Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

12 mai 2017


Anne Queffélec est l’invitée de l’Opéra de Rouen pour deux soirées. J’avais place impaire pour vendredi mais j’ai préféré venir ce jeudi où je n’ai pu obtenir que place paire, c’est-à-dire sans espoir de voir les doigts de la pianiste (fille et sœur d’écrivains, n’oublie pas de rappeler le livret programme). Au moins suis-je bien assis, en corbeille, deux rangées derrière le staff et ses invité(e)s.
La maison innove ce soir en présentant bruyamment l’un des concerts de juin, Comala de Niels Wilhelm Gade, au moyen d’images projetées qui servent de support à une bonimenteuse censée être au téléphone avec feu le compositeur danois, cela pendant que le public s’installe. C’est un peu lourd. Quand la tchatcheuse en a fini, Laurent Bondi bondit sur scène. Il bouscule même celle qu’il appelle Camille. Survolté, il en ajoute une couche sur Comala, sortant de sa poche la place à quinze euros pour tout le monde. Que d’énergie dépensée pour tenter de remplir la salle le jour du deuxième tour des Législatives.
Ce soir, pas de problème, nous sommes mille quatre-vingt-quatre, ai-je entendu de la communication interne. Anne Queffélec s’assoit au piano. L’Orchestre est dirigé par Leo Hussain, pas vu depuis longtemps dans l’Opéra qui l’emploie. C’est d’abord le Concerto pour piano numéro douze en la majeur de Wolfgang Amadeus Mozart (que l’on pourrait renommer « musique pour un jour de pluie ») puis le Concerto pour piano en sol majeur de Maurice Ravel (deux mouvements gershwiniens encadrant un très bel adagio).
Anne Queffélec, pour remercier des applaudissements, nous offre en bonus « quelque chose de plus calme » : le Menuet en sol mineur de Haendel. C’est une musique qui rend tout chose.
Après l’entracte la pianiste est assise à la gauche du maître des lieux. J’ai sa chevelure en ligne de mire. L’Orchestre au complet donne la Symphonie numéro un en si bémol mineur de britannique William Walton, compositeur peu connu du siècle dernier s’étant notamment illustré en faisant de la musique de film.
Cette symphonie dépote, percute et tonitrue. Une dame derrière moi résume la chose ainsi :
-Ça s’écoute facilement et ça s’entend bien.
                                                          *
Dans le livret programme, un entretien d’Anne Payot-Le Nahour avec Anne Queffélec :
-Comment définiriez-vous la sonorité de L’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie ?
-Je ne saurais trouver de mots précis –de toutes façons il n’y a pas de mots pour « dire » la musique. Cela dépend des jours et des œuvres je pense, comme pour tout orchestre.
De l’art de ne pas se compromettre.
 

