Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 juillet 2021
Le mardi quinze novembre mil huit cinquante-neuf, l’un des frères Goncourt loge à l’Hôtel de Normandie. C’est le premier Point Rouen de leur Journal. Il y en aura d’autres en raison de leur relation avec Flaubert, laquelle n’empêchera pas les Bichons comme les appelait Gustave d’écrire des vacheries sur son compte.
Le Goncourt présent à Rouen n’aime guère son lieu d’hébergement :
Pour la première fois de notre vie, une femme nous sépare. Cette femme est Mme de Châteauroux, qui fait faire à l’un de nous le voyage de Rouen, tout seul, pour aller copier un paquet de ses lettres intimes à Richelieu, dans la collection Leber. Je suis à l’hôtel, dans une de ces chambres où l’on meurt par mégarde en voyage, une chambre au carreau glacial et qui tire un jour gris d’une cour comme un puits.
Surtout, comme le montre la suite de la narration de cette journée (que je ne cite pas), il s’ennuie terriblement de l’autre. Dès le lendemain, il rentre à Paris et à la Gare de Rouen qui trouve-t-il ?
Je rencontre à la gare de chemin de fer Flaubert, qui conduit se mère et sa nièce, qui vont passer leur hiver à Paris. Son roman carthaginois en est à la moitié. (…) A mesure qu’il avance, la difficulté augmente. Il est obligé d’allonger sa couleur locale comme une sauce.
*
L’originalité n’est pas d’aller chercher de l’originalité à Carthage, mais à côté de soi. Il y a là-dedans du provincial, comme aller en Orient pour étonner les Rouennais. Flaubert, je le définirais d’un mot : un homme de génie… de province. écrivent Jules et Edmond le samedi vingt-sept décembre novembre mil huit soixante-deux.
Pour le bicentenaire de la naissance de l’homme de génie de province, le Musée des Beaux-Arts de Rouen propose justement une exposition consacrée à Salammbô. Son titre : Salammbô Fureur ! Passion ! Éléphants !
Les Rouennais n’ont pas fini d’être étonnés.
Le Goncourt présent à Rouen n’aime guère son lieu d’hébergement :
Pour la première fois de notre vie, une femme nous sépare. Cette femme est Mme de Châteauroux, qui fait faire à l’un de nous le voyage de Rouen, tout seul, pour aller copier un paquet de ses lettres intimes à Richelieu, dans la collection Leber. Je suis à l’hôtel, dans une de ces chambres où l’on meurt par mégarde en voyage, une chambre au carreau glacial et qui tire un jour gris d’une cour comme un puits.
Surtout, comme le montre la suite de la narration de cette journée (que je ne cite pas), il s’ennuie terriblement de l’autre. Dès le lendemain, il rentre à Paris et à la Gare de Rouen qui trouve-t-il ?
Je rencontre à la gare de chemin de fer Flaubert, qui conduit se mère et sa nièce, qui vont passer leur hiver à Paris. Son roman carthaginois en est à la moitié. (…) A mesure qu’il avance, la difficulté augmente. Il est obligé d’allonger sa couleur locale comme une sauce.
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L’originalité n’est pas d’aller chercher de l’originalité à Carthage, mais à côté de soi. Il y a là-dedans du provincial, comme aller en Orient pour étonner les Rouennais. Flaubert, je le définirais d’un mot : un homme de génie… de province. écrivent Jules et Edmond le samedi vingt-sept décembre novembre mil huit soixante-deux.
Pour le bicentenaire de la naissance de l’homme de génie de province, le Musée des Beaux-Arts de Rouen propose justement une exposition consacrée à Salammbô. Son titre : Salammbô Fureur ! Passion ! Éléphants !
Les Rouennais n’ont pas fini d’être étonnés.
1er juillet 2021
Il ne saurait être question de rester sur la côte bretonne au moment où elle va être envahie par la foule des estivants. Ce mercredi, je glisse la clé de mon logement Air Bibi et laisse rouler ma valise dans la pente qui mène au port de Concarneau. Je trouve là le car BreizhGo Quarante-Trois de six heures cinquante. Direction Quimper où nous sommes une dizaine à l’arrivée à la Gare vers sept heures et demie.
Je traverse la rue et trouve place en terrasse à l’Hôtel Le Derby où le patron me salue comme une vieille connaissance. Je lui demande deux croissants avec mon allongé verre d’eau. Ceux-ci sont moins bons qu’à la boulangerie Loiseau où je n’ai pas eu le courage d’aller et coûtent un euro vingt de plus. Je reste là jusqu’à neuf heures moins le quart.
Le Tégévé pour Montparnasse est mis en place à neuf heures. Il part comme prévu à neuf heures onze. Son chef de bord s’appelle Vianney et son conducteur Michaël. Il y a aussi une barista mais on ne nous donne pas son prénom. Je n’ai pas de voisinage jusqu’à Auray. Il me faut ensuite supporter une femme qui baille bruyamment derrière son masque. Ce Tégévé s’accroche à un autre à Rennes, file à trois cent quinze kilomètres heure et arrive à Paris un peu après treize heures. Le vidage de ce double train est une épreuve : parvenir au bout du quai puis à l’entrée du métro Treize met mes nerfs à rude épreuve. Heureusement, dans la rame peu de monde et je voyage assis.
