Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
3 mars 2023
Ce mercredi, la porte est à refermer derrière soi au Boulinier des Halles, signe qu’il fait bien froid. J’y entre pour attendre midi et en ressors avec un ouvrage volumineux Le Dossier M Livre 2 de Grégoire Boullier (Flammarion) payé deux euros cinquante (je n’ai pas le premier). Suis pas sûr de lire ça un jour, j’ai beaucoup aimé ses deux petits livres Rapport sur moi et L’Invité mystère publiés chez Allia, mais ce pavé ?
L’heure du déjeuner venue, j’entre au restaurant Chez Vigouroux. La formule entrée plat est toujours à treize euros cinquante. Jusqu’à quand ? Je choisis la soupe de potiron et le confit de canard. Pendant ce repas, j’ai sous les yeux, à la sortie de métro Sainte-Opportune, ayant chassé le malheureux qui tend habituellement la main à cet endroit, deux mendiants à chasuble verte d’Oxfam. Avec force gesticulations et simagrées, ils s’efforcent d’arrêter qui passe pour le taxer au nom de l’humanitaire. Quand je ressors, ils ne sont plus là. Dommage, je leur aurais demandé s’ils recherchaient de l’argent pour payer le confortable salaire de Cécile Duflot ou pour permettre à des membres de leur association de se payer des prostituées mineures (comme ce fut le cas à Haïti en deux mille onze, affaire connue seulement en deux mille dix-huit).
Aucun problème pour la dépose de mon sac à dos au Book-Off de Saint-Martin, bien que derrière le comptoir il y ait moins de place qu’à Ledru-Rollin. Descendu au sous-sol, je trouve parmi les livres à un euro le Dictionnaire George Sand de Claire et Laurent Greilsamer (Perrin), Les petites filles de Courbelles de Jacques Brenner (Cahiers Rouges / Grasset) et Les bonbons pleurent de Sandra Lillo (Le Castor Astral), ce dernier retenu parce qu’il est préfacé par Valérie Rouzeau.
Pas davantage de difficulté pour laisser mon sac derrière le comptoir du Book-Off de Quatre Septembre, le Déplaisant n’y est pas. Je complète ma moisson de livres à un euro avec Les Joues en feu, les poèmes de Raymond Radiguet (Cahiers Rouges / Grasset) et les trois volumes de Mémoires de Saint-Simon publiés par Folio classique.
Depuis quelques semaines le train de retour à Rouen file à la même vitesse que celui de l’aller. J’ai quand même le temps de terminer la lecture du décevant Paris villages de Gil Jouanard. Que de fautes ou d’erreurs dans son texte, que les Editions du Laquet n’auraient pas dû laisser passer : mauvais emploi du mot éponyme, majuscule à espagnol employé comme adjectif, « qui est sensée » au lieu de qui est censée, « anarchiste libertaire », « à Le Cheylard », « passage Bardy », etc.
*
Chaque année, Oxfam se fait remarquer en compilant les données disponibles sur les inégalités pour en conclure qu’il y a de plus en plus de pauvres et que les riches sont de plus en plus riches. Ce que tout le monde sait. De l’argent gaspillé.
*
Gil Jouanard est mort le vingt-cinq mars deux mille vingt et un, il ne pourra donc pas profiter de mes observations.
*
Les Editions du Laquet sont également défuntes, qui étaient sises à Martel dans le Lot, une commune où doit encore résider l’une avec qui j’ai souvent fait l’amour au téléphone au temps des messageries roses du Minitel.
L’heure du déjeuner venue, j’entre au restaurant Chez Vigouroux. La formule entrée plat est toujours à treize euros cinquante. Jusqu’à quand ? Je choisis la soupe de potiron et le confit de canard. Pendant ce repas, j’ai sous les yeux, à la sortie de métro Sainte-Opportune, ayant chassé le malheureux qui tend habituellement la main à cet endroit, deux mendiants à chasuble verte d’Oxfam. Avec force gesticulations et simagrées, ils s’efforcent d’arrêter qui passe pour le taxer au nom de l’humanitaire. Quand je ressors, ils ne sont plus là. Dommage, je leur aurais demandé s’ils recherchaient de l’argent pour payer le confortable salaire de Cécile Duflot ou pour permettre à des membres de leur association de se payer des prostituées mineures (comme ce fut le cas à Haïti en deux mille onze, affaire connue seulement en deux mille dix-huit).
Aucun problème pour la dépose de mon sac à dos au Book-Off de Saint-Martin, bien que derrière le comptoir il y ait moins de place qu’à Ledru-Rollin. Descendu au sous-sol, je trouve parmi les livres à un euro le Dictionnaire George Sand de Claire et Laurent Greilsamer (Perrin), Les petites filles de Courbelles de Jacques Brenner (Cahiers Rouges / Grasset) et Les bonbons pleurent de Sandra Lillo (Le Castor Astral), ce dernier retenu parce qu’il est préfacé par Valérie Rouzeau.
