Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

24 juin 2021


Le ciel est bleu et pas de vent ce mercredi matin, de quoi me donner envie de marcher sur la côte face à Beg Meil et au Cap Coz. Le chemin débute place des Oubliés de Saint-Paul (six hommes et une femme enceinte qui furent abandonnés en mil neuf cent trente sur l'île Saint-Paul dans l'Océan Indien alors qu'ils étaient chargés par la société La Langouste Française de garder l'île et ses installations), puis je passe près de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, du phare de La Croix et d’une sculpture d'oiseau à long cou. Se succèdent alors des plages, désertes à cette heure, qui ont nom Rodel, des Dames, du Miné, de Cornouaille et enfin, après un passage désagréable par la route, des Sables Blancs.
Nul troquet de ce côté, c’est après être revenu sur mes pas que je prends un café au Cabestan où je lis Jules et Edmond. Assez vite le ciel se couvre, le vent revient et la température baisse.
A midi, je choisis de déjeuner à l’intérieur de l’Hôtel des Grands Voyageurs qui fut fréquenté autrefois par Gustave Flaubert quand il s’appelait l’Hôtel de Madame Sergent. Il vint y soigner auprès de son ami Georges Pouchet, médecin zoologue, la dépression consécutive à sa ruine entraînée par la faillite du mari de sa nièce Caroline. C’était en mil huit cent soixante-quinze.
Le samedi vingt-cinq septembre, il écrivait à cette nièce : Mes fenêtres donnent sur une place au-delà de laquelle se trouve le bassin. Les fortifications du vieux Concarneau (un mur crénelé avec deux tours et un pont-levis) s’étendent par derrière. Je vois tout le quai en enfilade, et les petits bateaux qui pêchent la sardine. Tantôt, j’ai passé une heure à les regarder rentrer, puis j’ai fait un somme sur mon lit.
Puis le samedi deux octobre, à la même : Après quoi, j’ai fait un somme de deux heures sur mon lit, car je m’étais fort empiffré avec un tourteau, et monsieur était complètement abruti. L’ordinaire de l’auberge Sergent est surabondant : il y a à tous les repas sept ou huit plats, parmi lesquels figurent toujours de la salicoque et du homard.
Le lendemain, il se confiait à la Princesse Mathilde : Ici cependant, je vais mieux qu’à Croisset, je suis plus calme. La vie que je mène est celle d’une brute. Je dors, je mange, je me promène au bord de la mer, j’écoute les discours idiots de mes compagnons de table d’hôte.
Toutefois Concarneau et ses plaisirs ne suffiront pas à le guérir tout à fait, comme le montre cette lettre du jeudi vingt et un octobre à Caroline : La pluie tombe à seaux ! Décidément, Concarneau n’est pas l’Égypte. Voilà quinze jours que je suis très souvent obligé de garder le logis, à cause du mauvais temps. Nous n’avons pu faire qu’une promenade cette semaine. Hier, nous en avons essayé une en mer et nous avons été trempés. Cette mouillade, jointe à un mal de ventre, m’avait assombri et je suis resté pendant tout le reste de la journée couché sur mon lit et dans un piètre état nervoso-moral.
La mouillade est encore d’actualité. Quant à l’ordinaire surabondant de l’auberge Sergent, il ne faut pas y compter à l’Hôtel des Grands Voyageurs. Je n’ai droit ce mercredi pour dix-sept euros quatre-vingt-quinze qu’à un menu crêpes des plus basiques avec un kir breton, une « spéciale » jambon fumé chèvre fromage salade, une caramel beurre salé, une bolée de cidre et un café. Si l’extérieur de l’établissement est resté agréable à regarder, l’intérieur est décevant : une salle au fond à grandes tables rondes, une salle étroite près du bar à tables carrées. C’est dans cette dernière que je mange sans voisins proches. La clientèle n’est pas nombreuse. Pourtant le service est nerveux.
Un responsable : « Du pain en urgence, du pain en urgence ! »
Le clampin : « Elle est où la boulangerie ? »
                                                                      *
Le patron du Cabestan me voyant écrire sur mon petit carnet noir Hema :
-Ne notez pas tout ce que je fais, s’il vous plait !
-Non non.
En revanche, ce qu’il dit…
 

