Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 février 2019
Inquiet et bien décidé à obtenir des explications claires sur ce glaucome que je vivais comme une menace et qu’un examen de champ visuel m’a révélé être déjà une réalité, je suis ce mardi matin assis dans la salle d’attente de mon ophtalmo et n’ai pas à attendre longtemps.
Sitôt entré dans le cabinet, je lui dis que je veux savoir où j’en suis.
-On va commencer par vérifier la tension oculaire, me répond-elle.
Elle m’envoie un jet d’air comprimé dans l’œil droit puis dans l’œil gauche.
-Seize et quinze, me dit-elle.
C’est dans la norme. Elle met ça sur l’effet des nouvelles gouttes qu’elle m’a prescrites, des bêtabloquants qui j’espère n’auront pas d’effets secondaires. Certes, mon résultat de champ visuel n’est pas excellent mais il n’est pas spécialement inquiétant. Il faut cependant que je sois désormais suivi deux fois par an.
Evoquant la journaliste d’Arte qui vient d’écrire un livre, elle me dit que son glaucome est d’une forme particulière et n’a rien à voir avec mon cas. Et puis si un jour les gouttes ne suffisent plus, il y aura les possibilités du recours au laser et à l’opération. Même si cela ne permet pas de guérir.
Je sors de là à moitié rassuré. Perdre la vue, c’est perdre la vie.
*
Rue de la Champmeslé, le mendiant en tenue de sport moule bite :
-Est-ce que vous pouvez me donner une chance ?
Je l’ai connu, il y a plusieurs années, rue Ganterie. Il portait la même tenue et un écriteau : « Je sors de prison ».
Parfois, je le vois dans le train pour Paris et dans la même tenue. Il mendie devant la gare Saint-Lazare.
*
Une femme à propos d’une autre :
-Elle a tellement de choses à expier.
*
Une autre à propos d’une autre :
-Elle a pas démordé.
*
Un branlotin inquiet :
-Allo maman est-ce que l’argent il est rentré ?
*
Sur le souite d’une jeune femme blonde : « « Je m’en bats les boobs ».
Sitôt entré dans le cabinet, je lui dis que je veux savoir où j’en suis.
-On va commencer par vérifier la tension oculaire, me répond-elle.
Elle m’envoie un jet d’air comprimé dans l’œil droit puis dans l’œil gauche.
-Seize et quinze, me dit-elle.
C’est dans la norme. Elle met ça sur l’effet des nouvelles gouttes qu’elle m’a prescrites, des bêtabloquants qui j’espère n’auront pas d’effets secondaires. Certes, mon résultat de champ visuel n’est pas excellent mais il n’est pas spécialement inquiétant. Il faut cependant que je sois désormais suivi deux fois par an.
Evoquant la journaliste d’Arte qui vient d’écrire un livre, elle me dit que son glaucome est d’une forme particulière et n’a rien à voir avec mon cas. Et puis si un jour les gouttes ne suffisent plus, il y aura les possibilités du recours au laser et à l’opération. Même si cela ne permet pas de guérir.
Je sors de là à moitié rassuré. Perdre la vue, c’est perdre la vie.
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Rue de la Champmeslé, le mendiant en tenue de sport moule bite :
-Est-ce que vous pouvez me donner une chance ?
Je l’ai connu, il y a plusieurs années, rue Ganterie. Il portait la même tenue et un écriteau : « Je sors de prison ».
Parfois, je le vois dans le train pour Paris et dans la même tenue. Il mendie devant la gare Saint-Lazare.
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Une femme à propos d’une autre :
-Elle a tellement de choses à expier.
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Une autre à propos d’une autre :
-Elle a pas démordé.
*
Un branlotin inquiet :
-Allo maman est-ce que l’argent il est rentré ?
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Sur le souite d’une jeune femme blonde : « « Je m’en bats les boobs ».
13 février 2019
Mercredi dernier, Frédéric Sanchez, Chef de la Métropole, Socialiste, chiffrait sur 76actu le coût provisoire des dégâts dans l’espace public rouennais des samedis des Gilets Jaunes « au-delà du million d’euros ». De combien allaient-ils l’augmenter lors de leurs errements du treizième ?
De pas tant que ça. Pour la raison que ce jour leur nombre ne s’exprime qu’en centaines. Je n’ai donc pas à les prendre en compte pour aller et venir librement dans la ville. Ils font du bruit dans un coin là-bas où je n’ai rien à faire.
Ailleurs aussi cela décroît. A Evreux ils ne sont même plus assez nombreux pour défiler. A Paris moins de monde pareillement, mais question dégradations, c’est plus que la semaine dernière. Ce qui m’amène à penser que des émeutiers rouennais et d’ailleurs ont choisi de retourner dans la capitale où le terrain de jeu est plus vaste et moins protégé. Ah jouir, une nouvelle fois, en détruisant un distributeur de billets !
*
Une femme de médecin l’autre matin sur France Culture, elle soutient les Jaunes et juge que pour obtenir un résultat (lequel ?) il faut des dégradations. Pas celle du cabinet médical de son mari, je suppose.