A l’arrivée à Saint-Lazare j’ai juste le temps d’un café A La Ville D’Argentan où je n’ai pas mis le pied depuis mars deux mille vingt. L’aimable serveuse me dit qu’elle est contente de me revoir. C’est réciproque. Elle m’annonce que le café a augmenté de vingt centimes. A peine l’ai-je bu que je vais voir ce qu’il en est de mon train de quatorze heures douze pour Rouen. Un message vocal l’annonce mis à quai tardivement. Pas de doute, je suis de retour sur la ligne à Morin, me dis-je. Par chance, ce train part quand même à l’heure. Malheureusement, il dessert Mantes-la-Jolie, Vernon et Val-de-Reuil, d’où la présence d’un tas de fraudeurs qui jouent à cache-cache avec le contrôleur, ce qui n’est pas difficile car il est tout seul et le train est à étage. Ces jeunes gens ont tous le masque sous le menton et sont en permanence au téléphone à raconter des histoires de la tête de ma mère.
Mon énervement ne décroît pas à l’arrivée à Rouen. Ses rues sont encombrées d’une quantité de quidames et de quidams car, je le découvre, c’est aujourd’hui l’ouverture des soldes.
A voir la file d’attente devant chez Paul Marius, je n’ai aucun doute, je suis rentré chez moi, et déjà exaspéré de l’être.
Je traverse la rue et trouve place en terrasse à l’Hôtel Le Derby où le patron me salue comme une vieille connaissance. Je lui demande deux croissants avec mon allongé verre d’eau. Ceux-ci sont moins bons qu’à la boulangerie Loiseau où je n’ai pas eu le courage d’aller et coûtent un euro vingt de plus. Je reste là jusqu’à neuf heures moins le quart.
Le Tégévé pour Montparnasse est mis en place à neuf heures. Il part comme prévu à neuf heures onze. Son chef de bord s’appelle Vianney et son conducteur Michaël. Il y a aussi une barista mais on ne nous donne pas son prénom. Je n’ai pas de voisinage jusqu’à Auray. Il me faut ensuite supporter une femme qui baille bruyamment derrière son masque. Ce Tégévé s’accroche à un autre à Rennes, file à trois cent quinze kilomètres heure et arrive à Paris un peu après treize heures. Le vidage de ce double train est une épreuve : parvenir au bout du quai puis à l’entrée du métro Treize met mes nerfs à rude épreuve. Heureusement, dans la rame peu de monde et je voyage assis.
A l’arrivée à Saint-Lazare j’ai juste le temps d’un café A La Ville D’Argentan où je n’ai pas mis le pied depuis mars deux mille vingt. L’aimable serveuse me dit qu’elle est contente de me revoir. C’est réciproque. Elle m’annonce que le café a augmenté de vingt centimes. A peine l’ai-je bu que je vais voir ce qu’il en est de mon train de quatorze heures douze pour Rouen. Un message vocal l’annonce mis à quai tardivement. Pas de doute, je suis de retour sur la ligne à Morin, me dis-je. Par chance, ce train part quand même à l’heure. Malheureusement, il dessert Mantes-la-Jolie, Vernon et Val-de-Reuil, d’où la présence d’un tas de fraudeurs qui jouent à cache-cache avec le contrôleur, ce qui n’est pas difficile car il est tout seul et le train est à étage. Ces jeunes gens ont tous le masque sous le menton et sont en permanence au téléphone à raconter des histoires de la tête de ma mère.
Mon énervement ne décroît pas à l’arrivée à Rouen. Ses rues sont encombrées d’une quantité de quidames et de quidams car, je le découvre, c’est aujourd’hui l’ouverture des soldes.
A voir la file d’attente devant chez Paul Marius, je n’ai aucun doute, je suis rentré chez moi, et déjà exaspéré de l’être.
30 juin 2021
Pour mon avant-dernière nuit à Concarneau, j’ai droit à des cris de fanatisés à l’étage du dessus alors que bizarrement je n’entends pas le son de la télé qui retransmet ce que les membres de la secte appellent « le match ». A ma grande satisfaction, j’apprends au réveil que l’équipe de France a été éliminée de l’Euro par l’équipe de Suisse. Les jours futurs seront plus calmes.
Il pleut ce mardi matin, ce qui me ramène à mon logis provisoire après le petit-déjeuner sur le port face à une Ville Close embrumée. J’en ressors vers onze heures, la pluie ayant cessé, pour sous l’auvent du Cabestan (où ce matin on écoute Barbara, Aznavour, Piaf et Souchon) terminer le premier volume du Journal des Goncourt. Ces mille deux cents pages étaient parfaitement calibrées pour la durée de mon séjour breton (ou réciproquement).
A Concarneau, les brasseries continuent à accepter des clients pour un café ou une bière entre midi et deux, se privant ainsi de clients plus rentables qui souhaiteraient manger (on ne verra jamais ça à Rouen où l’on commence à virer ceux qui boivent pour dresser les tables dès onze heures), aussi trouver une place en terrasse n’est pas facile. Vu le temps incertain, je choisis pour mon dernier déjeuner ici, l’intérieur du Comptoir. Aujourd’hui, pour quatorze euros quatre-vingts c’est œuf poché à la lyonnaise, burgueur savoyard frites et café. A quoi j’ajoute deux verres de bordeaux pour six euros. J’ai encore pour voisins, un chien, cette fois du genre molosse, et son couple de propriétaires, Elle, s’en désintéresse. Lui, le caresse comme il le ferait de son membre viril.