23 juin 2021


Un temps tourmenté est au programme ce mardi matin. Le Jockey étant en jour de fermeture, j’opte pour une table au bord de l’intérieur du Café Crème et ne tarde pas à le regretter. Si l’allongé n’est qu’à un euro trente, le patron, sans masque, pue de la tête. Il a un ami à Nice qui lui a dit des trucs pas possibles sur ce qui se passe là-bas, si dans trente ans c’est la même chose ici, qu’il y en a partout, ce sera la guerre civile, prêche-t-il de derrière son comptoir.
Je fuis et me dirige vers l’entrée de la Ville Close. A cette heure, hormis la présence de deux ou trois livreurs, elle est déserte. Je pourrais même penser qu’un confinement y a encore cours, dont je serais exempté. J’en fais le tour à mon aise, documentant cette redécouverte de trente photos.
A la sortie, quelques gouttes m’incitent à rentrer « chez moi ». Je ne ressors qu’un peu avant onze heures. Il ne pleut plus mais le vent s’en donne à cœur-joie. Les terrasses le long de la place Jean-Jaurès en font les frais. Je réussis néanmoins à prendre un café à celle du Cabestan où j’étais hier.
Me disant que l’endroit où être protégé du vent lors du déjeuner, c’est l’intérieur de la Ville Close, j’y retourne. Oui mais maintenant elle est aussi fréquentée que le Mont-Saint-Michel à la même heure. Je me résous à revenir place Jean-Jaurès où je sollicite une table au Comptoir. « On ne servira pas en terrasse aujourd’hui », me dit celle qui m’accueille. Je choisis donc une table d’intérieur.
L’endroit n’est pas désagréable. Le personnel est jeune et dévoué, la musique du genre électro. Un jeune couple s’installe un peu plus loin avec Génération Cinquante. « Bobo », crie ce dernier à peine assis. Sa mère lui enfonce une tétine dans la bouche. Il la jette au sol. Son père lui met un film sur son téléphone. Il cesse de brailler.
J’ai près de moi un vieux couple qui demande un renseignement sur la carte à leur autre voisin. L’échange s’avère compliqué car celui-ci est bègue, Ce jeune homme ne cesse ensuite de se mêler de la conversation de ce couple. Quand il s’en va, la femme déclare que ça fait du bien : « Il voulait parler mais comme on ne comprend rien ».
« C’est toujours la même musique » croit-elle entendre un peu plus tard. Lui fait toujours la même musique, une sorte de tic nerveux avec sa bouche.
Pour ma part, content d’être à une solide table en bois qui ne risque pas de me tomber sur les genoux en cours de repas, j’ai choisi la formule entrée plat café à quatorze euros quatre-vingts. L’entrée, c’est du brie pané avec une tranche de lard, le plat du sauté de porc moutarde à l’ancienne avec des tagliatelles. Deux verres de bordeaux montent l’addition à vingt euros quatre-vingts. « C’était très bien », dis-je à celle à qui je paie et c’est ce que je pense.
Durant cette parenthèse, le temps ne s’est pas amélioré. Le vent souffle toujours autant. Il peut pleuvoir à tout moment. Je mets le cap sur mon studio et y étudie des projets d’excursion alentour avec Coralie. Je suis rapidement déçu. Trévignon, Kerascoët, Port Manech, endroits m’ayant laissé de bons souvenirs, ne sont atteignables qu’à des heures incongrues ou en transport à la demande que m’interdit ma non possession de téléphone.
 