*
Rien de plus désopilant que la lecture hebdomadaire de Rouen dans la rue où l’émoustillé de service raconte les samedis jaunes rouennais en envolées du style : « A l’aide des matériaux du chantier avoisinant, une belle barricade est érigée puis enflammée. »
Pourquoi ne pas le faire en chansons :
« Encore une poubelle brûlée
V’là les Gilets Jaunes qui passent
Encore une vitrine brisée
V’là les Gilets Jaunes passés. »
ou bien :
« Ce soir tu seras la poubelle
Que je vais brûler
Brûler
Pour mieux évincer
Toutes celles que d’autres ont cramées
Cramées. »
De pas tant que ça. Pour la raison que ce jour leur nombre ne s’exprime qu’en centaines. Je n’ai donc pas à les prendre en compte pour aller et venir librement dans la ville. Ils font du bruit dans un coin là-bas où je n’ai rien à faire.
Ailleurs aussi cela décroît. A Evreux ils ne sont même plus assez nombreux pour défiler. A Paris moins de monde pareillement, mais question dégradations, c’est plus que la semaine dernière. Ce qui m’amène à penser que des émeutiers rouennais et d’ailleurs ont choisi de retourner dans la capitale où le terrain de jeu est plus vaste et moins protégé. Ah jouir, une nouvelle fois, en détruisant un distributeur de billets !
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Une femme de médecin l’autre matin sur France Culture, elle soutient les Jaunes et juge que pour obtenir un résultat (lequel ?) il faut des dégradations. Pas celle du cabinet médical de son mari, je suppose.
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Rien de plus désopilant que la lecture hebdomadaire de Rouen dans la rue où l’émoustillé de service raconte les samedis jaunes rouennais en envolées du style : « A l’aide des matériaux du chantier avoisinant, une belle barricade est érigée puis enflammée. »
Pourquoi ne pas le faire en chansons :
« Encore une poubelle brûlée
V’là les Gilets Jaunes qui passent
Encore une vitrine brisée
V’là les Gilets Jaunes passés. »
ou bien :
« Ce soir tu seras la poubelle
Que je vais brûler
Brûler
Pour mieux évincer
Toutes celles que d’autres ont cramées
Cramées. »
12 février 2019
Triste d’apprendre que Tomi Ungerer est mort dans la nuit de vendredi à samedi chez sa fille à Cork. Lui qui avait survécu à trois infarctus et à un cancer est arrivé au bout du chemin. J’en fais part à celle qui travaille à Paris, même ce samedi. Cela la chagrine tout autant. « Je suis contente d’avoir pu le rencontrer l’année dernière », m’écrit-elle (je pense qu’elle ne voit pas le temps passer, c’était il y a deux ou trois ans). Je n’ai pas eu cette chance, mais suis allé en décembre deux mille neuf visiter son Musée à Strasbourg où sont montrés tous les aspects de son talent créatif, notamment ses dessins politiques et ses dessins érotiques.
En France, Tomi Ungerer est surtout connu par ses livres pour enfants auxquels pas un élève de maternelle n’échappe. Dans la brochure, publiée par L’Ecole des Loisirs en deux mille huit, que lui a consacrée Thérèse Willer (Conservatrice du Musée Tomi Ungerer de Strasbourg) figure une interviou du dessinateur par Arthur Hubschmid (éditeur à L’Ecole des Loisirs) dont voici deux extraits :
Quand j’étais petit, on avait un album de Bécassine, où l’on voyait un cambrioleur avec une lampe sourde, et qui entrait dans la maison. A cinq ans, ça m’avait foutu une trouille terrible. J’ai gardé de cette trouille un si bon souvenir que j’ai voulu donner cela aux enfants.
A propos de Zeralda, il y a une chose qui m’est arrivée. Avec des amis, on avait décidé de fêter Halloween dans Central Park. Au lieu de nous laisser effrayer par des enfants masqués, on avait décidé de les effrayer eux. J’avais apporté un grand sac, j’ai attrapé une fillette de cinq ou six ans, qui s’est mise à pleurer, et je l’ai mise dans le sac. Tous les autres enfants se sont enfuis. Tout à coup, il y a une main qui s’est posée sur mon épaule, c’était un flic qui m’a demandé : « What’s going on around here ? » J’ai relâché la petite et je l’ai consolée.
*
« Il faut traumatiser les enfants, sinon ils deviendront tous experts-comptables », aimait répéter Tomi Ungerer.
Sa fille se souvient du jour où voyant un lapin écrabouillé sur la route, il arrêta la voiture pour le lui montrer de près en déclarant : « Tu vois ce qui t’arriveras si tu traverses la rue sans regarder. »
En France, Tomi Ungerer est surtout connu par ses livres pour enfants auxquels pas un élève de maternelle n’échappe. Dans la brochure, publiée par L’Ecole des Loisirs en deux mille huit, que lui a consacrée Thérèse Willer (Conservatrice du Musée Tomi Ungerer de Strasbourg) figure une interviou du dessinateur par Arthur Hubschmid (éditeur à L’Ecole des Loisirs) dont voici deux extraits :
Quand j’étais petit, on avait un album de Bécassine, où l’on voyait un cambrioleur avec une lampe sourde, et qui entrait dans la maison. A cinq ans, ça m’avait foutu une trouille terrible. J’ai gardé de cette trouille un si bon souvenir que j’ai voulu donner cela aux enfants.