11 mai 2017


Après un séjour pluvieux dans la capitale, c’est sous le soleil que j’y retourne ce mercredi matin avec dans la poche une clé à remettre à sa propriétaire. A la gare de Rouen, je croise l’un des doux dingues qui fréquentent la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier et fais en sorte de ne pas être dans la même voiture que lui.
A l’arrivée, je constate que j’étais dans la même voiture qu’une que je connais et que je n’aurais pas fuie si je l’avais vue avant. Quand elle me dit qu’elle va à la Bastille où elle doit retrouver son père et que je lui réponds que c’est aussi par là que je vais, ne voulant manifestement pas poursuivre son trajet avec moi, elle me dit qu’il faut d’abord qu’elle téléphone à son père avant de. Bref, je lui souhaite une bonne journée.
Peu de livres sont dans mon sac après Book-Off, Aligre et Emmaüs. Je repasse par la Bastille dont la Colonne de Juillet est toujours en travaux. La publicité géante qui l’entoure est maintenant celle de Vueling, compagnie aérienne espagnole à bas prix. Je déjeune au Rempart à la table près du bar d’où j’ai vue sur la rue Saint-Antoine et la terrasse où une étudiante munie de bouchons d’oreilles orange tapote sur son ordinateur. J’opte pour le paleron de veau braisé à l’orange, carottes fondantes, suivi d’un moelleux au chocolat (« Bonne suite », me dit l’aimable serveur). Avec un verre de Chinon, cela fait seize euros cinquante.
Je rejoins le Rivolux. J’y prends d’abord un café au comptoir en lisant Libération puis m’installe au soleil en terrasse afin d’attendre celle qui arrive à l’heure dite. Elle est en pleine forme, n'ayant plus trace de son accident de vélo et navrée de m’avoir tant inquiété lors de son escapade à Rotterdam. Nous passons un long et intense moment à discuter, au point qu’il s’en faut de peu pour que j’oublie de lui rendre sa clé.
                                                        *
Slogan de Vueling : « We love places » traduit par « On aime les destinations ».
-Tu vas où en vacances ?
-Je vais à destination.
                                                       *
Devant l’Eglise Protestante Unie du Marais, rue Saint-Antoine :
« Je suis le premier et le dernier
Je suis le Vivant
J’ai le pouvoir sur la mort. »
C’est signé de cet illuminé nommé Jésus-Christ.
                                                     *
Devant la gare Saint-Lazare, un qui pédale pour Uber. Dans son dos : le sac Uber Eats. Deliveroo n’a qu’à bien se tenir.
                                                     *
Au café La Ville d’Argentan, fin de ma lecture du Voyage de jeunesse de Félix Mendelssohn :
Dernièrement je me trouvais près de l’abbé Bardin dans une nombreuse société où l’on exécutait mon quatuor en la mineur. Au dernier morceau mon voisin me tire par la manche et me dit : il a cela dans une de ses symphonies. – Qui ? demandai-je assez inquiet. – Beethoven, l’auteur de ce quatuor, me répondit-il d’un ton important. Cela fut pour moi d’une douceur pleine d’amertume. (A sa famille, Paris, vingt et un janvier mil neuf cent trente-deux)
 

10 mai 2017


« J'espère que tu n'as pas été « miné » par l'inquiétude », m’écrit, de retour à Paris, celle qui a fêté son anniversaire à Rotterdam et dont je n’ai pas eu de nouvelles pendant son escapade.
« Je t’écrirai à mon arrivée », m’avait-elle dit en me remettant la clé de son appartement. Elle ne l’a pas pu, faute d’Internet, et n’a pas eu l’idée de me téléphoner.
De quoi me faire bien flipper pendant ces quelques jours car elle faisait le voyage comme passagère d’une moto. J’imaginais le pire, me voyais téléphoner à l’Ambassade des Pays-Bas et à la Police si je n’avais pas de message ce mardi matin.
Ouf.
                                                            *
L’accident, c’est qui est arrivé au jeune homme de vingt-neuf ans porté disparu à Rouen, un ami de certaines de mes connaissances. Son corps a été retrouvé lundi après-midi dans la Seine. Reste à savoir comment c’est arrivé.
 

