Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 mars 2017
Après avoir montré mes livres au vigile du Centre Pompidou, je laisse mes sacs au vestiaire puis descends au sous-sol afin d’y voir La fabrique d’exils, l’exposition consacrée à Josef Koudelka.
Josef Koudelka photographia l’invasion soviétique de son pays la Tchécoslovaquie en mil neuf cent soixante-huit. Ses photos furent alors publiées anonymement à l’Ouest (comme on disait). Ce sont elles qui ouvrent cette exposition qui s’intéresse ensuite aux photos prises en exil, Koudelka ayant fui la Tchécoslovaquie en soixante-dix (on ne saura donc rien de celles prises dans son pays avant soixante-huit).
Pendant la décennie soixante-dix quatre-vingt, Koudelka habite à Londres puis à Paris pendant l’hiver et le reste du temps il vagabonde sur les routes d’Europe avec son appareil photo et un sac de couchage passant souvent la nuit dehors.
Parmi les images montrées, toutes sans titre, simplement désignées par le pays où elles furent prises, j’ai mes trois préférées. L’une est connue, montrant, en France, un ange à bicyclette près d’un attelage à deux chevaux. Les deux autres sont celle d’une mariée gitane à froufrous au regard effrayé en amazone sur la croupe d’un cheval (Espagne) et celle d’une impasse où sont en action quatre pisseurs à chapeau ou à casquette d’un certain âge (Irlande).
Quelques propos de l’artiste inscrits sur les murs méritent que j’en fasse copie :
« Etre un exilé exige de repartir à zéro. C’est une chance qui m’était donnée. »
« C’est en quittant la Tchécoslovaquie que j’ai découvert le monde. Je ne voulais pas avoir ce que les gens appellent un « chez soi ». Je ne voulais pas avoir à revenir nulle part, je devais être là où j’étais, et si je ne trouvais plus rien à photographier, il était temps de partir ailleurs. »
« Je savais que je n’avais pas besoin de grand-chose pour vivre et photographier –juste de quoi manger et une bonne nuit de sommeil. Ma règle était : Ne t’inquiète pas de savoir où tu vas dormir ; jusqu’à présent, tu as toujours dormi quelque part et tu dormiras à nouveau ce soir. »
Les autoportraits de Koudelka à son réveil après les nuits passées dehors sont ici visibles mais hélas en petit format.
Je vais ensuite au premier niveau voir en quoi consiste l’exposition Imprimer le monde. Elle se penche sur les imprimantes en trois dimensions et présente une sélection d’objets obtenus par ce moyen, dont des mochetés. Une visite de groupe s’emploie à me faire fuir, la guide s’adressant à son public avec un micro, nouveauté fâcheuse.
Je ne reste pas davantage enfermé au Centre Pompidou. Après être passé par Boulinier et Gilda sans rien y acheter, j’emprunte la ligne Quatorze pour me rapprocher du Book-Off de Quatre-Septembre.
Un train sans histoire me ramène à Rouen où le pavé est sérieusement mouillé. C’est le moment d’ouvrir mon parapluie.
*
Dans ce train de retour, deux voyageuses qui s’installent à l’étage « pour voir le paysage ».
*
Contrôlé dans le train de l’aller, je le suis également dans celui du retour. L’être dans l’un et l’autre le même jour est rarissime. Dans le métro parisien, le contrôle n’est pas fréquent. Quand ça m’arrive, c’est à Opéra plutôt qu’ailleurs. Dans le bus parisien, je n’ai jamais vu de contrôleurs, mais tout le monde montant par l’avant, le chauffeur sait qui n’est pas en règle et envoie un message sonore en boucle tançant le fraudeur. Cela dissuade.
Josef Koudelka photographia l’invasion soviétique de son pays la Tchécoslovaquie en mil neuf cent soixante-huit. Ses photos furent alors publiées anonymement à l’Ouest (comme on disait). Ce sont elles qui ouvrent cette exposition qui s’intéresse ensuite aux photos prises en exil, Koudelka ayant fui la Tchécoslovaquie en soixante-dix (on ne saura donc rien de celles prises dans son pays avant soixante-huit).
Pendant la décennie soixante-dix quatre-vingt, Koudelka habite à Londres puis à Paris pendant l’hiver et le reste du temps il vagabonde sur les routes d’Europe avec son appareil photo et un sac de couchage passant souvent la nuit dehors.
Parmi les images montrées, toutes sans titre, simplement désignées par le pays où elles furent prises, j’ai mes trois préférées. L’une est connue, montrant, en France, un ange à bicyclette près d’un attelage à deux chevaux. Les deux autres sont celle d’une mariée gitane à froufrous au regard effrayé en amazone sur la croupe d’un cheval (Espagne) et celle d’une impasse où sont en action quatre pisseurs à chapeau ou à casquette d’un certain âge (Irlande).
Quelques propos de l’artiste inscrits sur les murs méritent que j’en fasse copie :
« Etre un exilé exige de repartir à zéro. C’est une chance qui m’était donnée. »
« C’est en quittant la Tchécoslovaquie que j’ai découvert le monde. Je ne voulais pas avoir ce que les gens appellent un « chez soi ». Je ne voulais pas avoir à revenir nulle part, je devais être là où j’étais, et si je ne trouvais plus rien à photographier, il était temps de partir ailleurs. »
« Je savais que je n’avais pas besoin de grand-chose pour vivre et photographier –juste de quoi manger et une bonne nuit de sommeil. Ma règle était : Ne t’inquiète pas de savoir où tu vas dormir ; jusqu’à présent, tu as toujours dormi quelque part et tu dormiras à nouveau ce soir. »
Les autoportraits de Koudelka à son réveil après les nuits passées dehors sont ici visibles mais hélas en petit format.
Je vais ensuite au premier niveau voir en quoi consiste l’exposition Imprimer le monde. Elle se penche sur les imprimantes en trois dimensions et présente une sélection d’objets obtenus par ce moyen, dont des mochetés. Une visite de groupe s’emploie à me faire fuir, la guide s’adressant à son public avec un micro, nouveauté fâcheuse.