A propos de Zeralda, il y a une chose qui m’est arrivée. Avec des amis, on avait décidé de fêter Halloween dans Central Park. Au lieu de nous laisser effrayer par des enfants masqués, on avait décidé de les effrayer eux. J’avais apporté un grand sac, j’ai attrapé une fillette de cinq ou six ans, qui s’est mise à pleurer, et je l’ai mise dans le sac. Tous les autres enfants se sont enfuis. Tout à coup, il y a une main qui s’est posée sur mon épaule, c’était un flic qui m’a demandé : « What’s going on around here ? » J’ai relâché la petite et je l’ai consolée.
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« Il faut traumatiser les enfants, sinon ils deviendront tous experts-comptables », aimait répéter Tomi Ungerer.
Sa fille se souvient du jour où voyant un lapin écrabouillé sur la route, il arrêta la voiture pour le lui montrer de près en déclarant : « Tu vois ce qui t’arriveras si tu traverses la rue sans regarder. »
11 février 2019
Point d’attente à l’entrée du Centre Pompidou, ni au vestiaire, ni à l’entrée de l’exposition Vasarely (Le partage des formes) au niveau Six. Victor n’avait pas eu un tel honneur depuis plus d’un demi-siècle, lui qui fut si connu, puis à demi oublié. L’Optical Art ou Op Art va-t-il connaître un renouveau ?
Sont présentés moult toiles, des sculptures, des objets manufacturés, et cætera. Je vois ça avec un intérêt mesuré. L’une des salles est titrée « Un esperanto visuel », ce qui est un peu méchant. Cette peinture qui en met plein les yeux faisait si bien aux murs dans les années Pompidou. Une collection de Tel/Gallimard à couvertures signées Vasarely me rappelle quelques lectures. Elle jouxte la pochette de David Bowie et le logo de Renault. Sur une vidéo, en hommage discret à Michel Legrand, Catherine Deneuve chante devant un Vasarely dans Les Demoiselles de Rochefort. Bientôt les vacances de février, cela plaira aux enfants, me dis-je en quittant les lieux.
Des travaux m’empêchent d’accéder aux boîtes de trottoir de la librairie Gilda. Je grimpe dans un bus Vingt et Un et en descends à Opéra. Au second Book-Off, un seul livre à un euro est pour moi : Venise est un poisson de Tiziano Scarpa (Titre/Bourgois).
*
Deux femmes de cinquante ans, l’une montrant un tableau à l’autre :
-Celui-là est extrêmement intéressant, positif, négatif, avec effet de lumière.
L’autre acquiesce, l’air inspiré.
*
Le sac à tout d’un homme de quarante ans retient l’attention d’un gardien :
-C’est un Vasarely ?
-Non, c’est moi qui l’ai fait. A la manière de Vasarely.
*
La surprise de cette expo : Gérard Manset dans une émission de télé. Devant des Vasarely, il chante La toile de maître, une des chansons de ses débuts, qu’il a reniées, celle-ci à raison. Dans la même émission : Françoise Hardy interprétant, dans un décor du même type, La maison où j’ai grandi et Victor Vasarely interviouvé par Michel Polnareff.
Je n’avais pas oublié son visage mou, mais ne me souvenait pas de sa façon de parler assez proche de celle de Dali.
Sont présentés moult toiles, des sculptures, des objets manufacturés, et cætera. Je vois ça avec un intérêt mesuré. L’une des salles est titrée « Un esperanto visuel », ce qui est un peu méchant. Cette peinture qui en met plein les yeux faisait si bien aux murs dans les années Pompidou. Une collection de Tel/Gallimard à couvertures signées Vasarely me rappelle quelques lectures. Elle jouxte la pochette de David Bowie et le logo de Renault. Sur une vidéo, en hommage discret à Michel Legrand, Catherine Deneuve chante devant un Vasarely dans Les Demoiselles de Rochefort. Bientôt les vacances de février, cela plaira aux enfants, me dis-je en quittant les lieux.
Des travaux m’empêchent d’accéder aux boîtes de trottoir de la librairie Gilda. Je grimpe dans un bus Vingt et Un et en descends à Opéra. Au second Book-Off, un seul livre à un euro est pour moi : Venise est un poisson de Tiziano Scarpa (Titre/Bourgois).
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Deux femmes de cinquante ans, l’une montrant un tableau à l’autre :
-Celui-là est extrêmement intéressant, positif, négatif, avec effet de lumière.
L’autre acquiesce, l’air inspiré.
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Le sac à tout d’un homme de quarante ans retient l’attention d’un gardien :
-C’est un Vasarely ?
-Non, c’est moi qui l’ai fait. A la manière de Vasarely.
