
-Ah, c’est vous le courageux qui mangeait dehors, me dit la patronne à qui je règle dix-neuf euros.
-Oui, ça a été un peu difficile au début mais après ça s’est arrangé.
Je remercie cette dame qui doit être Pat, et surtout sa serveuse, puis longeant plus ou moins le canal, je rejoins la Gare Multimodale. Après un café à un euro trente bu à la terrasse du Terminus, je repère l’endroit d’où part le car Fluo numéro Deux de quatorze heures trente pour la Gare Multimodale de Bar-le-Duc.
Nous étions sept à l’aller conduits par une femme. Nous sommes trois au retour conduits par un homme.
26 juillet 2021
Ce dimanche matin, c’est à la Boulangerie Notre-Dame, dont la file d’attente sur le trottoir me remplit d’espoir, que j’achète croissant et pain au chocolat. Las, ils sont aussi mauvais qu’ailleurs, constaté-je à l’une des tables d’extérieur de L’Escargot, le bar de l’Hôtel de la Gare, en face de celle-ci, où je bois un allongé à un euro quarante-cinq que m’a apporté une hôtelière qui semble s’ennuyer derrière son comptoir.
A neuf heures vingt-neuf démarre le train Fluo pour Nancy dans lequel je suis. Après vingt minutes de paysage vallonné et boisé, j’en descends à Commercy, ville connue pour ses madeleines.
Egalement pour son Château auquel on accède par une place en fer à cheval. Stanislas aimait y séjourner. Il appartint un temps au Cardinal de Retz qui y rédigea ses Mémoires. Voltaire y séjourna quatre mois et y écrivit Sémiramis et Nanine.
Quand je le découvre, derrière l’église Saint-Pantaléon, je me dis que personnellement je n’aimerais pas y vivre. Il est banalement Renaissance, occupé par la Mairie, la Bibliothèque et d’autres services municipaux. Dans une aile annexe est installé le Restaurant du Fer à Cheval. J’y réserve une table en terrasse puis je vais explorer quelques rues typiques pas vraiment remarquables où je croise un jeune maigrichon faisant déféquer deux bergers allemands qui me hurlent dessus et un gros beauf qui passe l’aspirateur dans sa bagnole en diffusant à fond une radio de merde.
C’est le même genre d’individus que je côtoie un peu plus tard au Café de la Renaissance. Heureusement qu’Edmond m’accompagne, même si je continue à le trouver souvent ennuyeux. Mes voisins, parmi lesquels un prof, baissent la voix quand ils parlent de Macron. Ils lui souhaitent, pourquoi pas, de se faire assassiner.
Au Fer à Cheval, je dispose d’une table avec vue sur le Château derrière le parquigne. A défaut de menu à un prix raisonnable, je choisis à la carte, une joue de porc au foie gras à quatorze euros quatre-vingts et un tiramisu à six euros cinquante qui s’avère artisanal et copieux. Etonnamment, le demi-pichet de pinot d’Alsace blanc n’est qu’à six euros, ce qui me pousse à l’alcoolisme sur fond de grands carillonnages à Saint-Pantaléon, un baptême selon la restauratrice. Le trio d’à côté parle d’un qui fait « des grandes études », il est en licence de management.
Je prends le café à la Renaissance puis quand il ferme, à quatorze heures trente, je vais voir, en remontant vers la Gare, le derrière du Château. On trouve là un canal un peu envasé.
Le train Fluo de quinze heures dix-huit, partant de Lunéville et à destination de Reims, doit me ramener à Bar-le-Duc. La Gare de Commercy est complétement close. La seule porte que j’ouvre est celle de la boîte à livres qui se trouve devant. A l’intérieur un énorme livre : Entracte d’André Juillard, sa biographie en plus de mille cinq cents images et quatre cent trente-deux pages, publiée aux Editions Daniel Maghen.
J’en ignore le poids que je sens au bout de mon bras.
*
Commercy, un des « 100 Plus Beaux Détours de France », proclame une banderole de rue. Oui mais le centième alors.
*
Le fer à cheval est occupé par des voitures garées en zone bleue. La zone bleue, ce stigmate des petites communes à la traîne.
A neuf heures vingt-neuf démarre le train Fluo pour Nancy dans lequel je suis. Après vingt minutes de paysage vallonné et boisé, j’en descends à Commercy, ville connue pour ses madeleines.
Egalement pour son Château auquel on accède par une place en fer à cheval. Stanislas aimait y séjourner. Il appartint un temps au Cardinal de Retz qui y rédigea ses Mémoires. Voltaire y séjourna quatre mois et y écrivit Sémiramis et Nanine.