Je ne reste pas davantage enfermé au Centre Pompidou. Après être passé par Boulinier et Gilda sans rien y acheter, j’emprunte la ligne Quatorze pour me rapprocher du Book-Off de Quatre-Septembre.
Un train sans histoire me ramène à Rouen où le pavé est sérieusement mouillé. C’est le moment d’ouvrir mon parapluie.
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Dans ce train de retour, deux voyageuses qui s’installent à l’étage « pour voir le paysage ».
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Contrôlé dans le train de l’aller, je le suis également dans celui du retour. L’être dans l’un et l’autre le même jour est rarissime. Dans le métro parisien, le contrôle n’est pas fréquent. Quand ça m’arrive, c’est à Opéra plutôt qu’ailleurs. Dans le bus parisien, je n’ai jamais vu de contrôleurs, mais tout le monde montant par l’avant, le chauffeur sait qui n’est pas en règle et envoie un message sonore en boucle tançant le fraudeur. Cela dissuade.
24 mars 2017
Dix minutes de retard sont affichées ce mercredi pour le sept heures cinquante-neuf allant à Paris. Il ne l’est que de six. Son vaillant conducteur met la gomme et nous arrivons à l’heure officielle.
Autre bonne nouvelle, la météo annonçait un ciel gris devant donner de la pluie, il n’en est rien. Il fait même presque beau.
Je passe au marché d’Aligre, chez Book-Off puis chez Emmaüs. Pour déjeuner, je renoue avec Chez Céleste et le regrette. Je suis lassé de la présence quasi systémique dans le plat principal d’une boule de riz et d’une poignée de frites, et aussi de la clientèle. Cette fois, c’est un trio de jeunes collègues, deux filles et un garçon. Elles lisent des bluettes qui les font pleurer. Il lit Ken Follet. Une quatrième les rejoint quand ils ont presque terminé. Elle commande le plat végétarien.
Il est midi et demi quand j’en sors. C’est précisément l’heure à laquelle ouvre à côté, au numéro vingt-sept de la rue de Charonne, la Galerie Arts Factory qui expose les artistes figurant au sommaire du numéro vingt-neuf de la très belle revue Hey ! dont le sous-titre est « modern art and pop culture ». Cette revue œuvre « pour la défense de territoires affranchis de la norme » : « Outsider arts, art pop outsiders et singuliers, lowbrow et folk art, bande dessinée et l'ensemble des arts graphiques dérivés d'une culture de rue sont présentés dans les pages et défendus par la revue en tant qu'expressions majeures de notre temps. ».
La jeune fille blonde à l’accent scandinave de l’accueil s’offre à me délester de mes sacs. Allégé, je vaque.
Sur mon petit carnet Muji, je note le nom de Murielle Belin, artiste taxidermiste dont je retiens particulièrement L’oiseau de malheur et Léda et le colibri. Elle fait aussi des sculptures en bocaux.
Plus loin, j’ai la surprise de retrouver Gilbert Shelton avec notamment des dessins originaux récents en noir et blanc des Fabuleux Freak Brothers qui n’ont pas dû lui prendre beaucoup de temps et sont vendus deux mille euros pièce.
Je demande à la blonde demoiselle si elle sait que François Angelier a consacré sur France Culture ses Emois du petit matin au dernier numéro de Hey ! et incidemment à cette exposition. Que non. Elle prend note pour en informer l’attachée de presse. Shelton était là pour le vernissage, me dit-elle, presque tous les artistes exposés sont venus, même ceux résidant à l’étranger.
A nouveau chargé, je constate que la pluie annoncée ne sera pas. Je décide d’aller quand même au Centre Pompidou, où je comptais me réfugier pour éviter d’être mouillé, mais pédestrement. L’exposition des photos de Josef Koudelka m’y invite.
*
Dans un groupe de convives, la fille qui arrive en retard est souvent végétarienne.
*
J’ai un titre pour Libération quand Ken Follett mourra : « Feu Follett ». C’est quand même mieux que le « Chuck périt « de cette semaine.
Evoquant Chuck Berry, la plupart des médias (comme on dit) ont eu des pudeurs de gazelle (comme dit Mélenchon), parlant parfois des braquages de sa première jeunesse mais passant sous silence le séjour en prison pour sa relation avec une Apache de quatorze ans et ses ennuis ultérieurs à cause des caméras qu’il fit installer dans les toilettes pour femmes de son restaurant. Ah, ces artistes !
J’étais à l’école élémentaire quand Chuck Berry fit ses prodigieux débuts. Comme à la maison il n’y avait que la radio, j’ai mis des années avant de savoir qu’il était noir.
*
Lowbrow késako ?
J’interroge Ouiquipédia.
« Lowbrow, ou « lowbrow art », est un mouvement d'art pictural apparu à Los Angeles en Californie, à la fin des années soixante-dix. Le terme lowbrow (littéralement « sourcils bas ») a été construit d'après son contraire, le mot highbrow (« sourcils élevé »), qui désigne l'expression faciale hautaine que peuvent prendre les amateurs d'art contemporain sous ses formes les plus élitistes. Le lowbrow se réapproprie les codes issus des médias populaires tels que le comics, la publicité, le graffiti, le dessin animé et tout ce qui n'est pas considéré comme appartenant au monde des « beaux-arts » classiques. Il est considéré comme faisant partie de la « pop surréaliste ». Le lowbrow art est souvent humoristique, tantôt joyeux, parfois espiègle et, d'autres fois, sarcastique. La plupart des œuvres lowbrow sont des peintures, mais elles peuvent également utiliser d'autres supports ou techniques : jouets, art numérique, sculpture. »
Me voilà bien avancé.
*
Deux des livres de mes sacs : la Correspondance de Marie d’Agoult et Georges Sand (Bartillat) et, acheté pour son titre mais c’est peut-être intéressant, Passage aux îles Féroé avec des bottes en caoutchouc de Karin Huet (La Part Commune).
Autre bonne nouvelle, la météo annonçait un ciel gris devant donner de la pluie, il n’en est rien. Il fait même presque beau.