Sorti de là, j’achète trois bananes chez Carrefour City afin de survivre durant mon voyage de retour. Après les avoir déposées « chez moi », je rejoins la plage de Cornouaille depuis laquelle je fais un ultime tour de Conc en longeant les diverses plages puis le port de plaisance et l’entrée de la Ville Close.
Cette fois, c’est la fin de mon équipée finistérienne. Ma quarantaine s’achève.
*
Une collégienne et deux collégiens chahutant dans la rue.
L’un : « Tu as vu, moi elle ne m’a pas frappé, elle m’a esquivé. »
L’autre : « Je n’en ai cure. »
Qui a dit que le niveau baissait ?
*
Une confirmation : dès qu’il y a un jardin quelque part, il y a bientôt un quidam dedans avec un engin bruyant.
*
Qui a perdu « le match » ? Les joueurs, et uniquement eux. Pas la France. Pas « on ». Même chose quand ils gagnent.
Il pleut ce mardi matin, ce qui me ramène à mon logis provisoire après le petit-déjeuner sur le port face à une Ville Close embrumée. J’en ressors vers onze heures, la pluie ayant cessé, pour sous l’auvent du Cabestan (où ce matin on écoute Barbara, Aznavour, Piaf et Souchon) terminer le premier volume du Journal des Goncourt. Ces mille deux cents pages étaient parfaitement calibrées pour la durée de mon séjour breton (ou réciproquement).
A Concarneau, les brasseries continuent à accepter des clients pour un café ou une bière entre midi et deux, se privant ainsi de clients plus rentables qui souhaiteraient manger (on ne verra jamais ça à Rouen où l’on commence à virer ceux qui boivent pour dresser les tables dès onze heures), aussi trouver une place en terrasse n’est pas facile. Vu le temps incertain, je choisis pour mon dernier déjeuner ici, l’intérieur du Comptoir. Aujourd’hui, pour quatorze euros quatre-vingts c’est œuf poché à la lyonnaise, burgueur savoyard frites et café. A quoi j’ajoute deux verres de bordeaux pour six euros. J’ai encore pour voisins, un chien, cette fois du genre molosse, et son couple de propriétaires, Elle, s’en désintéresse. Lui, le caresse comme il le ferait de son membre viril.
Sorti de là, j’achète trois bananes chez Carrefour City afin de survivre durant mon voyage de retour. Après les avoir déposées « chez moi », je rejoins la plage de Cornouaille depuis laquelle je fais un ultime tour de Conc en longeant les diverses plages puis le port de plaisance et l’entrée de la Ville Close.
Cette fois, c’est la fin de mon équipée finistérienne. Ma quarantaine s’achève.
*
Une collégienne et deux collégiens chahutant dans la rue.
L’un : « Tu as vu, moi elle ne m’a pas frappé, elle m’a esquivé. »
L’autre : « Je n’en ai cure. »
Qui a dit que le niveau baissait ?
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Une confirmation : dès qu’il y a un jardin quelque part, il y a bientôt un quidam dedans avec un engin bruyant.
*
Qui a perdu « le match » ? Les joueurs, et uniquement eux. Pas la France. Pas « on ». Même chose quand ils gagnent.
29 juin 2021
Le temps devant se tenir au sec ce lundi matin, je décide d’une nouvelle fois emprunter Le Vachic, ce bac électrique à un euro qui permet de rejoindre le quartier du Passage où il est loisible de se balader agréablement au bord de la mer. Comme l’autre jour, je vais mon chemin en direction du Porzou, autre quartier de Concarneau. Il dispose d’une plage, d’un bois et d’un port. Arrivé à ce dernier, je fais le chemin dans l’autre sens et m’installe au pied de la statue de Du Quesne. Mon envie est d’avancer dans la lecture de la fin du premier volume du Journal des Goncourt.
Ce que je fais, au soleil d’abord, sous les nuages ensuite, jusqu’à onze heures. Le bac de retour me dépose au bout de la Ville Close que je traverse ensuite pour en sortir à son entrée. Ce lundi est jour de marché place Jean-Jaurès. Je réussis néanmoins à trouver une table abritée à la terrasse de L’Amiral où je récidive avec le menu à dix-huit euros.
Aujourd’hui, c’est salade crudités jambon fromage, saucisse sauce aux poivres pommes de terre sautées, far aux abricots et café. J’ai pour voisins des Anglais, des Belges et hélas un couple de Français à chien. Une forte averse se déclenche au cours du repas, qui met en péril la fin du marché. Cela me donne l’occasion d’entendre le mot drache dans une bouche belge. « Tu me feras goûter ta saucisse ? », demande impudiquement la femme française à son mari. « C’est mon bébé que j’aime ça, oh oui je l’aime, oh oui je l’aime », dit-elle un peu plus tard, mais là elle parle au chien. « On n’a pas des moineaux comme ça par chez nous », s’étonne le mari en découvrant les oiseaux qui récupèrent les miettes entre les tables. Et pour cause, ce sont des rouges-gorges.
Il ne pleut plus lorsque je rentre à mon studio Air Bibi sans espoir d’en ressortir. Des nuages noirs annoncent la suite des évènements.
*
Avertissement dans le bois du Porzou : « Il est recommandé de ne pas manipuler les chenilles ».
*
Ce qui m’étonne dans la grosse abstention aux Régionales et aux Départementales, c’est qu’elle soit répartie équitablement parmi les différents courants politiques, au point de n’avoir pas changé les résultats.