22 juin 2021


Ce lundi matin, premier jour de l’été, je sors de l’impasse, quittant Douarnenez non sans regrets, ma valise derrière moi. « Ah, c’est la fin des vacances ! Il faut bien rentrer. » Je ne rentre pas, je fais semblant.
Après un dernier regard pour le port de plaisance à demi caché par le brouillard, je me dirige vers l’abribus où je veux prendre le car BreizhGo Cinquante et Un de sept heures trente. Comme toujours en avance, j’en trouve un prêt à partir à sept heures, que je n’avais pas repéré sur l’horaire. J’y grimpe donc et arrive plus tôt que prévu à Quimper.
Cela me permet de monter avec le même ticket quinze minutes plus tard dans le car BreizhGo Quarante-Trois de huit heures pour Concarneau. Comme dans presque tous ces cars, le chauffeur roule avec la radio. Quelle n’est pas ma surprise de constater que cette fois, il s’agit de France Culture. J’écoute donc les analyses post-électorales de Guillaume Erner, Jérôme Fourquet et Frédéric Says comme si j’étais dans mon logis rouennais.
Ce deuxième car me laisse à son terminus Le Port. Trois aimables femmes me mettent dans la direction de mon nouveau studio Air Bibi que sa propriétaire me permet d’occuper dès le matin. Il va falloir monter, me disent-elle. Je commence à en avoir l’habitude et ce n’est rien par rapport à avant. Je suis bientôt installé à mi-chemin entre la Ville Close et la plage du Mine au premier étage d’un petit immeuble résidentiel d’où j’ai vue sur des jardins pavillonnaires.
Ma valise posée, le code ouifi enregistré, je redescends sur le port, trouve une boulangerie (ouverte sept jours sur sept) et un bar tabac nommé Le Jockey où l’allongé est à un euro cinquante. Puis je me dirige vers la Ville Close.
Dès son entrée, je constate qu’à dix heures on y trouve déjà trop de monde. Je me replie donc et je vais lire un peu du Journal des Goncourt dans un bar tabac qui donne sur la place  où ce lundi est installé le marché près duquel des employés municipaux détruisent les affiches des panneaux électoraux à l’aide d’un carcheur.
Quand arrive midi je renonce à m’asseoir à la terrasse d’un des restaurant traditionnels qui longent cette place, optant pour celle du Taj Mahal. Son menu est à dix euros cinquante, entrée et plat présentés sur le même plateau puis deux boules de glace mangue nougat. Le quart de sauvignon à cinq euros cinquante, le nan fromage sans fromage à trois cinquante. Le serveur est si gentil que je ne me plains pas, même lorsque la table soudain me tombe sur les genoux en renversant mon reste de vin.
Parti dans le brouillard de Douarnenez, je suis maintenant dans le presque cagnard à Concarneau. Il fait lourd, l’orage menace. C’est l’été. Rien ne signale une éventuelle Fête de la Musique. Je lis sur un banc du port à hauteur de la Ville Close.
                                                                   *
Couple n’ayant rien à se dire au Taj Mahal. Elle photographie son plat et l’envoie à je ne sais qui.
Lui, un peu plus tard : « Il a répondu ? »
Elle : « Oui, il a dit : Ah purée, ça a l’air bon. »
                                                                   *
A Concarneau, les bus de ville s’appellent Coralie.
 

21 juin 2021


La légère pluie que je découvre au matin de mon dernier jour à Douarnenez m’oblige à laisser Jules et Edmond à la maison. C’est d’autant plus dommage que ce dimanche marque le cent cinquante et unième anniversaire de la mort du premier, à l’âge de trente-neuf ans, des suites d’une syphilis attrapée au Havre.
Une dernière fois je fais le parcours qui va du port de plaisance de Tréboul au port du Rosmeur en passant par le Port-Rhu. Pas loin du Vintage, à la Maison des Jeunes et de la Culture, ou plutôt autour d’elle, sous des barnums qui protègent bien ou mal de la pluie, a lieu une grande vente de vinyles d’occasion. A l’heure où je passe devant, point de jeunesse dans le public exclusivement masculin, que des vieux à la recherche de la leur.
Arrivé au but, je m’empresse d’aller réserver une table à L’Océanide et suis fort déçu quand le patron me dit que c’est complet depuis jeudi. Il met ça sur le compte de la Fête des Pères. Au restaurant voisin, on propose à cette occasion un menu spécial et néanmoins banal à trente-quatre euros.
Après un dernier café bu aux Filets Bleus, je décide de revenir au Port-Rhu et trouve cette fois une table au Ty Port-Rhu, place de l’Enfer. « Je vous préviens, on a un groupe de quarante », me dit celle qui prend ma réservation. Un géniteur particulièrement fertile et sa descendance, je suppose. Qu’importe, j’aurai une table isolée et abritée en terrasse.
A midi, je choisis la suggestion du jour : des encornets avec des pâtes à l’encre de sèche. Ça vaut ce que ça vaut. Le service est assuré par deux jolies filles longilignes (dont l’une à faux air d’Arielle Dombasle) et par un quadragénaire mal fagoté approximatif (on manque de personnel depuis le Covid). Les quarante sont des retraité(e)s membres de « l’association ». Elle leur offre un kir en l’honneur de la Fête des Pères. Avec un quart de chardonnay et une crêpe caramel beurre salé à supplément boule de glace vanille, je m’en tire à vingt-six euros soixante-dix.
Je passerais bien cet après-midi pluvieux à coiffer les longs cheveux blonds descendant jusqu’au creux de ses reins de la fausse Arielle mais elle doit avoir d’autres projets. Plus raisonnablement, même si le temps ne s’y prête pas, je vais boire un ultime café au Chamouette.
Le Chamouette, bistrotier et caviste, se tient au fond d’une courte impasse et sa terrasse est sur le terre-plein central du quai de l’Yser. Il faut donc porter le plateau un bon moment avec traversée de rue et montée de trois marches pour arriver au client. Celui-ci a une sonnette à disposition pour se faire servir. Comme je n’aime pas ce procédé, je vais voir la jeune serveuse pour commander. Ce dimanche, celle-ci est remplacée par un quinquagénaire moins expérimenté, un ancien informaticien. Il a une arme magique pour ne rien renverser : un plateau auquel verres et tasses et bouteilles adhèrent. Je présume que ce matériel n’est pas homologué pour les courses de garçons de café.
                                                                    *
Abstentionniste je suis pour ces Régionales et Départementales. La transformation de plus en plus évidente des Partis de Gauche en Ligues de Vertu fait que je n’ai pas eu envie d’établir une procuration.
Abstentionniste je serai désormais pour toutes les élections. Sauf quand, au second tour de la Présidentielle, il s’agira d’éviter la pire.
 

