Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

13 avril 2017


Entrer à dix heures moins dix au Café du Faubourg à la sortie Ledru-Rollin du métro, c’est ce que je fais encore une fois ce mercredi où la température est plus élevée à Paris qu’à Rouen, mais cette année, que se passe-t-il, les filles ne portent guère de jolies tenues sexy. Le café bu, Le Parisien lu, je fouine avec profit chez Book-Off puis pour rien au marché d’Aligre.
Je déjeune ensuite au Rempart, rue Saint-Antoine, servi par deux sympathiques jeunes hommes au louque différencié. Pour douze euros cinquante, j’ai droit à une excellente part d’épaule d’agneau confite à la provençale avec son nid de tagliatelles suivie d’une allitération de bon goût : tarte tatin tiédie. Le vin étant chérot, j’accompagne cela d’un peu d’eau de Paris.
Je n’ai qu’à traverser la rue pour être au pied de la statue de Pierre Caron de Beaumarchais où j’ai rendez-vous à treize heures avec celle qui travaille à proximité.
A l’heure dite, elle surgit. Le Rivolux nous donne la terrasse ensoleillée dont nous avons envie. Elle m’y offre deux cafés. Je lui offre Roman avec cocaïne d’Aguéev. Nous parlons de nos vies et de cette foutue élection présidentielle.
Quand le travail la requiert, un bus Vingt me rapproche du jardin du Palais Royal où j’espère lire au soleil sur l’une des chaises encerclant le bassin. Elles sont toutes prises. Je dois me contenter d’une place à l’ombre, sur un banc, sous les arbres.
Quand je reviens à Rouen, nuages et vent m’obligent à remettre le manteau qui m’encombrait à Paris.
                                                              *
Parmi les livres dans mon sac : Journal (Leningrad, 1941-1942) de Léna Moukhina (Robert Laffont), Anaïs Nin genèse et jeunesse de Sophie Taam (Chèvre – feuille étoilée) et L’Interlocutrice de Geneviève Peigné (Le Nouvel Attila), celle-ci évoquant les dernières années de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, par le biais des annotations incohérentes que la défunte inscrivait sur les romans policiers qu’elle lisait, jusqu’à s’immiscer dans les dialogues.
                                                             *
Trouve-t-on à Pâques des œufs en chocolat dans les nids de tagliatelles ?
                                                             *
Rue Saint-Antoine : une madeleinerie artisanale. Ça, c’est du néologisme.
                                                             *
C’est à Houilles que commencent à remonter le train du matin celles et ceux à qui ça ferait mal de ne pas être le plus tôt possible au travail.
 

12 avril 2017


Ce lundi, à dix-neuf heures, est présentée dans l’ancienne école Victor-Hugo, qui fut aussi l’annexe de l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen, la dernière étape de travail d’Une nuit chez Buzzati, «une forme théâtrale, musicale et plastique à partir de deux nouvelles de l’écrivain italien Dino Buzzati». Ce spectacle sera donné en juillet prochain dans l’une des serres du Jardin des Plantes. Il est estampillé Nos Années Sauvages, l’association qu’animent Thomas Cartron et Sylvain Wavrant. C’est ce dernier qui m’a invité.
J’y arrive un peu avant et trouve à m’employer en aidant à un emménagement consécutif à la fermeture de l’Ubi. Le moment venu, j’entre avec une vingtaine d’autres dans ce qui fut une salle de classe. Chacun(e) s’assoit à l’une des petites tables où sont posés verres et bouteilles.
Les trois artistes sont en place. Ils interprètent en les enchaînant Quand descend l’ombre, qui narre la rencontre d’un homme ayant réussi avec l’enfant qu’il fut (une étude de la trahison), et Douce nuit, dans laquelle une femme cauchemarde, que son mari rassure en lui vantant le jardin tranquille où pourtant se passent des horreurs (une étude de la cruauté du monde). Buzzati est l’un des maîtres de la littérature fantastique. L’inquiétude est ici favorisée par la pénombre.
A la lecture, au piano et au chant sont Charles et Charline Porrone (père et fille) et au violoncelle Charlotte Patel. Sylvain Wavrant est l’auteur des costumes et Laurent Martin de la scénographie et du décor en bois et meubles récupérés. Les musiques et les chansons écrites par les interprètes mettent en valeur le texte de Dino Buzzati. Le passage de la première nouvelle à la deuxième crée dans mon esprit un moment de flottement que j’aime bien. Ce court spectacle est une réussite.
Après les applaudissements, nous buvons un verre de prosecco. Il est question de placer ce moment de détente entre les deux nouvelles au Jardin des Plantes. Nous sommes deux à juger que ce ne serait pas une bonne idée et à plaider pour l’enchaînement des deux textes.
                                                             *
Lisant, ce lundi après-midi, le Traité de la ponctuation française de Jacques Drillon (Tel/Gallimard) dans un semi soleil à la terrasse du Sacre, je suis abordé par une qui m’avait déjà envoyé un mail pour me reprocher d’avoir ironisé sur l’activité qu’elle propose sans même l’avoir pratiquée. La discussion commence aimablement mais ça ne dure pas : ce que j’écris est sans intérêt et je devrais reconnaître mes torts.
Après cette parenthèse, je suis heureux de retrouver les points, les virgules et les tirets.
Enfin, cet ouvrage n’est pas un lieu pour une telle querelle, écrit Jacques Drillon à la page cinquante-six.
 