Ce que je me suis-je dit aussi en regardant ces résultats à la télé : « Pas mal la femme de Xavier Bertrand » (le message subliminal du mari : « Cela ferait une jolie première dame, vous ne trouvez pas ? »).
Ce que je fais, au soleil d’abord, sous les nuages ensuite, jusqu’à onze heures. Le bac de retour me dépose au bout de la Ville Close que je traverse ensuite pour en sortir à son entrée. Ce lundi est jour de marché place Jean-Jaurès. Je réussis néanmoins à trouver une table abritée à la terrasse de L’Amiral où je récidive avec le menu à dix-huit euros.
Aujourd’hui, c’est salade crudités jambon fromage, saucisse sauce aux poivres pommes de terre sautées, far aux abricots et café. J’ai pour voisins des Anglais, des Belges et hélas un couple de Français à chien. Une forte averse se déclenche au cours du repas, qui met en péril la fin du marché. Cela me donne l’occasion d’entendre le mot drache dans une bouche belge. « Tu me feras goûter ta saucisse ? », demande impudiquement la femme française à son mari. « C’est mon bébé que j’aime ça, oh oui je l’aime, oh oui je l’aime », dit-elle un peu plus tard, mais là elle parle au chien. « On n’a pas des moineaux comme ça par chez nous », s’étonne le mari en découvrant les oiseaux qui récupèrent les miettes entre les tables. Et pour cause, ce sont des rouges-gorges.
Il ne pleut plus lorsque je rentre à mon studio Air Bibi sans espoir d’en ressortir. Des nuages noirs annoncent la suite des évènements.
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Avertissement dans le bois du Porzou : « Il est recommandé de ne pas manipuler les chenilles ».
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Ce qui m’étonne dans la grosse abstention aux Régionales et aux Départementales, c’est qu’elle soit répartie équitablement parmi les différents courants politiques, au point de n’avoir pas changé les résultats.
Ce que je me suis-je dit aussi en regardant ces résultats à la télé : « Pas mal la femme de Xavier Bertrand » (le message subliminal du mari : « Cela ferait une jolie première dame, vous ne trouvez pas ? »).
28 juin 2021
La chute de pluie ne fait aucun doute mais elle n’est pas encore là quand après mon petit-déjeuner je pars pour un tour de port. Il est bon de réserver ce genre d’exploration au dimanche. L’activité est réduite ou absente. Cela permet parfois de pénétrer dans des coins interdits. Je frôle d’abord un voilier à l’ancienne puis de nombreux bateaux de pêche. Certains sont complétement fermés à l’arrière. Quelques édifices liés à l’activité portuaire retiennent mon intention pour leur architecture élégante. Un hôtel restaurant abandonné, Les Gens de Mer, m’aurait plu autrefois pour y résider. La pluie ne peut se retenir plus longtemps. Je poursuis quand même, trouve un voilier de compétition, le chantier naval de l’autre côté du bassin puis arrive dans une zone où sont amarrés des bateaux militaires inutilisés. J’aurais voulu faire le tour complet de ce gros port par le quartier du Passage et prendre le bac pour revenir par la la Ville Close. La pluie me décourage. Je fais donc demi-tour et arrive assez mouillé à mon logis provisoire.
Il pleuvouille encore quand je redescends vers le port à onze heures. Devant les Halles est installée une brocante réservée aux professionnel(le)s. J’aperçois quelques bouquinistes mais c’est la terrasse du restaurant bar brasserie L’Amiral qui m’attire. J’y bois un café abrité (un euro soixante-cinq). Un couple de quinquagénaires s’installe à ma gauche. La femme pousse sa chaise de mon côté comme si elle préférait m’avoir face à elle plutôt que son mari (le diable m’en préserve). Je lui demande de respecter le mètre de distance. « On est vaccinés, nous », me répond l’époux. Derrière, on ne parle pas du deuxième tour des Régionales mais du Tour de France, surtout de l’Allemande qui a fait tomber la moitié du peloton avec son carton. A force de voir les bouquinistes d’en face, je me décide à entrer dans cette brocante et à l’angle de la table de celui qui est le plus proche des Halles, j’aperçois la tête de Léautaud. Elle est en couverture du livre d’images et textes réunis par Marie Dormoy au Mercure de France en mil neuf cent soixante-neuf, un ouvrage intitulé Paul Léautaud et qui était vendu cent onze francs. Un livre que je n’ai pas et qui n’est affiché qu’à douze euros. Bien qu’il soit un peu tâché d’encre sur la tranche, je ne laisse pas passer l’occasion.
Muni de mon butin, je retourne à la terrasse de L’Amiral. Situé à l’angle de la place Jean Jaurès, l’endroit offre la vue sur l’entrée de la Ville Close et le dimanche propose les mêmes formules en brasserie que les autres jours. Je choisis celle à dix-huit euros (entrée plat dessert café) et y ajoute un quart de bordeaux à six euros. Après la salade pommes de terre mayonnaise cornichons cervelas, je déguste le jarreton demi-sel au cidre pommes sautées, tandis que s’installe à ma gauche un couple de sexagénaires qui vient d’acheter un livre sur l’Ankou. Elle et lui ont pour projet une retraite en septembre chez les moines près de Redon. « C’est ça qui est complexe, déclare-t-elle, se rendre disponible sans être hédoniste. » J’ai l’impression qu’elle me fait la morale. En dessert, je découvre l’île flottante.