9 mai 2017


C’est sans grand espoir que je me rends ce lundi matin huit mai au vide grenier rouennais du quartier Saint-Eloi qui doit son nom au temple voisin, lequel déballage en est à son deuxième jour. M’attendant à y trouver peu d’installé(e)s, je suis démenti. Et contrairement aux précédents ayant eu lieu dans le centre de la ville, ici la marchandise proposée est présentable et les vendeuses et vendeurs sont du coin et pas obsédés par la nécessité de gagner de l’argent. Des livres sont visibles mais ne m’intéressent pas. Cependant, je finis par céder à l’achat, certains m’ayant été proposés à cinquante centimes par un aimable vendeur.
Une femme est plus contente que moi :
-Je me suis acheté des trucs que je vais pas dire à mon mari. Des livres de cuisine pour moi, simples.
                                                               *
Pendant mon séjour parisien, lecture de Voyage de jeunesse (Lettres européennes) de Félix Mendelssohn (Stock/Musique).
Qu’il est ennuyeux, ce jeune Mendelssohn :
… dans un autre opéra, une jeune fille se déshabille en chantant une chanson dans laquelle elle dit que le lendemain, à la même heure, elle sera mariée, tout cela fait de l’effet, mais je n’ai pas de musique pour de pareilles choses, car cela est vulgaire, et si notre époque veut absolument des effets de ce genre, eh bien, j’écrirai de la musique religieuse. (À son père, le dix-neuf novembre mil huit cent trente et un)
                                                               *
Quand même, plus de dix millions de voix pour la fille Le Pen, deux fois plus que le père Le Pen en deux mille deux. Avec des villages où elle fait quatre-vingt-dix pour cent. Si elle avait été élue, qu’est-ce qui aurait changé dans la vie de ces ruraux ? Rien, toujours les mêmes journées, aller faire pisser le chien, regarder des conneries à la télé, s’engueuler avec sa moitié, prendre ses médicaments pour dormir, picoler Chez Janine avec ses semblables, accueilli par un « Quoi de neuf ? » auquel on répond « Que du vieux. ».
                                                              *
Il y a aussi les électeurs F-Haine de la ville. Ils ne s’emmerdent pas moins dans leur logement ou au bistrot du coin, mais ceux-là veulent en découdre. L’un d’eux, entendu sur France Culture avant le vote du deuxième tour et prévoyant la défaite : « Le combat continuera dans la rue, mais pas avec l’étiquette Front National, ce sera avec l’étiquette syndicale ».
Une raison supplémentaire de ne pas me mêler aux manifestations plus ou moins violentes qui ne manqueront d’avoir lieu dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
 

8 mai 2017


Il pleut comme en novembre ce dimanche matin à Paris. Vers dix heures, je me décide à affronter cette flotte pour voir ce qu’il en est du vide grenier situé tout près, rue Ordener.
C’est un triste spectacle, marchandise de pauvres sur trottoir mouillé. Les plus organisés ont établi un plastique de récupération au-dessus de ce qu’ils vendent et d’eux-mêmes. C’est le cas du seul à proposer des livres, notamment sous forme d’épreuves envoyées aux journalistes avant parution (Où a-t-il eu ça ? Mystère).
Celui qui, faute de mieux, m’intéresse est un vrai livre : L’affaire Richard Millet (Critique de la bien-pensance) de Muriel de Rengervé (Editions Léo Scheer). Elle y raconte comment Richard Millet a dû démissionner du comité éditorial de Gallimard suite à la parution de son Eloge littéraire d’Anders Breivik aux Editions Pierre-Guillaume de Roux, cette éviction étant à l’initiative de Le Clézio, Bernard-Henri Lévy et Annie Ernaux, écrivains censurant un autre écrivain. L’exemplaire bénéficie d’un envoi de son auteure : « Pour vous, cher Ariel Wizman, en hommage à votre liberté ! ». Contre un euro, je le mets dans mon sac.
Après un dernier passage au Dionis, je fais un mauvais choix en déjeunant au Village, rue Duhesme, d’un filet de daurade sauce basilic à douze euros. L’endroit est quasiment désert. Je m’y emmerde autant que dans un vrai village. « On fait aller », répond la vieille venue boire un petit verre au comptoir, quand le patron lui demande comment ça va.
-D’habitude, le dimanche je sors pas, mais là comme j’avais un géranium à prendre au marché…
Elle ne dit pas si elle a voté.
Il est temps pour moi de rentrer à Rouen pour le faire.
Je boucle mon bagage, ferme l’appartement dont je garde la clé, puis me dirige vers Saint-Lazare. Arrivé là, je bois un dernier café à la Ville d’Argentan où un curé en soutane prend un apéro d’après la messe.
Le train du retour se traîne, dévié par Herblay et Conflans-Sainte-Honorine sans que le chef de bord juge bon d’en informer les voyageurs, pas d’excuse pour l’arrivée en retard d’un quart d’heure.
Peu avant dix-sept heures, je suis au lycée Camille Saint-Saëns. Je glisse dans l’urne le bulletin Macron prélevé dans ma boite à lettres (pas question de toucher à celui de la Gueularde).
C’est vite fait et cela me coûte moins que voter Chirac en deux mille deux.
                                                                        *
Il y a cinq ans, je croisais François Hollande à la gare Saint-Lazare. Quelque temps après, il était élu Président de la République
Il y a quelques mois, je croisais Emmanuel Macron au même endroit. On voit ce qu’il est advenu.
Suffira-t-il que j’aie croisé François Baroin à la sortie du Savoy à la Monnaie de Paris pour qu’il devienne Premier Ministre de cohabitation ?
                                                                       *
Présidentielles encore :
Avoir trente ans le jour même de l’élection d’Emmanuel Macron, c’est le cas de celle partie les fêter à l’étranger.
Avoir eu trente ans trois mois avant la première élection de François Mitterrand, ce fut mon cas.
                                                                       *
Un bon anniversaires, cela se souhaite aussi via le réseau social Effe Bé, même à qui l’on ne connaît pas de visu mais est néanmoins votre « ami(e) ». Ainsi ai-je récemment envoyé mes vœux pour le sien à une Parisienne.
« Merci Michel, bonne soirée. Au plaisir de vous rencontrer un jour ! », m’a-t-elle répondu.
« Ce serait avec plaisir, je vais être à Paris du trois au sept mai. », lui ai-je indiqué.
Une absence de réaction a fait suite à cette information.
 

7 mai 2017


Samedi, jour de vide greniers et de pluie annoncée, je ne m’attarde pas dans l’appartement où m’héberge celle qui m’inquiète un peu en ne me donnant pas de ses nouvelles.
D’un coup de métro avec changement à Pigalle je me rends à la station Jaurès et cherche où sur les quais de Seine est le vide grenier annoncé. Je l’aperçois et dois pour le rejoindre traverser un endroit où l’on trafique la drogue. Les exposants sont moins nombreux qu’annoncés et la moitié sont des professionnels. Je crains de repartir bredouille mais non. Un jeune homme propose des ouvrages de la Réunion des Musées Nationaux, les catalogues des expositions Maillol peintre, Toulouse-Lautrec & l’affiche, Robert Rauschenberg et Matisse et Picasso, tous quatre sous blister. C’est un peu louche. Trente-deux euros, est-il écrit en quatrième de couverture de chaque. Il essaie de savoir quel prix je pourrais mettre pour l’ensemble. Juste avant que je tente quinze euros le tout, il me les propose pour douze. L’occasion fait le larron (comme on dit). Mon sac à dos s’alourdit sévèrement. Quand je repasse par le coin des drogués et des dileurs, la Police est occupée à en coincer deux.
De Jaurès, je vais à Ménilmontant. Le déballage est sur le boulevard. Pour l’essentiel, ce sont des particuliers, en majorité pauvres. J’y côtoie des acheteurs de livres par code barre, scannant pour savoir si ça vaut le coup à la revente. A voir ce qu’ils achètent, la déconvenue doit être courante. Pour ma part, un seul livre me retient, bien lourd lui aussi, James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots, un « essai hilare » de Victor-Lévy Beaulieu (Editions Trois-Pistoles), mille quatre-vingt-dix pages de littérature un peu barrée.
-Je vous le laisse à deux euros vu son état, me dit la vendeuse.
Il semble avoir pris l’eau lors d’un précédent vide grenier. Pour éviter que ça se reproduise, je l’achète, Là-haut, les nuages sont de plus en plus noirs. Je reprends le métro avec changement à Pigalle et suis à peine de retour que la pluie commence. Il est neuf heures dix.
Je ressors à midi moins dix et vais voir, pas loin, si on sert à manger le samedi au Bon Coin, ce restaurant que m’a fait découvrir l’un avec qui j’ignore si je redéjeunerai un jour.
-Oui, me dit-on derrière le comptoir.
Je m’installe à la table pour personne seule qui jouxte l’entrée/sortie de la cuisine et commande un kir que je bois en considérant les habitués du matin qui vont bientôt laisser place aux mangeurs. L’un d’eux, retraité aux cheveux blancs en catogan, inscrit dans une agence de figurants, explique à ses amis du même âge qu’il va jouer dans une pub, quatre cents euros pour deux jours. Il l’a déjà fait une fois pour une compagnie d’assurance, un tournage d’une journée : « Je devais juste dire MMA et hop, deux cents balles. »
Une souriante serveuse que l’on pourrait qualifier de ronde s’approche de moi :
-Je vais devoir déplacer un peu votre table, j’ai besoin de plus de place pour passer que mes copines, me dit-elle.
Celle, filiforme, qui s’occupe du bar mange un pain au chocolat.
C’est bientôt l’affluence. Le Bon Coin se transforme en ruche. Qui est seul ou à deux à une table de quatre se voit imposer un voisinage intime comme dans certains restaurants routiers. J’ai horreur de ça et suis content de ne rien risquer. J’ai choisi la moussaka puis la tarte pomme rhubarbe, avec un verre de chinon. Tout cela est bien bon et suivi d’un café à un euro.
Au moment où je veux payer, la fille du pain au chocolat descend à la cave par un étroit escalier caché derrière la porte d’un placard afin de se ravitailler en porto. J’en ai pour vingt euros soixante, m’apprend-elle, remontée avec sa bouteille.
                                                                 *
Le Dionis a son défaut que je découvre ce samedi à dix-sept heures quand on y remplace Fip par la télé pour un match de foute. Avant de fuir, j’y côtoyais deux professionnels de la musique classique qui parlaient de la Seine Musicale, de Laurence Equilbey et de sa direction d’orchestre. L’un : « C’est mauvais, c’est mauvais, mais on n’ose rien dire parce que c’est une femme. »
                                                                 *
Gravir les trois étages, celui vite parcouru, celui qui tue, celui du but. L’immeuble d’en face, érigé dans la dent creuse, est terminé, six étages. On y emménage. Ce matin, livraison de literie. Le ciel est toujours visible (aujourd’hui gris de pluie) grâce aux bâtiments de droite qui n’ont que trois étages.
 