Je passe au marché d’Aligre, chez Book-Off puis chez Emmaüs. Pour déjeuner, je renoue avec Chez Céleste et le regrette. Je suis lassé de la présence quasi systémique dans le plat principal d’une boule de riz et d’une poignée de frites, et aussi de la clientèle. Cette fois, c’est un trio de jeunes collègues, deux filles et un garçon. Elles lisent des bluettes qui les font pleurer. Il lit Ken Follet. Une quatrième les rejoint quand ils ont presque terminé. Elle commande le plat végétarien.
Il est midi et demi quand j’en sors. C’est précisément l’heure à laquelle ouvre à côté, au numéro vingt-sept de la rue de Charonne, la Galerie Arts Factory qui expose les artistes figurant au sommaire du numéro vingt-neuf de la très belle revue Hey ! dont le sous-titre est « modern art and pop culture ». Cette revue œuvre « pour la défense de territoires affranchis de la norme » : « Outsider arts, art pop outsiders et singuliers, lowbrow et folk art, bande dessinée et l'ensemble des arts graphiques dérivés d'une culture de rue sont présentés dans les pages et défendus par la revue en tant qu'expressions majeures de notre temps. ».
La jeune fille blonde à l’accent scandinave de l’accueil s’offre à me délester de mes sacs. Allégé, je vaque.
Sur mon petit carnet Muji, je note le nom de Murielle Belin, artiste taxidermiste dont je retiens particulièrement L’oiseau de malheur et Léda et le colibri. Elle fait aussi des sculptures en bocaux.
Plus loin, j’ai la surprise de retrouver Gilbert Shelton avec notamment des dessins originaux récents en noir et blanc des Fabuleux Freak Brothers qui n’ont pas dû lui prendre beaucoup de temps et sont vendus deux mille euros pièce.
Je demande à la blonde demoiselle si elle sait que François Angelier a consacré sur France Culture ses Emois du petit matin au dernier numéro de Hey ! et incidemment à cette exposition. Que non. Elle prend note pour en informer l’attachée de presse. Shelton était là pour le vernissage, me dit-elle, presque tous les artistes exposés sont venus, même ceux résidant à l’étranger.
A nouveau chargé, je constate que la pluie annoncée ne sera pas. Je décide d’aller quand même au Centre Pompidou, où je comptais me réfugier pour éviter d’être mouillé, mais pédestrement. L’exposition des photos de Josef Koudelka m’y invite.
*
Dans un groupe de convives, la fille qui arrive en retard est souvent végétarienne.
*
J’ai un titre pour Libération quand Ken Follett mourra : « Feu Follett ». C’est quand même mieux que le « Chuck périt « de cette semaine.
Evoquant Chuck Berry, la plupart des médias (comme on dit) ont eu des pudeurs de gazelle (comme dit Mélenchon), parlant parfois des braquages de sa première jeunesse mais passant sous silence le séjour en prison pour sa relation avec une Apache de quatorze ans et ses ennuis ultérieurs à cause des caméras qu’il fit installer dans les toilettes pour femmes de son restaurant. Ah, ces artistes !
J’étais à l’école élémentaire quand Chuck Berry fit ses prodigieux débuts. Comme à la maison il n’y avait que la radio, j’ai mis des années avant de savoir qu’il était noir.
*
Lowbrow késako ?
J’interroge Ouiquipédia.
« Lowbrow, ou « lowbrow art », est un mouvement d'art pictural apparu à Los Angeles en Californie, à la fin des années soixante-dix. Le terme lowbrow (littéralement « sourcils bas ») a été construit d'après son contraire, le mot highbrow (« sourcils élevé »), qui désigne l'expression faciale hautaine que peuvent prendre les amateurs d'art contemporain sous ses formes les plus élitistes. Le lowbrow se réapproprie les codes issus des médias populaires tels que le comics, la publicité, le graffiti, le dessin animé et tout ce qui n'est pas considéré comme appartenant au monde des « beaux-arts » classiques. Il est considéré comme faisant partie de la « pop surréaliste ». Le lowbrow art est souvent humoristique, tantôt joyeux, parfois espiègle et, d'autres fois, sarcastique. La plupart des œuvres lowbrow sont des peintures, mais elles peuvent également utiliser d'autres supports ou techniques : jouets, art numérique, sculpture. »
Me voilà bien avancé.
*
Deux des livres de mes sacs : la Correspondance de Marie d’Agoult et Georges Sand (Bartillat) et, acheté pour son titre mais c’est peut-être intéressant, Passage aux îles Féroé avec des bottes en caoutchouc de Karin Huet (La Part Commune).
23 mars 2017
-Attention, on a ajouté une marche, me prévient celle qui fut autrefois mon élève, actuellement placeuse à l’Opéra de Rouen pour financer ses études, lorsque je me dirige vers les chaises au pied du plateau, après qu’elle m’a donné le programme de Cosmophonies, le concert conférence d’Hubert Reeves et de l’Ensemble Calliopée, ce mardi soir.
J’évite la chute et m’installe face au fauteuil dans lequel doit s’asseoir l’éminent astrophysicien, conteur et poète. Au pied de celui-ci sont disposés en un désordre étudié une dizaine de ses livres avec en couverture sa photo, des fois qu’on ne saurait pas qu’il en écrit. Une voix féminine nous invite à ne pas applaudir en cours de concert puis le vieil homme (quatre-vingt-quatre ans) et ses ami(e)s musicien(ne)s entrent en scène. Tou(te)s ont les pieds nus pour bien ressentir les vibrations de notre mère la Terre, sauf le pianiste qui a une dispense à cause des pédales.
Au pied du savant (comme on disait autrefois) s’assoit en tailleur sur des coussins celle qui a conçu le spectacle, l’altiste Karine Lethiec. C’est le maître et son disciple, l’homme qui sait et la femme qui écoute. Tandis qu’il conte la naissance de l’univers et son évolution risquée, évoquant tour à tour le feu, l’eau, le cœur, le langage, la terre, la conscience et l’air, elle le regarde avec admiration et orne le discours de citations poétiques. Des images sont projetées, parfois redondantes, assez inutiles. Côté musique, après Claude Debussy, le programme est résolument contemporain avec de courtes œuvres ou des extraits de Tristan Murail, Olivier Messiaen, Toru Takemitsu, Thierry Pécou, Kaija Saariaho, Krystof Maratka, Philippe Hurel, Philippe Hersant, encore Olivier Messiaen, et Daniele Gasparini.