Quand je le découvre, derrière l’église Saint-Pantaléon, je me dis que personnellement je n’aimerais pas y vivre. Il est banalement Renaissance, occupé par la Mairie, la Bibliothèque et d’autres services municipaux. Dans une aile annexe est installé le Restaurant du Fer à Cheval. J’y réserve une table en terrasse puis je vais explorer quelques rues typiques pas vraiment remarquables où je croise un jeune maigrichon faisant déféquer deux bergers allemands qui me hurlent dessus et un gros beauf qui passe l’aspirateur dans sa bagnole en diffusant à fond une radio de merde.
C’est le même genre d’individus que je côtoie un peu plus tard au Café de la Renaissance. Heureusement qu’Edmond m’accompagne, même si je continue à le trouver souvent ennuyeux. Mes voisins, parmi lesquels un prof, baissent la voix quand ils parlent de Macron. Ils lui souhaitent, pourquoi pas, de se faire assassiner.
Au Fer à Cheval, je dispose d’une table avec vue sur le Château derrière le parquigne. A défaut de menu à un prix raisonnable, je choisis à la carte, une joue de porc au foie gras à quatorze euros quatre-vingts et un tiramisu à six euros cinquante qui s’avère artisanal et copieux. Etonnamment, le demi-pichet de pinot d’Alsace blanc n’est qu’à six euros, ce qui me pousse à l’alcoolisme sur fond de grands carillonnages à Saint-Pantaléon, un baptême selon la restauratrice. Le trio d’à côté parle d’un qui fait « des grandes études », il est en licence de management.
Je prends le café à la Renaissance puis quand il ferme, à quatorze heures trente, je vais voir, en remontant vers la Gare, le derrière du Château. On trouve là un canal un peu envasé.
Le train Fluo de quinze heures dix-huit, partant de Lunéville et à destination de Reims, doit me ramener à Bar-le-Duc. La Gare de Commercy est complétement close. La seule porte que j’ouvre est celle de la boîte à livres qui se trouve devant. A l’intérieur un énorme livre : Entracte d’André Juillard, sa biographie en plus de mille cinq cents images et quatre cent trente-deux pages, publiée aux Editions Daniel Maghen.
J’en ignore le poids que je sens au bout de mon bras.
*
Commercy, un des « 100 Plus Beaux Détours de France », proclame une banderole de rue. Oui mais le centième alors.
*
Le fer à cheval est occupé par des voitures garées en zone bleue. La zone bleue, ce stigmate des petites communes à la traîne.
25 juillet 2021
La pluie au réveil m’invite à ne pas trop en faire ce samedi. Elle tombe à point car je me sens bizarrement fatigué depuis hier soir. Muni de mon coupe-vent imperméable, j’essaie la boulangerie de la rue du Bourg mais ses viennoiseries ne valent pas mieux que celles de la boulangerie du boulevard de la Rochelle. Je le constate en petit-déjeunant sous la véranda du Comptoir de Maitre Kanter où je réserve la même table pour le déjeuner.
Vers dix heures, la pluie ayant momentanément cessé, je vais vaguer (comme disait Edmond de Goncourt qui parlait aussi de promenade péripatéticienne) le long de l’Ornain où je découvre quelques bâtiments qui m’avaient échappés : l’imposante église Saint-Jean jouxtée d’une boîte de nuit nommée La Bohème, un édifice en béton des Pététés avec une immense porte, la synagogue sur l’autre rive. On peut pêcher dans cette rivière, comme au temps d’Edmond petit garçon, mais aujourd’hui, des écriteaux le disent, c’est « No Kill » « Graciation obligatoire » (première fois que je rencontre ce graciation venu du Québec). Les voitures garées le long de l’eau ont toutes sur leur pare-brise un tract des Patriotes de la Meuse et du Collectif Meuse Démocratie invitant à un Rassemblement pour la Liberté ce jour à quatorze heures. Arrivé au pont Notre-Dame et à sa chapelle, je rentre dans mon chez moi provisoire au troisième étage.
Après un repas à dix-sept euros cinquante chez Maître Kanter (salade de Lorraine, rognons de veau sauce moutarde, mousse au chocolat) accompagné d’un quart de côtes-du-rhône à six euros cinquante, je prends le café puis lis à l’une des quatre tables sous l’auvent du Barisien jusqu’à ce que la manifestation des Patriotes et des Démocrates menace.
C’est par ma fenêtre ouverte, alors que la pluie reprend, que j’assiste à son arrivée devant la Préfecture. « Ils sont pas beaucoup », se réjouit la voisine d’en face. Effectivement, deux ou trois cents, pas plus, gueulant « Liberté » et « Macron en prison ».