6 avril 2017


Pas une entrée de métro parisien sans un(e) jeune trentenaire distribuant un tract qui appelle à voter Macron, ce vendredi matin, comme les jours d’avant, et pour la dernière fois.
Je prends la ligne Douze puis la Huit jusqu’à la sortie Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort. L’homme à qui je demande de quel côté la Marne m’informe qu’il n’y a qu’à traverser la rue et longer l’église. Effectivement, elle est là.
Un chemin piétonnier en suit le cours. C’est la promenade Paul-Cézanne. Je le suis. Certains passages ont été construits au-dessus de l’eau. Il ne s’agirait pas de faire un pas de côté et devenir le disparu de la Marne. Je côtoie des coureuses, des promeneurs de chiens, un pêcheur et un employé communal qui efface un graffiti anti Macron. Je fais un détour par l’île de Charentonneau accessible par une passerelle. Des panneaux informatifs montrent la foule d’autrefois, se baignant et prenant le soleil, aussi nombreuse qu’aujourd’hui sur les plages de la Côte d’Azur. De l’autre côté de la rivière bourdonne la circulation incessante de l’autoroute A Quatre. Quand elle l’enjambe, je fais demi-tour et vais voir à quoi ressemble l’Ecole Vétérinaire.
Un homme en garde la porte. Il me fait entrer sans visiter mon sac. L’endroit est vaste, composé de nombreux bâtiments dont un Institut du Porc et le Musée Fragonard. Ce dernier n’ouvre qu’avec parcimonie (fermé le vendredi). Un professeur donne cours à ses élèves devant des bottes de paille. Deux étudiants rentrent deux chevaux à l’écurie. L’établissement a sa propre société hippique et les camions nécessaires au transport de ces animaux.
Le métro Huit me conduit au marché d’Aligre. Aucun livre ne m’y attendait.
                                                              *
Aux stations de métro et de bus, Heineken fait sa pub anti Le Pen : « Le brassage est une richesse ».
                                                              *
Dionis est décidément mon café parisien préféré, où l’on entend Fip, où l’on peut lire Libération, dommage que je n’aie ordinairement rien à faire dans le dix-huitième arrondissement.
                                                              *
Un jeune homme a disparu à Rouen dans la nuit de samedi à dimanche entre le Trois Pièces et Saint-Sever. La même nuit, quelqu’un est tombé dans la Seine pendant les Vingt-Quatre Heures Motonautiques et n’a pas été repêché. Des avis de recherche continuent à être diffusés par l’entourage qui se refuse à faire le rapprochement entre le second évènement et le premier.
 