L astrophysique ne m’intéresse pas beaucoup, savoir d’ou vient la vie et comment elle a évolué non plus, de plus l’optimisme de vieux sage serait plutôt pour m’effrayer, cependant la soirée m’est agréable.
*
C’est une bénédiction de pouvoir entendre une heure de musique contemporaine sans qu’une partie du public puisse faire entendre son mépris et sa désapprobation.
*
Hubert Reeves, Michel Serres, Edgar Morin et feu Albert Jacquard : les trois mousquetaires de la sagesse écolo mystique.
J’évite la chute et m’installe face au fauteuil dans lequel doit s’asseoir l’éminent astrophysicien, conteur et poète. Au pied de celui-ci sont disposés en un désordre étudié une dizaine de ses livres avec en couverture sa photo, des fois qu’on ne saurait pas qu’il en écrit. Une voix féminine nous invite à ne pas applaudir en cours de concert puis le vieil homme (quatre-vingt-quatre ans) et ses ami(e)s musicien(ne)s entrent en scène. Tou(te)s ont les pieds nus pour bien ressentir les vibrations de notre mère la Terre, sauf le pianiste qui a une dispense à cause des pédales.
Au pied du savant (comme on disait autrefois) s’assoit en tailleur sur des coussins celle qui a conçu le spectacle, l’altiste Karine Lethiec. C’est le maître et son disciple, l’homme qui sait et la femme qui écoute. Tandis qu’il conte la naissance de l’univers et son évolution risquée, évoquant tour à tour le feu, l’eau, le cœur, le langage, la terre, la conscience et l’air, elle le regarde avec admiration et orne le discours de citations poétiques. Des images sont projetées, parfois redondantes, assez inutiles. Côté musique, après Claude Debussy, le programme est résolument contemporain avec de courtes œuvres ou des extraits de Tristan Murail, Olivier Messiaen, Toru Takemitsu, Thierry Pécou, Kaija Saariaho, Krystof Maratka, Philippe Hurel, Philippe Hersant, encore Olivier Messiaen, et Daniele Gasparini.
L astrophysique ne m’intéresse pas beaucoup, savoir d’ou vient la vie et comment elle a évolué non plus, de plus l’optimisme de vieux sage serait plutôt pour m’effrayer, cependant la soirée m’est agréable.
*
C’est une bénédiction de pouvoir entendre une heure de musique contemporaine sans qu’une partie du public puisse faire entendre son mépris et sa désapprobation.
*
Hubert Reeves, Michel Serres, Edgar Morin et feu Albert Jacquard : les trois mousquetaires de la sagesse écolo mystique.
22 mars 2017
Un récent voyage en train jusqu’à Paris m’a permis d’en savoir plus sur les écritures de Chamfort, né Sébastien-Roch Nicolas, dont je ne connaissais que quelques maximes, et non des meilleures.
Ses anecdotes reprenant des racontars de cour sont un peu lassantes, mais dans les maximes j’ai fait ma sélection :
Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Dominique, et qui avait la paie de trois soldats !
Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvénients de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.
Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.
Quand on veut éviter d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ; car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des pierres.
Il est à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.
De mille traits que j’ai entendu raconter, je conclurais que, si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres.
Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les terres des gens de qualité.
N’est-ce pas une merveille que la société subsiste avec la convention tacite d’exclure du partage de ses droits les dix-neuf vingtièmes de la société ?
Le public de ce moment-ci est comme la tragédie moderne, absurde, atroce et plat.
On dit quelquefois d’un homme qui vit seul : « Il n’aime pas la société. » C’est souvent comme si on disait d’un homme qu’il n’aime pas la promenade, sous le prétexte qu’il ne se promène pas volontiers le soir dans la forêt de Bondy.
La pauvreté met le crime au rabais.
La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été fait en un jour avec des livres lus de la veille.
Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public.
Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle.
Le public est gouverné comme il raisonne. Son droit est de dire des sottises, comme celui des ministres est d’en faire.
*
Chamfort, acteur de premier plan de la Révolution, est aussi connu pour son suicide raté, consécutif à la crainte d’être arrêté suite à son opposition à Marat et Robespierre (Je suis un homme libre ; jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison.).
Ginguené le raconte ainsi (il fut le premier éditeur des Maximes, de façon posthume, Chamfort étant mort l’année suivant ce suicide raté des suites de ses atteintes corporelles, le treize avril mil sept cent quatre-vingt-quatorze, à l’âge de cinquante-quatre ans) :
Il charge un pistolet, veut le tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s’enfonce l’œil droit. Étonné de vivre, et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs fois et se met en lambeaux toutes les chairs : l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur et, commençant à défaillir, il tâche par un denier effort de se couper les deux jarrets et de s’ouvrir toutes les veines. Enfin, vaincu par la douleur, il pousse un cri et se jette sur un siège, où il reste presque sans vie. Le sang coulait à flots sous la porte.
*
Bondy (Seine-Saint-Denis), ville qui m’est chère. Ma grand-mère y vivait. Ma mère et ses sœurs y ont passé leur enfance et leur adolescence. Je ne me suis jamais promené dans sa forêt, laquelle autrefois avait très mauvaise réputation (Victor Hugo y place la maison des Thénardier et Sade le premier viol de Justine).
Ses anecdotes reprenant des racontars de cour sont un peu lassantes, mais dans les maximes j’ai fait ma sélection :
Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Dominique, et qui avait la paie de trois soldats !
Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvénients de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.
Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.
Quand on veut éviter d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ; car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des pierres.
Il est à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.
De mille traits que j’ai entendu raconter, je conclurais que, si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres.
Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les terres des gens de qualité.
N’est-ce pas une merveille que la société subsiste avec la convention tacite d’exclure du partage de ses droits les dix-neuf vingtièmes de la société ?
Le public de ce moment-ci est comme la tragédie moderne, absurde, atroce et plat.
On dit quelquefois d’un homme qui vit seul : « Il n’aime pas la société. » C’est souvent comme si on disait d’un homme qu’il n’aime pas la promenade, sous le prétexte qu’il ne se promène pas volontiers le soir dans la forêt de Bondy.