Pas davantage de difficulté pour laisser mon sac derrière le comptoir du Book-Off de Quatre Septembre, le Déplaisant n’y est pas. Je complète ma moisson de livres à un euro avec Les Joues en feu, les poèmes de Raymond Radiguet (Cahiers Rouges / Grasset) et les trois volumes de Mémoires de Saint-Simon publiés par Folio classique.
Depuis quelques semaines le train de retour à Rouen file à la même vitesse que celui de l’aller. J’ai quand même le temps de terminer la lecture du décevant Paris villages de Gil Jouanard. Que de fautes ou d’erreurs dans son texte, que les Editions du Laquet n’auraient pas dû laisser passer : mauvais emploi du mot éponyme, majuscule à espagnol employé comme adjectif, « qui est sensée » au lieu de qui est censée, « anarchiste libertaire », « à Le Cheylard », « passage Bardy », etc.
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Chaque année, Oxfam se fait remarquer en compilant les données disponibles sur les inégalités pour en conclure qu’il y a de plus en plus de pauvres et que les riches sont de plus en plus riches. Ce que tout le monde sait. De l’argent gaspillé.
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Gil Jouanard est mort le vingt-cinq mars deux mille vingt et un, il ne pourra donc pas profiter de mes observations.
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Les Editions du Laquet sont également défuntes, qui étaient sises à Martel dans le Lot, une commune où doit encore résider l’une avec qui j’ai souvent fait l’amour au téléphone au temps des messageries roses du Minitel.
2 mars 2023
Premier mars, le jour commence à se lever comme le train de sept heures vingt-quatre pour Paris entre en gare. Désormais, quand je lève les yeux de mon livre, je peux voir le paysage. Mon passage préféré reste l’autoroute parallèle à la voie juste après les deux grandes cheminées de la Centrale de Porcheville. Pour lecture j’ai Paris villages de Gil Jouanard où l’on trouve ceci : ce quartier reste plus que jamais le mythique faubourg populaire, ponctué ici et là de bistrots-restaurants, et animé de l’intérieur par cette incomparable marché de la place d’Alligre. On voit par cet extrait que c’est mal écrit. Par ailleurs, cet Alligre fautif montre que les Editions du Laquet n’ont pas fait leur boulot.
A Saint-Lazare, je monte dans un bus Vingt-Neuf qui ne part que dix minutes plus tard. Il y fait froid, à peine moins que dehors où dorment sur des matelas crasseux des sans-abris. L’un d’eux, déjà levé, sans pantalon, enroulé dans une couverture, mendie.
Le froid se fait vraiment sentir place d’Aligre. Je n’en fais pas moins le tour des étalages des deux vendeurs de livres et chez le second ait le plaisir d’acquérir pour deux euros Cave de Thomas Clerc (L’Arbalète), un prolongement de son Intérieur que j’ai beaucoup aimé.
Après un café qui ne réussit pas à me réchauffer au Camélia, j’entre au Book-Off de Ledru-Rollin et veux comme à l’accoutumée déposer mon sac derrière le comptoir. Celui à qui je m’adresse refuse, au prétexte d’un manque de place.
-Il n’y a qu’avec vous que je ne peux pas poser mon sac, lui dis-je.
-C’est la première fois que je vous dis ça, me répond-il
-Ici oui, mais vous m’avez déjà fait le coup à Quatre Septembre. Qui est le responsable de cette boutique ?
-C’est moi. Et de l’autre aussi.
-Ah ! Pas de chance. Et pour se plaindre plus haut, on fait comment ?
-Internet.
-Parfait.
Cet individu se prénomme Greg, mais depuis son premier refus je le nomme in petto le Déplaisant. Maintenant qu’il gère cette boutique, le nombre de livres mal rangés a augmenté. Ce n’est pas pour me déplaire. J’y trouve ainsi des livres qui auraient déjà été achetés s’ils avaient été mis à leur place. Parmi mon butin du jour dans les livres à un euro : Le Secret de Joe Gould de Joseph Mitchell (Calmann-Lévy), Il faut savoir me remettre à ma place d’Yves Martin (Le Cherche Midi) et Sous le viaduc de Leïla Sebbar (Bleu autour) avec un envoi de celle-ci « Pour Philippe, ce peuple de la rue, jusqu’au bout de l’exil, Amitiés ».
Sorti de là avec un sac plus lourd qu’à l’arrivée, je rejoins Châtelet en métro. Ma voisine est au téléphone. Elle ne parle pas fort pour que sa fille de sept ou huit ans, assise en face, n’entende pas : « En plus, t’imagines, elle tombe enceinte sur un malentendu et c’est des jumeaux ou des jumelles. »
A Saint-Lazare, je monte dans un bus Vingt-Neuf qui ne part que dix minutes plus tard. Il y fait froid, à peine moins que dehors où dorment sur des matelas crasseux des sans-abris. L’un d’eux, déjà levé, sans pantalon, enroulé dans une couverture, mendie.
