Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Pour la dernière fois à l’Ubi (lieu artistique mutualisé)

10 avril 2017


Ubi or not Ubi ? Je ne me poserai plus la question. Plus personne ne se la posera. C’en est fini de l’Ubi. Le lieu artistique mutualisé, ouvert il y a exactement trois ans, doit fermer définitivement sa porte ce dimanche neuf avril deux mille dix-sept. Ainsi l’exige la commission de sécurité passée à la demande d’un des copropriétaires de l’immeuble bourgeois de la rue Alsace-Lorraine. Les travaux réclamés pour se mettre en conformité, dont la création d’une deuxième sortie, ne pouvaient être envisagés que si le propriétaire y participait. Il n’a pas voulu. De plus, les autres propriétaires ne voyaient pas d’un bon œil une sortie qui aurait été commune avec la leur. Cela est bien triste. Les équipes artistiques qui y avaient leurs locaux ont dû trouver des solutions d’urgence provisoires. Les évènements et les spectacles qui se déroulaient dans la salle de café ou dans la galerie n’auront plus lieu.
J’y passe une dernière fois ce samedi après-midi où le ciel est bleu et ai la chance d’y trouver les deux que j’avais envie d’y voir : Jonathan, de Jabran Productions, et Sylvain, l’artiste taxidermiste. Assis sur le rebord de la vitrine de ce qui fut la Mam Galerie, ils prennent une bière qui ne suffira pas à leur redonner le moral (comme on dit).
-Bonjour les garçons, leur dis-je avant de les embrasser comme ça se fait maintenant. Je peux entrer ?
-Oui, tu vas voir, il n’y a plus rien.
En effet, le lieu est presque vide. Ne restent que des radiateurs électriques et des extincteurs à vendre, de la vaisselle à donner et un tas de rebut pour lequel la déchetterie demande trois cents euros. Ce que je trouve le plus désolant, ce sont les lettres arrivées pour chacune des structures, triées sur une table.
Je ressors. Sylvain et Jonathan m’expliquent les circonstances de la fermeture. Et comment depuis le début les copropriétaires, parmi lesquels un ancien procureur de la république, leur ont fait des difficultés, notamment à cause des concerts. Il avait été tenu compte de leur tranquillité troublée, ceux-ci avaient lieu plus tôt et se terminaient avant vingt-deux heures. Cela ne leur a pas suffi. Un repreneur est déjà sur le coup. L’entreprise de décervelage festif qui occupe déjà l’autre partie du rez-de-chaussée veut s’agrandir. Elle pourra relier ses deux moitiés en passant derrière l’entrée des habitants des étages et ça fera la deuxième sortie.
Arrive une des copropriétaires. Elle verse des larmes de crocodile.
-Je vous faisais un petit coucou quand je passais, rappelle-t-elle aux deux garçons.
Elle dit qu’elle aimait bien entendre le piano et que le bruit, elle pouvait ne pas le subir en allant dans une pièce donnant sur la rue. Elle prétend n’être pas informée des soucis créés par les copropriétaires.
Cette femme sait qui je suis et je sais, pour le malheur de ma tranquillité, qui elle est. C’est la guide touristique trilingue à la voix insupportable qui passe trop souvent dans ma ruelle avec son troupeau.
-Parfois, on est celle qui doit supporter le bruit près de chez soi et parfois on est celle qui génère ce bruit et dérange les autres, lui dis-je avant de clairement lui expliquer ce que je pense de ses prestations. Je l’invite à innover en visitant d’autres rues de la ville plutôt que revenir d’année en année dans cette fausse rue du Moyen Age avec laquelle elle mystifie les touristes.
Elle prétend ne pas savoir où j’habite exactement. Se dit prête à claironner un peu plus loin.
-Vous en gênerez d’autres, lui dis-je, et il n’y pas que le bruit, il y a aussi l’obstruction, on ne peut plus passer quand vous et vos collègues êtes là.
Peut-être me fera-t-elle un petit coucou la prochaine fois qu’elle passera.
Elle monte chez elle avec ses courses. Passe Olive avec une pile de vaisselle. Jonathan s’en va. Je rentre encore une fois à l’intérieur de l’Ubi avec Sylvain. Nous sommes consternés par toute l’énergie gâchée.
En face au bout de la rue Molière les pompiers sont à l’ouvrage sur la plateforme télescopique de leur camion. Une cheminée menace de s’écrouler, des morceaux sont tombés sur le vide grenier.
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Un lieu culturel remplacé par un lieu de divertissement, ce serait dans l’ordre des choses du vingt et unième siècle.
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Peut-être devrais-je demander le passage de la commission de sécurité dans la venelle quand elle est bloquée par plusieurs groupes de touristes du quatrième âge auxquels s’ajoutent ceux des scolaires de divers âges.