La pauvreté met le crime au rabais.
La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été fait en un jour avec des livres lus de la veille.
Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public.
Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle.
Le public est gouverné comme il raisonne. Son droit est de dire des sottises, comme celui des ministres est d’en faire.
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Chamfort, acteur de premier plan de la Révolution, est aussi connu pour son suicide raté, consécutif à la crainte d’être arrêté suite à son opposition à Marat et Robespierre (Je suis un homme libre ; jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison.).
Ginguené le raconte ainsi (il fut le premier éditeur des Maximes, de façon posthume, Chamfort étant mort l’année suivant ce suicide raté des suites de ses atteintes corporelles, le treize avril mil sept cent quatre-vingt-quatorze, à l’âge de cinquante-quatre ans) :
Il charge un pistolet, veut le tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s’enfonce l’œil droit. Étonné de vivre, et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs fois et se met en lambeaux toutes les chairs : l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur et, commençant à défaillir, il tâche par un denier effort de se couper les deux jarrets et de s’ouvrir toutes les veines. Enfin, vaincu par la douleur, il pousse un cri et se jette sur un siège, où il reste presque sans vie. Le sang coulait à flots sous la porte.
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Bondy (Seine-Saint-Denis), ville qui m’est chère. Ma grand-mère y vivait. Ma mère et ses sœurs y ont passé leur enfance et leur adolescence. Je ne me suis jamais promené dans sa forêt, laquelle autrefois avait très mauvaise réputation (Victor Hugo y place la maison des Thénardier et Sade le premier viol de Justine).
21 avril 2017
Aucune envie ce lundi soir de regarder le débat télévisé, celui qui rassemble cinq des candidats à la Présidentielle, les autres en étant dispensés pour raison de petitesse électorale. Je suis fatigué, le mot est faible, par cette compétition entre antisystème, rebelle, insoumis, révolutionnaire et hors-la-loi. Que n’y a-t-il un conservateur dans le lot, qui nous dirait « Les choses vont mal, votez pour moi, je les bougerai le moins possible pour ne pas aggraver la situation. »
-Alors tu vas voter pour qui ? me demandait l’une de mes connaissances vendredi dernier au Clos Saint-Marc.
-Je n’en sais rien, peut-être pour Hamon, c'est-à-dire contre Valls et Mélenchon, ou pour Macron, s’il y a un risque de second tour entre Le Pen et Fillon, les deux répugnants.
Dans ce marché, on est entourés d’électeurs du Front National. Les clients comme les marchands, la plupart vont voter pour elle. Il suffit de traîner dans les cafés autour de la place pour en être convaincu et ce quartier populaire ne doit pas être différent des autres.
*
Il est possible aussi que je n’aille pas voter, mais dans ce système électoral, que tu votes pour un perdant, que tu votes blanc ou nul, ou bien que tu n’y ailles pas, cela revient à voter pour les deux qui arrivent en tête.
*
Dans l’un de ces cafés, des quinquagénaires qui préparent un conférence : « Soutien à l’armée française, pourquoi et comment ? »
*
Un type au comptoir qui se plaint en boucle d’une île flottante pas très fraîche qu’il a mangé dans la brasserie voisine, il n’y a pas que l’île qui soit flottante.
*
Un autre, parlant d’une connaissance : « En fait, il pense résoudre ses problèmes personnels en étudiant la physique quantique. »
*
Et celui qui termine sa démonstration par « Fin de citation » au lieu de dire « Point final ».
-Alors tu vas voter pour qui ? me demandait l’une de mes connaissances vendredi dernier au Clos Saint-Marc.
-Je n’en sais rien, peut-être pour Hamon, c'est-à-dire contre Valls et Mélenchon, ou pour Macron, s’il y a un risque de second tour entre Le Pen et Fillon, les deux répugnants.
Dans ce marché, on est entourés d’électeurs du Front National. Les clients comme les marchands, la plupart vont voter pour elle. Il suffit de traîner dans les cafés autour de la place pour en être convaincu et ce quartier populaire ne doit pas être différent des autres.
*
Il est possible aussi que je n’aille pas voter, mais dans ce système électoral, que tu votes pour un perdant, que tu votes blanc ou nul, ou bien que tu n’y ailles pas, cela revient à voter pour les deux qui arrivent en tête.
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Dans l’un de ces cafés, des quinquagénaires qui préparent un conférence : « Soutien à l’armée française, pourquoi et comment ? »
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Un type au comptoir qui se plaint en boucle d’une île flottante pas très fraîche qu’il a mangé dans la brasserie voisine, il n’y a pas que l’île qui soit flottante.
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Un autre, parlant d’une connaissance : « En fait, il pense résoudre ses problèmes personnels en étudiant la physique quantique. »
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Et celui qui termine sa démonstration par « Fin de citation » au lieu de dire « Point final ».
20 mars 2017
Derrière moi, ce samedi soir, en corbeille à l’Opéra de Rouen, sont deux dames à cheveux blancs que la lecture du livret programme réjouit. Elles se gaussent des propos jargonnants d’Emanuel Gat.
-Ecoute ça : « Gold exploite l’essence contrapuntique de la chorégraphie à travers une économie de composition, pour générer de nombreux possibles laissant aux interprètes et au public la liberté de choix artistiques et d’interprétation. »
-Et ça : « Gold utilise la chorégraphie comme méthode d’articulation d’une pensée par l’exploration des réseaux dynamiques et complexes des relations humaines. »
Gold, première chorégraphie présentée ce soir, est interprétée par deux danseuses et trois danseurs sur un mixage de la bande son réalisée par Glenn Gould pour son documentaire radiophonique The Quiet in the Land avec des extraits des Variations Goldberg jouées par le même. Ce montage sonore a des vertus dormitives que ne peuvent combattre efficacement les évolutions décousues et gratuites des interprètes, lesquels sont censés être les membres d’une même famille.
-C’était long et pas très passionnant, me dit à l’entracte l’homme au chapeau que je n’avais pas vu depuis un certain temps.
Je pense pareillement et les deux moqueuses aussi :
-C’était long long long et il n’y avait rien à quoi se raccrocher.
-On les a applaudis quand même.