Le froid se fait vraiment sentir place d’Aligre. Je n’en fais pas moins le tour des étalages des deux vendeurs de livres et chez le second ait le plaisir d’acquérir pour deux euros Cave de Thomas Clerc (L’Arbalète), un prolongement de son Intérieur que j’ai beaucoup aimé.
Après un café qui ne réussit pas à me réchauffer au Camélia, j’entre au Book-Off de Ledru-Rollin et veux comme à l’accoutumée déposer mon sac derrière le comptoir. Celui à qui je m’adresse refuse, au prétexte d’un manque de place.
-Il n’y a qu’avec vous que je ne peux pas poser mon sac, lui dis-je.
-C’est la première fois que je vous dis ça, me répond-il
-Ici oui, mais vous m’avez déjà fait le coup à Quatre Septembre. Qui est le responsable de cette boutique ?
-C’est moi. Et de l’autre aussi.
-Ah ! Pas de chance. Et pour se plaindre plus haut, on fait comment ?
-Internet.
-Parfait.
Cet individu se prénomme Greg, mais depuis son premier refus je le nomme in petto le Déplaisant. Maintenant qu’il gère cette boutique, le nombre de livres mal rangés a augmenté. Ce n’est pas pour me déplaire. J’y trouve ainsi des livres qui auraient déjà été achetés s’ils avaient été mis à leur place. Parmi mon butin du jour dans les livres à un euro : Le Secret de Joe Gould de Joseph Mitchell (Calmann-Lévy), Il faut savoir me remettre à ma place d’Yves Martin (Le Cherche Midi) et Sous le viaduc de Leïla Sebbar (Bleu autour) avec un envoi de celle-ci « Pour Philippe, ce peuple de la rue, jusqu’au bout de l’exil, Amitiés ».
Sorti de là avec un sac plus lourd qu’à l’arrivée, je rejoins Châtelet en métro. Ma voisine est au téléphone. Elle ne parle pas fort pour que sa fille de sept ou huit ans, assise en face, n’entende pas : « En plus, t’imagines, elle tombe enceinte sur un malentendu et c’est des jumeaux ou des jumelles. »
28 février 2023
Il y a quelques jours la Bibliothèque Nationale de France évoque sur Effe Bé Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, roman épistolaire publié en mil huit trente-cinq, l’histoire d’une jeune femme du dix-septième siècle qui, avant de céder aux avances des hommes, décide de se travestir afin de percer leurs secrets :
« La préface de Mademoiselle de Maupin a parfois pu éclipser le roman lui-même, faisant même l’objet d’édition indépendante ! Dans ce texte flamboyant, Gautier répond à des accusations d’immoralité portées à son encontre après son éloge de Villon, et défend le principe de « l’art pour l’art » : la littérature n’est pas au service de la société ou de la morale, elle n’est pas liée à la notion du progrès et de l’utilité, mais à celle de plaisir et de beau. »
Comme cela résonne avec l’époque actuelle, me dis-je.
Coïncidence, ce dimanche, dans l’une des caisses de livres de la brocanteuse du Clos Saint-Marc que celle qui me tenait la main et moi-même appelions Le Grand Rire, je vois un Mademoiselle de Maupin en poche Garnier Flammarion.
Pour un euro, il devient mien et ce lundi j’en lis la préface au Socrate, d’où je tire ceci :
Une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le bonheur de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores.
Cette grande affectation de morale qui règne maintenant serait fort risible, si elle n’était fort ennuyeuse. — Chaque feuilleton devient une chaire ; chaque journaliste, un prédicateur…
On aurait dit que les journalistes étaient devenus quakers, brahmes, ou pythagoriciens, ou taureaux, tant il leur avait pris une subite horreur du rouge et du sang. — Jamais on ne les avait vus si fondants, si émollients ; — c’était de la crème et du petit lait. — Ils n’admettaient que deux couleurs, le bleu de ciel ou le vert-pomme.
Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit, le contraire. — C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, il n’est pas pour cela un brigand. À ce compte, il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche…
Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines.
*
Aujourd’hui Le Grand Rire ne rit plus. Elle riait quand elle travaillait avec sa fille, laquelle l’a quittée quand elle s’est fait engrosser par le premier venu. Je me souviens de la mère s’adressant à sa fille d’un « Passe-moi la caisse d’amour, mon cœur »
Dans la caisse d’amour, ce qu’on appelle aujourd’hui la romance.
*
Petite annonce de réseau social : « Bonjour, mardi soir c'est l'anniversaire du chien d'une amie mais avec mes horaires de travail je n'aurai pas le temps d'aller lui trouver un cadeau je m'y prends à la dernière minute. Du coup est-ce que vous pourriez me proposer des choses que vous avez à vendre pour chien. »
*
-On va au cinéma ce soir ?
-Non, j’peux pas, j’ai l’anniversaire du chien d’Ingrid.
« La préface de Mademoiselle de Maupin a parfois pu éclipser le roman lui-même, faisant même l’objet d’édition indépendante ! Dans ce texte flamboyant, Gautier répond à des accusations d’immoralité portées à son encontre après son éloge de Villon, et défend le principe de « l’art pour l’art » : la littérature n’est pas au service de la société ou de la morale, elle n’est pas liée à la notion du progrès et de l’utilité, mais à celle de plaisir et de beau. »
Comme cela résonne avec l’époque actuelle, me dis-je.
Coïncidence, ce dimanche, dans l’une des caisses de livres de la brocanteuse du Clos Saint-Marc que celle qui me tenait la main et moi-même appelions Le Grand Rire, je vois un Mademoiselle de Maupin en poche Garnier Flammarion.
Pour un euro, il devient mien et ce lundi j’en lis la préface au Socrate, d’où je tire ceci :
Une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le bonheur de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores.
Cette grande affectation de morale qui règne maintenant serait fort risible, si elle n’était fort ennuyeuse. — Chaque feuilleton devient une chaire ; chaque journaliste, un prédicateur…
On aurait dit que les journalistes étaient devenus quakers, brahmes, ou pythagoriciens, ou taureaux, tant il leur avait pris une subite horreur du rouge et du sang. — Jamais on ne les avait vus si fondants, si émollients ; — c’était de la crème et du petit lait. — Ils n’admettaient que deux couleurs, le bleu de ciel ou le vert-pomme.
Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit, le contraire. — C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, il n’est pas pour cela un brigand. À ce compte, il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche…
Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines.
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Aujourd’hui Le Grand Rire ne rit plus. Elle riait quand elle travaillait avec sa fille, laquelle l’a quittée quand elle s’est fait engrosser par le premier venu. Je me souviens de la mère s’adressant à sa fille d’un « Passe-moi la caisse d’amour, mon cœur »
Dans la caisse d’amour, ce qu’on appelle aujourd’hui la romance.
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Petite annonce de réseau social : « Bonjour, mardi soir c'est l'anniversaire du chien d'une amie mais avec mes horaires de travail je n'aurai pas le temps d'aller lui trouver un cadeau je m'y prends à la dernière minute. Du coup est-ce que vous pourriez me proposer des choses que vous avez à vendre pour chien. »
*
-On va au cinéma ce soir ?
-Non, j’peux pas, j’ai l’anniversaire du chien d’Ingrid.
27 février 2023
Il arrive parfois que tombent quelques gouttes mais, globalement, il ne pleut pas depuis plus d’un mois. A la sécheresse d’été, voilà que s’ajoute la sécheresse d’hiver. On est mal (comme on dit). C’est ce que je me dis régulièrement. Et pas seulement pour ça. La planète se réchauffe à tout va. Les gouvernants laissent filer. Tout en disant qu’ils font quelque chose. Comme Macron au Salon de l’Agriculture, interpellé par un activiste de Dernière Rénovation. Un de ces jeunes qui pensent qu’en rénovant les bâtiments on va empêcher la catastrophe. C’est leur fixette. Devraient aussi demander des comptes à leurs parents qui ont choisi de les faire naître malgré ce qu’ils savaient. Nul ne peut vivre par cinquante degrés à l’ombre, la température qu’affichera le thermomètre dans trente ans. Les premières victimes seront les vieilles et les vieux d’alors. Celles et ceux qui actuellement se demandent à quel âge sera leur retraite. Ils ne se projettent pas dans l’avenir tel qu’il sera. C’est une faiblesse du genre humain. Elle explique pourquoi il y a tant de monde résidant dans les zones sismiques. En plus, il y a la Guerre de Poutine depuis un an. Zelensky se dit certain de l’emporter. Je n’en suis pas si sûr. Et derrière cette ordure de Poutine se profilent d’autres cinglés. Xi Jinping, capable d’attaquer Taïwan, et Kim Jong-un, capable de s’en prendre à la Corée du Sud. On est mal.
*
Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un, les trois étrons du communisme.
*
Le comble de la coïncidence : mourir la nuit où France Culture rediffuse des émissions sur vous et avec vous. C’est ce qui est arrivé à François Hadji-Lazaro, le chanteur de Pigalle et des Garçons Bouchers, mort peu avant minuit ce samedi, durant la nuit Salut à toi, rock alternatif !
Le bar tabac de la rue des Martyrs est en deuil de cet auteur interprète de chanson parisienne, par ailleurs ancien instituteur.
*
Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un, les trois étrons du communisme.
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Le comble de la coïncidence : mourir la nuit où France Culture rediffuse des émissions sur vous et avec vous. C’est ce qui est arrivé à François Hadji-Lazaro, le chanteur de Pigalle et des Garçons Bouchers, mort peu avant minuit ce samedi, durant la nuit Salut à toi, rock alternatif !
Le bar tabac de la rue des Martyrs est en deuil de cet auteur interprète de chanson parisienne, par ailleurs ancien instituteur.
24 février 2023
Par le métro, je rejoins le quartier des Halles où j’ai rendez-vous à midi avec mon acheteur parisien, place Sainte-Opportune. Il est onze heures et demie, je vais fureter chez Boulinier, redoutant d’y trouver des livres dont je ne pourrai me retenir de faire l’acquisition. Ça ne loupe pas. Je mets la main sur un exemplaire masculin et sur un exemplaire féminin (un euro chaque) du Dictionnaire khazar, le roman lexique de Milorad Pavić publié chez Belfond.
Heureusement, je peux sortir de mon sac Erotica Universalis de Gilles Néret (Taschen), sept cent cinquante pages d'illustrations pornographiques de tous les temps et de tous les pays, un pavé que j’avais en double. Je suis à midi moins dix au lieu du rendez-vous, guettant un manteau jaune moutarde, mais c’est lui qui trouve mon sac à dos bleu. Je lui remets le livre contre un billet de cinq euros.
Chez Vigouroux est à côté. J’y déjeune, le principal serveur et la grande serveuse blonde s’occupant de moi, pour entrée une soupe aux carottes, pour plat un foie de veau sauce échalote frites maison. Ce dernier est énorme et rosé comme je l’aime. Quand je sors de là, le premier propos de rue que j’entends est : « C’est aujourd’hui le début du carême ».
Au Book-Off de Saint-Martin, il me faut encore réprimer mes envies de livres à un euro. Je me contente d’Ecrits autobiographiques de Mikhaïl Boulgakov (Babel) et de Journal de la jeune Lydia della Faille de Leverghem (1913 - 1914), illustré par elle-même et préfacé, commenté, annoté par sa fille Huguette de Broqueville (Michel de Maule). Mon exemplaire bénéficiant d’un envoi de cette dernière, d’une écriture tremblée, à l’un que j’écoute tous les dimanches sur France Culture : « A Tewfik Hakem. Journal de la jeune Lydia, regard d’une adolescente sur une époque radieuse que la guerre détruira. En hommage. ».
Il n’est que quatorze heures lorsque je rejoins le café Ville d’Argentan. Au fond de la salle, l’écran de la télé de Bolloré affiche « L’enseignante poignardée est décédée ». Celle qui autrefois me tenait la main étant en vacances, je n’ai pas, par bonheur, à redouter que ce puisse être elle.
Mon café bu, je poursuis la lecture de Stockholm 73. J’ai près de mois un trio d’artistes, dont une chanteuse qui doit être connue, pas de moi. On lui a proposé de chanter place de la Concorde le soir de la victoire de Sarkozy mais elle a refusé. Les deux autres sont des musiciens. Il est question du Cap-Vert, d’Oxmo, de Doc Gynéco qui a fait un pacte avec le diable, de celui qui est marié avec Mathilda May, de Fiona Gélin qui est complètement détruite, de celui qui a écrit la musique de Petit Pays et touché le pactole, etc.
*
Ouiquipédia : « Roman-lexique en 100 000 mots », glossaire, encyclopédie, dictionnaire maudit, recueil de légendes, de biographies, ouvert à d'infinies combinaisons et interprétations, Le Dictionnaire khazar se présente sous une forme totalement originale, puisque de n'importe quel endroit d'où le lecteur commence, il peut comprendre le récit - ou du moins une signification possible du récit. Une autre subtilité du Dictionnaire khazar est qu'il existe trois versions de ce livre : une version féminine, une version masculine et une version « androgyne ». (Il y a une seule et unique différence entre les exemplaires masculin et féminin)
*
Une jeune femme pénétrant pour la première fois de sa vie chez Book-Off : « Ah, c’est pas cher ici ! ».
*
Pas d’appel de la secrétaire de mon médecin traitant ce jeudi. Mes dépassements de norme ne semblent pas nécessiter un rendez-vous d’urgence.
Heureusement, je peux sortir de mon sac Erotica Universalis de Gilles Néret (Taschen), sept cent cinquante pages d'illustrations pornographiques de tous les temps et de tous les pays, un pavé que j’avais en double. Je suis à midi moins dix au lieu du rendez-vous, guettant un manteau jaune moutarde, mais c’est lui qui trouve mon sac à dos bleu. Je lui remets le livre contre un billet de cinq euros.
Chez Vigouroux est à côté. J’y déjeune, le principal serveur et la grande serveuse blonde s’occupant de moi, pour entrée une soupe aux carottes, pour plat un foie de veau sauce échalote frites maison. Ce dernier est énorme et rosé comme je l’aime. Quand je sors de là, le premier propos de rue que j’entends est : « C’est aujourd’hui le début du carême ».
Au Book-Off de Saint-Martin, il me faut encore réprimer mes envies de livres à un euro. Je me contente d’Ecrits autobiographiques de Mikhaïl Boulgakov (Babel) et de Journal de la jeune Lydia della Faille de Leverghem (1913 - 1914), illustré par elle-même et préfacé, commenté, annoté par sa fille Huguette de Broqueville (Michel de Maule). Mon exemplaire bénéficiant d’un envoi de cette dernière, d’une écriture tremblée, à l’un que j’écoute tous les dimanches sur France Culture : « A Tewfik Hakem. Journal de la jeune Lydia, regard d’une adolescente sur une époque radieuse que la guerre détruira. En hommage. ».
Il n’est que quatorze heures lorsque je rejoins le café Ville d’Argentan. Au fond de la salle, l’écran de la télé de Bolloré affiche « L’enseignante poignardée est décédée ». Celle qui autrefois me tenait la main étant en vacances, je n’ai pas, par bonheur, à redouter que ce puisse être elle.
Mon café bu, je poursuis la lecture de Stockholm 73. J’ai près de mois un trio d’artistes, dont une chanteuse qui doit être connue, pas de moi. On lui a proposé de chanter place de la Concorde le soir de la victoire de Sarkozy mais elle a refusé. Les deux autres sont des musiciens. Il est question du Cap-Vert, d’Oxmo, de Doc Gynéco qui a fait un pacte avec le diable, de celui qui est marié avec Mathilda May, de Fiona Gélin qui est complètement détruite, de celui qui a écrit la musique de Petit Pays et touché le pactole, etc.
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Ouiquipédia : « Roman-lexique en 100 000 mots », glossaire, encyclopédie, dictionnaire maudit, recueil de légendes, de biographies, ouvert à d'infinies combinaisons et interprétations, Le Dictionnaire khazar se présente sous une forme totalement originale, puisque de n'importe quel endroit d'où le lecteur commence, il peut comprendre le récit - ou du moins une signification possible du récit. Une autre subtilité du Dictionnaire khazar est qu'il existe trois versions de ce livre : une version féminine, une version masculine et une version « androgyne ». (Il y a une seule et unique différence entre les exemplaires masculin et féminin)
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Une jeune femme pénétrant pour la première fois de sa vie chez Book-Off : « Ah, c’est pas cher ici ! ».
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Pas d’appel de la secrétaire de mon médecin traitant ce jeudi. Mes dépassements de norme ne semblent pas nécessiter un rendez-vous d’urgence.
23 février 2023
Mon sac est déjà lourd quand je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi, car s’y cache un livre épais vendu à un Parisien. Ce n’est pas le genre d’ouvrage que l’on peut feuilleter dans le train. Pour lecture j’ai un petit et mince Allia, Stockholm 73 de Daniel Lang. Le journaliste américain, qui s’est rendu sur place, raconte l’attaque de banque dans laquelle les otages ont pris le parti des braqueurs contre la Police (le fameux Syndrome de Stockholm).
Le ciel est gris mais il ne pleut pas dans la capitale, aussi c’est avec le bus Vingt-Neuf que je me rapproche du Marché d’Aligre.
J’y trouve le déballage du principal vendeur de livres tenu par un autre et très entouré. Il n’y a là que des nouveautés, toutes à deux euros. Un homme que je suppose bouquiniste en a déjà fait des piles pour lui. D’autres sont, comme moi, des amateurs avertis et il règne entre nous une bonne ambiance (rien à voir avec le Marché du Clos Saint-Marc à Rouen, un repaire de rats prêts à se mordre pour le moindre livre).
Je trouve pour me plaire une série d’ouvrages de Marc Le Bot publiés chez Pol, Brandes, Fata Morgana et Collodion (certains sont en plusieurs exemplaires, comme s’ils lui avaient appartenu), l’énorme Lettres à Zina de Boris Pasternak (Stock) et l’épais Dossier de l’« affaire » j’irai cracher sur vos tombes établi par Noël Arnaud (Christian Bourgois). J’ai une pensée pour ce dernier qui aimait mes textes publiés par Sarane Alexandrian dans sa revue Supérieur Inconnu et qui jusqu’à sa mort me fit le service des numéros de sa publication Dragée Haute.
Mon dos est soumis à rude effort quand je rejoins le bar tabac Le Camélia pour y boire un café au comptoir. Cela fait, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin avec un impératif : acheter très peu de livres à un euro, et des légers. Pour ce faire, j’en laisse que je ne retrouverai sans doute pas la semaine prochaine, me contentant de Toxique de Françoise Sagan illustré par Bernard Buffet (Stock), le journal de la cure de désintoxication rendue nécessaire par son intoxication médicale au palfium suite à son accident de voiture, et Les Privilèges de Stendhal, un hors-commerce d’Arléa poche.
En sortant, je fais sonner l’alarme antivol. Un livre du Marché d’Aligre doit en être la cause. « C’est bon, allez-y », me dit l’employée la plus proche qui ne doute pas de mon honnêteté.
*
Le 23 août 1973, peu après l’ouverture des bureaux, un détenu suédois fraîchement évadé pénétrait dans la principale succursale de l’une des premières banques de Suède, la Sveriges Kreditbank, avec l’intention d’y commettre le forfait le plus ambitieux d’une longue carrière criminelle. Il arrivait bien outillé. Ainsi débute Stockholm 73. Ça donne envie de lire la suite.
Le ciel est gris mais il ne pleut pas dans la capitale, aussi c’est avec le bus Vingt-Neuf que je me rapproche du Marché d’Aligre.
J’y trouve le déballage du principal vendeur de livres tenu par un autre et très entouré. Il n’y a là que des nouveautés, toutes à deux euros. Un homme que je suppose bouquiniste en a déjà fait des piles pour lui. D’autres sont, comme moi, des amateurs avertis et il règne entre nous une bonne ambiance (rien à voir avec le Marché du Clos Saint-Marc à Rouen, un repaire de rats prêts à se mordre pour le moindre livre).
Je trouve pour me plaire une série d’ouvrages de Marc Le Bot publiés chez Pol, Brandes, Fata Morgana et Collodion (certains sont en plusieurs exemplaires, comme s’ils lui avaient appartenu), l’énorme Lettres à Zina de Boris Pasternak (Stock) et l’épais Dossier de l’« affaire » j’irai cracher sur vos tombes établi par Noël Arnaud (Christian Bourgois). J’ai une pensée pour ce dernier qui aimait mes textes publiés par Sarane Alexandrian dans sa revue Supérieur Inconnu et qui jusqu’à sa mort me fit le service des numéros de sa publication Dragée Haute.
Mon dos est soumis à rude effort quand je rejoins le bar tabac Le Camélia pour y boire un café au comptoir. Cela fait, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin avec un impératif : acheter très peu de livres à un euro, et des légers. Pour ce faire, j’en laisse que je ne retrouverai sans doute pas la semaine prochaine, me contentant de Toxique de Françoise Sagan illustré par Bernard Buffet (Stock), le journal de la cure de désintoxication rendue nécessaire par son intoxication médicale au palfium suite à son accident de voiture, et Les Privilèges de Stendhal, un hors-commerce d’Arléa poche.
En sortant, je fais sonner l’alarme antivol. Un livre du Marché d’Aligre doit en être la cause. « C’est bon, allez-y », me dit l’employée la plus proche qui ne doute pas de mon honnêteté.
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Le 23 août 1973, peu après l’ouverture des bureaux, un détenu suédois fraîchement évadé pénétrait dans la principale succursale de l’une des premières banques de Suède, la Sveriges Kreditbank, avec l’intention d’y commettre le forfait le plus ambitieux d’une longue carrière criminelle. Il arrivait bien outillé. Ainsi débute Stockholm 73. Ça donne envie de lire la suite.
21 février 2023
Je commence cette semaine au laboratoire d’analyse médicale de la place Saint-Marc. Il s’agit de subir une nouvelle prise de sang afin de vérifier mon taux de glycémie, la précédente ayant abouti à un résultat fleuretant avec le diabète. Quand le rideau de la porte d’entrée se lève à sept heures et demie, je suis le seul à entrer. Mon ordonnance enregistrée, une infirmière appelle mon nom dès que je pénètre dans la salle d’attente.
« J’ai les mains froides », s’excuse-t-elle en tapotant le creux de mon bras gauche à la recherche d’une veine comme toujours peu visible. Elle finit par la trouver. « J’y vais », me dit-elle et elle pique sans que je sente quoi que soit. Je regarde ailleurs jusqu’à ce que ce soit fini, la remercie et nous nous disons au revoir.
A dix-sept heures, je suis de retour pour les résultats. Je ne les consulte que rentré. Ils ne sont pas bons, que ce soit la glycémie ou le cholestérol, les deux au-dessus de la norme, pas énormément cependant.
Mon médecin traitant m’a dit qu’il m’appellerait si, au vu des résultats, il juge bon qu’on se voie. Ce mardi matin toute sonnerie de mon téléphone fixe me fera l’effet d’une sirène d’alerte.
Neuf heures et demie, ça sonne, une démarcheuse, ouf.
Je sors peu après pour rejoindre l’ami Georges-André en son hôtel afin de lui prêter La dame à la camionnette d’Alan Benett qu’il a l’envie de lire. Il m’offre un café et nous devisons plus longuement que je ne pensais le faire. Au point qu’il est presque midi quand je rentre chez moi.
Comme j’en repars un peu avant quatorze heures pour mon café lecture au Socrate, je ne laisse aucune chance à la secrétaire du cabinet médical de me joindre. M’appellera-t-elle demain ? Je ne serai pas là.
« J’ai les mains froides », s’excuse-t-elle en tapotant le creux de mon bras gauche à la recherche d’une veine comme toujours peu visible. Elle finit par la trouver. « J’y vais », me dit-elle et elle pique sans que je sente quoi que soit. Je regarde ailleurs jusqu’à ce que ce soit fini, la remercie et nous nous disons au revoir.
A dix-sept heures, je suis de retour pour les résultats. Je ne les consulte que rentré. Ils ne sont pas bons, que ce soit la glycémie ou le cholestérol, les deux au-dessus de la norme, pas énormément cependant.
Mon médecin traitant m’a dit qu’il m’appellerait si, au vu des résultats, il juge bon qu’on se voie. Ce mardi matin toute sonnerie de mon téléphone fixe me fera l’effet d’une sirène d’alerte.
Neuf heures et demie, ça sonne, une démarcheuse, ouf.