11 avril 2017


C’est avec le premier bus Té Trois que ce dimanche je vais en banlieue, à Darnétal. Descendu à la Mairie, devant laquelle une banderole conteste une fermeture de classe à Clemenceau, je rejoins pédestrement la rue de Waddington où se tient le vide grenier qui m’amène. Les déballeurs y sont plus matinaux qu’à Rouen la veille. Ce qu’ils proposent n’est pas davantage pour m’intéresser. J’y repère les deux seuls livres achetables, des récits de voyage en Mongolie et en Sibérie de Ferdynand Ossendowski publiés chez Phébus.
-Vous donnez ce que vous voulez, c’est pour s’en débarrasser, me dit leur propriétaire quand je demande un prix.
-Un euro les deux, cela vous irait?
Il acquiesce.
Je ne m’attarde pas dans ce déballage. Un peu avant huit heures, j’attends le bus de retour tandis que descendent de celui venu de Rouen une habituée des vide greniers à  déambulateur dont j’admire le courage et de jeunes musulmanes que je mets sur le droit chemin.
                                                         *
A la peinture, sur un mur de Darnétal : « Sarkosi est un fronason ». Je suppose que c’est la nouvelle orthographe pour franc-maçon.
                                                         *
Rouen, dans un café de la place Saint-Marc, un client au serveur :
-Avec le soleil, ça doit marcher les affaires.
-Surtout les affaires du patron, oui ! lui répond l’interpellé.
-Communiste, va ! commente un autre.
                                                         *
« La bonne clientèle, on ne la voit plus » (une marchande de chaussures au marché du Clos Saint-Marc).
                                                         *
Moi-même à la boulangerie :
-Une tradition s’il vous plaît, pas trop cuite.
La cliente suivante :
-Deux traditions bien cuites. Cramées, ce serait parfait
Pfff…
                                                        *
Les gens qui s’adressent aux gens en les appelant « les gens » c’est affligeant : « Guérissez-vous, les gens » (Mélenchon à Marseille)
                                                        *
Quelle poisse pour une fille de s’appeler Marine (en plus ce n’est pas son vrai prénom à la Gueularde). Cela dit, les parents qui ont prénommé leur fille Marine après janvier deux mille onze (quand elle est devenue la cheffe du F-Haine) ne l’ont pas fait par hasard.
 

10 avril 2017


Ubi or not Ubi ? Je ne me poserai plus la question. Plus personne ne se la posera. C’en est fini de l’Ubi. Le lieu artistique mutualisé, ouvert il y a exactement trois ans, doit fermer définitivement sa porte ce dimanche neuf avril deux mille dix-sept. Ainsi l’exige la commission de sécurité passée à la demande d’un des copropriétaires de l’immeuble bourgeois de la rue Alsace-Lorraine. Les travaux réclamés pour se mettre en conformité, dont la création d’une deuxième sortie, ne pouvaient être envisagés que si le propriétaire y participait. Il n’a pas voulu. De plus, les autres propriétaires ne voyaient pas d’un bon œil une sortie qui aurait été commune avec la leur. Cela est bien triste. Les équipes artistiques qui y avaient leurs locaux ont dû trouver des solutions d’urgence provisoires. Les évènements et les spectacles qui se déroulaient dans la salle de café ou dans la galerie n’auront plus lieu.
J’y passe une dernière fois ce samedi après-midi où le ciel est bleu et ai la chance d’y trouver les deux que j’avais envie d’y voir : Jonathan, de Jabran Productions, et Sylvain, l’artiste taxidermiste. Assis sur le rebord de la vitrine de ce qui fut la Mam Galerie, ils prennent une bière qui ne suffira pas à leur redonner le moral (comme on dit).
-Bonjour les garçons, leur dis-je avant de les embrasser comme ça se fait maintenant. Je peux entrer ?
-Oui, tu vas voir, il n’y a plus rien.
En effet, le lieu est presque vide. Ne restent que des radiateurs électriques et des extincteurs à vendre, de la vaisselle à donner et un tas de rebut pour lequel la déchetterie demande trois cents euros. Ce que je trouve le plus désolant, ce sont les lettres arrivées pour chacune des structures, triées sur une table.
Je ressors. Sylvain et Jonathan m’expliquent les circonstances de la fermeture. Et comment depuis le début les copropriétaires, parmi lesquels un ancien procureur de la république, leur ont fait des difficultés, notamment à cause des concerts. Il avait été tenu compte de leur tranquillité troublée, ceux-ci avaient lieu plus tôt et se terminaient avant vingt-deux heures. Cela ne leur a pas suffi. Un repreneur est déjà sur le coup. L’entreprise de décervelage festif qui occupe déjà l’autre partie du rez-de-chaussée veut s’agrandir. Elle pourra relier ses deux moitiés en passant derrière l’entrée des habitants des étages et ça fera la deuxième sortie.
Arrive une des copropriétaires. Elle verse des larmes de crocodile.
-Je vous faisais un petit coucou quand je passais, rappelle-t-elle aux deux garçons.
Elle dit qu’elle aimait bien entendre le piano et que le bruit, elle pouvait ne pas le subir en allant dans une pièce donnant sur la rue. Elle prétend n’être pas informée des soucis créés par les copropriétaires.
Cette femme sait qui je suis et je sais, pour le malheur de ma tranquillité, qui elle est. C’est la guide touristique trilingue à la voix insupportable qui passe trop souvent dans ma ruelle avec son troupeau.
-Parfois, on est celle qui doit supporter le bruit près de chez soi et parfois on est celle qui génère ce bruit et dérange les autres, lui dis-je avant de clairement lui expliquer ce que je pense de ses prestations. Je l’invite à innover en visitant d’autres rues de la ville plutôt que revenir d’année en année dans cette fausse rue du Moyen Age avec laquelle elle mystifie les touristes.
Elle prétend ne pas savoir où j’habite exactement. Se dit prête à claironner un peu plus loin.
-Vous en gênerez d’autres, lui dis-je, et il n’y pas que le bruit, il y a aussi l’obstruction, on ne peut plus passer quand vous et vos collègues êtes là.
Peut-être me fera-t-elle un petit coucou la prochaine fois qu’elle passera.
Elle monte chez elle avec ses courses. Passe Olive avec une pile de vaisselle. Jonathan s’en va. Je rentre encore une fois à l’intérieur de l’Ubi avec Sylvain. Nous sommes consternés par toute l’énergie gâchée.
En face au bout de la rue Molière les pompiers sont à l’ouvrage sur la plateforme télescopique de leur camion. Une cheminée menace de s’écrouler, des morceaux sont tombés sur le vide grenier.
                                                               *
Un lieu culturel remplacé par un lieu de divertissement, ce serait dans l’ordre des choses du vingt et unième siècle.
                                                               *
Peut-être devrais-je demander le passage de la commission de sécurité dans la venelle quand elle est bloquée par plusieurs groupes de touristes du quatrième âge auxquels s’ajoutent ceux des scolaires de divers âges.
 

8 avril 2017


Ce ouiquennede a lieu le vide grenier rouennais du quartier Augustins Molière, le plus proche de chez moi. J’y suis donc dès sept heures ce samedi, surpris d’y voir presque pas de vendeurs. Leur laissant le temps d’arriver, et à la fourrière celui d’embarquer les voitures garées là malgré les affichettes l’interdisant, je retourne à la maison, un peu énervé.
J’y retourne une demi-heure plus tard. Cette fois, les déballeurs sont là, venus d’ailleurs, d’où le temps mis pour faire les kilomètres. Désormais, à la Grande Foire à Tout des Rameaux, comme l’appellent ses organisateurs, ce ne sont plus les habitants du quartier qui vendent mais des pauvres venus des banlieues qui font ça chaque dimanche et le samedi aussi si c’est possible. Ce qu’ils proposent aurait sa place dans les bennes à ordures hideuses dont la rue des Augustins et la rue Molière sont garnies.
Il y a trop d’acheteurs, beaucoup à poussettes et à chariots. Ils m’insupportent. J’en suspecte un certain nombre d’être des électeurs du F-Haine. D’autres sont ceux que les précédents ne veulent pas voir chez nous. Je trouve quand même quelques livres à mettre dans mon sac.
Je croise là un que je n’imaginais pas se lever si tôt. Je me réjouis avec lui d’avoir eu hier après-midi de bonnes nouvelles des ami(e)s de Stockholm. Lorsque le camion a foncé dans la foule, lui se promenait avec les enfants loin des lieux du drame. Quant à elle, elle était avec ses élèves dans un cinéma proche de la rue piétonnière où cela s’est passé et y a été confiné durablement. Une projection de Ma Loute a même été envisagée afin de détendre l’atmosphère mais, heureusement, la copie du film est restée introuvable.
                                                             *
-La vie est dure, se plaint l’un au marché du Clos Saint-Marc, voisin de ce vide grenier.
-Mais non, elle n’est pas dure, il suffit de savoir la vivre, c’est tout, lui répond l’une.
 

7 avril 2017


En chemin vers l’Opéra ce jeudi soir, je rencontre l’un de mes lecteurs qui va au même endroit.
-Il y a un livre qui devrait vous intéresser, me dit-il, c’est les Carnets d’un vieil amoureux.
-De Mathiot ? Oui je l’ai lu. C’est très intéressant en effet, et bien écrit.
Je le remercie d’avoir pensé à moi et me dis qu’il faudra que je relise ce journal d’une vie sentimentale et sexuelle intense et mouvementée qu’a tenu l’instituteur Marcel Mathiot jusqu’à la fin de sa vie (il est mort à quatre-vingt-quatorze ans).
A l’arrivée, nous nous séparons. L’homme au chapeau vient me débusquer derrière mon pilier.
-Tiens, tu n’es pas allé voir Poutou ? lui dis-je.
-Poutou ? me répond-il de l’air de celui qui ne comprend pas de quoi je parle.
Je lui apprends la présence à la Halle aux Toiles du candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste à l’élection présidentielle. Cela va faire des spectateurs en moins pour Wade in the Water que donne ce soir la Compagnie 14:20. Un certain nombre des membres rouennais du Hennepéha sont abonnés à l’Opéra.
J’ai place en fond d’orchestre, là où on ne peut caser ses genoux. A la vue du décor, une cuisine et une chambre, platement réalistes, mon voisin s’étonne :
-C’est de la danse ou du théâtre ?
C’est officiellement de la danse mais c’est surtout de la « magie nouvelle ». Il s’agit d’évoquer le deuil. Les travaux d’une psychiatre ont été mis à contribution. La musique, originale, est d’Ibrahim Maalouf, qui a des ennuis avec la Justice pour n’avoir pas résisté à une stagiaire de quatorze ans qui lui offrait ses lèvres. Cette musique est diffusée à fond, de quoi abrutir le spectateur. Sans cesse le noir est mis sur le plateau, façon hypnose. Les trois interprètes dansent à peine et font des choses magiques. Cela m’endort un peu et m’ennuie profondément. J’aurais peut-être dû aller voir Poutou.
Il en est d’autres à qui ça plaît. Ils trouvent cela « poétique ». Une fille et son copain applaudissent debout, serait-ce la cousine d’un(e) des interprètes ? Celle-ci et ceux-ci saluent, rejoints par la nombreuse équipe chargée des effets spéciaux.
                                                                    *
La magie nouvelle, c’est comme la politique nouvelle, les ficelles sont les mêmes mais on les voit moins.
                                                                    *
L’Opéra de Rouen a son nouveau directeur, Loïc Lachenal, qui prendra ses fonctions le premier octobre prochain.
Son élection a été un grand moment de démocratie. Si je suis bien renseigné, seuls quatre membres du Conseil d’Administration, la Présidente (Notre Sénatrice), un autre représentant de la Région, celui de la Mairie, celui du Ministère de la Culture, ont pu lire avant de voter les projets des six candidat(e)s en lice pour le choix final. Les autres membres ont dû se contenter des six noms et de leurs cévés. Cela a entraîné un refus de vote des deux représentants des personnels (l’un pour les musiciens, l’autre pour l’administratif et la technique).
L’abstention n’étant pas prise en compte, Loïc Lachenal est réputé avoir été élu à l’unanimité.
Il a trente-huit ans et est actuellement le Président du syndicat professionnel Forces Musicales, qui (me dit-on) est le Medef de la musique classique.
 

6 avril 2017


Le vert que je vois par la fenêtre du train de sept heures cinquante-neuf qui m’emmène à Paris, ce mercredi, montre que nous sommes bien au printemps. J’y lis les Mémoires d’un amnésique d’Erik Satie (Petite Bibliothèque Ombres), un peu gêné par le bruit des touches de l’ordinateur de mon voisin de derrière. Celui-ci se lève soudain en soupirant. Il ne supporte pas le bruit de papier frotté d’une femme qui dessine un peu plus loin. Lui jetant un regard haineux, il va s’asseoir à l’autre bout de la voiture. Me voilà tranquille.
Je trouve des livres qui m’intéressent là où je vais habituellement puis choisis de déjeuner au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg-Saint-Antoine. Le confit de canard est passé de neuf à dix euros.
-Le fournisseur a augmenté son prix de trente pour cent, m’explique la gentille serveuse.
C’est la faute aux oiseaux sauvages qui ont donné la grippe aviaire aux oiseaux d’élevage, beaucoup ont été abattus (comme on dit).
Près de moi sont quatre retraité(e)s, trois hommes et une femme, qui se plaignent de leurs petits-enfants capables de passer devant chez eux sans s’arrêter dire bonjour et boire un coup. Je n’ai pas le temps, voilà ce qu’ils disent. Ils pourraient au moins téléphoner de temps en temps. Un coup de fil, ça remonte le moral. Ce sont des tireurs à l’arc franc-comtois.
-C’est toi qui m’a dit que Chouchou est amoureux, demande l’un des hommes à la femme.
-Oui, ça lui fait du bien, il boit beaucoup moins.
Un bus Quatre-Vingt-Six m’emmène vers le Quartier Latin. Son terminus est l’Institut du Monde Arabe. Je continue à pied dans la douceur du jour et me charge de quelques livres supplémentaires avant d’arriver rue de l’Abbaye.
Mon intention était de voir l’exposition Elliott Erwitt mais je découvre que celle-ci est installée dans la librairie La Hune, ce qui me conduit à renoncer (me voit-on entrer avec des sacs de livres d’occasion dans une librairie de livres neufs ?). Je me contente des quelques photos accrochées face à la librairie sur les grilles du square Laurent-Prache qui jouxte l’église Saint-Germain-des-Prés et fais une pause sur l’un des bancs près de la statue hommage à Guillaume Apollinaire offerte par Picasso à la Ville de Paris (une tête de Dora Maar).
Je prends les rues de Buci et Saint-André-des-Arts, tourne à gauche rue Gît-le-Cœur et entre dans la librairie Un Regard Moderne. Fini le capharnaüm de Jacques Noël, le nouveau responsable est ordonné, ce qui lui permet de présenter une petite exposition Willem. Elle est constituée d’affiches anciennes et de livres de lui ou à lui consacrés. L’une des affiches montre un homme perdu dans un labyrinthe d’atrocités avec pour légende : « Sortir vivant du 20ème siècle ». C’est fait mais le suivant sera fatal.
                                                           *
Au marché d’Aligre, un homme vantant le don du sang : « Il se reconstitue, et après tu as du sang propre. »
 

5 avril 2017


Jour de marché place Saint-Marc, de quoi discute le peuple ? De l’élection présidentielle.
-Elle doit être bonne la place puisqu’ils la veulent tous, dit l’un au comptoir
-Ils ont tous des casseroles au cul, dit un autre en salle.
-Mélenchon, lui, il a pas de casseroles, intervient un troisième.
-Chut, chut, lui dit sa femme.
Elle ne peut le faire taire. Il se lance dans une présentation militante du programme de l’« insoumis ».
Un trentenaire à lunettes, assis dans un coin près de la fenêtre devant un café, ne bronche pas. Il porte un badge « Benoît Hamon Faire battre le cœur de la France ».
-Votez Mélenchon, y a que lui qui garantira vos retraites, dit le supporteur à la cantonade quand il sort.
-Oui oui, dit sa femme qui le suit.
-Mélenchon, oui mais, est-ce qu’il pourra l’appliquer son programme, commente celui qui sert à boire.
-Elle doit être bonne la place puisqu’ils la veulent tous, répète celui qui ne sait dire que ça.
-Nous, Mélenchon, on s’en fout, déclare l’un des assis devant des bières, on préfère déjeuner avec Marine.
                                                       *
Les mêmes qui me disaient quand je songeais à voter Macron pour éviter un deuxième tour Le Pen/Fillon  (idée exclue depuis que Valls le soutient): « Ne fais pas ça malheureux, il faut voter par choix, non par calcul », oui, les mêmes, me disent maintenant : « Ça ne sert à rien de voter Hamon, vote donc pour celui qui est en tête de la gauche dans les sondages ».
                                                      *
« En temps que joueur expert, ce pronostic me semble très aléatoire. », m’écrit un soutien de Mélenchon après que j’ai assuré sur le réseau social Effe Bé que pour le second tour, il n’y a que trois éventualités : Le Pen/Macron, Le Pen/Fillon, Macron/Fillon. « C’est bien mal connaître la France et les Français, nous allons de surprises en rebondissements dans cette élection, restons humbles et abstenons-nous de toutes prédictions hasardeuses basées sur des sondages qui se trompent les ¾ du temps. », ajoute un autre.
Il est vrai que Dupont Aignan et Asselineau sont certains d’être au deuxième tour.
                                                     *
L’un, pour me convaincre de voter Mélenchon, en appelle à Annie Ernaux :
Jean-Luc Mélenchon était en 1962 à Yvetot, et moi j’étais déjà une grande fille qui faisait ses études à Rouen, alors qu’il était encore un petit garçon. Nous avons environ dix ans de différence. (Yvetot, 22/05/2013)
L’eut-elle croisé dix ans plus tard, dans une salle de classe, lui élève, elle professeure, qu’elle aurait pu être sa Brigitte Trogneux.
                                                    *
Pour des raisons que j’ai déjà écrites, je voterai pour ce malheureux Hamon. Ce sera la seule fois de ma vie où j’aurai voté Péhesse au premier tour d’une élection.
 

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