Après le café, je rentre « chez moi » puis le temps s’améliorant vais lire longuement au-dessus de la plage du Miné. Je suis presque au bout du premier volume du Journal des Goncourt.
*
L’Amiral, un restaurant dont les assiettes sont encore au nom de l’établissement.
*
Un propriétaire de chien : « J’ai dit stop. La prochaine fois, je cogne. D’accord ? »
Je n’ai pas entendu la réponse de l’animal.
Il pleuvouille encore quand je redescends vers le port à onze heures. Devant les Halles est installée une brocante réservée aux professionnel(le)s. J’aperçois quelques bouquinistes mais c’est la terrasse du restaurant bar brasserie L’Amiral qui m’attire. J’y bois un café abrité (un euro soixante-cinq). Un couple de quinquagénaires s’installe à ma gauche. La femme pousse sa chaise de mon côté comme si elle préférait m’avoir face à elle plutôt que son mari (le diable m’en préserve). Je lui demande de respecter le mètre de distance. « On est vaccinés, nous », me répond l’époux. Derrière, on ne parle pas du deuxième tour des Régionales mais du Tour de France, surtout de l’Allemande qui a fait tomber la moitié du peloton avec son carton. A force de voir les bouquinistes d’en face, je me décide à entrer dans cette brocante et à l’angle de la table de celui qui est le plus proche des Halles, j’aperçois la tête de Léautaud. Elle est en couverture du livre d’images et textes réunis par Marie Dormoy au Mercure de France en mil neuf cent soixante-neuf, un ouvrage intitulé Paul Léautaud et qui était vendu cent onze francs. Un livre que je n’ai pas et qui n’est affiché qu’à douze euros. Bien qu’il soit un peu tâché d’encre sur la tranche, je ne laisse pas passer l’occasion.
Muni de mon butin, je retourne à la terrasse de L’Amiral. Situé à l’angle de la place Jean Jaurès, l’endroit offre la vue sur l’entrée de la Ville Close et le dimanche propose les mêmes formules en brasserie que les autres jours. Je choisis celle à dix-huit euros (entrée plat dessert café) et y ajoute un quart de bordeaux à six euros. Après la salade pommes de terre mayonnaise cornichons cervelas, je déguste le jarreton demi-sel au cidre pommes sautées, tandis que s’installe à ma gauche un couple de sexagénaires qui vient d’acheter un livre sur l’Ankou. Elle et lui ont pour projet une retraite en septembre chez les moines près de Redon. « C’est ça qui est complexe, déclare-t-elle, se rendre disponible sans être hédoniste. » J’ai l’impression qu’elle me fait la morale. En dessert, je découvre l’île flottante.
Après le café, je rentre « chez moi » puis le temps s’améliorant vais lire longuement au-dessus de la plage du Miné. Je suis presque au bout du premier volume du Journal des Goncourt.
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L’Amiral, un restaurant dont les assiettes sont encore au nom de l’établissement.
*
Un propriétaire de chien : « J’ai dit stop. La prochaine fois, je cogne. D’accord ? »
Je n’ai pas entendu la réponse de l’animal.
27 juin 2021
« Vous pouvez remonter votre masque sur votre nez ? », demande la boulangère de Citron Basilic à celui qui me précède ce samedi matin. Cela alors qu’elle-même n’en porte pas du tout. Pas davantage n’en porte le patron du Jockey où en terrasse je petit-déjeune.
Ce samedi matin, le temps est pire qu’annoncé. Je fais une nouvelle fois un tour de Ville Close avant que la pluie et la foule n’arrivent puis je prends un nouveau café sous l’auvent du Cabestan. Un peu avant dix heures, je suis sous l’abribus de la place Jean-Jaurès et à dix heures quatre arrive Coralie numéro Deux. C’est le seul jour où un seul bus de cette ligne va jusqu’à Pont-Aven. Le voyage coûte un euro et prend trente-cinq minutes. Nous sommes trois à le faire.
La pluie a provisoirement cessé quand Coralie s’arrête au centre de la « Cité des Peintres ». J’en profite pour faire quelques photos du cours de l’Aven (dont deux des magnifiques toilettes publiques en brique qui le surplombent) mais je suis rattrapé par les gouttes alors que je me trouve sur la promenade Xavier Grall. Je me refugie sous les grands parapluies noirs du Café Noir où le café n’est qu’à un euro cinquante.
L’éclaircie arrivée, j’ai encore le temps de marcher avant midi jusqu’au port, où les bateaux sont posés sur la vase car c’est marée basse.
Face au Café Noir est la boulangerie crêperie Kéraval à petite terrasse et vue sur la Pension Gloanec devenue « librairie exposition ». Les crêpes qu’on y fabrique doivent être bonnes, me dis-je, comme celles que je voyais faire dans les cafés par la vieille mère du patron lors de mes premiers voyages en Bretagne il y a presque cinquante ans. J’y trouve une table bien abritée sous l’auvent et commande une complète andouille œuf fromage puis une beurre sucre puis un petit kouign amann. Avec deux bolées de cidre, j’en ai pour dix-sept euros trente et comme il pleut toujours, je trouve que l’heure imposée par Coralie pour rentrer à Concarneau (treize heures trente-huit) n’est pas trop précoce.
*
Pont-Aven l’été est un enfer touristique. Déjà je trouve là trop de familles et de couples assommants. Et que dire des ateliers d’artistes qui abondent. « Y a une galerie là-bas sur le côté, c’était très coloré, c’était très beau », entends-je d’une femme à son mari.