-Oui, bien sûr, il faut récompenser le travail et la performance.
Sacre, la seconde chorégraphie, montre trois filles et deux garçons dansant le désir et la séduction sur Le Sacre du printemps. Le meilleur est au début quand les interprètes s’entrecroisent sur un tapis rouge en une salsa alignée. Ensuite, elles et eux se dispersent et s’éparpillent et l’on retombe dans les travers de Gold. Bref, je m’ennuie encore un peu.
A l’issue, les applaudissements sont courts et sans excès (il faut même que le technicien remette le noir dans la salle pour que les danseuses et danseurs puissent revenir encore une fois sur scène).
*
La danse, toujours, rajeunit et féminise le public. L’une a les cheveux bleus. Est-ce que toutes les filles qui ont les cheveux bleus sont des filles qui aiment les filles ? (question que je me pose à la sortie)
*
Si j’avais lu, avant d’aller au spectacle, la critique de Fatima Miloudi sur le site Les Trois Coups, j’aurais été éclairé (mais je préfère arriver sans savoir) :
« Parfois, le spectateur se lasse. Certes, les deux œuvres relèvent d’un raffinement technique prononcé. Cependant, ce minimalisme conjugué, par moments, à un aspect plus primitif et frénétique, peut laisser de marbre. Les passages de course à travers l’espace, notamment, et les allers-retours hors champ deviennent rapidement par trop répétitifs. On est gêné, par ailleurs, par une lenteur qui met à distance et suscite, malheureusement, un certain ennui. Malgré la richesse de l’écriture, on ne sort pas du théâtre tout à fait convaincu, obligé de reconnaître que l’attention s’est, de temps à autre, estompée. »
-Ecoute ça : « Gold exploite l’essence contrapuntique de la chorégraphie à travers une économie de composition, pour générer de nombreux possibles laissant aux interprètes et au public la liberté de choix artistiques et d’interprétation. »
-Et ça : « Gold utilise la chorégraphie comme méthode d’articulation d’une pensée par l’exploration des réseaux dynamiques et complexes des relations humaines. »
Gold, première chorégraphie présentée ce soir, est interprétée par deux danseuses et trois danseurs sur un mixage de la bande son réalisée par Glenn Gould pour son documentaire radiophonique The Quiet in the Land avec des extraits des Variations Goldberg jouées par le même. Ce montage sonore a des vertus dormitives que ne peuvent combattre efficacement les évolutions décousues et gratuites des interprètes, lesquels sont censés être les membres d’une même famille.
-C’était long et pas très passionnant, me dit à l’entracte l’homme au chapeau que je n’avais pas vu depuis un certain temps.
Je pense pareillement et les deux moqueuses aussi :
-C’était long long long et il n’y avait rien à quoi se raccrocher.
-On les a applaudis quand même.
-Oui, bien sûr, il faut récompenser le travail et la performance.
Sacre, la seconde chorégraphie, montre trois filles et deux garçons dansant le désir et la séduction sur Le Sacre du printemps. Le meilleur est au début quand les interprètes s’entrecroisent sur un tapis rouge en une salsa alignée. Ensuite, elles et eux se dispersent et s’éparpillent et l’on retombe dans les travers de Gold. Bref, je m’ennuie encore un peu.
A l’issue, les applaudissements sont courts et sans excès (il faut même que le technicien remette le noir dans la salle pour que les danseuses et danseurs puissent revenir encore une fois sur scène).
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La danse, toujours, rajeunit et féminise le public. L’une a les cheveux bleus. Est-ce que toutes les filles qui ont les cheveux bleus sont des filles qui aiment les filles ? (question que je me pose à la sortie)
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Si j’avais lu, avant d’aller au spectacle, la critique de Fatima Miloudi sur le site Les Trois Coups, j’aurais été éclairé (mais je préfère arriver sans savoir) :
« Parfois, le spectateur se lasse. Certes, les deux œuvres relèvent d’un raffinement technique prononcé. Cependant, ce minimalisme conjugué, par moments, à un aspect plus primitif et frénétique, peut laisser de marbre. Les passages de course à travers l’espace, notamment, et les allers-retours hors champ deviennent rapidement par trop répétitifs. On est gêné, par ailleurs, par une lenteur qui met à distance et suscite, malheureusement, un certain ennui. Malgré la richesse de l’écriture, on ne sort pas du théâtre tout à fait convaincu, obligé de reconnaître que l’attention s’est, de temps à autre, estompée. »
18 mars 2017
Ayant dû lors d’un épisode précédent donner mon adresse mail à l’employé au nom de roi mage de l’agence principale rouennaise du Crédit Agricole Mutuel sise rue de la Jeanne (il s’agissait de m’envoyer par ce moyen le code chiffré nécessaire à l’achat de billets de train via Internet), je lui avais instamment indiqué que je refusais que cette adresse serve à autre chose, notamment à m’envoyer les relevés de compte.
Il en avait pris note, m’affirmant que jamais. J’en doutais.
Cette semaine, je constate que mes doutes étaient fondés. Une lettre de la banque m’informe que désormais plus de papier entre nous. L’écologie est l’alibi.
Furibard, je déboule à l’agence vers treize heures et n’y peux entrer. Cette boutique ferme entre midi et deux, comme une épicerie de campagne.
Un peu calmé, j’y retourne dans l’après-midi, m’inscris à la borne d’accueil, suis reçu par une employée avec la formule obligatoire :
-En quoi puis-je vous aider ?
-A résoudre le problème que me crée le Crédit Agricole.
Elle prétend que la lettre reçue est une circulaire envoyée à tous les clients. C’est faux, lui dis-je, je n’aurais pu la recevoir si la banque n’avait pas eu une adresse mail où m’envoyer les relevés.
Elle m’imprime celui de mars et m’assure que les prochains seront de nouveau sur papier, me fait signer un formulaire en ce sens. Il est suffisamment vague pour que j’aie des doutes sur la suite.
*
Combien de fois entends-je « J’ai rendez vous avec mon banquier » alors qu’il s’agit d’un employé de la banque. Combien de fois aussi « Je vais faire un prêt à la banque » alors qu’il s agit d’un emprunt.