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La surprise de cette expo : Gérard Manset dans une émission de télé. Devant des Vasarely, il chante La toile de maître, une des chansons de ses débuts, qu’il a reniées, celle-ci à raison. Dans la même émission : Françoise Hardy interprétant, dans un décor du même type, La maison où j’ai grandi et Victor Vasarely interviouvé par Michel Polnareff.
Je n’avais pas oublié son visage mou, mais ne me souvenait pas de sa façon de parler assez proche de celle de Dali.
9 février 2019
Le train de sept heures cinquante-neuf pour Paris a repris son horaire de référence, il est à l’heure et j’y lis Eloge de la marche de David Le Breton (Essais/Métailié). D’un coup de métro, me voici rue du Faubourg Saint-Antoine toujours en travaux. Chez Book-Off, au rayon Guerres Mondiales, je trouve à un euro Journal de Guerre (1940-1941) de Valentin Feldman (Farrago) et Journal de Guerre (2 septembre 1939 - 20 juillet 1940) de Georges Sadoul (L’Harmattan). Le marché d’Aligre est singulièrement dépeuplé de vendeurs de livres. Quant à l’Emmaüs de la rue de Charonne, il a bigrement réduit l’espace consacré aux livres de poche. Aucun ne m’y attendait.
Je marche jusqu’à Beaubourg et arrive dans l’impasse à midi moins cinq. En ce lendemain de nouvel an chinois, je déjeune chez New New où les tables ont repris la disposition qui me convient. A midi pile, la sirène du premier mercredi du mois mugit. Ce qui me fait songer à l’incendie de la rue Erlanger allumé par une folle où sont morts dix personnes dont une très belle architecte d’origine algérienne. J’ai vu sa photo dans Le Parisien. Un autre article du journal laissait entendre que cette rue du seizième arrondissement porte malheur. Dans un immeuble d’icelle s’est déroulée l’affaire du cannibale japonais. Dans un autre, Mike Brant a sauté par la fenêtre du cinquième étage.
Aujourd’hui, ce sont surtout les ouvriers des chantiers du quartier qui déjeunent chez New New et un certain nombre se parlent en des langues étrangères. Après avoir réglé mon dû et souhaité une bonne année aux dames du lieu, je me dirige vers l’entrée du Centre Pompidou où ce jour débute l’exposition consacrée à Vasarely.
*
Il en est qui célèbrent l’année du cochon en reniflant plus fort que d’habitude.
*
Dans une rue de Paris, un bus d’Abu Dhabi immatriculé en Pologne.
Je marche jusqu’à Beaubourg et arrive dans l’impasse à midi moins cinq. En ce lendemain de nouvel an chinois, je déjeune chez New New où les tables ont repris la disposition qui me convient. A midi pile, la sirène du premier mercredi du mois mugit. Ce qui me fait songer à l’incendie de la rue Erlanger allumé par une folle où sont morts dix personnes dont une très belle architecte d’origine algérienne. J’ai vu sa photo dans Le Parisien. Un autre article du journal laissait entendre que cette rue du seizième arrondissement porte malheur. Dans un immeuble d’icelle s’est déroulée l’affaire du cannibale japonais. Dans un autre, Mike Brant a sauté par la fenêtre du cinquième étage.
Aujourd’hui, ce sont surtout les ouvriers des chantiers du quartier qui déjeunent chez New New et un certain nombre se parlent en des langues étrangères. Après avoir réglé mon dû et souhaité une bonne année aux dames du lieu, je me dirige vers l’entrée du Centre Pompidou où ce jour débute l’exposition consacrée à Vasarely.
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Il en est qui célèbrent l’année du cochon en reniflant plus fort que d’habitude.
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Dans une rue de Paris, un bus d’Abu Dhabi immatriculé en Pologne.
5 février 2019
Samedi dernier, au milieu de la nuit, en prolongement de la déambulation urbaine des Gilets Jaunes, quelques dizaines de personnes ont soustrait des pavés au parvis de la Cathédrale et les ont utilisés pour casser les vitrines de certaines boutiques de la rue du Gros. Ce pourquoi, ce samedi matin, Le Printemps et son voisin Hache et Aime disparaissent à leur tour derrière des panneaux de bois, augmentant l’air de désolation qu’a la ville depuis un mois.
Je suis à peine rentré chez moi que les Jaunes braillent déjà La Marseillaise en lançant des pétards rue Saint-Romain. Ils repassent dans l’autre sens un peu plus tard, puis je ne les entends plus.
En début d’après-midi, comme ils se livrent à leurs activités habituelles (construction de barricades, feu de poubelles, cassage de vitres des banques non protégées) dans l’autre moitié du centre ville, je peux sortir boire un café et lire dans un bar de la place Saint-Marc, un de ces établissement rouennais qui devrait s’appeler Faute De Mieux en comparaison du Tout Va bien et du Mieux Ici Qu’En Face de Dieppe.