5 mai 2017


Suite à « un malaise voyageur à Jasmin », c’est le bazar sur la ligne Neuf ce jeudi matin, je dois laisser passer quatre rames avant de pouvoir faire la sardine dans la cinquième en direction de Billancourt, l’occasion de vérifier que les êtres humains à Paris savent rester civils. Je finis néanmoins le voyage assis.
A la sortie, une aimable autochtone m’indique comment trouver l’île Seguin où j’ai envie de voir la Seine Musicale, cette nouvelle salle destinée à accueillir des manifestations artistiques, politiques, festives et commerciales, construite là où se tenait l’usine Renault. Pour ce faire, je frôle un nouveau quartier d’immeubles à architecture intéressante, dont je fais des photos, parmi lesquels celui du siège du seul quotidien que je n’ai jamais lu et ne lirai jamais : L’Equipe.
J’emprunte la passerelle qui permet d’aller dans l’île. Nous sommes ici hors de la capitale, dans « Les Hauts de Seine, la vallée de la culture ». Las, quand je veux photographier la Seine Musicale, mon appareil m’apprend qu’il a la batterie à plat.
Elle est en deux blocs, l’un en béton, d’aspect traditionnel, sur la façade duquel se succèdent d’immenses publicités lumineuses pour la Fnaque ou Bouygues, l’autre dans le goût du jour, tout en courbes avec de l’eau autour. Les travaux ne sont pas terminés, bien que l’inauguration ait eu lieu.
Je profite d’un portillon resté ouvert pour, après avoir monté un long escalier, me glisser dans le jardin Bellini. J’en fais le tour, pelouse et jeunes arbres avec nichoirs pour les oiseaux, avec la crainte d’être enfermé mais j’y échappe. Redescendu, je remarque la petite flèche qui indique Insula Orchestra. Laurence Equilbey, toujours sur les bons coups, a niché ici, en résidence, son orchestre.
Une deuxième passerelle permet d’aller explorer l’autre rive de la Seine. Deux jeunes coureuses me conseillent de prendre le chemin piétonnier vers la droite. Ainsi fais-je, longeant des péniches d’habitation qui ont vue imprenable sur la Seine Musicale. Un peu plus loin, je passe devant le Collège Arménien Samuel Moorat. Me voici à Sèvres, sa maison de Brimborion qui fut à la Marquise de Pompadour, son Pavillon de Breteuil et le mètre étalon, son Musée de la Céramique, tous lieux qui ne m’attirent pas.
Je continue donc et arrive au Domaine National de Saint-Cloud, un endroit qu’autrefois Catherine de Médicis offrit à Jérôme de Gondi, son écuyer. J’entre. Cet immense parc à allées cavalières est cerné par Sèvres, Ville-d’Avray, Marnes-la-Coquette et Garches. Sur le plan, je vois qu’il est traversé par l’autoroute qui mène à Rouen. J’espère que c’est en souterrain. Quoiqu’il en soit, je n’en vois qu’une petite partie. Après être passé devant La France couronnant l’Industrie, sculpture kitchissime d’Elias Robert, je ressors par une petite porte pour rejoindre le pont de Saint-Cloud afin de quitter cette impression de campagne grâce au métro Dix.
A midi pile, je déjeune au Royal Bourse Opéra d’une excellente et copieuse joue de bœuf trônant sur une montagne de purée à l’ancienne. Je la fais suivre d’un tiramisu artisanal. Avec un quart de côtes-du-rhône, cela fait dix-neuf euros.
Chez Book-Off, pas très loin, je ne trouve rien.
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Pas la moindre envie d’aller au concert anti F-Haine, place de la République. L’impression que cela mouline à vide.
 

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