« Les gens qui voudront s’exprimer viendront ici », annonce celui qui tient la sono. « Pour la liberté on est capable de rester sous la pluie. »
C’est lui, le Patriote, qui commence « C’est des fous, y sont dingues, la vie c’est pas se prendre un vaccin tous les six mois, la vie c’est pas mettre un masque pour cacher les sourires. », un ancien Socialiste se vante d’avoir fait trois filles pour la France, un Maire bafouille à qui on demande de mettre sa bande tricolore, un citoyen de vingt et un ans annonce que leur régime va s’effondrer, une aide-soignante déroule le classique discours de gauche sur l’hôpital qui manque de moyens, une mère raconte que ses quatre enfants pleurent car elle ne pourra pas les emmener au zoo, une hurleuse appelle à accueillir nos chers ministres comme il faut lors de leur venue à Bar-le-Duc et Saint-Dizier ce lundi vingt-six, le Patriote juge que cet homme, Macron, ne mérite pas la France, pays de Voltaire et des Lumières, une étudiante ne veut pas servir de cobaye, un intermittent du spectacle invite tous les présents à forcer le contrôle lors des Estivales de Bar-le-Duc le premier août, un Gilet Jaune conclut en faisant scander « Macron Macron, on t’encule ». « Vive la France, vivent les Français, vivent les enfants de France », une Marseillaise chantée faux et c’est la dispersion.
Vers dix heures, la pluie ayant momentanément cessé, je vais vaguer (comme disait Edmond de Goncourt qui parlait aussi de promenade péripatéticienne) le long de l’Ornain où je découvre quelques bâtiments qui m’avaient échappés : l’imposante église Saint-Jean jouxtée d’une boîte de nuit nommée La Bohème, un édifice en béton des Pététés avec une immense porte, la synagogue sur l’autre rive. On peut pêcher dans cette rivière, comme au temps d’Edmond petit garçon, mais aujourd’hui, des écriteaux le disent, c’est « No Kill » « Graciation obligatoire » (première fois que je rencontre ce graciation venu du Québec). Les voitures garées le long de l’eau ont toutes sur leur pare-brise un tract des Patriotes de la Meuse et du Collectif Meuse Démocratie invitant à un Rassemblement pour la Liberté ce jour à quatorze heures. Arrivé au pont Notre-Dame et à sa chapelle, je rentre dans mon chez moi provisoire au troisième étage.
Après un repas à dix-sept euros cinquante chez Maître Kanter (salade de Lorraine, rognons de veau sauce moutarde, mousse au chocolat) accompagné d’un quart de côtes-du-rhône à six euros cinquante, je prends le café puis lis à l’une des quatre tables sous l’auvent du Barisien jusqu’à ce que la manifestation des Patriotes et des Démocrates menace.
C’est par ma fenêtre ouverte, alors que la pluie reprend, que j’assiste à son arrivée devant la Préfecture. « Ils sont pas beaucoup », se réjouit la voisine d’en face. Effectivement, deux ou trois cents, pas plus, gueulant « Liberté » et « Macron en prison ».
« Les gens qui voudront s’exprimer viendront ici », annonce celui qui tient la sono. « Pour la liberté on est capable de rester sous la pluie. »
C’est lui, le Patriote, qui commence « C’est des fous, y sont dingues, la vie c’est pas se prendre un vaccin tous les six mois, la vie c’est pas mettre un masque pour cacher les sourires. », un ancien Socialiste se vante d’avoir fait trois filles pour la France, un Maire bafouille à qui on demande de mettre sa bande tricolore, un citoyen de vingt et un ans annonce que leur régime va s’effondrer, une aide-soignante déroule le classique discours de gauche sur l’hôpital qui manque de moyens, une mère raconte que ses quatre enfants pleurent car elle ne pourra pas les emmener au zoo, une hurleuse appelle à accueillir nos chers ministres comme il faut lors de leur venue à Bar-le-Duc et Saint-Dizier ce lundi vingt-six, le Patriote juge que cet homme, Macron, ne mérite pas la France, pays de Voltaire et des Lumières, une étudiante ne veut pas servir de cobaye, un intermittent du spectacle invite tous les présents à forcer le contrôle lors des Estivales de Bar-le-Duc le premier août, un Gilet Jaune conclut en faisant scander « Macron Macron, on t’encule ». « Vive la France, vivent les Français, vivent les enfants de France », une Marseillaise chantée faux et c’est la dispersion.
24 juillet 2021
Mon exploration de la Ville Basse commence ce vendredi matin près du Barisien à une heure où il n’est pas encore ouvert. A sa gauche, un bâtiment cossu à têtes sculptées, sur lequel figurent en creux dans la pierre les inscriptions « Salle de Spectacle » « Café des Oiseaux », témoigne d’une époque prospère révolue. Juste en face, un charcutier traiteur en faillite était logé dans un bâtiment décoré de vignes taillées dans la pierre où figure une discrète inscription en creux : « Ils n’en ont pas en Angleterre ».
Des boutiques ayant baissé le rideau, il n’en manque pas à Bar-le-Duc. Un artiste s’est exprimé sur l’une d’elle : un squelette y proclame « Haut les cœurs ». Même le restaurant chinois à volonté est fermé sans espoir de réouverture.
Ayant tourné rue du Bourg j’y trouve la maison à pilastres corinthiens et bustes de femmes dite des Deux Barbeaux qu’André Theuriet a décrite dans son roman La Chanoinesse. Un peu plus loin, c’est une façade à gargouilles puis je rencontre l’étroit Canal des Usines et constate que les syndicats sont eux aussi logés dans un bâtiment historique. Un ouvrier descendu de moto me demande si j’attends quelqu’un. « Non, j’attends que vous soyez rentré pour faire une photo. »
Me dirigeant vers la Cathédrale, je passe par le pont Notre-Dame qui enjambe l’Ornain. Sur celui-ci est une minuscule chapelle. Quant à la Cathédrale, elle est du genre mastoc.
Après la Gare, je trouve la route en tunnel qui permet de passer sous les voies ferrées et arrive au pont levant sur le Canal de la Marne au Rhin quand celui-ci se lève pour laisser passer deux bateaux de location.
Un peu plus loin se trouve le rococo Château de Marbeaumont construit par un banquier. Il servit un temps de quartier général à Pétain pendant la Guerre de Quatorze Dix-Huit. Il abrite aujourd’hui la Médiathèque. Par une fenêtre ouverte du premier étage, une blonde bibliothécaire qui a dû pratiquer le lancer du disque au lycée jette des ouvrages dans une benne.
« Rassurez-vous, on ne jette pas tout », me dit-elle. Il s’agit de documents de peu de valeur ou en double complétement détruits par les inondations qui ont envahi les sous-sols une semaine avant mon arrivée. Une pompe est en action qui envoie de l’eau dans un bassin. Le Parc et la Médiathèque sont fermés au public. Je n’ai pu entrer qu’à la faveur du passage d’employés municipaux.
Retourné à mon point de départ, je prends un café au Barisien puis vais déjeuner en terrasse au Restaurant du Marché, le seul des trois que je n’ai pas essayé. Le menu est à douze euros quatre-vingt-dix comme chez Maître Kanter mais le quart d’edelzwicker n’est qu’à cinq euros et meilleur. La Police Nationale vient chercher son plat à emporter sans s’émouvoir du masque sous le menton de la patronne. Je déjeune d’une assiette de crudités, suivie d’un pavé de saumon sauce vin blanc jardinière de légumes et d’un moelleux au chocolat en regardant la petite apprentie en robe rouge découvrir le métier. Huit collègues, sept femmes et un homme nommé Jason, fêtent les quarante ans d’une. Deux fois vingt ans, lui dit-on de façon un peu trop insistante. Plus près de moi, une fausse Line Renaud mange des moules avec sa copine.
*
Une fois ou deux par jour, une grosse explosion se fait entendre à Bar-le-Duc. Je demande à l’apprenti serveur du Barisien ce que c’est. « Des explosions ? » Il ne voit pas de quoi je veux parler. « Peut-être le mur du son », me dit-il après réflexion.
Ce doit être ça et il y est si bien habitué qu’il ne trouve pas ça anormal. Peut-être même pense-t-il que c’est partout comme ça.
*
Ici, chez certaines femmes, une façon un peu traînante de dire « Ah bah ouais hein » qui me rappelle une mienne collègue d’une école maternelle de Rouen. Etait-elle d’origine meusienne ?
Des boutiques ayant baissé le rideau, il n’en manque pas à Bar-le-Duc. Un artiste s’est exprimé sur l’une d’elle : un squelette y proclame « Haut les cœurs ». Même le restaurant chinois à volonté est fermé sans espoir de réouverture.
Ayant tourné rue du Bourg j’y trouve la maison à pilastres corinthiens et bustes de femmes dite des Deux Barbeaux qu’André Theuriet a décrite dans son roman La Chanoinesse. Un peu plus loin, c’est une façade à gargouilles puis je rencontre l’étroit Canal des Usines et constate que les syndicats sont eux aussi logés dans un bâtiment historique. Un ouvrier descendu de moto me demande si j’attends quelqu’un. « Non, j’attends que vous soyez rentré pour faire une photo. »
Me dirigeant vers la Cathédrale, je passe par le pont Notre-Dame qui enjambe l’Ornain. Sur celui-ci est une minuscule chapelle. Quant à la Cathédrale, elle est du genre mastoc.
Après la Gare, je trouve la route en tunnel qui permet de passer sous les voies ferrées et arrive au pont levant sur le Canal de la Marne au Rhin quand celui-ci se lève pour laisser passer deux bateaux de location.
Un peu plus loin se trouve le rococo Château de Marbeaumont construit par un banquier. Il servit un temps de quartier général à Pétain pendant la Guerre de Quatorze Dix-Huit. Il abrite aujourd’hui la Médiathèque. Par une fenêtre ouverte du premier étage, une blonde bibliothécaire qui a dû pratiquer le lancer du disque au lycée jette des ouvrages dans une benne.
« Rassurez-vous, on ne jette pas tout », me dit-elle. Il s’agit de documents de peu de valeur ou en double complétement détruits par les inondations qui ont envahi les sous-sols une semaine avant mon arrivée. Une pompe est en action qui envoie de l’eau dans un bassin. Le Parc et la Médiathèque sont fermés au public. Je n’ai pu entrer qu’à la faveur du passage d’employés municipaux.