20 juin 2021


Ce samedi, j’ai envie de revoir Pont-Croix, « Petite Cité de Caractère » située à peu près à mi-chemin entre Douarnenez et Audierne. J’attends donc une nouvelle fois le car BreizhGo Cinquante-Deux de huit heures cinq devant l’Office de Tourisme, à mon côté une randonneuse à bâtons d’âge intermédiaire en minijupe.
Elle s’assoit deux sièges derrière le chauffeur, le même que l’autre fois mais sans la radio abrutissante, et l’entreprend. Elle désire avoir la correspondance avec le car venant de Quimper pour aller à la Pointe du Raz. Il lui dit qu’après le terminus à Audierne, il rentre chez lui à Plogoff avec ce car et qu’il peut l’emmener jusque là-bas. Est-ce bien réglementaire ? Ce véhicule ne risque-t-il pas de se transformer en car BaiseGo ?
Descendu à l’arrêt Le Bourg, je me dirige illico vers la Collégiale Notre-Dame-de-Roscudon puis demande à un autochtone comment rejoindre la Petite Rue Chère et la Grande Rue Chère, toutes les deux pentues et à pavement moussu. « Je vous conseille de descendre la Grande et de remonter la Petite », me dit-il.
Je fais comme il a dit, me souvenant du bon moment passé en cet endroit avec celle qui me tenait la main. En contrebas se trouve le Goyen qui coule jusqu’à Audierne mais je suis déjà assez épuisé. Je retrouve la place de la République où il y a fort longtemps j’ai logé seul à l’hôtel. Cet hôtel a fermé. Reste au rez-de-chaussée le bar tabac désormais subtilement appelé Le Bartabas. Le café allongé que j’y prends en terrasse au soleil n’est qu’à un euro trente.
Après avoir exploré quelques autres rues typiques et l’ancien couvent, j’y retourne pour un expresso verre d’eau Goncourt. Les habitués sont loin de moi sous l’auvent, certains un peu imbibés. Une pancarte annonce la diffusion du match France Hongrie à quinze heures. Passe une visite guidée agrémentée de comédien(ne)s dans des tenues moyenâgeuses qui illustrent le propos avec des saynètes en parlure de cette époque. On se moque sous l’auvent.
Pour déjeuner je n’ai le choix qu’entre une crêperie et un restaurant à télé sous l’auvent. Je décide d’acheter une salade au Super U où certain(e)s emplissent des chariots d’une façon terrifiante. Je la mange au troquet d’en face avec un verre de sauvignon à trois euros. Le café, je vais le prendre au Bartabas mais j’en suis chassé par un semblant de pluie.
C’est sous un abri décati, face au Crédit à Bricoles, que j’attends le treize heures quarante du retour. Une femme m’y rejoint que je prends pour une des Moyenâgeuses, puis je me rends compte qu’elle porte une djellaba et des babouches. Arrivent ensuite quelques jeunes des deux sexes, impatients de quitter Pont-Croix pour rejoindre Douarnenez. Je le suis aussi.
Il pleut dru ensuite. La randonneuse à bâtons et minijupe doit en faire les frais. A moins qu’elle ait trouvé abri pour un moment chez le chauffeur de ce matin.
                                                                   *
Plus de masque obligatoire à l’extérieur, pas de masque non plus à l’intérieur dans certains cafés. Un qui a oublié de mettre le sien pour entrer au Bartabas n’a heureusement pas oublié de mettre sa perruque.
                                                                   *
En plus de cette histoire d’Euro de foute, plane la menace d’un Tour de France aux allures de Tour de Bretagne.
 