Paul Gauguin serait bien surpris des constater les conséquences de son passage ici. « Quelle bête vie que l’européenne vie » disait-il avant de partir aux Marquises en vivre une autre que dénonce maintenant le vertueux vingtième et une siècle.
*
Autre vilipendé par le siècle de la vertu, le film de Joël Séria tourné ici en avril mil neuf cent soixante-quinze Les Galettes de Pont-Aven avec l’excellent Jean-Pierre Marielle et l’excitante Jeanne Goupil.
L’une des scènes les montrent chantant en costume breton au Théâtre de Pont-Aven Kenavo de Théodore Botrel.
L’auteur de La Paimpolaise est précisément enterré au cimetière de Pont-Aven où il vécut une partie de vie.
Quant à Xavier Grall, s’il vivait à deux kilomètres du centre de Pont-Aven dans le village annexé de Nizon au lieu-dit Bossulan, c’est à Landivisiau qu’il repose (comme on dit), moins renommé mort que vivant.
Ce samedi matin, le temps est pire qu’annoncé. Je fais une nouvelle fois un tour de Ville Close avant que la pluie et la foule n’arrivent puis je prends un nouveau café sous l’auvent du Cabestan. Un peu avant dix heures, je suis sous l’abribus de la place Jean-Jaurès et à dix heures quatre arrive Coralie numéro Deux. C’est le seul jour où un seul bus de cette ligne va jusqu’à Pont-Aven. Le voyage coûte un euro et prend trente-cinq minutes. Nous sommes trois à le faire.
La pluie a provisoirement cessé quand Coralie s’arrête au centre de la « Cité des Peintres ». J’en profite pour faire quelques photos du cours de l’Aven (dont deux des magnifiques toilettes publiques en brique qui le surplombent) mais je suis rattrapé par les gouttes alors que je me trouve sur la promenade Xavier Grall. Je me refugie sous les grands parapluies noirs du Café Noir où le café n’est qu’à un euro cinquante.
L’éclaircie arrivée, j’ai encore le temps de marcher avant midi jusqu’au port, où les bateaux sont posés sur la vase car c’est marée basse.
Face au Café Noir est la boulangerie crêperie Kéraval à petite terrasse et vue sur la Pension Gloanec devenue « librairie exposition ». Les crêpes qu’on y fabrique doivent être bonnes, me dis-je, comme celles que je voyais faire dans les cafés par la vieille mère du patron lors de mes premiers voyages en Bretagne il y a presque cinquante ans. J’y trouve une table bien abritée sous l’auvent et commande une complète andouille œuf fromage puis une beurre sucre puis un petit kouign amann. Avec deux bolées de cidre, j’en ai pour dix-sept euros trente et comme il pleut toujours, je trouve que l’heure imposée par Coralie pour rentrer à Concarneau (treize heures trente-huit) n’est pas trop précoce.
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Pont-Aven l’été est un enfer touristique. Déjà je trouve là trop de familles et de couples assommants. Et que dire des ateliers d’artistes qui abondent. « Y a une galerie là-bas sur le côté, c’était très coloré, c’était très beau », entends-je d’une femme à son mari.
Paul Gauguin serait bien surpris des constater les conséquences de son passage ici. « Quelle bête vie que l’européenne vie » disait-il avant de partir aux Marquises en vivre une autre que dénonce maintenant le vertueux vingtième et une siècle.
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Autre vilipendé par le siècle de la vertu, le film de Joël Séria tourné ici en avril mil neuf cent soixante-quinze Les Galettes de Pont-Aven avec l’excellent Jean-Pierre Marielle et l’excitante Jeanne Goupil.
L’une des scènes les montrent chantant en costume breton au Théâtre de Pont-Aven Kenavo de Théodore Botrel.
L’auteur de La Paimpolaise est précisément enterré au cimetière de Pont-Aven où il vécut une partie de vie.
Quant à Xavier Grall, s’il vivait à deux kilomètres du centre de Pont-Aven dans le village annexé de Nizon au lieu-dit Bossulan, c’est à Landivisiau qu’il repose (comme on dit), moins renommé mort que vivant.
26 juin 2021
Le bleu n’aura duré qu’une journée. Le ciel est gris quand je descends vers le port de Concarneau ce vendredi matin mais il ne pleut pas encore. Après mon habituel petit-déjeuner, je fais un tour dans la ville pour y voir ce qui échappe à la plupart des touristes : la Maison Norvégienne qui jouxte le Café de l’Atlantic, le clocher de l’église Saint-Cœur de Marie dont le reste a été démoli après une tempête, la nouvelle église Saint-Guénolé ornée d’une mosaïque de Bazaine, l’ancienne cheminée de briques de l’usine Bouvais-Flon à l’arrière de la salle de spectacles Le Cac. Je m’installe ensuite sur un banc pour lire face à la mer, square des Oubliés de Saint-Paul, jusqu’à ce que les premières gouttes me chassent.
De retour à mon logis provisoire, j’organise ma journée de demain puis vers onze heures et demie rejoins la place Jean-Jaurès où se tient un marché plus important que celui du lundi.
Ne voulant pas me compliquer la vie, c’est pour la deuxième fois au Comptoir que je trouve une table d’intérieur pour déjeuner. J’aime l’ambiance qui règne ici, le personnel efficace et de bonne humeur. Présentement, il est en émoi car en terrasse à la table quatre-vingt-trois est un acteur vachement connu en kaouais bleu. Personne ne sait son nom, ni dans quel film on l’a vu.