*
Petit concert ce vendredi soir de musique entrant par la fenêtre. Pascaline et Anne-Laure Latour, apprenties carillonneuses, fêtent la Saint Patrick en jouant des airs irlandais, écossais et bretons.
*
Samedi dernier, l’entreprise « Les balades rouennaises » que gère une « animatrice culturelle indépendante fascinée par l'Histoire de Rouen », laquelle « souhaite partager (sa) passion en proposant des balades à thèmes dans le centre-ville » proposait un circuit « Rouen érotique ». Son slogan : « Réveillez votre côté polisson ». Cela pour dix euros.
Selon l’organisatrice, ce parcours rendait hommage à l'auteur Patrice Quéréel et à son ouvrage Rouen érotique édité par le Perroquet bleu en deux mille six. Je ne doute pas que le livre en question lui ait servi à établir son cheminement et à lister ses anecdotes.
Je parle de ça au marché du Clos Saint-Marc avec l’un qui fut très proche de Quéréel. Il est estomaqué, encore plus quand je lui dis que ça coûtait dix euros.
-Dix euros ? Alors que Quéréel c’était les distributeurs d’argent gratuit !
*
Excellent souvenir que la balade gratuite dans le Rouen érotique sous la conduite bouffonne de Patrice Quéréel pour fêter la sortie de son livre du même nom. C’était en décembre deux mille six.
(Ne pas confondre érotisme et polissonnerie)
Il en avait pris note, m’affirmant que jamais. J’en doutais.
Cette semaine, je constate que mes doutes étaient fondés. Une lettre de la banque m’informe que désormais plus de papier entre nous. L’écologie est l’alibi.
Furibard, je déboule à l’agence vers treize heures et n’y peux entrer. Cette boutique ferme entre midi et deux, comme une épicerie de campagne.
Un peu calmé, j’y retourne dans l’après-midi, m’inscris à la borne d’accueil, suis reçu par une employée avec la formule obligatoire :
-En quoi puis-je vous aider ?
-A résoudre le problème que me crée le Crédit Agricole.
Elle prétend que la lettre reçue est une circulaire envoyée à tous les clients. C’est faux, lui dis-je, je n’aurais pu la recevoir si la banque n’avait pas eu une adresse mail où m’envoyer les relevés.
Elle m’imprime celui de mars et m’assure que les prochains seront de nouveau sur papier, me fait signer un formulaire en ce sens. Il est suffisamment vague pour que j’aie des doutes sur la suite.
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Combien de fois entends-je « J’ai rendez vous avec mon banquier » alors qu’il s’agit d’un employé de la banque. Combien de fois aussi « Je vais faire un prêt à la banque » alors qu’il s agit d’un emprunt.
*
Petit concert ce vendredi soir de musique entrant par la fenêtre. Pascaline et Anne-Laure Latour, apprenties carillonneuses, fêtent la Saint Patrick en jouant des airs irlandais, écossais et bretons.
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Samedi dernier, l’entreprise « Les balades rouennaises » que gère une « animatrice culturelle indépendante fascinée par l'Histoire de Rouen », laquelle « souhaite partager (sa) passion en proposant des balades à thèmes dans le centre-ville » proposait un circuit « Rouen érotique ». Son slogan : « Réveillez votre côté polisson ». Cela pour dix euros.
Selon l’organisatrice, ce parcours rendait hommage à l'auteur Patrice Quéréel et à son ouvrage Rouen érotique édité par le Perroquet bleu en deux mille six. Je ne doute pas que le livre en question lui ait servi à établir son cheminement et à lister ses anecdotes.
Je parle de ça au marché du Clos Saint-Marc avec l’un qui fut très proche de Quéréel. Il est estomaqué, encore plus quand je lui dis que ça coûtait dix euros.
-Dix euros ? Alors que Quéréel c’était les distributeurs d’argent gratuit !
*
Excellent souvenir que la balade gratuite dans le Rouen érotique sous la conduite bouffonne de Patrice Quéréel pour fêter la sortie de son livre du même nom. C’était en décembre deux mille six.
(Ne pas confondre érotisme et polissonnerie)
17 mars 2017
Bien placé en fond d’orchestre ce jeudi soir à l’Opéra de Rouen, je me réjouis de retrouver Antony Hermus à la baguette pour un concert éclectique faisant succéder Prokofiev à Mozart et Rossini. C’est lui-même, en tenue de ville (chemise rouge, gilet gris noir et écharpe décontractée), qui installe ses partitions alors qu’une grande partie du public est encore à l’extérieur de la salle.
A la fermeture des portes, Frédéric Roels, maître des lieux, vient confirmer ce que tout le monde a appris : le remplacement de la mezzo-soprano Marianna Pizzolato, malade, par Chiara Amarù, « grande spécialiste de Rossini elle aussi », dont ce sera le premier concert en France, le programme prévu étant légèrement modifié.
L’Orchestre s’installe. Le chef d’attaque des premiers violons est Luc Marie Aguera que j’ai côtoyé en début d’après-midi à la terrasse du Son du Cor où nous profitions avec d’autres du soleil. Antony Hermus, ventre en avant, plus leprechaun que jamais, entre à son tour. « Ah, c’est lui ! » s’exclame l’une de mes voisines. Il lance la Symphonie numéro trente-trois en si bémol majeur de Wolfgang Amadeus Mozart. Il est en pleine forme, tout en gestuelle saccadée et précise, chantant silencieusement certains passages, tirant la quintessence de chaque musicien(ne). Il finit en nage et très applaudi.
Le meilleur accueil est fait à la cantatrice Chiara Amarù. Elle est plus applaudie avant même d’avoir émis la moindre note que d’autres le furent à l’issue de leur prestation. Ce crédit est rapidement remboursé car elle interprète magnifiquement le Dolci d’amor parole du Tancredi de Gioachino Rossini.
Antony Hermus et l’Orchestre enchaînent avec l’ouverture d’Il barbiere di Siviglia. Ça pulse et ça dépote. A l’entracte, une jeune femme exprime la même chose en une formule plus élégante que les miennes : « C’est enlevé.».
La deuxième partie du programme est à la hauteur de la première avec Rossini encore, l’ouverture de L’Italiana in Algeri suivie de l’extrait chanté Cruda sorte, l’ouverture de Scala di Seta et enfin le récitatif et air Oh, patria… tu che accendi questo core… di tanti palpiti. C’est un triomphe pour Chiara Amarù qu’applaudissent aussi les musicien(ne)s et le chef (frénétiquement de la baguette sur le pupitre). Elle envoie en remerciement des baisers à tout le monde.
Ultime plaisir, l’Orchestre interprète la Symphonie numéro un en ré majeur de Sergueï Prokofiev. Il est encore une fois moult applaudi, de même que le maestro qui salue et resalue la bouche ouverte. « Je l’aime bien, ce gars-là », déclare une autre de mes voisines.
Ce gars-là part en courant vers la coulisse et en revient avec Chiara Amarù qui nous offre La danza de Rossini en bonus et encore des baisers. « Elle ne va pas regretter d’être venue à Rouen », commente un homme derrière moi.
*
« Peu connue en France où elle n’a – sauf erreur de notre part – jamais été invitée à chanter, Chiara Amarù nous avait déjà tapé dans l'oreille, à Parme dans le rôle pourtant dramatiquement ingrat de Preziosilla, et auparavant à Pesaro, en Rosina. Déjà elle proposait de la future Comtesse Almaviva un portrait accompli, tant dans l'esprit – mutin – que dans la voix avec un mezzo-soprano charnu qui, par l'égalité des registres et la variété des couleurs n'est pas sans rappeler Teresa Berganza. De nouveau, nous voilà sous le charme de ce timbre original, difficile à définir, velouté, capiteux, enivrant… » (Extrait d’une critique du Barbier de Séville, donné à Turin en deux mille quinze, signée Christophe Rizoud et publiée sur Forumopera.com)
*
Heureux habitants de Forges-les-Eaux, Pont-Audemer, Vernon, Bourg-Achard et Coutances, ils vont bénéficier du même concert entre le dix-sept et le vingt-six mars.
*
Ce concert était le point d’orgue (si je puis dire) de la première belle journée de printemps de l’année. Le chaud soleil du jour m’a permis de renouer avec la terrasse du Son du Cor et de prolonger le plaisir à celle du Sacre (cela s’imposait, aurait dit Stravinsky).
A la fermeture des portes, Frédéric Roels, maître des lieux, vient confirmer ce que tout le monde a appris : le remplacement de la mezzo-soprano Marianna Pizzolato, malade, par Chiara Amarù, « grande spécialiste de Rossini elle aussi », dont ce sera le premier concert en France, le programme prévu étant légèrement modifié.
L’Orchestre s’installe. Le chef d’attaque des premiers violons est Luc Marie Aguera que j’ai côtoyé en début d’après-midi à la terrasse du Son du Cor où nous profitions avec d’autres du soleil. Antony Hermus, ventre en avant, plus leprechaun que jamais, entre à son tour. « Ah, c’est lui ! » s’exclame l’une de mes voisines. Il lance la Symphonie numéro trente-trois en si bémol majeur de Wolfgang Amadeus Mozart. Il est en pleine forme, tout en gestuelle saccadée et précise, chantant silencieusement certains passages, tirant la quintessence de chaque musicien(ne). Il finit en nage et très applaudi.
Le meilleur accueil est fait à la cantatrice Chiara Amarù. Elle est plus applaudie avant même d’avoir émis la moindre note que d’autres le furent à l’issue de leur prestation. Ce crédit est rapidement remboursé car elle interprète magnifiquement le Dolci d’amor parole du Tancredi de Gioachino Rossini.
Antony Hermus et l’Orchestre enchaînent avec l’ouverture d’Il barbiere di Siviglia. Ça pulse et ça dépote. A l’entracte, une jeune femme exprime la même chose en une formule plus élégante que les miennes : « C’est enlevé.».
La deuxième partie du programme est à la hauteur de la première avec Rossini encore, l’ouverture de L’Italiana in Algeri suivie de l’extrait chanté Cruda sorte, l’ouverture de Scala di Seta et enfin le récitatif et air Oh, patria… tu che accendi questo core… di tanti palpiti. C’est un triomphe pour Chiara Amarù qu’applaudissent aussi les musicien(ne)s et le chef (frénétiquement de la baguette sur le pupitre). Elle envoie en remerciement des baisers à tout le monde.
Ultime plaisir, l’Orchestre interprète la Symphonie numéro un en ré majeur de Sergueï Prokofiev. Il est encore une fois moult applaudi, de même que le maestro qui salue et resalue la bouche ouverte. « Je l’aime bien, ce gars-là », déclare une autre de mes voisines.
Ce gars-là part en courant vers la coulisse et en revient avec Chiara Amarù qui nous offre La danza de Rossini en bonus et encore des baisers. « Elle ne va pas regretter d’être venue à Rouen », commente un homme derrière moi.
*
« Peu connue en France où elle n’a – sauf erreur de notre part – jamais été invitée à chanter, Chiara Amarù nous avait déjà tapé dans l'oreille, à Parme dans le rôle pourtant dramatiquement ingrat de Preziosilla, et auparavant à Pesaro, en Rosina. Déjà elle proposait de la future Comtesse Almaviva un portrait accompli, tant dans l'esprit – mutin – que dans la voix avec un mezzo-soprano charnu qui, par l'égalité des registres et la variété des couleurs n'est pas sans rappeler Teresa Berganza. De nouveau, nous voilà sous le charme de ce timbre original, difficile à définir, velouté, capiteux, enivrant… » (Extrait d’une critique du Barbier de Séville, donné à Turin en deux mille quinze, signée Christophe Rizoud et publiée sur Forumopera.com)
*
Heureux habitants de Forges-les-Eaux, Pont-Audemer, Vernon, Bourg-Achard et Coutances, ils vont bénéficier du même concert entre le dix-sept et le vingt-six mars.
*
Ce concert était le point d’orgue (si je puis dire) de la première belle journée de printemps de l’année. Le chaud soleil du jour m’a permis de renouer avec la terrasse du Son du Cor et de prolonger le plaisir à celle du Sacre (cela s’imposait, aurait dit Stravinsky).
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