19 juin 2021


La fin de mon séjour à Douarnenez approchant, je vais revoir ce vendredi matin le côté que je connais le moins, au-delà de la chapelle Saint-Jean, un bord de mer découpé suivi de la plage des Sables Blancs. Le vent frais souffle encore. Les vagues se font entendre. Un engin vient de lisser le sable. Cela sent la répétition générale avant l’arrivée des foules de juillet. Installé sur un banc, j’observe cette nature maritime puis, vers neuf heures, je me rapproche du cimetière marin. Là, je repasse sur la tombe (curieuse expression) de Georges Perros et ajoute mon caillou à ceux qui entourent la potiche de fleurs desséchées. Je me demande si j’aurai la possibilité d’y revenir un jour, mais maintenant j’ai bien en tête l’endroit où elle se trouve : partie basse du cimetière, cinquième tombe en partant du haut dans l’allée qui longe le mur de la partie supérieure.
Revenu dans le port de plaisance de Tréboul, j’assiste au départ en mer d’une classe maternelle de petite section partagée entre divers navires. L’un des marins d’un jour hurle qu’il ne veut pas y aller. Je ne suis pas surpris que sa mère accompagne le groupe. Il faut toujours se méfier des parents qui veulent à tout prix venir aux sorties scolaires. D’un autre côté, jamais je n’aurais osé organiser ce genre d’expérience avec mes élèves, trop peur d’un chavirage.
Pour lire les Goncourt, je ne trouve pas meilleur endroit que la terrasse du bar tabac An Infern près duquel est la librairie du Chasse-Marée, laquelle garde sa porte ouverte dans l’espoir d’y voir entrer. 
Et à midi, vu le vent frais, je dois une nouvelle fois déjeuner à l’intérieur du Vintage, ce qui m’oblige à supporter deux couples de retraités accrochés à leurs téléphones. Crevettes et salade, petit farci à la niçoise avec riz, boule de glace vanille au chocolat, verre de sauvignon café, treize euros. Si la cuisine n’est pas toujours au sommet, c’est un endroit sympathique que je fréquentais pour la dernière fois de mon séjour. On espère m’y revoir un jour.
                                                                       *
Ici, certaines filles me sourient vraiment quand nous nous croisons sur le sentier côtier ou même ailleurs. Il en est d’autres qui s’accrochent à leur smartphone, terrifiées de croiser un homme.
                                                                       *
« Coreff bière artisanale bretonne depuis 1985 »
« Jampi glaces et sorbets depuis 1923 »
« Cozigou distribution de boissons depuis 1960 »
Pour être d’aujourd’hui, il faut dater du vingtième siècle.
                                                                         *
Des choucas, grâce à un appel sur le réseau social Effe Bé, je sais maintenant comment se nomment ces oiseaux noirs avides de mes miettes de croissant. Ils ont envahi la Bretagne depuis quelques années, font de gros dégâts dans les champs de maïs et sont protégés.
 

18 juin 2021


Pas d’orage ici mais, je le constate au matin en sortant, il a bien plu. Le jeudi, la meilleure des deux boulangeries de Tréboul est fermée, de même que le Café de l’Yser. J’achète croissant et pain au chocolat à l’autre et les mange sur le chemin qui mène au Port-Rhu. Face aux Bateaux Musée, le bar tabac An Ifern (bar de l’Enfer) est ouvert. J’y prends un allongé à un euro cinquante sous l’auvent à une table en bois.
Mon intention est de rejoindre le port du Rosmeur par le dedans de Douarnenez. Je monte donc la côte, fais un crochet par l’église du Sacré-Cœur qui ne le méritait pas et redescends de l’autre côté.
Arrivé au but, je m’avance sur la digue et y découvre un attroupement autour d’un copieux petit-déjeuner. On tourne là une série télévisée allemande. Un bateau bleu a été dépêché pour des scènes qui seront nuageuses.
Mes photos faites des façades colorées vues de cette digue, je vais prendre un café à la terrasse des Filets Bleus. Ici, pas de clé sur la porte des toilettes. Il faut avant d’y entrer tourner soi-même une ardoise du côté « Occupé » puis après utilisation la remettre du côté « Libre ».
Le vent souffle trop frais pour lire en terrasse dans le port du Rosmeur. Je me résous à revenir par le chemin piétonnier du bord de mer au bar de l’Enfer où c’est plus tempéré. J’y lis un bon moment, observant d’une part les groupes de retraités refroidis visitant le musée flottant et d’autre part la clientèle locale de l’estaminet. « La prochaine fois que tu verras Gaël, tu seras obligé de lui demander un autographe, ils ont pris son bateau pour le film allemand », entends-je derrière moi.
A midi la table Six m’attend à l’intérieur du Vintage. Le serveur m’apprend que j’ai un sosie breton et le cuisinier accepte de remplacer les frites de mon andouillette par des pâtes. En entrée, c’est une salade bretonne (deux rondelles d’andouille) et en dessert, une boule de glace vanille avec un reste de gâteau au chocolat. Avec le verre de sauvignon et le café, cela fait toujours treize euros.
C’est muni de mon seul pull que l’après-midi je lis le Journal des Goncourt à la terrasse du Chamouette. La jeune serveuse n’a pas grand-chose à faire. Elle écoute Françoise Hardy chanter Tous les garçons et les filles. Je viens de lire son interviou faite par écrit pour Femme Actuelle, dans laquelle elle évoque ses maladies graves et qui commence ainsi :
-Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
-Proche de la fin.
Cela m’attriste.
                                                                     *
Série télévisée allemande, ça vous un goût de triple punition.
                                                                     *
Grâce à un fidèle lecteur, je connais maintenant la raison de la descente de flics, pour reprendre l’expression de celle qui me l’a apprise l’autre matin devant la boulangerie. Il s’agissait d’arrêter un trafiquant, non de drogue mais d’animaux, des iguanes, et des pythons en nombre, dont certains mesuraient jusqu’à quatre mètres cinquante. On ne sait pas à côté de qui on vit, comme dirait Madame Michu.
 

17 juin 2021


Point du tout de bruit en provenance du voisin du dessus ce mardi soir, il doit être parti regarder le foute quelque part avec ses peutes. Comme prévu, je l’entends rentrer dans la nuit. Il n’a pas remis sa musique depuis les deux premières soirées de ma présence dans l’impasse. Je ne peux plus l’appeler Reggae Man.
Au réveil, en cherchant sans succès dans l’actualité locale ce qui a entraîné la présence la veille de tant de Gendarmes, je découvre qu’il existe depuis hier quinze juin une navette portuaire à trois euros permettant d’aller de celui de Tréboul et celui du Rosmeur et réciproquement (trois départs par jour, le premier à dix heures quinze, onze personnes maximum à bord).
Je décide de m’offrir ce tour de manège.
Auparavant, après avoir petit-déjeuné au Café de l’Yser, je vais lire les Goncourt sur le banc du voyeur. C’est marée haute. La plage en contrebas a disparu. Les couleurs du ciel et de l’eau changent sans cesse. L’orage pourrait venir.
Vers dix heures, j’entre à la capitainerie afin de savoir où se trouve le ponton de départ de la navette portuaire. Les deux hommes présents ont un dessin de masque obligatoire au dos des écrans de leurs ordinateurs mais l’un n’en porte pas et l’autre l’a sous le menton. Le premier m’explique que cette navette est en rade. Sa capitaine l’a appelé pour le lui dire. Je lui demande si c’est une panne de plusieurs jours.
-Aujourd’hui elle passera pas, après je peux pas te dire, me répond-il.
Changement de programme, je vais de l’autre côté du Port-Rhu et profite de l’ouverture du mercredi matin pour photographier, place de l’Enfer, la Médiathèque Georges-Perros dont, en temps ordinaire, on ne peut voir la façade, la cour étant fermée par des grilles.
Puis je reprends ma lecture sur le banc face à l’île Tristan jusqu’à ce qu’il soit l’heure d’entrer au Vintage. Cette fois, je déjeune à l’intérieur car la température baisse. Croque-monsieur, sauté de veau au curry et frites, tarte aux pommes, un verre de sauvignon, café, treize euros. Nous sommes peu dans les deux salles. Après l’effervescence de la réouverture, c’est devenu très calme. Le restaurateur se demande ce qui se passe. Un ouvrier émet l’hypothèse que certains pendant le confinement ont pris goût au sandwich qui fait faire des économies et gagner du temps.
                                                                      *
Près de l’Office de Tourisme de Douarnenez, une boîte à livres en forme de cabine téléphonique anglaise totalement emplie de livres sans intérêt et en mauvais état. Dans laquelle jamais personne ne se servira.
 

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