Après une recherche fébrile sur Internet, un nom est lancé : Lionel Abelanski. Il a joué dans un film intitulé Barbecue avec Franck Dubosc et Lambert Wilson. Jamais entendu parler de lui, mais je sais qui est Franck Dubosc (je l’ai même croisé un jour à Rouen, rue Martainville) et qui est Lambert Wilson (quelle dégringolade).
Cette célébrité mal connue partie, l’énergie du personnel ne retombe pas. La formule entrée plat café à quatorze euros quatre-vingts sera encore la mienne, avec cette fois une salade du pêcheur (thon, haddock fumé, pommes de terre) et un pavé de porc mariné sauce à l’orange pommes de terre grenaille.
Des familles à collégien(ne)s et lycéen(ne)s constituent mon voisinage, à croire que c’est déjà les vacances. Il n’est question que de fêtes à venir. Comme si le Covid n’existait plus. Alors qu’il court, il court, le variant Delta. Suivi du Delta Plus.
*
« Plancha, la suite de Barbecue sera tournée en juin à Concarneau », annonçait Le Télégramme en avril dernier.
*
Pourquoi moins d’ennui hors de chez nous ? (…) Vivre sur la branche, est-ce la sagesse ? Vivre à l’hôtel, sera-ce l’avenir ? constatent les deux Goncourt en villégiature à Trouville le dix juillet mil huit cent soixante-quatre.
Ce séjour au bord de mer leur est l’occasion, le vingt-trois juillet suivant, d’une observation bien à leur manière :
Ici cela regorge de familles. La maternité s’y étale, une sorte de maternité animale et poussinière. On sent que les bains de mer sont je ne sais quel lieu honnête et dégoûtant de reproductivité, un endroit où on mène sa femme pulluler. La mer, c’est un peu le seau d’eau au cul des juments.
De retour à mon logis provisoire, j’organise ma journée de demain puis vers onze heures et demie rejoins la place Jean-Jaurès où se tient un marché plus important que celui du lundi.
Ne voulant pas me compliquer la vie, c’est pour la deuxième fois au Comptoir que je trouve une table d’intérieur pour déjeuner. J’aime l’ambiance qui règne ici, le personnel efficace et de bonne humeur. Présentement, il est en émoi car en terrasse à la table quatre-vingt-trois est un acteur vachement connu en kaouais bleu. Personne ne sait son nom, ni dans quel film on l’a vu.
Après une recherche fébrile sur Internet, un nom est lancé : Lionel Abelanski. Il a joué dans un film intitulé Barbecue avec Franck Dubosc et Lambert Wilson. Jamais entendu parler de lui, mais je sais qui est Franck Dubosc (je l’ai même croisé un jour à Rouen, rue Martainville) et qui est Lambert Wilson (quelle dégringolade).
Cette célébrité mal connue partie, l’énergie du personnel ne retombe pas. La formule entrée plat café à quatorze euros quatre-vingts sera encore la mienne, avec cette fois une salade du pêcheur (thon, haddock fumé, pommes de terre) et un pavé de porc mariné sauce à l’orange pommes de terre grenaille.
Des familles à collégien(ne)s et lycéen(ne)s constituent mon voisinage, à croire que c’est déjà les vacances. Il n’est question que de fêtes à venir. Comme si le Covid n’existait plus. Alors qu’il court, il court, le variant Delta. Suivi du Delta Plus.
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« Plancha, la suite de Barbecue sera tournée en juin à Concarneau », annonçait Le Télégramme en avril dernier.
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Pourquoi moins d’ennui hors de chez nous ? (…) Vivre sur la branche, est-ce la sagesse ? Vivre à l’hôtel, sera-ce l’avenir ? constatent les deux Goncourt en villégiature à Trouville le dix juillet mil huit cent soixante-quatre.
Ce séjour au bord de mer leur est l’occasion, le vingt-trois juillet suivant, d’une observation bien à leur manière :
Ici cela regorge de familles. La maternité s’y étale, une sorte de maternité animale et poussinière. On sent que les bains de mer sont je ne sais quel lieu honnête et dégoûtant de reproductivité, un endroit où on mène sa femme pulluler. La mer, c’est un peu le seau d’eau au cul des juments.
25 juin 2021
Ce jeudi matin, jour de soleil, je suis le premier, et même le seul, à attendre le premier bac annoncé pour huit heures à l’embarcadère qui se trouve Porte du Passage à l’autre bout de la Ville Close. Ce bac, moyennant un euro, permet de prendre le port par le travers pour rejoindre le quartier du Passage, dit aussi des Vachics.
A l’heure dite, je vois arriver la navette électrique avec à son bord sa capitaine et une usagère qui l’emprunte chaque jour pour venir travailler. En moins de deux, je suis de l’autre côté, d’où l’on peut voir la Ville Close sous un angle moins habituel et observer le mouvement des navires qui entrent ou sortent du port.