*
Jamais de voitures brûlées à Rouen, contrairement à Evreux où la semaine dernière deux sont parties en fumée (comme on dit). L’une appartenait à une femme habitant en périphérie venue à la Médiathèque (ignorant que celle-ci était fermée en raison de la présence des Jaunes), une petite voiture pas du tout neuve mais avec peu de kilomètres qui lui était nécessaire pour sortir de son isolement géographique et avec laquelle elle avait fait de nombreux trajets jusqu’à l’Hôpital pour y conduire son mari malade, jusqu’à ce qu’il meure, raison pour laquelle elle y était attachée affectivement. L’argent de l’assurance ne lui permettra pas de la remplacer.
*
Un des Jaunes à la télé : « On manifeste pour la poursuite du mouvement ». Avec un tel mot d’ordre, cela peut n’avoir pas de fin.
*
A Paris, la manifestation de la semaine est dirigée contre les violences policières dont elle dénonce les graves blessures conséquentes, lesquelles ne se seraient pas produites sans les violences de certains Jaunes ou de leurs associés (pour qu’un Policier fasse usage de ses armes, il faut lui en offrir l’occasion).
*
Pendant que les Gilets Jaunes aident le R-Haine à prendre le pouvoir, Macron et ses Marcheurs font voter une loi qui permettrait à la femme aux cheveux jaunes d’interdire plus facilement à son opposition de manifester (cette loi dite anticasseurs n’aurait pas vu le jour sans les actions violentes).
Je suis à peine rentré chez moi que les Jaunes braillent déjà La Marseillaise en lançant des pétards rue Saint-Romain. Ils repassent dans l’autre sens un peu plus tard, puis je ne les entends plus.
En début d’après-midi, comme ils se livrent à leurs activités habituelles (construction de barricades, feu de poubelles, cassage de vitres des banques non protégées) dans l’autre moitié du centre ville, je peux sortir boire un café et lire dans un bar de la place Saint-Marc, un de ces établissement rouennais qui devrait s’appeler Faute De Mieux en comparaison du Tout Va bien et du Mieux Ici Qu’En Face de Dieppe.
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Jamais de voitures brûlées à Rouen, contrairement à Evreux où la semaine dernière deux sont parties en fumée (comme on dit). L’une appartenait à une femme habitant en périphérie venue à la Médiathèque (ignorant que celle-ci était fermée en raison de la présence des Jaunes), une petite voiture pas du tout neuve mais avec peu de kilomètres qui lui était nécessaire pour sortir de son isolement géographique et avec laquelle elle avait fait de nombreux trajets jusqu’à l’Hôpital pour y conduire son mari malade, jusqu’à ce qu’il meure, raison pour laquelle elle y était attachée affectivement. L’argent de l’assurance ne lui permettra pas de la remplacer.
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Un des Jaunes à la télé : « On manifeste pour la poursuite du mouvement ». Avec un tel mot d’ordre, cela peut n’avoir pas de fin.
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A Paris, la manifestation de la semaine est dirigée contre les violences policières dont elle dénonce les graves blessures conséquentes, lesquelles ne se seraient pas produites sans les violences de certains Jaunes ou de leurs associés (pour qu’un Policier fasse usage de ses armes, il faut lui en offrir l’occasion).
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Pendant que les Gilets Jaunes aident le R-Haine à prendre le pouvoir, Macron et ses Marcheurs font voter une loi qui permettrait à la femme aux cheveux jaunes d’interdire plus facilement à son opposition de manifester (cette loi dite anticasseurs n’aurait pas vu le jour sans les actions violentes).
4 janvier 2019
« Penses-tu pouvoir être à l’angle des rues Villedo et Sainte-Anne à midi? » « Je ferai en sorte d'y être (malgré une météorologie hostile). ». Ce court dialogue entre Loïc Boyer (Cligne Cligne Magazine, Collection Cligne Cligne chez Didier Jeunesse et L’Imprimante où est hébergé gracieusement ce Journal) et moi-même fait suite à ma proposition, datant d’il y a quelques mois : puisque nous n’arrivons à nous voir que trop rarement, dis-moi quand tu seras à Paris et j’y viendrai spécialement.
Donc, ce jeudi, dernier jour de janvier, je prends le chemin de la gare. La neige redoutée, un peu tombée dans la nuit, est déjà fondue. Il est très tôt car la Senecefe ne m’a permis un billet à tarif réduit que pour le sept heures vingt-trois, pourtant toujours blindé, alors que le suivant ne l’est jamais (comprend qui peut, comme chantait Boby). Je trouve place dans la bétaillère, laquelle est à l’heure. J’y lis La mort en Perse d’Annemarie Schwarzenbach.
Le temps est gris dans la capitale. Il fait froid dans le bus Vingt qui m’emmène à la Bastille. Comme hier je passe du Café du Faubourg à Book-Off. Ayant épluché les rayonnages la veille, je n’y trouve guère. Quand même, au rayon Beaux Livres à deux euros, un nom pas vu hier attire mon œil, celui de Tomi Ungerer. Le livre de format carré a pour titre La roue de l’énergie. Publié par La Nuée Bleue, il narre l’élaboration d’une œuvre de Tomi La Roue de l’Energie par le Musée EDF Electropolis pour les trente ans de la centrale de Fessenheim. Je ne l’attendais pas là. Ce livre est accompagné d’un dévédé et a pour prix officiel trente euros mais comme beaucoup d'ouvrages à la gloire d’entreprises ou d’institutions culturelles, il a sans doute été distribué gratuitement.