Retourné à mon point de départ, je prends un café au Barisien puis vais déjeuner en terrasse au Restaurant du Marché, le seul des trois que je n’ai pas essayé. Le menu est à douze euros quatre-vingt-dix comme chez Maître Kanter mais le quart d’edelzwicker n’est qu’à cinq euros et meilleur. La Police Nationale vient chercher son plat à emporter sans s’émouvoir du masque sous le menton de la patronne. Je déjeune d’une assiette de crudités, suivie d’un pavé de saumon sauce vin blanc jardinière de légumes et d’un moelleux au chocolat en regardant la petite apprentie en robe rouge découvrir le métier. Huit collègues, sept femmes et un homme nommé Jason, fêtent les quarante ans d’une. Deux fois vingt ans, lui dit-on de façon un peu trop insistante. Plus près de moi, une fausse Line Renaud mange des moules avec sa copine.
*
Une fois ou deux par jour, une grosse explosion se fait entendre à Bar-le-Duc. Je demande à l’apprenti serveur du Barisien ce que c’est. « Des explosions ? » Il ne voit pas de quoi je veux parler. « Peut-être le mur du son », me dit-il après réflexion.
Ce doit être ça et il y est si bien habitué qu’il ne trouve pas ça anormal. Peut-être même pense-t-il que c’est partout comme ça.
*
Ici, chez certaines femmes, une façon un peu traînante de dire « Ah bah ouais hein » qui me rappelle une mienne collègue d’une école maternelle de Rouen. Etait-elle d’origine meusienne ?
23 juillet 2021
Ma première nuit à Bar-le-Duc me montre que l’on peut dormir au centre de cette ville la fenêtre ouverte tant le calme règne. Tôt levé, j’achète croissant et pain au chocolat à la boulangerie du boulevard de la Rochelle qui dispose d’une désagréable machine à payer. J’ajoute un café allongé qui m’est servi à l’une des tables d’extérieur. Quatre euros quarante le tout, ce qui est quand même exagéré. Les viennoiseries, certes énormes, sont bien moins bonnes que celles de Seb le Nancéen.
Le ciel est parfaitement bleu quand je mets le cap sur la Ville Haute. Pour l’atteindre au plus court, je marche droit vers la Tour de l’Horloge qui domine la Ville Basse. Deux rues en pente moyenne puis quatre-vingts marches d’escalier et je suis à ses pieds. A partir de cette balise qui servait autrefois à sonner le couvre-feu, je fais le tour de cette magnifique partie Renaissance de Bar-le-Duc « Ville d’Art et d’Histoire », admirant l’église Saint-Etienne et toutes ces maisons aux façades un peu négligées, parmi lesquelles celle aux volets fermés et à la porte rouge où Bernanos écrivit son premier roman Sous le soleil de Satan (un restaurant porte le nom de l’écrivain). Mon chemin passe ensuite par le Château des Ducs de Bar de la cour duquel j’ai vue sur la ville basse puis je retrouve la Tour de l’Horloge.
Redescendu, je prends des renseignements pour la suite à l’Office de Tourisme et auprès des Cars du Grand-Est puis vais boire un café au troquet d’hier qui se nomme Le Barisien. Sa clientèle est locale, que des titis barisiens. Je suis l’intrus que l’on laisse lire.
Pour déjeuner je n’ai malheureusement pas le choix car deux des trois restaurants possibles ont le même plat du jour : une assiette anglaise ; ce qui est un peu se moquer du monde. Je me rabats sur le troisième, le Daï Daî, place Reggio, devant la Préfecture, et m’y sustente d’une andouillette frites suivie d’une coupe de fraises chantilly et d’un café pour quatorze euros. Je prends en sus un quart de vin rouge. J’ai pour voisin un homme qui est arrivé avec un livre Gallimard dont l’énorme bandeau rouge claironne « Prix Goncourt 2020 ». Attendant l’arrivée d’une, plutôt que lire, il joue à un jeu de smartphone. Le patron du Daï Daî s’ingénie à faire commander des apéritifs et il y arrive assez bien. C’est un commerçant avisé. Je ne suis pas surpris quand, bien après avoir réglé l’addition, je m’aperçois qu’il m’a fait payer un euro cinquante le café qui était inclus dans la formule à quatorze euros.
J’en prends un autre dans l’après-midi au Barisien, lisant Goncourt par un temps qui sent l’orage, même si celui-ci n’est annoncé que pour samedi. Le lundi vingt et un août mil huit cent quatre-vingt-deux, Edmond est de passage ici :
Pendant les trois heures que je passe à Bar-le-Duc, en attendant le train de Paris, je tue le temps à regarder les gamins pêcher des vérons, là où je pêchais, moi aussi, quand j’étais enfant.