A partir de là le Géherre Trente-Quatre peut vous emmener loin. Pour ma part, je vise seulement l’anse de Kersaux. Bientôt j’atteins l’imposante statue d’Abraham Du Quesne, né à Dieppe en mil six cent dix, créateur de l’Arsenal de Brest, grand pourfendeur de Biscayens, de Maures et de Flessingois. Un peu plus loin est un rose Abri du Marin. Il est jouxté du vaste et triste Centre Européen de Formation Continue Maritime puis c’est une statue de Sainte Anne sur une casemate de la Deuxième Guerre Mondiale. Elle ne voit rien venir. Ensuite le chemin longe de près la mer et ses rochers. J’y serais parfaitement tranquille s’il n’y avait la plaie des femmes et hommes (bien moins nombreux) à chien. Certain(e)s s’attendent à ce que je m’intéresse à leur bestiole alors que vraiment je n’en ai rien à foutre. Soudain, mon appareil photo m’annonce que sa mémoire est saturée. Fichtre, j’ai oublié de retirer la carte Esse Dé de mon ordinateur. Je n’ai plus qu’à le remiser dans ma poche.
Après la plage du Porzou, j’entre dans le bois du même nom puis c’est l’anse de Kersaux où l’on trouve un petit port à sports nautiques. J’aurais l’énergie pour continuer jusqu’à la pointe du Cabellou mais pour cette partie le Géherre est sur route à cause des maisons qui s’accaparent le bord de mer. Aussi l’envie me manque et je fais demi-tour.
Je trouve un banc près de Du Quesne statufié. Je lis là le Journal des Goncourt un bon moment tout en observant le passage des bateaux le long de la Ville Close. Celui de la Gendarmerie Maritime fait deux allers-retours. Ça a l’air tranquille comme travail.
Près du l’embarcadère du bac est un restaurant nommé Pourquoi Pas, une sorte de Mieux Ici Qu’En Face à la vue directe sur la Ville Close alors que les restaurants de la place Jean-Jaurès ont un grand parquigne entre eux et les fortifications.
La patronne m’a réservé une excellente table au soleil d’où je peux surveiller les allées et venues du bac. Elle m’envoie une giclée de gel hydroalcoolique sur une main avant de me donner la carte. Un menu du jour propose des oreillons de pêche au thon, un faux-filet sauce au bleu frites maison et une mousse aux fruits exotiques. Avec un verre de bordeaux, cela me fera vingt euros dix. Derrière moi mangent de jeunes techniciens habitués du lieu. Je ne peux rien tirer de leur conversation. Il n’est question que de leur boulot.
*
Des oreillons de pêche au thon, rien à voir avec la pêche en mer, sauf le thon. La pêche est le fruit et les oreillons ses deux moitiés, m’apprend la patronne. Pourquoi pas ?
A l’heure dite, je vois arriver la navette électrique avec à son bord sa capitaine et une usagère qui l’emprunte chaque jour pour venir travailler. En moins de deux, je suis de l’autre côté, d’où l’on peut voir la Ville Close sous un angle moins habituel et observer le mouvement des navires qui entrent ou sortent du port.
A partir de là le Géherre Trente-Quatre peut vous emmener loin. Pour ma part, je vise seulement l’anse de Kersaux. Bientôt j’atteins l’imposante statue d’Abraham Du Quesne, né à Dieppe en mil six cent dix, créateur de l’Arsenal de Brest, grand pourfendeur de Biscayens, de Maures et de Flessingois. Un peu plus loin est un rose Abri du Marin. Il est jouxté du vaste et triste Centre Européen de Formation Continue Maritime puis c’est une statue de Sainte Anne sur une casemate de la Deuxième Guerre Mondiale. Elle ne voit rien venir. Ensuite le chemin longe de près la mer et ses rochers. J’y serais parfaitement tranquille s’il n’y avait la plaie des femmes et hommes (bien moins nombreux) à chien. Certain(e)s s’attendent à ce que je m’intéresse à leur bestiole alors que vraiment je n’en ai rien à foutre. Soudain, mon appareil photo m’annonce que sa mémoire est saturée. Fichtre, j’ai oublié de retirer la carte Esse Dé de mon ordinateur. Je n’ai plus qu’à le remiser dans ma poche.
Après la plage du Porzou, j’entre dans le bois du même nom puis c’est l’anse de Kersaux où l’on trouve un petit port à sports nautiques. J’aurais l’énergie pour continuer jusqu’à la pointe du Cabellou mais pour cette partie le Géherre est sur route à cause des maisons qui s’accaparent le bord de mer. Aussi l’envie me manque et je fais demi-tour.
Je trouve un banc près de Du Quesne statufié. Je lis là le Journal des Goncourt un bon moment tout en observant le passage des bateaux le long de la Ville Close. Celui de la Gendarmerie Maritime fait deux allers-retours. Ça a l’air tranquille comme travail.
Près du l’embarcadère du bac est un restaurant nommé Pourquoi Pas, une sorte de Mieux Ici Qu’En Face à la vue directe sur la Ville Close alors que les restaurants de la place Jean-Jaurès ont un grand parquigne entre eux et les fortifications.
La patronne m’a réservé une excellente table au soleil d’où je peux surveiller les allées et venues du bac. Elle m’envoie une giclée de gel hydroalcoolique sur une main avant de me donner la carte. Un menu du jour propose des oreillons de pêche au thon, un faux-filet sauce au bleu frites maison et une mousse aux fruits exotiques. Avec un verre de bordeaux, cela me fera vingt euros dix. Derrière moi mangent de jeunes techniciens habitués du lieu. Je ne peux rien tirer de leur conversation. Il n’est question que de leur boulot.
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Des oreillons de pêche au thon, rien à voir avec la pêche en mer, sauf le thon. La pêche est le fruit et les oreillons ses deux moitiés, m’apprend la patronne. Pourquoi pas ?
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