Je sors peu après pour rejoindre l’ami Georges-André en son hôtel afin de lui prêter La dame à la camionnette d’Alan Benett qu’il a l’envie de lire. Il m’offre un café et nous devisons plus longuement que je ne pensais le faire. Au point qu’il est presque midi quand je rentre chez moi.
Comme j’en repars un peu avant quatorze heures pour mon café lecture au Socrate, je ne laisse aucune chance à la secrétaire du cabinet médical de me joindre. M’appellera-t-elle demain ? Je ne serai pas là.
20 février 2023
C’est au Socrate que j’ai lu Correspondance de Brice Parain et Georges Perros, l’échange durant onze ans de lettres d’un philosophe aujourd’hui quasiment oublié et d’un écrivain qui m’est cher, deux êtres ayant peu en commun, mais s’entendant suffisamment bien pour se rendre visite (Parain logeant au Ty Mad de Tréboul lors de ses escapades bretonnes).
De cette lecture je n’ai retenu que des propos de Perros :
Je reviens de l’enterrement de ce brave homme que vous avez un peu connu, je crois, cet horloger, qui faisait de la peinture, avec un visage à la Rodin. J’allais boire un coup avec lui chaque semaine. La dernière, il m’a dit qu’il avait envie de tout foutre en l’air. C’est fait. Le drame de sa vie, c’était de ne pas avoir d’enfants. Moi ce serait plutôt le contraire ! (Perros à Parain, le vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante-trois)
Il m’arrive souvent de détester les hommes, ou plutôt de me détester d’en être un. On passe sa vie à se vouloir autre chose que quelqu'un. Mais nous sommes renvoyés dos à dos. (même lettre)
Il fait un temps de cochon. Un ami s’est noyé vendredi, en pêchant à la ligne. Pas retrouvé. (Perros à Parain, début mil neuf cent soixante-quatre)
Quand je vois les gens étalés sur la plage, je me demande ce qui leur prend. (Perros à Parain, octobre mil neuf cent soixante-sept)
*
Brice Parain est visible dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard où dans un café parisien il fait la leçon à Nana (Anna Karina) et dans Entretien sur Pascal d’Éric Rohmer où il dialogue avec le dominicain Dominique Dubarle.
*
Publié par Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, Correspondance de Brice Parain et Georges Perros est noté indisponible partout, sauf chez RecycLivre (officine qui reçoit gratuitement des livres qu’elle revend à des prix parfois élevés). Ce qui explique que mon exemplaire, acheté au Marché d’Aligre, soit une copie à l’identique (sauf la couverture vraiment blanche) effectuée par la défunte entreprise La Page et la Plume, rue du Bouloi à Paris, qui œuvrait officiellement dans l’édition de revues et périodiques.
*
« Eh oui, voilà février qui s’avance tout doucement, on va arriver au printemps. », entends-je d’un consommateur du Socrate alors que je termine ma lecture. L’arbre d’en face de chez moi pense pareil. Il vient de fleurir.
De cette lecture je n’ai retenu que des propos de Perros :
Je reviens de l’enterrement de ce brave homme que vous avez un peu connu, je crois, cet horloger, qui faisait de la peinture, avec un visage à la Rodin. J’allais boire un coup avec lui chaque semaine. La dernière, il m’a dit qu’il avait envie de tout foutre en l’air. C’est fait. Le drame de sa vie, c’était de ne pas avoir d’enfants. Moi ce serait plutôt le contraire ! (Perros à Parain, le vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante-trois)
Il m’arrive souvent de détester les hommes, ou plutôt de me détester d’en être un. On passe sa vie à se vouloir autre chose que quelqu'un. Mais nous sommes renvoyés dos à dos. (même lettre)
Il fait un temps de cochon. Un ami s’est noyé vendredi, en pêchant à la ligne. Pas retrouvé. (Perros à Parain, début mil neuf cent soixante-quatre)
Quand je vois les gens étalés sur la plage, je me demande ce qui leur prend. (Perros à Parain, octobre mil neuf cent soixante-sept)
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Brice Parain est visible dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard où dans un café parisien il fait la leçon à Nana (Anna Karina) et dans Entretien sur Pascal d’Éric Rohmer où il dialogue avec le dominicain Dominique Dubarle.
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Publié par Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, Correspondance de Brice Parain et Georges Perros est noté indisponible partout, sauf chez RecycLivre (officine qui reçoit gratuitement des livres qu’elle revend à des prix parfois élevés). Ce qui explique que mon exemplaire, acheté au Marché d’Aligre, soit une copie à l’identique (sauf la couverture vraiment blanche) effectuée par la défunte entreprise La Page et la Plume, rue du Bouloi à Paris, qui œuvrait officiellement dans l’édition de revues et périodiques.
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« Eh oui, voilà février qui s’avance tout doucement, on va arriver au printemps. », entends-je d’un consommateur du Socrate alors que je termine ma lecture. L’arbre d’en face de chez moi pense pareil. Il vient de fleurir.
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