Avec le métro Trois je vais à Opéra, d’où à pied je rejoins à midi moins cinq le carrefour Villedo/Sainte-Anne. J’y découvre le restaurant japonais traditionnel Higuma où j’ai mangé autrefois avec celle qui me tenait la main, une expérience culinaire qui m’a laissé le souvenir d’une déception.
Devinant que c’est là que l’ami Loïc désire déjeuner, j’y entre pour me réchauffer et être sûr d’avoir une table. Les restaurants de ce type sont nombreux dans le quartier et ont un fort succès qui impose souvent la file d’attente dans la rue. Quand je ressors une deuxième fois, celui que j’attendais est là. Nous sommes heureux de nous revoir.
Je lui dis mon expérience décevante de la cuisine du lieu mais je suis prêt à changer d’avis. Après la commande de la nourriture, il demande une bière du pays. Je dois me rabattre sur le pichet d’eau de Paris car la maison ignore le vin. L’entrée, le plat, la soupe, tout arrive en même temps. Je suis vite déçu par ma masse de riz recouverte de fines lamelles de viande bouillie et de légumes crus. C’est insipide. Qu’importe, le plaisir de converser avec celui que je suis venu voir me dédommage.
Bien qu’il soit déjà chargé de livres (il est passé au Book-Off de Quatre Septembre), Loïc trouve place pour les divers livres que j’ai mis de côté pour lui depuis notre dernière entrevue, dont plusieurs ouvrages pour enfants édités autrefois par Le Sourire qui Mord. En échange (si je puis dire), je me vois offrir un pot de confiture d’abricots maison.
Point de café non plus chez Higuma : « Nous sommes un restaurant japonais ». « Où l’on vend du Coca Cola » pourrais-je répondre mais je m’abstiens. Un Péhemmu chinois ne faisant pas brasserie, et des plus calmes, nous accueille, où nous poursuivons la conversation jusqu’à ce que ce soit l’heure pour lui d’aller voir l’exposition Les Maîtres de l’Imaginaire que propose Chez Les Libraires Associés et dont c’est le dernier jour.
Son vélo, avec lequel il se déplace dans la capitale après son trajet en train, est garé devant chez Book-Off. C’est là que nous nous séparons. J’entre et en ressors avec deux livres à un euro : Les travaux et les jours d’Henri Pourrat d’Annette Lauras et Claire Pourrat (Editions Dominique Martin Morin) et Rapide essai de théologie automobile de Gaspard-Marie Janvier (Mille et Une Nuits).
Le train de dix-sept heures vingt-trois me ramène sans problème à Rouen où tombe une neige fondue qui m’oblige à marcher vite jusqu’à la maison.
Donc, ce jeudi, dernier jour de janvier, je prends le chemin de la gare. La neige redoutée, un peu tombée dans la nuit, est déjà fondue. Il est très tôt car la Senecefe ne m’a permis un billet à tarif réduit que pour le sept heures vingt-trois, pourtant toujours blindé, alors que le suivant ne l’est jamais (comprend qui peut, comme chantait Boby). Je trouve place dans la bétaillère, laquelle est à l’heure. J’y lis La mort en Perse d’Annemarie Schwarzenbach.
Le temps est gris dans la capitale. Il fait froid dans le bus Vingt qui m’emmène à la Bastille. Comme hier je passe du Café du Faubourg à Book-Off. Ayant épluché les rayonnages la veille, je n’y trouve guère. Quand même, au rayon Beaux Livres à deux euros, un nom pas vu hier attire mon œil, celui de Tomi Ungerer. Le livre de format carré a pour titre La roue de l’énergie. Publié par La Nuée Bleue, il narre l’élaboration d’une œuvre de Tomi La Roue de l’Energie par le Musée EDF Electropolis pour les trente ans de la centrale de Fessenheim. Je ne l’attendais pas là. Ce livre est accompagné d’un dévédé et a pour prix officiel trente euros mais comme beaucoup d'ouvrages à la gloire d’entreprises ou d’institutions culturelles, il a sans doute été distribué gratuitement.
Avec le métro Trois je vais à Opéra, d’où à pied je rejoins à midi moins cinq le carrefour Villedo/Sainte-Anne. J’y découvre le restaurant japonais traditionnel Higuma où j’ai mangé autrefois avec celle qui me tenait la main, une expérience culinaire qui m’a laissé le souvenir d’une déception.
Devinant que c’est là que l’ami Loïc désire déjeuner, j’y entre pour me réchauffer et être sûr d’avoir une table. Les restaurants de ce type sont nombreux dans le quartier et ont un fort succès qui impose souvent la file d’attente dans la rue. Quand je ressors une deuxième fois, celui que j’attendais est là. Nous sommes heureux de nous revoir.
Je lui dis mon expérience décevante de la cuisine du lieu mais je suis prêt à changer d’avis. Après la commande de la nourriture, il demande une bière du pays. Je dois me rabattre sur le pichet d’eau de Paris car la maison ignore le vin. L’entrée, le plat, la soupe, tout arrive en même temps. Je suis vite déçu par ma masse de riz recouverte de fines lamelles de viande bouillie et de légumes crus. C’est insipide. Qu’importe, le plaisir de converser avec celui que je suis venu voir me dédommage.
Bien qu’il soit déjà chargé de livres (il est passé au Book-Off de Quatre Septembre), Loïc trouve place pour les divers livres que j’ai mis de côté pour lui depuis notre dernière entrevue, dont plusieurs ouvrages pour enfants édités autrefois par Le Sourire qui Mord. En échange (si je puis dire), je me vois offrir un pot de confiture d’abricots maison.
Point de café non plus chez Higuma : « Nous sommes un restaurant japonais ». « Où l’on vend du Coca Cola » pourrais-je répondre mais je m’abstiens. Un Péhemmu chinois ne faisant pas brasserie, et des plus calmes, nous accueille, où nous poursuivons la conversation jusqu’à ce que ce soit l’heure pour lui d’aller voir l’exposition Les Maîtres de l’Imaginaire que propose Chez Les Libraires Associés et dont c’est le dernier jour.
Son vélo, avec lequel il se déplace dans la capitale après son trajet en train, est garé devant chez Book-Off. C’est là que nous nous séparons. J’entre et en ressors avec deux livres à un euro : Les travaux et les jours d’Henri Pourrat d’Annette Lauras et Claire Pourrat (Editions Dominique Martin Morin) et Rapide essai de théologie automobile de Gaspard-Marie Janvier (Mille et Une Nuits).
Le train de dix-sept heures vingt-trois me ramène sans problème à Rouen où tombe une neige fondue qui m’oblige à marcher vite jusqu’à la maison.
2 février 2019
De la neige en veux-tu en voilà, à Rouen comme à Paris, telle était l’annonce météorologique pour ce dernier mercredi de janvier, mais au réveil, ni neige, ni verglas, ni même de train en retard.
Je suis le premier à descendre sur le quai Deux avant que le sept heures cinquante-trois ne soit affiché. Le deuxième est l’aveugle qui suit les picots du borduquet à l’aide de sa canne blanche. Son handicap ne l’empêche pas d’aller travailler à Paris. Dans sa situation, je serais totalement démuni. Et j’ai de quoi m’inquiéter. Quand j’ai montré mon résultat d’examen de champ visuel à mon ophtalmo, elle m’a illico changé de gouttes pour les yeux, des plus fortes et matin et soir, puis elle a ordonné à sa secrétaire de me trouver un rendez-vous pour le douze février.
De la neige, j’en vois quelques centimètres dans la campagne que traverse le train quand je quitte des yeux le Gustave Flaubert d’Albert Thibaudet.
A l’arrivée dans la capitale le ciel est bleu. Pas de neige ici non plus, elle est tombée, elle a fondu. Les métros Trois et Huit m’emmènent à Ledru-Rollin. Après mon habituel café au Faubourg, j’entre à dix heures chez Book-Off et y trouve de quoi mettre dans mon panier.
Comme il fait doux et beau à la sortie, je rejoins pédestrement le Quartier Latin en longeant la Seine après le pont d’Austerlitz et entre à midi pile à La Cochonnaille, rue de la Harpe. La patronne discute avec une cheffe d’entreprise d’une commande mal comprise. Deux fois deux kilos, ce n’est pas la même chose que quatre kilos. « Qu’est-ce que je fais des deux kilos qui restent quand j’ai ouvert le sac de quatre kilos, je les jette ? » La cheffe promet que la prochaine fois ce sera deux sacs de deux kilos puis elle se plaint de l’arrêté préfectoral qui a interdit la circulation de ses camions par peur d’une neige surestimée : « Une journée de livraison perdue ». Le problème de la patronne, ce sont les Gilets Jaunes, une catastrophe pour le commerce. « Un samedi soir, on a fait zéro couvert, zéro, ça nous était jamais arrivé. » La retraite approche, heureusement. Avec son mari, ils iront voir des coins de France qu’ils ne connaissent pas : le Nord, l’Auvergne. D’autres clients, des habitués, arrivent. Des groupes de trois qui descendent au sous-sol, un endroit où je ne voudrais pas manger de crainte d’un incendie dans la cuisine contiguë.
Je prends comme la fois précédente le saucisson chaud pommes tièdes, le cassoulet de la maison et la mousse au chocolat. Avec le quart de vin du Vaucluse et son pot de rillettes, cela fait dix-neuf euros quatre-vingt-dix.
Je vais voir ensuite les livres de trottoir chez Gibert Joseph. Y figurent à nouveau des poches à cinquante centimes. Un bus Vingt-Sept m’emmène à Opéra. Au second Book-Off, comme souvent, je suis moins chanceux.
Dans le Corail de dix-sept heures vingt-trois, je termine le Flaubert de Thibaudet. Il ne m’aura rien appris sur Gustave. Ce genre de biographie littéraire d’entre les deux guerres a vécu.
Arrivé à la maison, je refais mon sac car ce jeudi, dernier jour de janvier, direction Paris où j’ai rendez-vous à midi à l’angle des rues Sainte-Anne et Villedo.
*
A un euro chez Béo : Les Carnets du coursier (Journal 1990-1999) de Paul Nizon (Actes Sud), Eloge de la marche de David Le Breton (Métailié), Nicolas Bouvier (L’œil qui écrit) de François Laut (Petite Bibliothèque Payot), De l’écriture de Francis Scott Fitzgerald (Editions Complexe), La mort en Perse d’Annemarie Schwarzenbach (Petite Bibliothèque Payot), Du côté de Goderville de Jean Prévost (Editions des Falaises), Vie de Guy Maupassant de Paul Morand (Pygmalion/Gérard Watelet) et Ma vie de Marc Chagall (Stock), lequel était rangé au rayon Musique (peut-être confondu avec Pablo Casals).
Je suis le premier à descendre sur le quai Deux avant que le sept heures cinquante-trois ne soit affiché. Le deuxième est l’aveugle qui suit les picots du borduquet à l’aide de sa canne blanche. Son handicap ne l’empêche pas d’aller travailler à Paris. Dans sa situation, je serais totalement démuni. Et j’ai de quoi m’inquiéter. Quand j’ai montré mon résultat d’examen de champ visuel à mon ophtalmo, elle m’a illico changé de gouttes pour les yeux, des plus fortes et matin et soir, puis elle a ordonné à sa secrétaire de me trouver un rendez-vous pour le douze février.
De la neige, j’en vois quelques centimètres dans la campagne que traverse le train quand je quitte des yeux le Gustave Flaubert d’Albert Thibaudet.
A l’arrivée dans la capitale le ciel est bleu. Pas de neige ici non plus, elle est tombée, elle a fondu. Les métros Trois et Huit m’emmènent à Ledru-Rollin. Après mon habituel café au Faubourg, j’entre à dix heures chez Book-Off et y trouve de quoi mettre dans mon panier.
Comme il fait doux et beau à la sortie, je rejoins pédestrement le Quartier Latin en longeant la Seine après le pont d’Austerlitz et entre à midi pile à La Cochonnaille, rue de la Harpe. La patronne discute avec une cheffe d’entreprise d’une commande mal comprise. Deux fois deux kilos, ce n’est pas la même chose que quatre kilos. « Qu’est-ce que je fais des deux kilos qui restent quand j’ai ouvert le sac de quatre kilos, je les jette ? » La cheffe promet que la prochaine fois ce sera deux sacs de deux kilos puis elle se plaint de l’arrêté préfectoral qui a interdit la circulation de ses camions par peur d’une neige surestimée : « Une journée de livraison perdue ». Le problème de la patronne, ce sont les Gilets Jaunes, une catastrophe pour le commerce. « Un samedi soir, on a fait zéro couvert, zéro, ça nous était jamais arrivé. » La retraite approche, heureusement. Avec son mari, ils iront voir des coins de France qu’ils ne connaissent pas : le Nord, l’Auvergne. D’autres clients, des habitués, arrivent. Des groupes de trois qui descendent au sous-sol, un endroit où je ne voudrais pas manger de crainte d’un incendie dans la cuisine contiguë.
Je prends comme la fois précédente le saucisson chaud pommes tièdes, le cassoulet de la maison et la mousse au chocolat. Avec le quart de vin du Vaucluse et son pot de rillettes, cela fait dix-neuf euros quatre-vingt-dix.
Je vais voir ensuite les livres de trottoir chez Gibert Joseph. Y figurent à nouveau des poches à cinquante centimes. Un bus Vingt-Sept m’emmène à Opéra. Au second Book-Off, comme souvent, je suis moins chanceux.
Dans le Corail de dix-sept heures vingt-trois, je termine le Flaubert de Thibaudet. Il ne m’aura rien appris sur Gustave. Ce genre de biographie littéraire d’entre les deux guerres a vécu.
Arrivé à la maison, je refais mon sac car ce jeudi, dernier jour de janvier, direction Paris où j’ai rendez-vous à midi à l’angle des rues Sainte-Anne et Villedo.
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A un euro chez Béo : Les Carnets du coursier (Journal 1990-1999) de Paul Nizon (Actes Sud), Eloge de la marche de David Le Breton (Métailié), Nicolas Bouvier (L’œil qui écrit) de François Laut (Petite Bibliothèque Payot), De l’écriture de Francis Scott Fitzgerald (Editions Complexe), La mort en Perse d’Annemarie Schwarzenbach (Petite Bibliothèque Payot), Du côté de Goderville de Jean Prévost (Editions des Falaises), Vie de Guy Maupassant de Paul Morand (Pygmalion/Gérard Watelet) et Ma vie de Marc Chagall (Stock), lequel était rangé au rayon Musique (peut-être confondu avec Pablo Casals).
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