Puis je me suis mis à chercher, sans la trouver, la maison qu’habitait la première femme que j’ai aimée, dans l’âge de seize ans, une toute jeune mariée qui me disait avoir une maladie de cœur, pour m’en faire sentir et toucher le battement, à la montée des côtes, quand je l’accompagnais à la tendue.
Le ciel est parfaitement bleu quand je mets le cap sur la Ville Haute. Pour l’atteindre au plus court, je marche droit vers la Tour de l’Horloge qui domine la Ville Basse. Deux rues en pente moyenne puis quatre-vingts marches d’escalier et je suis à ses pieds. A partir de cette balise qui servait autrefois à sonner le couvre-feu, je fais le tour de cette magnifique partie Renaissance de Bar-le-Duc « Ville d’Art et d’Histoire », admirant l’église Saint-Etienne et toutes ces maisons aux façades un peu négligées, parmi lesquelles celle aux volets fermés et à la porte rouge où Bernanos écrivit son premier roman Sous le soleil de Satan (un restaurant porte le nom de l’écrivain). Mon chemin passe ensuite par le Château des Ducs de Bar de la cour duquel j’ai vue sur la ville basse puis je retrouve la Tour de l’Horloge.
Redescendu, je prends des renseignements pour la suite à l’Office de Tourisme et auprès des Cars du Grand-Est puis vais boire un café au troquet d’hier qui se nomme Le Barisien. Sa clientèle est locale, que des titis barisiens. Je suis l’intrus que l’on laisse lire.
Pour déjeuner je n’ai malheureusement pas le choix car deux des trois restaurants possibles ont le même plat du jour : une assiette anglaise ; ce qui est un peu se moquer du monde. Je me rabats sur le troisième, le Daï Daî, place Reggio, devant la Préfecture, et m’y sustente d’une andouillette frites suivie d’une coupe de fraises chantilly et d’un café pour quatorze euros. Je prends en sus un quart de vin rouge. J’ai pour voisin un homme qui est arrivé avec un livre Gallimard dont l’énorme bandeau rouge claironne « Prix Goncourt 2020 ». Attendant l’arrivée d’une, plutôt que lire, il joue à un jeu de smartphone. Le patron du Daï Daî s’ingénie à faire commander des apéritifs et il y arrive assez bien. C’est un commerçant avisé. Je ne suis pas surpris quand, bien après avoir réglé l’addition, je m’aperçois qu’il m’a fait payer un euro cinquante le café qui était inclus dans la formule à quatorze euros.
J’en prends un autre dans l’après-midi au Barisien, lisant Goncourt par un temps qui sent l’orage, même si celui-ci n’est annoncé que pour samedi. Le lundi vingt et un août mil huit cent quatre-vingt-deux, Edmond est de passage ici :
Pendant les trois heures que je passe à Bar-le-Duc, en attendant le train de Paris, je tue le temps à regarder les gamins pêcher des vérons, là où je pêchais, moi aussi, quand j’étais enfant.
Puis je me suis mis à chercher, sans la trouver, la maison qu’habitait la première femme que j’ai aimée, dans l’âge de seize ans, une toute jeune mariée qui me disait avoir une maladie de cœur, pour m’en faire sentir et toucher le battement, à la montée des côtes, quand je l’accompagnais à la tendue.
22 juillet 2021
Nancy ayant obtenu une journée de sursis pour le retour du masque à l’extérieur, c’est le nez au vent que je descends la Grande Rue ce mercredi à sept heures et demie. Un dernier passage chez Seb le Tentateur et me voici place Stanislas où je m’installe à la terrasse du Café du Commerce, histoire de boucler la boucle et de lire une fois encore le Journal d’Edmond de Goncourt dans sa ville natale, à cent kilomètres de l’ancien village nommé Goncourt.
Vers dix heures, après avoir tenté en vain de publier ma journée d’hier dans mon Journal (le copier-coller ne fonctionne pas), je range mon ordinateur dans ma valise, laisse la clé de mon minuscule studio Air Bibi sous le tapis et par une montée raisonnable rejoins la Gare devant laquelle je prends un nouveau café à deux euros au Leffe. Il m’est servi par un faux Jean-Paul Gaultier.
Le train qui doit m’emmener à Bar-le-Duc ne part qu’à douze heures trente-quatre. Après être passé par Liverdun, Toul, Commercy et avoir longé des champs encore inondés, il arrive à son terminus à treize heures quarante.
Je traverse l’Ornain par le pont de la Gare, tourne à droite boulevard de la Rochelle et ai la chance, bien qu’il soit presque quatorze heures, que l’on accepte de me servir le menu du jour au Comptoir de Maître Kanter. Il est à douze euros quatre-vingt-dix. J’ajoute un quart d’edelzwicker à sept euros. Tomates mozzarella, suprême de poulet et tian de légumes, crumble aux fruits, cela me suffit. Un point commun à mes voisins qui se relaient pour boire des cafés durant mon repas : se plaindre de leur descendance qui ne se soucie pas assez d’eux. Une illustration en est donnée par un trentenaire qui dit à sa femme qu’il va prendre un rendez-vous sur Doctolib pour le vaccin de sa grand-mère mais qu’il lui dira que ce jour-là, il a un rendez-vous pour le boulot. « Elle peut bien prendre un taxi ! »
Vers quinze heures, je me mets à la recherche de mon nouveau logis Air Bibi. Pourvu qu’il ne soit pas dans la ville haute, me dis-je en apercevant celle-ci dont j’ignorais l’existence. Heureusement non, il est à deux pas, et comme le rendez-vous avec ma nouvelle logeuse n’est qu’à seize heures, je bois un café pas loin, à un euro quarante, avec Edmond.
Au bon moment je sonne à l’adresse indiquée. Une jolie jeune femme m’ouvre et m’invite à la précéder jusqu’au troisième étage où j’arrive complétement essoufflé. Mon nouveau logement provisoire est vaste. On pourrait y mettre six fois celui que j’ai quitté à Nancy.
Mon ordinateur raccordé à la ouifi, j’essaie une nouvelle fois de publier ma journée d’hier et n’y parviens que par un coup de chance, en bidouillant. Il semble que le problème vienne de mon navigateur.
Par ailleurs, le clavier de mon ordi commence à lâcher. La lettre f a des aiblesses, ichtre, uck !
*
Une septuagénaire à sa copine du même âge à la terrasse du Comptoir de Maître Kanter à propos de son fils : « Déjà hier soir au téléphone, il m’a fait des répliques ».
*
La patronne du troquet où je bois un café plutôt que de dire « Il y a deux ans » : « Y a une paire d’années en arrière ».
Vers dix heures, après avoir tenté en vain de publier ma journée d’hier dans mon Journal (le copier-coller ne fonctionne pas), je range mon ordinateur dans ma valise, laisse la clé de mon minuscule studio Air Bibi sous le tapis et par une montée raisonnable rejoins la Gare devant laquelle je prends un nouveau café à deux euros au Leffe. Il m’est servi par un faux Jean-Paul Gaultier.
Le train qui doit m’emmener à Bar-le-Duc ne part qu’à douze heures trente-quatre. Après être passé par Liverdun, Toul, Commercy et avoir longé des champs encore inondés, il arrive à son terminus à treize heures quarante.
Je traverse l’Ornain par le pont de la Gare, tourne à droite boulevard de la Rochelle et ai la chance, bien qu’il soit presque quatorze heures, que l’on accepte de me servir le menu du jour au Comptoir de Maître Kanter. Il est à douze euros quatre-vingt-dix. J’ajoute un quart d’edelzwicker à sept euros. Tomates mozzarella, suprême de poulet et tian de légumes, crumble aux fruits, cela me suffit. Un point commun à mes voisins qui se relaient pour boire des cafés durant mon repas : se plaindre de leur descendance qui ne se soucie pas assez d’eux. Une illustration en est donnée par un trentenaire qui dit à sa femme qu’il va prendre un rendez-vous sur Doctolib pour le vaccin de sa grand-mère mais qu’il lui dira que ce jour-là, il a un rendez-vous pour le boulot. « Elle peut bien prendre un taxi ! »
Vers quinze heures, je me mets à la recherche de mon nouveau logis Air Bibi. Pourvu qu’il ne soit pas dans la ville haute, me dis-je en apercevant celle-ci dont j’ignorais l’existence. Heureusement non, il est à deux pas, et comme le rendez-vous avec ma nouvelle logeuse n’est qu’à seize heures, je bois un café pas loin, à un euro quarante, avec Edmond.
Au bon moment je sonne à l’adresse indiquée. Une jolie jeune femme m’ouvre et m’invite à la précéder jusqu’au troisième étage où j’arrive complétement essoufflé. Mon nouveau logement provisoire est vaste. On pourrait y mettre six fois celui que j’ai quitté à Nancy.
Mon ordinateur raccordé à la ouifi, j’essaie une nouvelle fois de publier ma journée d’hier et n’y parviens que par un coup de chance, en bidouillant. Il semble que le problème vienne de mon navigateur.
Par ailleurs, le clavier de mon ordi commence à lâcher. La lettre f a des aiblesses, ichtre, uck !
*
Une septuagénaire à sa copine du même âge à la terrasse du Comptoir de Maître Kanter à propos de son fils : « Déjà hier soir au téléphone, il m’a fait des répliques ».
*
La patronne du troquet où je bois un café plutôt que de dire « Il y a deux ans » : « Y a une paire d’années en arrière ».
21 juillet 2021
Pour ma dernière journée nancéenne, j’entreprends ce mercredi dès sept heures l’exploration Art Nouveau Ecole de Nancy. Le point de départ de mon périple est la Pharmacie du Point Central et mon repère la Gare.
C’est autour d’icelle que se trouvent la plupart des édifices remarquables relevant de ce mouvement artistique qui a touché la ville après la Guerre de Soixante-Dix. Certains de ces édifices sont parasités par des enseignes telles que MacDo, Starbucks ou Fnac. D’autres souvent plus intéressants, et heureusement moins bien situés commercialement, sont épargnés.
Je papillonne de l’un à l’autre, passe outre Gare où s’en trouvent certains, avec en tête la localisation du bouquet final. J’ai la surprise d’arriver à celui-ci par la rue des Goncourt. La Villa Majorelle est superbe. J’en fais quelques photos puis reviens vers la Gare, et au-delà mets le cap sur la boulangerie Les Tentations de Seb. Après avoir remonté la Grande Rue, j’arrive au Pinocchio place Saint-Epvre pour l’ouverture : neuf heures.
Mon petit déjeuner pris, je lis Goncourt, celui qui reste, tandis qu’en face dans l’immense basilique ont lieu des obsèques auxquelles n’assistent qu’une dizaine de personnes. Quand les cloches annoncent la sortie du cercueil, la plupart de mes voisin(e)s de bar préfèrent regarder ailleurs.
A midi, je retrouve ma table de terrasse au Vivier. A ma gauche sont trois ouvriers, un Français et deux Moldaves qui communiquent grâce au smartphone : « Pour la cuisson de la viande : bleu, saignant, bien cuit ? », traduction en roumain, réponse en français « Comme vous voulez ». Derrière moi, c’est une tablée de huit hospitaliers j’espère vaccinés. Mon choix se porte sur le saumon mariné sauce vierge, les filets de sardines grillées pommes grenaille et la tarte au citron meringuée, avec un quart de chardonnay, le tout pour un peu moins de vingt euros.
Ensuite, je bois un dernier café au Pinocchio avant d’aller lire à la Pépinière. Dès qu’il fait chaud, cela saute aux yeux, Nancy est une ville méridionale.
*
Devant le Pinocchio, la boîte à livres la plus fréquentée que j’aie jamais vue. Bien qu’elle ne contienne que de la daube. De temps à autre, un homme en ticheurte et chorte orange vient remettre de l’ordre dans les livres d’une façon maladive.
*
La loi doit avoir un nom qui veut que lorsqu’on s’apprête à photographier un bâtiment s’arrête devant lui un automobiliste ou un bicycliste ou un piéton qui s’appuie sur le mur pour téléphoner.
C’est autour d’icelle que se trouvent la plupart des édifices remarquables relevant de ce mouvement artistique qui a touché la ville après la Guerre de Soixante-Dix. Certains de ces édifices sont parasités par des enseignes telles que MacDo, Starbucks ou Fnac. D’autres souvent plus intéressants, et heureusement moins bien situés commercialement, sont épargnés.
Je papillonne de l’un à l’autre, passe outre Gare où s’en trouvent certains, avec en tête la localisation du bouquet final. J’ai la surprise d’arriver à celui-ci par la rue des Goncourt. La Villa Majorelle est superbe. J’en fais quelques photos puis reviens vers la Gare, et au-delà mets le cap sur la boulangerie Les Tentations de Seb. Après avoir remonté la Grande Rue, j’arrive au Pinocchio place Saint-Epvre pour l’ouverture : neuf heures.
Mon petit déjeuner pris, je lis Goncourt, celui qui reste, tandis qu’en face dans l’immense basilique ont lieu des obsèques auxquelles n’assistent qu’une dizaine de personnes. Quand les cloches annoncent la sortie du cercueil, la plupart de mes voisin(e)s de bar préfèrent regarder ailleurs.
A midi, je retrouve ma table de terrasse au Vivier. A ma gauche sont trois ouvriers, un Français et deux Moldaves qui communiquent grâce au smartphone : « Pour la cuisson de la viande : bleu, saignant, bien cuit ? », traduction en roumain, réponse en français « Comme vous voulez ». Derrière moi, c’est une tablée de huit hospitaliers j’espère vaccinés. Mon choix se porte sur le saumon mariné sauce vierge, les filets de sardines grillées pommes grenaille et la tarte au citron meringuée, avec un quart de chardonnay, le tout pour un peu moins de vingt euros.
Ensuite, je bois un dernier café au Pinocchio avant d’aller lire à la Pépinière. Dès qu’il fait chaud, cela saute aux yeux, Nancy est une ville méridionale.
*
Devant le Pinocchio, la boîte à livres la plus fréquentée que j’aie jamais vue. Bien qu’elle ne contienne que de la daube. De temps à autre, un homme en ticheurte et chorte orange vient remettre de l’ordre dans les livres d’une façon maladive.
*
La loi doit avoir un nom qui veut que lorsqu’on s’apprête à photographier un bâtiment s’arrête devant lui un automobiliste ou un bicycliste ou un piéton qui s’appuie sur le mur pour téléphoner.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante