Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 décembre 2016
Sorti de chez New New, ce mercredi vers treize heures, j’entre au Centre Pompidou et descends au niveau Moins Un où se tient en accès gratuit une exposition consacrée aux photos de graffiti prises par Brassaï à partir des années trente, la plupart de ceux-ci ayant été faits par grattage de la pierre tendre. Ce n’est pas ce que je préfère de Brassai mais l’ensemble ne manque pas d’intérêt.
Je monte ensuite par la chenille au niveau Six où c’est le premier jour de l’exposition Cy Twombly. Aucune difficulté pour avoir un regard individuel sur les œuvres, lesquelles sont toutes de grandes dimensions, car les visiteurs sont peu nombreux. La plupart parlent anglais ou japonais, je ne peux savoir ce qu’ils en pensent.
En ce qui me concerne, confirmant l’impression que j’ai eue aux Etats-Unis, les gribouillis de Cy Twombly m’ennuient. Je passe plus de temps à observer les toits de Paris et ses monuments lointains dans la lumière blanche sur fond de ciel bleu que les toiles de l’artiste américain. Néanmoins, les dernières me plaisent un peu, plus colorées et rappelant vaguement le Monet des Nymphéas.
La ligne Quatorze du métro étant en panne depuis le matin suite à un gros problème électrique, c’est avec le Sept que j’atteins le quartier de l’Opéra Garnier. Après avoir cherché sans grand succès de quoi me plaire chez Book-Off, je passe par Chez Léon où un trio discute d’un ancien collègue de travail :
-Je pense qu’humainement, c’était un gros con, un vrai salaud.
A la gare Saint-Lazare, c’est encore soir de pagaille, trains supprimés et trains non encore à quai. Celui de dix-huit heures trente est là et part au moment indiqué mais très vite (si je puis dire) il perd vingt minutes sur son horaire officiel « suite à différents retards affectant les trains précédents ».
*
A partir du premier décembre, tous les trains en retard de plus de trente minutes, qu’elle en soit responsable ou non, donneront droit à un dédommagement partiel de la Senecefe sous forme de bon d’achat. Quand on regarde ça de près, on apprend que les trains sous l’autorité de la Région ne sont pas concernés et en Normandie, ils le seront bientôt tous, selon le vœu de Monsieur le Duc, Hervé Morin. Centriste de Droite.
*
Les suicides (immobilisation du train entre deux et trois heures) vont coûter cher à la Senecefe (remboursement de la moitié du prix du billet). Je vois venir le jour où elle voudra rentrer dans ses frais en préemptant l’héritage du défunt (s’il y en a un).
*
Mécontents, les agents Senecefe de la gare Saint-Lazare, raconte Le Parisien, suite à la découverte d’un ficher rédigé par un responsable lors d’une passation de pouvoir avec son successeur, dans lequel ils ont décrits par ces mots : «roi de l’embrouille», «stupide», «vient du fin fond de la campagne», «détesté par l’équipe». «cafte les autres », «un peu conne», «fêtard»,. «racaille bas de plafond». Plates excuses de la Direction ont été faites.
*
Quand même, ce serait bien de surveiller celui-ci : «prière au local... sans gêne pour les autres».
Je monte ensuite par la chenille au niveau Six où c’est le premier jour de l’exposition Cy Twombly. Aucune difficulté pour avoir un regard individuel sur les œuvres, lesquelles sont toutes de grandes dimensions, car les visiteurs sont peu nombreux. La plupart parlent anglais ou japonais, je ne peux savoir ce qu’ils en pensent.
En ce qui me concerne, confirmant l’impression que j’ai eue aux Etats-Unis, les gribouillis de Cy Twombly m’ennuient. Je passe plus de temps à observer les toits de Paris et ses monuments lointains dans la lumière blanche sur fond de ciel bleu que les toiles de l’artiste américain. Néanmoins, les dernières me plaisent un peu, plus colorées et rappelant vaguement le Monet des Nymphéas.
La ligne Quatorze du métro étant en panne depuis le matin suite à un gros problème électrique, c’est avec le Sept que j’atteins le quartier de l’Opéra Garnier. Après avoir cherché sans grand succès de quoi me plaire chez Book-Off, je passe par Chez Léon où un trio discute d’un ancien collègue de travail :
-Je pense qu’humainement, c’était un gros con, un vrai salaud.
A la gare Saint-Lazare, c’est encore soir de pagaille, trains supprimés et trains non encore à quai. Celui de dix-huit heures trente est là et part au moment indiqué mais très vite (si je puis dire) il perd vingt minutes sur son horaire officiel « suite à différents retards affectant les trains précédents ».
*
A partir du premier décembre, tous les trains en retard de plus de trente minutes, qu’elle en soit responsable ou non, donneront droit à un dédommagement partiel de la Senecefe sous forme de bon d’achat. Quand on regarde ça de près, on apprend que les trains sous l’autorité de la Région ne sont pas concernés et en Normandie, ils le seront bientôt tous, selon le vœu de Monsieur le Duc, Hervé Morin. Centriste de Droite.
*
Les suicides (immobilisation du train entre deux et trois heures) vont coûter cher à la Senecefe (remboursement de la moitié du prix du billet). Je vois venir le jour où elle voudra rentrer dans ses frais en préemptant l’héritage du défunt (s’il y en a un).
*
Mécontents, les agents Senecefe de la gare Saint-Lazare, raconte Le Parisien, suite à la découverte d’un ficher rédigé par un responsable lors d’une passation de pouvoir avec son successeur, dans lequel ils ont décrits par ces mots : «roi de l’embrouille», «stupide», «vient du fin fond de la campagne», «détesté par l’équipe». «cafte les autres », «un peu conne», «fêtard»,. «racaille bas de plafond». Plates excuses de la Direction ont été faites.
*
Quand même, ce serait bien de surveiller celui-ci : «prière au local... sans gêne pour les autres».
1er décembre 2016
Une lueur rouge au-dessus de Paris annonce une belle journée mais froide pour le dernier jour de ce mois de novembre que j’ai réussi à traverser sans trop d’idées noires. A l’arrivée à Saint-Lazare, le sept heures vingt-huit n’a que cinq minutes de retard, suite à un arrêt inattendu à Villennes-sur-Seine en raison d’une signalisation défectueuse.
Dans le bus Vingt, une jeune femme brune réussit à se mettre du rouge à lèvres tout en évitant que l’étui de son violoncelle chute à chaque freinage. Elle descend à l’Opéra Bastille et je fais de même. Au Café du Faubourg, mon voisin de comptoir lit Le Canard Enchaîné « Valls tragique à l’Elysée, au moins un mort ». Après un passage chez Book-Off, j’achète deux euros au marché d’Aligre un exemplaire de Proust et Céleste de Christian Péchenard (La Table Ronde) portant, collé en page de garde, l’avis de décès de son auteur, avocat à la cour, survenu le vingt-neuf août mil neuf cent quatre-vingt-seize à Montpellier à l’âge de soixante-six ans. Au stand voisin, les vêtements à vendre sont couverts de givre. Moins quatre cette nuit, dit-on ici et là.
Je brave la froidure à pied jusqu’à Beaubourg et entre à la Galerie Templon qui fête cette année ses cinquante ans. J’ai appris à cette occasion qu’avant d’ouvrir sa première galerie, rue Bonaparte, Daniel Templon fut instituteur à Nanterre. J’y visite l’exposition Pirate Heart de Francesco Clemente, une série de tableaux de petit format consacrée à l’amour, où dominent le rose et le bleu ciel. Certains sont agrémentés d’empreintes digitales façon école maternelle. Des peintures assez anodines, sauf une qui représente une bite dans laquelle est fiché un fanion triangulaire, ça saigne et ça fait mal.
La rue Beaubourg traversée, je déjeune chinois à volonté chez New New. Près de moi, un trentenaire mange machinalement, le visage collé sur Le Figaro dont chaque page est illustrée d’une tête de Fillon. J’ai l’impression que les photos de son champion le font bander. On pourrait lui planter un petit drapeau tricolore.
Dans le bus Vingt, une jeune femme brune réussit à se mettre du rouge à lèvres tout en évitant que l’étui de son violoncelle chute à chaque freinage. Elle descend à l’Opéra Bastille et je fais de même. Au Café du Faubourg, mon voisin de comptoir lit Le Canard Enchaîné « Valls tragique à l’Elysée, au moins un mort ». Après un passage chez Book-Off, j’achète deux euros au marché d’Aligre un exemplaire de Proust et Céleste de Christian Péchenard (La Table Ronde) portant, collé en page de garde, l’avis de décès de son auteur, avocat à la cour, survenu le vingt-neuf août mil neuf cent quatre-vingt-seize à Montpellier à l’âge de soixante-six ans. Au stand voisin, les vêtements à vendre sont couverts de givre. Moins quatre cette nuit, dit-on ici et là.
Je brave la froidure à pied jusqu’à Beaubourg et entre à la Galerie Templon qui fête cette année ses cinquante ans. J’ai appris à cette occasion qu’avant d’ouvrir sa première galerie, rue Bonaparte, Daniel Templon fut instituteur à Nanterre. J’y visite l’exposition Pirate Heart de Francesco Clemente, une série de tableaux de petit format consacrée à l’amour, où dominent le rose et le bleu ciel. Certains sont agrémentés d’empreintes digitales façon école maternelle. Des peintures assez anodines, sauf une qui représente une bite dans laquelle est fiché un fanion triangulaire, ça saigne et ça fait mal.
La rue Beaubourg traversée, je déjeune chinois à volonté chez New New. Près de moi, un trentenaire mange machinalement, le visage collé sur Le Figaro dont chaque page est illustrée d’une tête de Fillon. J’ai l’impression que les photos de son champion le font bander. On pourrait lui planter un petit drapeau tricolore.
30 novembre 2016
Rangement ces jours-ci de quelques-uns des livres lus en cet été deux mille seize. Il y a là matière à citations.
De Bill Bryson, Motel blues (Petite Bibliothèque Payot) :
Au milieu de la place il y a un jardin public avec de gros arbres, un kiosque à musique, un mât avec le drapeau américain et des bancs un peu partout. Une bande de vieux à casquette John Deere y parlent du temps où ils avaient autre chose à faire qu’à rester assis à parler du temps où ils avaient autre chose à faire.
De Thomas Mann, Traversée avec Don Quichotte (Complexe) :
La critique de la traduction comme genre littéraire que Cervantès met dans la bouche de Don Quichotte ne saurait être dépassée. Il a l’impression, dit-il, que quand on traduit d’une langue dans une autre, c’est comme si on regardait des tapisseries flamandes du mauvais côté.
Dans Alexandre Najar, Le procureur de l’Empire (Ernest Pinard, l’homme qui persécuta Baudelaire, Flaubert, Sue…) (Balland), deux extraits de lettres de Gustave à son frère Achille :
J’attends de minute en minute le papier timbré qui m’indiquera le jour où je dois aller m’asseoir (pour crime d’avoir écrit en français) sur le banc des filous et des pédérastes.
Tu verras, du reste, tous les débats, mot pour mot, parce que j’avais à moi (à raison de 60 francs de l’heure) un sténographe qui a tout pris.
De Samuel Brussel, Soliloques de l’exil (Grasset)
Ceci :
« Que faire ? » demanda un jeune Pétersbourgeois exalté.
« Voilà ce qu’il faut faire : quand c’est l’été, cueillir des framboises pour faire des confitures ; quand c’est l’hiver, boire du thé à la confiture de framboises. »
Et cela :
« Si l’on veut que tout reste comme avant, il faudra faire de grands changements » : cette citation historique du roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, je la redécouvre à chaque pas, dans la ville barbouillée de manifestes électoraux.
D’Isaac Schœnberg à sa fiancée Chana, le quinze décembre mil neuf cent quarante et un, parmi les Lettres de Drancy (Tallandier) :
La personne, Khanouchi, qui vit à Paris, libre, et croit faire un trait d’esprit quand il dit qu’il envie les juifs à Pithiviers, cette personne-là n’a pas idée de ce qui s’appelle vivre dans un camp, même si c’est un camp « modèle » comme on nomme celui de Pithiviers, avec de belles baraques modèles, de la paille modèle et même de la boue modèle, sans parler des personnes modèles et de leur éducation modèle.
*
Ai également lu Une histoire des haines d’écrivains de Chateaubriand à Proust d’Anne Boquel et Etienne Kern (Champs/Flammarion), un ouvrage globalement décevant. Je n’y ai rien appris de nouveau sur les inimitiés féroces entre ces gens de même activité.
Et puis aussi Cinq années de ma vie, la correspondance avec sa femme et le journal d’Alfred Dreyfus (La Découverte), une lecture impressionnante dont je ne donne aucune citation. Quel courage il fallu à cet homme pour supporter, en plus de l’accusation mensongère, les mauvais traitements subis en captivité.
De Bill Bryson, Motel blues (Petite Bibliothèque Payot) :
Au milieu de la place il y a un jardin public avec de gros arbres, un kiosque à musique, un mât avec le drapeau américain et des bancs un peu partout. Une bande de vieux à casquette John Deere y parlent du temps où ils avaient autre chose à faire qu’à rester assis à parler du temps où ils avaient autre chose à faire.
De Thomas Mann, Traversée avec Don Quichotte (Complexe) :
La critique de la traduction comme genre littéraire que Cervantès met dans la bouche de Don Quichotte ne saurait être dépassée. Il a l’impression, dit-il, que quand on traduit d’une langue dans une autre, c’est comme si on regardait des tapisseries flamandes du mauvais côté.
Dans Alexandre Najar, Le procureur de l’Empire (Ernest Pinard, l’homme qui persécuta Baudelaire, Flaubert, Sue…) (Balland), deux extraits de lettres de Gustave à son frère Achille :
J’attends de minute en minute le papier timbré qui m’indiquera le jour où je dois aller m’asseoir (pour crime d’avoir écrit en français) sur le banc des filous et des pédérastes.
Tu verras, du reste, tous les débats, mot pour mot, parce que j’avais à moi (à raison de 60 francs de l’heure) un sténographe qui a tout pris.
De Samuel Brussel, Soliloques de l’exil (Grasset)
Ceci :
« Que faire ? » demanda un jeune Pétersbourgeois exalté.
« Voilà ce qu’il faut faire : quand c’est l’été, cueillir des framboises pour faire des confitures ; quand c’est l’hiver, boire du thé à la confiture de framboises. »
Et cela :
« Si l’on veut que tout reste comme avant, il faudra faire de grands changements » : cette citation historique du roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, je la redécouvre à chaque pas, dans la ville barbouillée de manifestes électoraux.
D’Isaac Schœnberg à sa fiancée Chana, le quinze décembre mil neuf cent quarante et un, parmi les Lettres de Drancy (Tallandier) :
La personne, Khanouchi, qui vit à Paris, libre, et croit faire un trait d’esprit quand il dit qu’il envie les juifs à Pithiviers, cette personne-là n’a pas idée de ce qui s’appelle vivre dans un camp, même si c’est un camp « modèle » comme on nomme celui de Pithiviers, avec de belles baraques modèles, de la paille modèle et même de la boue modèle, sans parler des personnes modèles et de leur éducation modèle.
*
Ai également lu Une histoire des haines d’écrivains de Chateaubriand à Proust d’Anne Boquel et Etienne Kern (Champs/Flammarion), un ouvrage globalement décevant. Je n’y ai rien appris de nouveau sur les inimitiés féroces entre ces gens de même activité.
Et puis aussi Cinq années de ma vie, la correspondance avec sa femme et le journal d’Alfred Dreyfus (La Découverte), une lecture impressionnante dont je ne donne aucune citation. Quel courage il fallu à cet homme pour supporter, en plus de l’accusation mensongère, les mauvais traitements subis en captivité.
29 novembre 2016
Il n’appartient pas à un amateur de vin de choisir entre deux bières.
Ce dimanche, je ne me laisse pas convaincre par celles et ceux qui disent qu’entre deux fâcheux, il faut choisir le moins pire. Je ne vais donc pas mettre un bulletin Juppé dans l’urne de la Primaire de la Droite (et du Centre) à la Halle aux Toiles. C’est d’autant plus facile que miser deux euros sur Juppé est à coup sûr les faire tomber dans l’escarcelle de Fillon.
Le soir venu, j’en ai la confirmation.
En janvier prochain, à leur tour, les vins seront à goûter dans le but d’en choisir un, mais là je suis certain de ne pas être tenté d’y aller. Le millésime deux mille seize est imbuvable.
*
« En signant la charte des Primaires, vous vous engagerez pour l'alternance à Droite! », menace la page d’accueil de la Primaire ce dimanche. Le Centre doit apprécier.
*
Résumé du passage de Manuel Valls à la librairie L’Armitière jeudi dernier (source Ouest France) :
« Je pense que la culture est l'une des réponses aux défis actuels », a déclaré le Premier ministre à son arrivée.
Matthieu de Montchalin, patron de L'Armitière : « L'action de votre gouvernement depuis cinq ans en faveur des libraires est la plus importante depuis 1981. »
« M. Valls, ça fait quoi d'être le pire Premier ministre ? » lance un jeune à la sortie de la librairie.
Salaud de jeune (je le connais, en plus).
Il en connaîtra d’autres, des pires Premiers Ministres.
*
Ce même jeudi, le patron d’un café de la place Saint-Marc à propos de ceux qui nous gouvernent :
-On a essayé les uns, on a essayé les autres, on a beau être des gens raisonnables avec des idées raisonnables, il y a un moment où… »
Peut-être que le choix de Fillon par la Droite va le faire revenir sur son intention en forme de points de suspension.
*
Pour ma part, en cas de duel Fillon Le Pen, je n’irai pas départager le pire et la pire.
Ce dimanche, je ne me laisse pas convaincre par celles et ceux qui disent qu’entre deux fâcheux, il faut choisir le moins pire. Je ne vais donc pas mettre un bulletin Juppé dans l’urne de la Primaire de la Droite (et du Centre) à la Halle aux Toiles. C’est d’autant plus facile que miser deux euros sur Juppé est à coup sûr les faire tomber dans l’escarcelle de Fillon.
Le soir venu, j’en ai la confirmation.
En janvier prochain, à leur tour, les vins seront à goûter dans le but d’en choisir un, mais là je suis certain de ne pas être tenté d’y aller. Le millésime deux mille seize est imbuvable.
*
« En signant la charte des Primaires, vous vous engagerez pour l'alternance à Droite! », menace la page d’accueil de la Primaire ce dimanche. Le Centre doit apprécier.
*
Résumé du passage de Manuel Valls à la librairie L’Armitière jeudi dernier (source Ouest France) :
« Je pense que la culture est l'une des réponses aux défis actuels », a déclaré le Premier ministre à son arrivée.
Matthieu de Montchalin, patron de L'Armitière : « L'action de votre gouvernement depuis cinq ans en faveur des libraires est la plus importante depuis 1981. »
« M. Valls, ça fait quoi d'être le pire Premier ministre ? » lance un jeune à la sortie de la librairie.
Salaud de jeune (je le connais, en plus).
Il en connaîtra d’autres, des pires Premiers Ministres.
*
Ce même jeudi, le patron d’un café de la place Saint-Marc à propos de ceux qui nous gouvernent :
-On a essayé les uns, on a essayé les autres, on a beau être des gens raisonnables avec des idées raisonnables, il y a un moment où… »
Peut-être que le choix de Fillon par la Droite va le faire revenir sur son intention en forme de points de suspension.
*
Pour ma part, en cas de duel Fillon Le Pen, je n’irai pas départager le pire et la pire.
28 novembre 2016
Le vingt-sept novembre mil neuf cent seize en fin d’après-midi, Émile Verhaeren, soixante et un ans, trop pressé de grimper dans le train pour Paris en gare de Rouen, tombe entre deux voitures. Les jambes broyées, il s’écrie : « Je meurs... Ma femme... Ma patrie ! ».
Pour le centième anniversaire de ce tragique évènement, l’association Archimède invite à une projection gratuite du documentaire Les dernières heures d’Émile Verhaeren ce samedi vingt-six novembre à onze heures au cinéma Omnia. J’y arrive un quart heure avant, alors que sont déjà là une quinzaine de personnes dont le point commun est d’avoir tout comme moi plus de soixante ans. Il en est de même pour celles et ceux qui suivent.
-Pour Paul Verhaeren, vous devez prendre un ticket gratuit, indique le guichetier aux arrivants, une fois.
Je ne sais si cette confusion avec Paul Verhoeven est volontaire ou non. Personne d’autre que moi n’y prend garde.
A l’ouverture de la salle Deux, je m’assois au milieu du dernier rang. Bientôt c’est aux trois quarts plein de cheveux gris ou blancs et de quelques plus jeunes. Les plus proches de moi parlent du bazar que c’était en ville jeudi après-midi à cause de Manuel Valls.
Jean-Pierre Le Cozic du Pôle Image dit quelques mots puis passe le micro à Jean-Claude Guézennec d’Archimède, quatre-vingt-huit ans, réalisateur du film que l’on va voir. Celui-ci, qui pète le feu, explique que la projection sera précédée de l’audition de poèmes et de lettres de Verhaeren et que ce sera le seul hommage rouennais à celui qui figure en buste dans le jardin de l’Hôtel de Ville et dont un collège porte le nom à Bonsecours. Pour les quatre-vingts ans de la mort du poète à Rouen (où il était venu faire une conférence sur l’art au Musée), le Maire d’alors avait déposé une gerbe devant le buste. Il n’en sera rien pour les cent ans. Verhaeren est oublié par les plus vieux et inconnus des plus jeunes. Même les élèves du collège de Bonsecours ignorent qui il était. Un ancien Maire de cette commune dit aussi quelques mots puis repasse le micro à l’ancêtre qui explique que Les dernières heures d’Émile Verhaeren a été fait il y a vingt ans, pour les quatre-vingts ans, mais a été terminé en retard.
-C’est donc la première de ce film, vingt ans après son tournage, conclut-il.
Alain Fleury, comédien, dit plusieurs textes de Verhaeren, accompagné musicalement par Alexandre Rasse. Son talent ne suffit pas à me faire aimer l’écriture du poète. Le symbolisme et son lyrisme ne sont pas à mon goût.
Les dernières heures d’Émile Verhaeren montre à la fois sa fin et sa vie à l’aide d’images d’archives et d’autres de mil neuf cent quatre-vingt-seize. Verhaeren y est présenté sous son meilleur aspect, celui du socialiste pacifiste et européen qu’il était avant quatorze. Aucune allusion n’est faite à celui qu’il devient à la déclaration de guerre, un nationaliste qui, en mil neuf cent quinze, dans son poème La Belgique sanglante écrit que l'on trouve dans les musettes des soldats allemands les pieds coupés d'enfants à côté des dentelles prises sur les cadavres de jeunes femmes violées, ce qui lui valut de perdre l’amitié qui le liait à Stefan Zweig.
A la fin de la projection Alain Fleury dit un dernier texte en compagnie d’une élève du collège Verhaeren, qui j’espère était volontaire, puis un verre est offert mais je m’en passe.
*
A l’aube de ce samedi, nouvelle de la mort de David Hamilton, un suicide qui est interprété comme un aveu. Désigné coupable du viol d’adolescentes de treize ans, le condamné par la vindicte publique s’est exécuté lui-même, bien qu’il ait dit à des amis qu’il était innocent et prêt à se défendre. Comme il a été écrit, cela restera aussi flou que ses photos.
Ce qui est un peu bizarre c’est qu’il ait laissé entrouverte la porte de son appartement. On ne peut pas exclure qu’il ait été « suicidé » (même si c’est peu probable).
*
Deux heures plus tard, annonce de la mort naturelle du dictateur Fidel Castro dont la culpabilité n’est pas douteuse : persécutions des opposants, emprisonnement de milliers d’entre eux conduisant à la mort de certains, cela enveloppé dans une mythologie romantique musicale révolutionnaire aveuglant nombre de jeunes et de moins jeunes à l’extérieur du pays.
Pour le centième anniversaire de ce tragique évènement, l’association Archimède invite à une projection gratuite du documentaire Les dernières heures d’Émile Verhaeren ce samedi vingt-six novembre à onze heures au cinéma Omnia. J’y arrive un quart heure avant, alors que sont déjà là une quinzaine de personnes dont le point commun est d’avoir tout comme moi plus de soixante ans. Il en est de même pour celles et ceux qui suivent.
-Pour Paul Verhaeren, vous devez prendre un ticket gratuit, indique le guichetier aux arrivants, une fois.
Je ne sais si cette confusion avec Paul Verhoeven est volontaire ou non. Personne d’autre que moi n’y prend garde.
A l’ouverture de la salle Deux, je m’assois au milieu du dernier rang. Bientôt c’est aux trois quarts plein de cheveux gris ou blancs et de quelques plus jeunes. Les plus proches de moi parlent du bazar que c’était en ville jeudi après-midi à cause de Manuel Valls.
Jean-Pierre Le Cozic du Pôle Image dit quelques mots puis passe le micro à Jean-Claude Guézennec d’Archimède, quatre-vingt-huit ans, réalisateur du film que l’on va voir. Celui-ci, qui pète le feu, explique que la projection sera précédée de l’audition de poèmes et de lettres de Verhaeren et que ce sera le seul hommage rouennais à celui qui figure en buste dans le jardin de l’Hôtel de Ville et dont un collège porte le nom à Bonsecours. Pour les quatre-vingts ans de la mort du poète à Rouen (où il était venu faire une conférence sur l’art au Musée), le Maire d’alors avait déposé une gerbe devant le buste. Il n’en sera rien pour les cent ans. Verhaeren est oublié par les plus vieux et inconnus des plus jeunes. Même les élèves du collège de Bonsecours ignorent qui il était. Un ancien Maire de cette commune dit aussi quelques mots puis repasse le micro à l’ancêtre qui explique que Les dernières heures d’Émile Verhaeren a été fait il y a vingt ans, pour les quatre-vingts ans, mais a été terminé en retard.
-C’est donc la première de ce film, vingt ans après son tournage, conclut-il.
Alain Fleury, comédien, dit plusieurs textes de Verhaeren, accompagné musicalement par Alexandre Rasse. Son talent ne suffit pas à me faire aimer l’écriture du poète. Le symbolisme et son lyrisme ne sont pas à mon goût.
Les dernières heures d’Émile Verhaeren montre à la fois sa fin et sa vie à l’aide d’images d’archives et d’autres de mil neuf cent quatre-vingt-seize. Verhaeren y est présenté sous son meilleur aspect, celui du socialiste pacifiste et européen qu’il était avant quatorze. Aucune allusion n’est faite à celui qu’il devient à la déclaration de guerre, un nationaliste qui, en mil neuf cent quinze, dans son poème La Belgique sanglante écrit que l'on trouve dans les musettes des soldats allemands les pieds coupés d'enfants à côté des dentelles prises sur les cadavres de jeunes femmes violées, ce qui lui valut de perdre l’amitié qui le liait à Stefan Zweig.
A la fin de la projection Alain Fleury dit un dernier texte en compagnie d’une élève du collège Verhaeren, qui j’espère était volontaire, puis un verre est offert mais je m’en passe.
*
A l’aube de ce samedi, nouvelle de la mort de David Hamilton, un suicide qui est interprété comme un aveu. Désigné coupable du viol d’adolescentes de treize ans, le condamné par la vindicte publique s’est exécuté lui-même, bien qu’il ait dit à des amis qu’il était innocent et prêt à se défendre. Comme il a été écrit, cela restera aussi flou que ses photos.
Ce qui est un peu bizarre c’est qu’il ait laissé entrouverte la porte de son appartement. On ne peut pas exclure qu’il ait été « suicidé » (même si c’est peu probable).
*
Deux heures plus tard, annonce de la mort naturelle du dictateur Fidel Castro dont la culpabilité n’est pas douteuse : persécutions des opposants, emprisonnement de milliers d’entre eux conduisant à la mort de certains, cela enveloppé dans une mythologie romantique musicale révolutionnaire aveuglant nombre de jeunes et de moins jeunes à l’extérieur du pays.
26 novembre 2016
Eh bien, je dois ouvrir ma veste à la demande des vigiles ce jeudi après-midi un peu avant dix-huit heures à l’entrée de l’Opéra de Rouen où m’amène le vernissage de l’exposition Alex Varenne, itinéraire libertin. On me remet un ticket d’entrée gratuite et je vais voir à quoi ressemblent les peintures érotiques, plexiglas et acrylique, de celui que je ne connais que par ses bandes dessinées découvertes il y a bien longtemps dans Charlie Mensuel et L’Echo des Savanes puis avec ses albums. Elles sont à mon goût, bien que les femmes qu’il dessine soient plus callipyges que celles qui m’émeuvent, et que les exposées soient plutôt sages, davantage que certaines autres qu’il est possible de regarder dans les quelques ouvrages de lui mis à disposition.
Alex Varenne est là, grand homme solide à cheveux blancs, soixante-dix-sept ans. Il vient de retrouver une vieille copine pas vue depuis trente ans.
-Ne me dis pas que je n’ai pas changé, ce ne serait que politesse, lui dit-elle.
Nous ne sommes pas nombreux, moitié habitués de l’Opéra, moitié amateurs de bédés. Le libraire du Grand Nulle Part installe quelques piles de livres à vendre. Une journaliste de Paris Normandie montre le bout de son calepin. Laurent Bondi, le Secrétaire Général Adjoint, invite tout le monde à se regrouper. Point n’est besoin du micro pour qu’il dise quelques mots de bienvenue à l’invité et lui demande si le regard porté sur ses œuvres a changé au fil du temps. On se doute de la réponse.
-Autrefois mes bédés étaient dans toutes les grandes surfaces et en vitrine des librairies. Aujourd’hui on les trouve seulement au fond des librairies sur l’étagère du haut marquée bédés pour adultes, comme si toutes les autres bandes dessinées étaient destinées aux enfants. Je crois que c’est avant tout de l’autocensure.
Il ajoute qu’il a été étonné quand il a reçu la proposition d’exposer ici.
-Ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, dit Laurent Bondi, mais ceux qui n’auront pas envie de voir ces peintures n’auront qu’à aller directement au foyer ou dans la salle.
-Il peut aussi y en avoir qui arriveront en retard au spectacle parce qu’ils se seront attardés devant ces images, fait remarquer l’un des présents.
Trois jeunes enfants sont là, dont la fille de la Chargée des Actions Culturelles. Celle-ci lui fait faire le tour de l’exposition dont elle s’est occupée.
-Cela n’est pas très différent de la publicité Aubade que l’on peut voir actuellement dans les rues, commente une présente.
Nous prenons un verre en mangeant quelques cochonneries. Je demande à Alex Varenne s’il fait toujours de la bande dessinée.
-Oui, j’en ai sorti trois depuis l’an deux mille, des gros volumes. J’ai la chance que mes lecteurs soient fidèles. Depuis le début, ils m’ont fait vivre.
-Ah oui, vous avez pu vivre uniquement de la bédé ?
-Non, j’ai aussi été professeur d’art plastique pendant trente ans dans un lycée. C’était aussi une façon d’être dans un milieu stimulant sur le plan artistique. Maintenant, je suis à la retraite et je peux peindre tout le temps.
En rentrant, je dois traverser le Marché de Noël. Cette obscénité n’est ouverte que depuis la veille mais déjà fréquentée par la foule.
*
Laurent Bondi :
«Comme vous l’avez écrit : Vous êtes né d’un acte hautement pornographique».
Alex Varenne :
«Nous sommes tous nés d’un acte hautement pornographique. Et, en ce qui concerne mes parents, je préfère penser à eux sous cet aspect, plutôt qu’à ce qu’ils avaient dans la tête.»
*
Il n’y a pas que les images, il y a aussi les textes.
Echantillons :
Aude a un corps sublime mais qui rend triste car on ne peut se résoudre à penser qu’une telle beauté puisse être éphémère.
Sandrine est une femme d’intérieur. Elle adore cuisiner et reçoit beaucoup chez elle ses amis, ses amants et ses clients.
Egalement, mais non exposée :
Léa regardait son sexe encore imberbe, pourtant ses seins étaient déjà appétissants.
J’aime aussi :
Il y avait si peu d’air que les oiseaux tombaient du ciel.
*
Ce même jeudi, en début d’après-midi, alors que je suis en train d’écrire à l’Ubi, lieu artistique mutualisé ouvert à ses adhérents, la Service Civique chargée du bar vient me dire qu’elle doit partir et que je vais devoir quitter les lieux. Rien n’est plus perturbant que d’être obligé d’arrêter brutalement d’écrire un texte presque terminé.
-Lorsque cela arrivait l’an dernier, lui dis-je, un écriteau « bar fermé » était mis sur le comptoir et les présents pouvaient rester puisque le lieu lui-même demeure ouvert.
Elle ne veut rien entendre et exige que je parte, tout comme le jeune homme venu là pour la première fois et qui n’y remettra peut-être plus les pieds.
Cette fille nouvelle se prend terriblement au sérieux et veut tout régenter. J’imagine comment elle sera le jour où elle aura autre chose qu’un emploi précaire et subalterne.
Heureusement, le plus souvent j’ai affaire à l’autre Service Civique, un jeune homme sympathique qui, le jour où je me suis pointé alors que c’était fermé pour travaux un jour plus tôt que prévu, m’a dit « Mais vous pouvez rester si vous voulez et je peux même vous faire un café. »
Alex Varenne est là, grand homme solide à cheveux blancs, soixante-dix-sept ans. Il vient de retrouver une vieille copine pas vue depuis trente ans.
-Ne me dis pas que je n’ai pas changé, ce ne serait que politesse, lui dit-elle.
Nous ne sommes pas nombreux, moitié habitués de l’Opéra, moitié amateurs de bédés. Le libraire du Grand Nulle Part installe quelques piles de livres à vendre. Une journaliste de Paris Normandie montre le bout de son calepin. Laurent Bondi, le Secrétaire Général Adjoint, invite tout le monde à se regrouper. Point n’est besoin du micro pour qu’il dise quelques mots de bienvenue à l’invité et lui demande si le regard porté sur ses œuvres a changé au fil du temps. On se doute de la réponse.
-Autrefois mes bédés étaient dans toutes les grandes surfaces et en vitrine des librairies. Aujourd’hui on les trouve seulement au fond des librairies sur l’étagère du haut marquée bédés pour adultes, comme si toutes les autres bandes dessinées étaient destinées aux enfants. Je crois que c’est avant tout de l’autocensure.
Il ajoute qu’il a été étonné quand il a reçu la proposition d’exposer ici.
-Ça ne plaira peut-être pas à tout le monde, dit Laurent Bondi, mais ceux qui n’auront pas envie de voir ces peintures n’auront qu’à aller directement au foyer ou dans la salle.
-Il peut aussi y en avoir qui arriveront en retard au spectacle parce qu’ils se seront attardés devant ces images, fait remarquer l’un des présents.
Trois jeunes enfants sont là, dont la fille de la Chargée des Actions Culturelles. Celle-ci lui fait faire le tour de l’exposition dont elle s’est occupée.
-Cela n’est pas très différent de la publicité Aubade que l’on peut voir actuellement dans les rues, commente une présente.
Nous prenons un verre en mangeant quelques cochonneries. Je demande à Alex Varenne s’il fait toujours de la bande dessinée.
-Oui, j’en ai sorti trois depuis l’an deux mille, des gros volumes. J’ai la chance que mes lecteurs soient fidèles. Depuis le début, ils m’ont fait vivre.
-Ah oui, vous avez pu vivre uniquement de la bédé ?
-Non, j’ai aussi été professeur d’art plastique pendant trente ans dans un lycée. C’était aussi une façon d’être dans un milieu stimulant sur le plan artistique. Maintenant, je suis à la retraite et je peux peindre tout le temps.
En rentrant, je dois traverser le Marché de Noël. Cette obscénité n’est ouverte que depuis la veille mais déjà fréquentée par la foule.
*
Laurent Bondi :
«Comme vous l’avez écrit : Vous êtes né d’un acte hautement pornographique».
Alex Varenne :
«Nous sommes tous nés d’un acte hautement pornographique. Et, en ce qui concerne mes parents, je préfère penser à eux sous cet aspect, plutôt qu’à ce qu’ils avaient dans la tête.»
*
Il n’y a pas que les images, il y a aussi les textes.
Echantillons :
Aude a un corps sublime mais qui rend triste car on ne peut se résoudre à penser qu’une telle beauté puisse être éphémère.
Sandrine est une femme d’intérieur. Elle adore cuisiner et reçoit beaucoup chez elle ses amis, ses amants et ses clients.
Egalement, mais non exposée :
Léa regardait son sexe encore imberbe, pourtant ses seins étaient déjà appétissants.
J’aime aussi :
Il y avait si peu d’air que les oiseaux tombaient du ciel.
*
Ce même jeudi, en début d’après-midi, alors que je suis en train d’écrire à l’Ubi, lieu artistique mutualisé ouvert à ses adhérents, la Service Civique chargée du bar vient me dire qu’elle doit partir et que je vais devoir quitter les lieux. Rien n’est plus perturbant que d’être obligé d’arrêter brutalement d’écrire un texte presque terminé.
-Lorsque cela arrivait l’an dernier, lui dis-je, un écriteau « bar fermé » était mis sur le comptoir et les présents pouvaient rester puisque le lieu lui-même demeure ouvert.
Elle ne veut rien entendre et exige que je parte, tout comme le jeune homme venu là pour la première fois et qui n’y remettra peut-être plus les pieds.
Cette fille nouvelle se prend terriblement au sérieux et veut tout régenter. J’imagine comment elle sera le jour où elle aura autre chose qu’un emploi précaire et subalterne.
Heureusement, le plus souvent j’ai affaire à l’autre Service Civique, un jeune homme sympathique qui, le jour où je me suis pointé alors que c’était fermé pour travaux un jour plus tôt que prévu, m’a dit « Mais vous pouvez rester si vous voulez et je peux même vous faire un café. »
25 novembre 2016
« Mesdames et messieurs, nous arrivons en gare de Paris Saint-Lazare avec dix minutes de retard suite à quelques minutes perdues entre Le Havre et Rouen à cause de travaux, du coup nous n’étions plus dans notre sillon horaire et nous avons dû traîner derrière un train de banlieue. »
Ainsi parle le chef de bord du sept heures vingt-huit ce mercredi. Cela ne me fâche pas. J’ai le temps, après avoir traîné dans les embouteillages avec le bus Vingt jusqu’à la place de la Bastille dont le monument en réfection est désormais aux couleurs de Calvin Klein, d’arriver à l’heure de l’ouverture du Book-Off de Ledru-Rollin. La place des livres y est en diminution, me semble-t-il, ce qui m’allège pour la suite.
Cette suite me mène, par la ligne Un du métro, aux Sablons, un quartier de Neuilly. J’entre dans la seule brasserie visible. Nommée Le Jardin, elle propose une formule entrée plat à quinze euros et est prise d’assaut par une clientèle moitié populaire moitié bourge. J’opte pour l’aumônière de boudin aux épinards et le couscous poulet merguez. Le quart de côtes-du-rhône n’est qu’à quatre euros cinquante. A ma droite mange une habituée bourgeoise qui se partage, dit-elle, entre ici et Cabourg. Elle a eu des soucis de dépression suite au départ de son compagnon, mais en Normandie elle voit une dame pas vraiment psychologue mais qui a le don. Rencontrer un autre homme n’est pas facile. « Pour s’amuser, ça on trouve toujours mais quand il s’agit de s’engager. »
A une heure moins le quart, c’est archi complet. Des déçus font la queue à l’intérieur et ceux qui avaient pris la peine de téléphoner apprennent que leur table n’est plus libre : « Trop tard, les réservations ne sont garanties que jusqu’à midi et demi grand maximum. ». Je sors de là bien restauré et eux mécontents.
Si je suis à Neuilly, ce n’est pour surprendre Sarkozy dans l’exercice de ses passions privées, mais pour visiter l’exposition Icônes de l’art moderne (La collection Chtchoukine) à la Fondation Vuitton relouquée par Daniel Buren. Je l’atteins après dix minutes de marche. Cet expo devait être inaugurée par Poutine mais il ne s’est pas entendu avec Hollande. La longue file d’attente est adroitement masquée. Double file, devrais-je dire, car celles et ceux qui ont réservé par Internet doivent attendre presque aussi longtemps que les sans billets. Derrière moi sont des femmes que je soupçonne fort être des enseignantes à la retraite :
-Je me rappelais pas qu’il y avait autant de couleurs.
-A moins qu’ils aient changé.
-Ce n’était peut-être pas fini.
-Non, c’est pas possible.
Une heure plus tard, j’arrive au guichet où n’opèrent que deux personnes et y paie mes seize euros. Ensuite il me faut encore attendre longuement pour mettre mon sac à dos au vestiaire puis longuement pour passer aux toilettes.
-Il y a un problème structurel, commente un homme à cheveux blancs qui a une tête d’architecte.
Quatre-vingts pour cent du public a les cheveux gris ou blancs. C’est l’un des points communs de ce lieu avec l’Opéra de Rouen. L’autre étant que les gardiens y sont habillés comme les musiciens de l’Orchestre, costume noir chemise blanche cravate rouge.
Chtchoukine fut un collectionneur russe de peinture moderne. Il dut s’exiler après la Révolution de Dix-Sept. Ses tableaux furent confisqués par les Bolcheviques et sont désormais partagés entre le Musée Pouchkine de Moscou et L’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Il y a du très bon, quelques Van Gogh, Monet, Rousseau, plusieurs Gauguin, Matisse, Picasso, et aussi du moins bon, mais l’insupportable c’est le monde à l’intérieur des salles, pire qu’au restaurant Le Jardin. De plus, le cheminement est obligé, impossible de revenir en arrière. Une guide explique à un groupe que contrairement à ce que faisait Chtchoukine qui accrochait un maximum de tableaux les uns à côté des autres sur ses murs, ici on les montre éloignés l’un de l’autre afin de permettre un regard individuel sur chacun. Nous ne sommes jamais moins de quinze devant une peinture et plusieurs centaines dans chaque salle. Arrivé au bout, je trouve un escalier intérieur où ne passe personne, grimpe dans les entrailles du bâtiment de Gehry, et ressors sur la terrasse supérieure. Il fait très beau. La lumière du soleil joue avec les panneaux de Buren. Je fais moult photos en passant, par l’extérieur, d’un niveau à l’autre.
-C’est moderne, constate l’un.
-C’est dommage toutes ces couleurs, dit une autre.
Je ressors par le Jardin d’Acclimatation d’où je fais d’autres photos puis, les pieds cuits, regagne la gare Saint-Lazare.
Le train de dix-huit heures trente ne risque pas de traîner derrière un train de banlieue. Ceux-ci ne circulent pas suite à un mouvement de grève inopiné des conducteurs après qu’un voyageur s’en est pris verbalement à l’un d’eux et qu’un cadre de la Senecefe a pris le parti de cet usager. Plus tôt dans l’après-midi, ce sont tous les trains qui avaient cessé de circuler en raison du suicide d’une femme de quarante-neuf ans à Poissy.
*
La question que je m’abstiens de poser et que l’on entend sans cesse au guichet de la Fondation Vuitton : « Vous faites quelque chose pour les plus de soixante ? » Rien du tout, c’est seize euros.
*
La phrase type de la bourgeoisie de Neuilly, dite à n’importe qui de rencontre : « Ça fait plaisir de vous voir ! »
Ainsi parle le chef de bord du sept heures vingt-huit ce mercredi. Cela ne me fâche pas. J’ai le temps, après avoir traîné dans les embouteillages avec le bus Vingt jusqu’à la place de la Bastille dont le monument en réfection est désormais aux couleurs de Calvin Klein, d’arriver à l’heure de l’ouverture du Book-Off de Ledru-Rollin. La place des livres y est en diminution, me semble-t-il, ce qui m’allège pour la suite.
Cette suite me mène, par la ligne Un du métro, aux Sablons, un quartier de Neuilly. J’entre dans la seule brasserie visible. Nommée Le Jardin, elle propose une formule entrée plat à quinze euros et est prise d’assaut par une clientèle moitié populaire moitié bourge. J’opte pour l’aumônière de boudin aux épinards et le couscous poulet merguez. Le quart de côtes-du-rhône n’est qu’à quatre euros cinquante. A ma droite mange une habituée bourgeoise qui se partage, dit-elle, entre ici et Cabourg. Elle a eu des soucis de dépression suite au départ de son compagnon, mais en Normandie elle voit une dame pas vraiment psychologue mais qui a le don. Rencontrer un autre homme n’est pas facile. « Pour s’amuser, ça on trouve toujours mais quand il s’agit de s’engager. »
A une heure moins le quart, c’est archi complet. Des déçus font la queue à l’intérieur et ceux qui avaient pris la peine de téléphoner apprennent que leur table n’est plus libre : « Trop tard, les réservations ne sont garanties que jusqu’à midi et demi grand maximum. ». Je sors de là bien restauré et eux mécontents.
Si je suis à Neuilly, ce n’est pour surprendre Sarkozy dans l’exercice de ses passions privées, mais pour visiter l’exposition Icônes de l’art moderne (La collection Chtchoukine) à la Fondation Vuitton relouquée par Daniel Buren. Je l’atteins après dix minutes de marche. Cet expo devait être inaugurée par Poutine mais il ne s’est pas entendu avec Hollande. La longue file d’attente est adroitement masquée. Double file, devrais-je dire, car celles et ceux qui ont réservé par Internet doivent attendre presque aussi longtemps que les sans billets. Derrière moi sont des femmes que je soupçonne fort être des enseignantes à la retraite :
-Je me rappelais pas qu’il y avait autant de couleurs.
-A moins qu’ils aient changé.
-Ce n’était peut-être pas fini.
-Non, c’est pas possible.
Une heure plus tard, j’arrive au guichet où n’opèrent que deux personnes et y paie mes seize euros. Ensuite il me faut encore attendre longuement pour mettre mon sac à dos au vestiaire puis longuement pour passer aux toilettes.
-Il y a un problème structurel, commente un homme à cheveux blancs qui a une tête d’architecte.
Quatre-vingts pour cent du public a les cheveux gris ou blancs. C’est l’un des points communs de ce lieu avec l’Opéra de Rouen. L’autre étant que les gardiens y sont habillés comme les musiciens de l’Orchestre, costume noir chemise blanche cravate rouge.
Chtchoukine fut un collectionneur russe de peinture moderne. Il dut s’exiler après la Révolution de Dix-Sept. Ses tableaux furent confisqués par les Bolcheviques et sont désormais partagés entre le Musée Pouchkine de Moscou et L’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Il y a du très bon, quelques Van Gogh, Monet, Rousseau, plusieurs Gauguin, Matisse, Picasso, et aussi du moins bon, mais l’insupportable c’est le monde à l’intérieur des salles, pire qu’au restaurant Le Jardin. De plus, le cheminement est obligé, impossible de revenir en arrière. Une guide explique à un groupe que contrairement à ce que faisait Chtchoukine qui accrochait un maximum de tableaux les uns à côté des autres sur ses murs, ici on les montre éloignés l’un de l’autre afin de permettre un regard individuel sur chacun. Nous ne sommes jamais moins de quinze devant une peinture et plusieurs centaines dans chaque salle. Arrivé au bout, je trouve un escalier intérieur où ne passe personne, grimpe dans les entrailles du bâtiment de Gehry, et ressors sur la terrasse supérieure. Il fait très beau. La lumière du soleil joue avec les panneaux de Buren. Je fais moult photos en passant, par l’extérieur, d’un niveau à l’autre.
-C’est moderne, constate l’un.
-C’est dommage toutes ces couleurs, dit une autre.
Je ressors par le Jardin d’Acclimatation d’où je fais d’autres photos puis, les pieds cuits, regagne la gare Saint-Lazare.
Le train de dix-huit heures trente ne risque pas de traîner derrière un train de banlieue. Ceux-ci ne circulent pas suite à un mouvement de grève inopiné des conducteurs après qu’un voyageur s’en est pris verbalement à l’un d’eux et qu’un cadre de la Senecefe a pris le parti de cet usager. Plus tôt dans l’après-midi, ce sont tous les trains qui avaient cessé de circuler en raison du suicide d’une femme de quarante-neuf ans à Poissy.
*
La question que je m’abstiens de poser et que l’on entend sans cesse au guichet de la Fondation Vuitton : « Vous faites quelque chose pour les plus de soixante ? » Rien du tout, c’est seize euros.
*
La phrase type de la bourgeoisie de Neuilly, dite à n’importe qui de rencontre : « Ça fait plaisir de vous voir ! »
24 novembre 2016
Depuis le début de la saison, les vigiles ne me demandent plus d’ouvrir ma veste quand j’arrive à l’Opéra de Rouen. Ils ne s’intéressent qu’aux sacs. C’est dire qu’ils embêtent surtout les femmes. Peut-être veulent-ils rentabiliser la lampe torche dont ils disposent. Ils la plongent au fond. Ce mardi soir, l’équipe est mixte.
J’entre là pour de la danse : Y Olé ! de José Montalvo. Il s’agit encore une fois de mixage entre le flamenco et le hip hop (avec une troisième composante néo-classique), mais cette fois-ci cela fonctionne. Et pas de coq dressé sur ses ergots. Le flamenco est représenté par quatre femmes remarquables et un homme au physique arrondi qui danse peu mais chante très bien. Les hip-hopeurs sont performants et les danseuses néo-classiques itou.
La soirée est en deux temps : un premier ballet sur Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky puis un second sur des musiques populaires datant de l’enfance du chorégraphe. José Montalvo est fils de républicains espagnols ayant fui le franquisme. Ce spectacle est un hommage à son père mort le jour de la première de sa précédente création.
Je prends plaisir à voir évoluer ces danseuses et danseurs en costumes colorés sur fond d’images vidéo purement illustratives. La soirée ne demande aucun effort cérébral et parfois cela fait du bien.
*
C’est un dessin de Borkoo :
-Maman ! C’est quoi les Primaires ?
-Alors… Les Primaires c’est comme pour les ordures, ils t’imposent le tri sélectif et à la fin, ils remélangent tout à la déchetterie.
J’entre là pour de la danse : Y Olé ! de José Montalvo. Il s’agit encore une fois de mixage entre le flamenco et le hip hop (avec une troisième composante néo-classique), mais cette fois-ci cela fonctionne. Et pas de coq dressé sur ses ergots. Le flamenco est représenté par quatre femmes remarquables et un homme au physique arrondi qui danse peu mais chante très bien. Les hip-hopeurs sont performants et les danseuses néo-classiques itou.
La soirée est en deux temps : un premier ballet sur Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky puis un second sur des musiques populaires datant de l’enfance du chorégraphe. José Montalvo est fils de républicains espagnols ayant fui le franquisme. Ce spectacle est un hommage à son père mort le jour de la première de sa précédente création.
Je prends plaisir à voir évoluer ces danseuses et danseurs en costumes colorés sur fond d’images vidéo purement illustratives. La soirée ne demande aucun effort cérébral et parfois cela fait du bien.
*
C’est un dessin de Borkoo :
-Maman ! C’est quoi les Primaires ?
-Alors… Les Primaires c’est comme pour les ordures, ils t’imposent le tri sélectif et à la fin, ils remélangent tout à la déchetterie.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante