Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
20 février 2025
Il fait encore bigrement froid ce mercredi matin lorsque je rejoins la Gare de Rouen. Si le train omnibus de sept heures pour Paris est annoncé supprimé, le direct de sept heures vingt-deux est à l’heure. J’y ai place trente-trois dans la voiture trois où je commence la lecture de Mémoires de Casque d’Or, le premier des deux textes composant Chroniques du Paris apache paru au Mercure de France : Je me suis mise en ménage à treize ans et deux mois ; c’était un lundi. J’ai perdu ce qu’on est convenu d’appeler le petit capital d’une femme exactement quinze jours plus tard, et c’était encore un lundi. Amélie Elie, dite Casque d’Or, n’a que vingt-trois ans quand ses mémoires sont recueillis par la revue Fin de Siècle en mil neuf cent deux. Je lis ça en diagonale.
Le ciel est bleu à Paris et le bus Vingt-Neuf a retrouvé son itinéraire officiel. Quand j’en descends à Bastille Beaumarchais, le froid est aussi intense qu’à Rouen. Le Marché d’Aligre est animé par l’essai de l’alarme incendie de ses halles. Je demande à Emile pourquoi ses livres sont empilés au lieu d’être sur la tranche. « On était en retard », me dit-il. Avec le froid, je n’ai pas la moindre envie de fouiller.
Il est dix heures quand je me réfugie au Camélia. Après avoir lu dans Le Parisien un article sur un jeune homme de seize ans qui a en charge son sexagénaire de père atteint d’Alzheimer précoce et n’en récolte que des insultes, je retrouve Casque d’Or.
A onze heures moins cinq, je suis sous la pendule devant Tonton Lulu. Deux minutes plus tard arrive le jeune homme avec qui j’ai rendez-vous, lui ayant vendu un livre. La transaction faite, je rentre chez Book-Off. J’en ressors avec un seul livre à un euro, d’Antonio Machado, Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre (Poésie/Gallimard).
Un vent glacé m’accueille à la sortie du métro Sainte-Opportune. Chez Au Diable des Lombards, je choisis une formule de saison : petit salé aux lentilles et tiramisu à la châtaigne.
Une maigre récolte de livres à un euro occupe mon panier quand je remonte du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin : Berthe Morisot, une biographie d’Anne Higonnet (Adam Biro), L’école buissonnière d’Henri Pourrat (Dominique Martin Morin) et Les Contes de mémé lubrique d’Etienne Liebig (La Musardine), une réécriture des contes traditionnels.
Chaque semaine je change à Arts et Métiers quand je vais du deuxième Book-Off au troisième Book-Off. La plus belle station de métro parisien, ai-je lu récemment. Il fallait que je le lise pour m’en apercevoir.
Le ciel est gris maintenant et un semblant de douceur se fait sentir. Un café comptoir au Bistrot d’Edmond, où les jus de fruits proviennent de briques premier prix, et je vais voir si la pêche sera plus fructueuse dans les livres à un euro du troisième Book-Off. J’en ressors avec Anthologie de la poésie érotique de Pierre Perret (je ne peux dire ce que je pense de lui) publiée chez Nil et Ces petits messieurs de Louise Colet publié par Talents Hauts, l’occasion de savoir si ce qu’elle écrivait est aussi mauvais que le disait son amant, lui qui trouvait bonne la médiocre poésie de son ami Bouilhet.
Dans le train de retour, je parcours plutôt que je lis le second texte de Chroniques du Paris apache, La Médaille de mort, le récit par son collègue Eugène Corsy de la mort du gardien de la paix stagiaire Joseph Besse, vingt-six ans, tué par un souteneur dans la nuit du trois au quatre janvier mil neuf cent cinq rue des Partants. Ce malheureux, qui n’avait que deux mois de service, avait revêtu l’uniforme pour la première fois le matin même.
Le ciel est bleu à Paris et le bus Vingt-Neuf a retrouvé son itinéraire officiel. Quand j’en descends à Bastille Beaumarchais, le froid est aussi intense qu’à Rouen. Le Marché d’Aligre est animé par l’essai de l’alarme incendie de ses halles. Je demande à Emile pourquoi ses livres sont empilés au lieu d’être sur la tranche. « On était en retard », me dit-il. Avec le froid, je n’ai pas la moindre envie de fouiller.
Il est dix heures quand je me réfugie au Camélia. Après avoir lu dans Le Parisien un article sur un jeune homme de seize ans qui a en charge son sexagénaire de père atteint d’Alzheimer précoce et n’en récolte que des insultes, je retrouve Casque d’Or.
A onze heures moins cinq, je suis sous la pendule devant Tonton Lulu. Deux minutes plus tard arrive le jeune homme avec qui j’ai rendez-vous, lui ayant vendu un livre. La transaction faite, je rentre chez Book-Off. J’en ressors avec un seul livre à un euro, d’Antonio Machado, Champs de Castille précédé de Solitudes, Galeries et autres poèmes et suivi de Poésies de la guerre (Poésie/Gallimard).
Un vent glacé m’accueille à la sortie du métro Sainte-Opportune. Chez Au Diable des Lombards, je choisis une formule de saison : petit salé aux lentilles et tiramisu à la châtaigne.
Une maigre récolte de livres à un euro occupe mon panier quand je remonte du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin : Berthe Morisot, une biographie d’Anne Higonnet (Adam Biro), L’école buissonnière d’Henri Pourrat (Dominique Martin Morin) et Les Contes de mémé lubrique d’Etienne Liebig (La Musardine), une réécriture des contes traditionnels.
Chaque semaine je change à Arts et Métiers quand je vais du deuxième Book-Off au troisième Book-Off. La plus belle station de métro parisien, ai-je lu récemment. Il fallait que je le lise pour m’en apercevoir.
Le ciel est gris maintenant et un semblant de douceur se fait sentir. Un café comptoir au Bistrot d’Edmond, où les jus de fruits proviennent de briques premier prix, et je vais voir si la pêche sera plus fructueuse dans les livres à un euro du troisième Book-Off. J’en ressors avec Anthologie de la poésie érotique de Pierre Perret (je ne peux dire ce que je pense de lui) publiée chez Nil et Ces petits messieurs de Louise Colet publié par Talents Hauts, l’occasion de savoir si ce qu’elle écrivait est aussi mauvais que le disait son amant, lui qui trouvait bonne la médiocre poésie de son ami Bouilhet.
Dans le train de retour, je parcours plutôt que je lis le second texte de Chroniques du Paris apache, La Médaille de mort, le récit par son collègue Eugène Corsy de la mort du gardien de la paix stagiaire Joseph Besse, vingt-six ans, tué par un souteneur dans la nuit du trois au quatre janvier mil neuf cent cinq rue des Partants. Ce malheureux, qui n’avait que deux mois de service, avait revêtu l’uniforme pour la première fois le matin même.
17 février 2025
Avoir 27 ans à mon âge ! écrivait René Fallet le vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante-deux dans son Journal de 5 à 7 que je viens de commencer. « Avoir 74 ans à mon âge ! », me dis-je à sa manière quand je m’éveille ce seize février.
Cet anniversaire ne modifie pas mon dimanche, un petit tour au Marché du Clos Saint-Marc, un passage à la Gare pour imprimer mes billets de train de mercredi prochain, le reste à la maison à tenter de maitriser le désordre créé par le trop-plein de livres.
Je ne broderai pas une nouvelle fois sur le parallèle entre les progressions de ma déchéance et de celle du monde. Ça ne s’arrange pas pour ce dernier qui commémore de façon inquiétante les Accords de Munich.
*
De René Fallet, le vingt-huit janvier mil neuf cent soixante-trois :
Je ne tiens guère à me fouiller, à me connaître, à m’analyser. Je ne me regarde pas vivre, je vis si peu. Je me jette simplement un coup d’œil distrait de temps à autre pour voir si je suis toujours là.
Cet anniversaire ne modifie pas mon dimanche, un petit tour au Marché du Clos Saint-Marc, un passage à la Gare pour imprimer mes billets de train de mercredi prochain, le reste à la maison à tenter de maitriser le désordre créé par le trop-plein de livres.
Je ne broderai pas une nouvelle fois sur le parallèle entre les progressions de ma déchéance et de celle du monde. Ça ne s’arrange pas pour ce dernier qui commémore de façon inquiétante les Accords de Munich.
*
De René Fallet, le vingt-huit janvier mil neuf cent soixante-trois :
Je ne tiens guère à me fouiller, à me connaître, à m’analyser. Je ne me regarde pas vivre, je vis si peu. Je me jette simplement un coup d’œil distrait de temps à autre pour voir si je suis toujours là.
13 février 2025
Une lune ronde éclaire le ciel quand je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi matin. Comme d’habitude, j’ai place dans la voiture Trois du sept heures vingt-deux pour Paris. Cette fois, mon siège a pour numéro l’âge que je ne vais plus avoir à la fin de la semaine. Chaque année je suis morose à l’approche de cette date. Je compte sur Winston et Clementine Churchill pour me faire songer à autre chose durant le trajet. C’est raté car, le premier avril mil neuf cent seize, Clemmie va avoir trente et un ans et ça la rend morose : Quand je vous reverrai la prochaine fois, j’espère que nous trouverons un peu de temps à passer seuls. – Nous sommes encore jeunes, mais le temps s’enfuit en emportant l’amour avec lui, et en ne laissant que de l’amitié, qui est un sentiment très paisible, mais qui n’apporte aucune stimulation et ne réchauffe pas le cœur. écrit-elle le vingt mars mil neuf cent seize à son soldat de mari.
A Paris le ciel est gris. Je bois un café aux Camélias où une femme assure qu’elle connaît des anciens profs qui se privent de manger pour acheter des cigarettes, tellement c’est devenu cher, et me voici au Marché d’Aligre où les tacherons d’Émile traînent à installer les livres.
Un peu de monde chez Re Read mais point de livres pour moi. En revanche, au Book-Off de Ledru-Rollin, quelques prises à un euro : Les Chats de Champfleury (Arléa), Poèmes de Pablo Picasso (Cherche Midi) et Les reflets du hasard d’Hélios Azoulay (Editions du Rocher). Longtemps que je ne l’ai pas croisé dans les rues de Rouen, le cher Hélios.
« A quoi ça sert des types comme ça ? Ah putain ! Comme elle a du souffrir la pauvre gosse. Comment c’est possible des horreurs comme ça ? » Au Rallye, on parle de Louise, onze ans, tuée à coups de couteau à Longjumeau. A la table d’à côté, on est pour la peine de mort. Deux femmes parlent ensuite du suicide d’un neveu de l’une. On l’a trouvé pendu à un réverbère. Les ravages de la drogue. « C’est triste à dire, mais pour ta sœur, c’est peut-être une délivrance ». Après le filet de harengs, la cuisse de canard et le café, direction le Book Off de Saint-Martin.
« Un euro ! C’est fou ! C’est pas normal ! » s’exclame un homme y mettant pour la première fois le pied. Il n’en ressort pas moins sans achat. Contrairement à moi qui mets un euro dans Petites Formes Sombres (Apagogistes & Associés) et Railway Bazaar de Paul Theroux (Cahiers Rouges Grasset) ainsi que huit euros dans Journal de 5 à 7 de René Fallet (Equateurs).
Au Bistrot d’Edmond je bois un café comptoir près de deux ouvriers couverts de plâtre qui ont l’air épuisé. Dans un coin mangent des serveurs, fourchette dans une main, smartphone dans l’autre.
J’achève ensuite d’alourdir mon sac au Book-Off de Quatre Septembre avec deux livres à un euro : Fragments autobiographiques de Martin Buber (Stock) et Pensées paresseuses d’un paresseux de Jerome K. Jerome (Arléa).
Pour rentrer, en raison d’une mise à quai tardive, un train qui circule avec vingt-cinq minutes de retard.
*
Sur la vitrine d’un fleuriste de la rue Théophile-Roussel :
« Et j’ai crié
Criééé
Aligre
Pour qu’elle revienne »
C’est après-demain la Saint-Valentin.
*
Sur un petit carré de papier collé sur une vitre de métro :
Caca
Pipi
Talisme
(Un révolutionnaire au stade anal)
*
Petites Formes Sombres donne à lire un choix de textes parmi les plus sombres que leurs auteurs aient écrits. Au sommaire : Sterne, Swift, Lichtenberg, Panizza, Villiers de l'Isle Adam, Jarry, Fénéon, Bloy, Cravan, Rigaut, Marinetti, De Andrade, Rostopchine, Dostoïevski, Boulgakov, Harms, Carroll, Pessoa, Brautigan, Kafka, Walser, Guillevic, Daumal, Mariën, Chaval, Benchley, Frédérique, Topor, Bierce, Stevenson.
Que des auteurs à mon goût.
A Paris le ciel est gris. Je bois un café aux Camélias où une femme assure qu’elle connaît des anciens profs qui se privent de manger pour acheter des cigarettes, tellement c’est devenu cher, et me voici au Marché d’Aligre où les tacherons d’Émile traînent à installer les livres.
Un peu de monde chez Re Read mais point de livres pour moi. En revanche, au Book-Off de Ledru-Rollin, quelques prises à un euro : Les Chats de Champfleury (Arléa), Poèmes de Pablo Picasso (Cherche Midi) et Les reflets du hasard d’Hélios Azoulay (Editions du Rocher). Longtemps que je ne l’ai pas croisé dans les rues de Rouen, le cher Hélios.
« A quoi ça sert des types comme ça ? Ah putain ! Comme elle a du souffrir la pauvre gosse. Comment c’est possible des horreurs comme ça ? » Au Rallye, on parle de Louise, onze ans, tuée à coups de couteau à Longjumeau. A la table d’à côté, on est pour la peine de mort. Deux femmes parlent ensuite du suicide d’un neveu de l’une. On l’a trouvé pendu à un réverbère. Les ravages de la drogue. « C’est triste à dire, mais pour ta sœur, c’est peut-être une délivrance ». Après le filet de harengs, la cuisse de canard et le café, direction le Book Off de Saint-Martin.
« Un euro ! C’est fou ! C’est pas normal ! » s’exclame un homme y mettant pour la première fois le pied. Il n’en ressort pas moins sans achat. Contrairement à moi qui mets un euro dans Petites Formes Sombres (Apagogistes & Associés) et Railway Bazaar de Paul Theroux (Cahiers Rouges Grasset) ainsi que huit euros dans Journal de 5 à 7 de René Fallet (Equateurs).
Au Bistrot d’Edmond je bois un café comptoir près de deux ouvriers couverts de plâtre qui ont l’air épuisé. Dans un coin mangent des serveurs, fourchette dans une main, smartphone dans l’autre.
J’achève ensuite d’alourdir mon sac au Book-Off de Quatre Septembre avec deux livres à un euro : Fragments autobiographiques de Martin Buber (Stock) et Pensées paresseuses d’un paresseux de Jerome K. Jerome (Arléa).
Pour rentrer, en raison d’une mise à quai tardive, un train qui circule avec vingt-cinq minutes de retard.
*
Sur la vitrine d’un fleuriste de la rue Théophile-Roussel :
« Et j’ai crié
Criééé
Aligre
Pour qu’elle revienne »
C’est après-demain la Saint-Valentin.
*
Sur un petit carré de papier collé sur une vitre de métro :
Caca
Pipi
Talisme
(Un révolutionnaire au stade anal)
*
Petites Formes Sombres donne à lire un choix de textes parmi les plus sombres que leurs auteurs aient écrits. Au sommaire : Sterne, Swift, Lichtenberg, Panizza, Villiers de l'Isle Adam, Jarry, Fénéon, Bloy, Cravan, Rigaut, Marinetti, De Andrade, Rostopchine, Dostoïevski, Boulgakov, Harms, Carroll, Pessoa, Brautigan, Kafka, Walser, Guillevic, Daumal, Mariën, Chaval, Benchley, Frédérique, Topor, Bierce, Stevenson.
Que des auteurs à mon goût.
11 février 2025
Ravi de ma lecture au lit de « J’ai trouvé un flacon de mercure… », le choix de textes anarchistes de Félix Fénéon paru en deux mille vingt-trois dans la collection Le Bon Voisin chez HD Editions avec en couverture un portrait de profil de l’auteur signé Willem, un livre acheté un euro chez Book-Off. On y trouve la Revue du mois écoulé qu’écrivit Félix Fénéon dans La Revue des journaux et des livres entre octobre mil huit cent quatre-vingt-cinq et septembre mil huit cent quatre-vingt-six, la signant Frédéric Moreau, dans laquelle il évoque l’actualité avec l’humour pince-sans-rire que l’on retrouvera dans ses Nouvelles en trois lignes.
Extraits :
Revue du mois d’octobre mil huit cent quatre-vingt-cinq :
La demande en grâce de la Bruxelloise Jeanne Lorette, condamnée à trois ans de prison pour avoir tué, à La Haye, son amant l’exquis diplomate japonais Sakurada, est rejetée ; l’instruction du crime de Villemomble se poursuit ; pour la troisième fois revient aux assises l’affaire du docteur Estachy accusé d’avoir fait manger à son collègue Tournatoire des grives intoxiquées d’atropine ; et, pour faire suite au procès Albert Pel, voici le procès Ribout : cette fois, au lieu de particularités mélodramatiques, des détails sentimentaux ; au lieu d’une condamnation, un acquittement. Défenseur : Me Demange. Les cours d’assises se transforment en cours de chimie : désormais, nul n’a le droit d’ignorer les aimables propriétés de la colchicine et autres poisons végétaux, expéditifs et discrets au point de ne laisser aucune trace dans l’organisme.
La chronique judiciaire fut, en outre, défrayée par le sieur Sgaluppi, qui berna tout le monde, depuis Lord Lyons et le prince Orloff jusqu’à Hugo. Moyennant finances, cet industrieux escarpe, qui se faisait appeler le commandeur Albert de Sartigny, conférait à tout venant les décorations exotiques les mieux cotées : de par lui, les ordres de l’Aigle blanc de Pologne, du Palatinat romain, de la Croix blanche, etc. s’accrurent de membres nombreux ; quelques mois de prison interrompent les héraldiques opérations de ce gentilhomme.
Trop nombreux pour être énumérés en ces notes, les duels provoqués par les compétitions électorales ; d’ailleurs, ces haines-là, féroces à la tribune des réunions publiques, s’amadouent sur le terrain : une égratignure, - et la réclame est faite, l’honneur satisfait et l’électeur roulé. Bien anodin aussi le duel du peintre moderniste Henri Gervex et du comte d’Izarn de Freissinet : celui-ci en est quitte pour un pouce de fer au flanc.
Revue du mois de novembre mil huit cent quatre-vingt-cinq :
Place de la Concorde, le 29 octobre, un coup de pistolet était tiré dans la direction de la voiture de M de Freycinet, par un sieur Mariotti, qui, pendant deux ou trois jours, joua au personnage mystérieux et anonyme : ce simulacre d’attentat avait simplement pour but d’appeler l’attention publique sur un déni de justice dont ce fantaisiste agresseur se prétendait victime.
Le lendemain à trois heures et demie, comme il sortait de l’Élysée par la porte de l’avenue Gabriel, le Président de la République, - étourdissement ou, peut-être, légère attaque d’apoplexie, - se fendit la lèvre aux barreaux de la grille, minime accident qui, commenté et amplifié, causa quelque émotion.
Revue du mois de janvier mil huit cent quatre-vingt-six :
La série rouge :
Le 13. Assassinat de Monsieur Barrème, préfet de l’Eure.
Le 14. Assassinat de Madame Laplaige, rue Beaubourg.
Le 15. Assassinat de Marie Aguétant, rue Caumartin.
Le 16. La Cour d’assise de la Seine condamne à mort Barbier (affaire de la rue de Rambuteau).
Le 20. Assassinat de la femme Evrat, rue de Charenton.
Le 24. M. de Verneuil tue, boulevard du Temple, l’amant de sa femme, et blesse grièvement celle-ci.
Le 26. La fille Heuchard tue son amant.
Sont morts, en janvier, sans le concours des assassins : MM Messieurs de Falloux, ancien ministre, de Foubert et Goguet, sénateurs, Paul Baudry ; Bressant, ancien sociétaire de la Comédie-Française, le docteur Jules Guérin.
Grève des mineurs à Decazeville (Aveyron). M. Watrain, ingénieur et sous-directeur de l’exploitation, est tué par les grévistes.
Revue du mois de mars mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 5. Trois coups de revolver sont tirés, au grand émoi des boursiers, sur la Corbeille de la Rente, par un énergumène du nom de Gallo.
Le 27. Désordres dans le bassin de Charleroi. Complète destruction des verreries de Sadin, Dorlodot, Devilley, Jonet, Mondron, Gosselies et Courcelles. A Marchiennes, la verrerie de l’Étoile et les laminoirs de Monceau sont dévastés. Le château d’Oultremont brûle. Les troupes tirent sur les révoltés, qui répliquent à coups de briques, de gourdin et de hache.
Le 28. Le romancier naturaliste, Robert Caze, meurt des suites d’une blessure reçue dans son duel avec notre confrère Charles Vignier.
Revue du mois de mai mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 11. A Lyon, les ouvriers de la Mûlatière, en grève depuis huit jours, « manifestent » devant l’usine de M. Allouard. Des fenêtres, M. Allouard et ses employés tirent sur la foule, blessent trente personnes. Intervention de la police. Arrestation parmi les ouvriers.
Au Trocadéro, grand festival au profit de l’Institut Pasteur, MM Saint-Saëns, Léo Delibes et Gounod conduisent eux-mêmes l’exécution de leurs œuvres.
Revue du mois de juillet mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 9. Un individu nommé Justin Cagus, originaire du Tarn, tire un coup de revolver dans la salle des séances du Palais-Bourbon.
Le 16. L’anarchiste Gallo, l’auteur de l’attentat de la Bourse est condamné à vingt ans de travaux forcés et à la relégation perpétuelle.
Obsèques du cardinal Guibert.
Le 20. Aux environs de Saint-Etienne, duel au pistolet entre M. Maxime Lisbonne, ci-devant colonel de la Commune, et M. Louis Périé, rédacteur en chef de la Loire républicaine. Résultat nul.
Revue du mois d’août mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 5. Découverte de débris humains dans un urinoir situé en face de l’église de Montrouge. Premier paquet : deux jambes et deux bras. Deuxième paquet trouvé rue d’Alésia, contenant divers fragments du corps, une cuisse et le bassin dont on avait enlevé les intestins. Plus loin, rue Gardioni, un troisième paquet recelait le buste entier, moins le sein gauche. On recherche la tête et le sein manquant ; impossible d’établir l’identité de la victime.
Revue du mois de septembre mil huit cent quatre-vingt-six :
Les principaux incidents du mois de septembre sont les tremblements de terre aux États-Unis, l’abdication du prince-régnant de Bulgarie, l’occupation des Nouvelles-Hébrides, le mouvement insurrectionnel madrilène, la grève de Vierzon et le voyage du président du conseil dans le Midi.
Pendant la première semaine de septembre, tremblements de terre aux Etats-Unis. Les secousses sont ressenties à Pittsburgh, Cincinnati, Cleveland, Detroit, Indianapolis, New York, Santa-Cruz, Germentowm, Summerville, Chicago, Augusta, Colombia. Dommages matériels : cinq millions de dollars. Nombreux morts. La ville de Charlestown est détruite.
Le 24. MM Jules Guesde, Paul Lafargue et le docteur Susini, condamnés par défaut, le 12 août dernier, comparaissent devant la Cour d’assises de la Seine sous l’inculpation : le premier, d’excitation au meurtre et au pillage ; le second, d’excitation au pillage, le troisième, d’excitation au meurtre. Me Lenoêl-Zévort les assiste. Les accusés présentent eux-mêmes leur défense, exposent leurs doctrines socialistes, et sont acquittés.
*
Autre intéressante lecture : Le Traité de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie, trouvé dans une boite à livres rouennaise, que je ‘n’avais jamais lu, un texte écrit à seize ou dix-huit ans publié longtemps après sa mort.
*
Une grosse déception : la Correspondance Vladimir Nabokov / Edmund Wilson. Ces deux messieurs qui n’avaient rien de personnel à se dire m’ont ennuyé avec leurs petites querelles littéraires et leurs nombreux débats sur la traduction du russe en anglais.
Déçu aussi par les textes, les photos et la plupart des dessins de la revue érotique, littéraire et graphique Stupre, représentative du fade vingt et unième siècle.
Extraits :
Revue du mois d’octobre mil huit cent quatre-vingt-cinq :
La demande en grâce de la Bruxelloise Jeanne Lorette, condamnée à trois ans de prison pour avoir tué, à La Haye, son amant l’exquis diplomate japonais Sakurada, est rejetée ; l’instruction du crime de Villemomble se poursuit ; pour la troisième fois revient aux assises l’affaire du docteur Estachy accusé d’avoir fait manger à son collègue Tournatoire des grives intoxiquées d’atropine ; et, pour faire suite au procès Albert Pel, voici le procès Ribout : cette fois, au lieu de particularités mélodramatiques, des détails sentimentaux ; au lieu d’une condamnation, un acquittement. Défenseur : Me Demange. Les cours d’assises se transforment en cours de chimie : désormais, nul n’a le droit d’ignorer les aimables propriétés de la colchicine et autres poisons végétaux, expéditifs et discrets au point de ne laisser aucune trace dans l’organisme.
La chronique judiciaire fut, en outre, défrayée par le sieur Sgaluppi, qui berna tout le monde, depuis Lord Lyons et le prince Orloff jusqu’à Hugo. Moyennant finances, cet industrieux escarpe, qui se faisait appeler le commandeur Albert de Sartigny, conférait à tout venant les décorations exotiques les mieux cotées : de par lui, les ordres de l’Aigle blanc de Pologne, du Palatinat romain, de la Croix blanche, etc. s’accrurent de membres nombreux ; quelques mois de prison interrompent les héraldiques opérations de ce gentilhomme.
Trop nombreux pour être énumérés en ces notes, les duels provoqués par les compétitions électorales ; d’ailleurs, ces haines-là, féroces à la tribune des réunions publiques, s’amadouent sur le terrain : une égratignure, - et la réclame est faite, l’honneur satisfait et l’électeur roulé. Bien anodin aussi le duel du peintre moderniste Henri Gervex et du comte d’Izarn de Freissinet : celui-ci en est quitte pour un pouce de fer au flanc.
Revue du mois de novembre mil huit cent quatre-vingt-cinq :
Place de la Concorde, le 29 octobre, un coup de pistolet était tiré dans la direction de la voiture de M de Freycinet, par un sieur Mariotti, qui, pendant deux ou trois jours, joua au personnage mystérieux et anonyme : ce simulacre d’attentat avait simplement pour but d’appeler l’attention publique sur un déni de justice dont ce fantaisiste agresseur se prétendait victime.
Le lendemain à trois heures et demie, comme il sortait de l’Élysée par la porte de l’avenue Gabriel, le Président de la République, - étourdissement ou, peut-être, légère attaque d’apoplexie, - se fendit la lèvre aux barreaux de la grille, minime accident qui, commenté et amplifié, causa quelque émotion.
Revue du mois de janvier mil huit cent quatre-vingt-six :
La série rouge :
Le 13. Assassinat de Monsieur Barrème, préfet de l’Eure.
Le 14. Assassinat de Madame Laplaige, rue Beaubourg.
Le 15. Assassinat de Marie Aguétant, rue Caumartin.
Le 16. La Cour d’assise de la Seine condamne à mort Barbier (affaire de la rue de Rambuteau).
Le 20. Assassinat de la femme Evrat, rue de Charenton.
Le 24. M. de Verneuil tue, boulevard du Temple, l’amant de sa femme, et blesse grièvement celle-ci.
Le 26. La fille Heuchard tue son amant.
Sont morts, en janvier, sans le concours des assassins : MM Messieurs de Falloux, ancien ministre, de Foubert et Goguet, sénateurs, Paul Baudry ; Bressant, ancien sociétaire de la Comédie-Française, le docteur Jules Guérin.
Grève des mineurs à Decazeville (Aveyron). M. Watrain, ingénieur et sous-directeur de l’exploitation, est tué par les grévistes.
Revue du mois de mars mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 5. Trois coups de revolver sont tirés, au grand émoi des boursiers, sur la Corbeille de la Rente, par un énergumène du nom de Gallo.
Le 27. Désordres dans le bassin de Charleroi. Complète destruction des verreries de Sadin, Dorlodot, Devilley, Jonet, Mondron, Gosselies et Courcelles. A Marchiennes, la verrerie de l’Étoile et les laminoirs de Monceau sont dévastés. Le château d’Oultremont brûle. Les troupes tirent sur les révoltés, qui répliquent à coups de briques, de gourdin et de hache.
Le 28. Le romancier naturaliste, Robert Caze, meurt des suites d’une blessure reçue dans son duel avec notre confrère Charles Vignier.
Revue du mois de mai mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 11. A Lyon, les ouvriers de la Mûlatière, en grève depuis huit jours, « manifestent » devant l’usine de M. Allouard. Des fenêtres, M. Allouard et ses employés tirent sur la foule, blessent trente personnes. Intervention de la police. Arrestation parmi les ouvriers.
Au Trocadéro, grand festival au profit de l’Institut Pasteur, MM Saint-Saëns, Léo Delibes et Gounod conduisent eux-mêmes l’exécution de leurs œuvres.
Revue du mois de juillet mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 9. Un individu nommé Justin Cagus, originaire du Tarn, tire un coup de revolver dans la salle des séances du Palais-Bourbon.
Le 16. L’anarchiste Gallo, l’auteur de l’attentat de la Bourse est condamné à vingt ans de travaux forcés et à la relégation perpétuelle.
Obsèques du cardinal Guibert.
Le 20. Aux environs de Saint-Etienne, duel au pistolet entre M. Maxime Lisbonne, ci-devant colonel de la Commune, et M. Louis Périé, rédacteur en chef de la Loire républicaine. Résultat nul.
Revue du mois d’août mil huit cent quatre-vingt-six :
Le 5. Découverte de débris humains dans un urinoir situé en face de l’église de Montrouge. Premier paquet : deux jambes et deux bras. Deuxième paquet trouvé rue d’Alésia, contenant divers fragments du corps, une cuisse et le bassin dont on avait enlevé les intestins. Plus loin, rue Gardioni, un troisième paquet recelait le buste entier, moins le sein gauche. On recherche la tête et le sein manquant ; impossible d’établir l’identité de la victime.
Revue du mois de septembre mil huit cent quatre-vingt-six :
Les principaux incidents du mois de septembre sont les tremblements de terre aux États-Unis, l’abdication du prince-régnant de Bulgarie, l’occupation des Nouvelles-Hébrides, le mouvement insurrectionnel madrilène, la grève de Vierzon et le voyage du président du conseil dans le Midi.
Pendant la première semaine de septembre, tremblements de terre aux Etats-Unis. Les secousses sont ressenties à Pittsburgh, Cincinnati, Cleveland, Detroit, Indianapolis, New York, Santa-Cruz, Germentowm, Summerville, Chicago, Augusta, Colombia. Dommages matériels : cinq millions de dollars. Nombreux morts. La ville de Charlestown est détruite.
Le 24. MM Jules Guesde, Paul Lafargue et le docteur Susini, condamnés par défaut, le 12 août dernier, comparaissent devant la Cour d’assises de la Seine sous l’inculpation : le premier, d’excitation au meurtre et au pillage ; le second, d’excitation au pillage, le troisième, d’excitation au meurtre. Me Lenoêl-Zévort les assiste. Les accusés présentent eux-mêmes leur défense, exposent leurs doctrines socialistes, et sont acquittés.
*
Autre intéressante lecture : Le Traité de la servitude volontaire d’Etienne de La Boétie, trouvé dans une boite à livres rouennaise, que je ‘n’avais jamais lu, un texte écrit à seize ou dix-huit ans publié longtemps après sa mort.
*
Une grosse déception : la Correspondance Vladimir Nabokov / Edmund Wilson. Ces deux messieurs qui n’avaient rien de personnel à se dire m’ont ennuyé avec leurs petites querelles littéraires et leurs nombreux débats sur la traduction du russe en anglais.
Déçu aussi par les textes, les photos et la plupart des dessins de la revue érotique, littéraire et graphique Stupre, représentative du fade vingt et unième siècle.
7 février 2025
François, notre conducteur, annonce d’un ton enjoué qu’à l’approche de Paris Saint-Lazare nous circulons avec deux minutes d’avance. Je rejoins la Bastille avec le bus Vingt-Neuf qui dévie toujours le Marais à la surprise de celles et ceux qui y allaient. Les trottoirs sont mouillés ce mercredi. Il a plu. Il ne pleuvra plus. « Parfois ils ne disent pas la vérité », commente un commerçant du Marché d’Aligre. Aucun livre n’est là pour moi.
En attendant onze heures, je prends un café assis, toujours à deux euros vingt, au Camélia. Une vieille dilapide sa retraite dans les cartes à gratter. Un sportif boit un café au comptoir, à qui elle demande de faire une flexion, jambes tendues, jusqu’à toucher le bout de ses pieds. Une formalité pour lui. « Il faut être jeune, lui dit-elle, moi j’ai quatre-vingts ans. » « Bon courage », lui répond-il. Elle ne cesse de se réapprovisionner et de perdre. « C’est du vol, c’est comme les politiques », se plaint-t-elle.
A l’ouverture de Book-Off, je me débarrasse de quatre lourds livres contre la modique somme de huit euros puis en dépense six pour Bonne nuit, Œdipe de Joseph Barry (Seuil), Chroniques du hasard d’Elena Ferrante, illustrations d’Andrea Ucini (Gallimard), Dans la forêt du miroir (Essais sur les mots et sur le monde) d’Alberto Manguel (Actes Sud / Léméac), Sauve qui peut la vie de Nicole Lapierre (Seuil), « J’ai trouvé un flacon de mercure… » (Choix de textes anarchistes 1884 – 1895) de Félix Fénéon (Le Bon Voisin) et le premier numéro de la revue érotique, littéraire et graphique Stupre, cet exemplaire ayant été offert avec les mots suivants : « Pour Dorothée. Une dédicace profonde et dure. Enjoy » (elle n’en a pas été assez pénétrée).
Je suis à peine dans le métro Un quand la voix annonce qu’il n’ira pas plus loin que Gare de Lyon en raison d’un dégagement de fumée à Saint-Paul. A ce nouveau terminus, la rame est accueillie par des gilets orange criant à tous de descendre, ce qui fait paniquer les non francophones. Après une bonne marche souterraine, je rejoins la ligne Quatorze, en descends à Châtelet, marche encore longtemps dans des couloirs avant de pouvoir remonter par le Forum des Halles (la pire horreur qui soit à Paris) d’où j’émerge près de l’église Saint-Eustache, encore une bonne marche à l’air libre et me voici au Diable des Lombards à seulement midi et demi pour une quiche au thon suivie d’une dorade entière rôtie légumes verts sauce vierge. L’écran muet annonce que Donald Trump veut faire de Gaza une deuxième Côte d’Azur. Mes voisins ont des conversations de collègues : « Les bagnards, ils cassaient des cailloux toute la journée. Le soir, ils savaient ce qu’ils avaient fait. Nous, on ne sait pas. ».
Pour finir, j’achève de remplir mon sac de livres à un euro aux deux autres Book-Off. Enquête sur des lieux de Petr Král (Flammarion), Le supplice des week-ends de Robert Benchley (Pavillon Poche Laffont) et Comment ne pas devenir écrivain voyageur d’Adrien Blouet (Notabilia) à Saint-Martin. Panama Al Brown d’Eduardo Arroyo (Cahiers Rouges Grasset) et East Village Blues de Chantal Thomas avec photos d’Allen S. Weiss (Points) à Quatre Septembre.
Dans le train de retour, je poursuis ma lecture de la Correspondance de Clementine et Winston Churchill. Tandis qu’il commande son bataillon dans les tranchées chez les Flamands, elle crée des cantines ouvrières dans les usines d’armement d’Angleterre.
Désormais, le jour est encore présent lorsque je sors de la Gare de Rouen à six heures moins une.
*
Ces vieilles et ces vieux qui se vantent de leur grand âge auprès de n’importe qui. Comme s’il y avait un quelconque mérite à en être arrivé là.
En attendant onze heures, je prends un café assis, toujours à deux euros vingt, au Camélia. Une vieille dilapide sa retraite dans les cartes à gratter. Un sportif boit un café au comptoir, à qui elle demande de faire une flexion, jambes tendues, jusqu’à toucher le bout de ses pieds. Une formalité pour lui. « Il faut être jeune, lui dit-elle, moi j’ai quatre-vingts ans. » « Bon courage », lui répond-il. Elle ne cesse de se réapprovisionner et de perdre. « C’est du vol, c’est comme les politiques », se plaint-t-elle.
A l’ouverture de Book-Off, je me débarrasse de quatre lourds livres contre la modique somme de huit euros puis en dépense six pour Bonne nuit, Œdipe de Joseph Barry (Seuil), Chroniques du hasard d’Elena Ferrante, illustrations d’Andrea Ucini (Gallimard), Dans la forêt du miroir (Essais sur les mots et sur le monde) d’Alberto Manguel (Actes Sud / Léméac), Sauve qui peut la vie de Nicole Lapierre (Seuil), « J’ai trouvé un flacon de mercure… » (Choix de textes anarchistes 1884 – 1895) de Félix Fénéon (Le Bon Voisin) et le premier numéro de la revue érotique, littéraire et graphique Stupre, cet exemplaire ayant été offert avec les mots suivants : « Pour Dorothée. Une dédicace profonde et dure. Enjoy » (elle n’en a pas été assez pénétrée).
Je suis à peine dans le métro Un quand la voix annonce qu’il n’ira pas plus loin que Gare de Lyon en raison d’un dégagement de fumée à Saint-Paul. A ce nouveau terminus, la rame est accueillie par des gilets orange criant à tous de descendre, ce qui fait paniquer les non francophones. Après une bonne marche souterraine, je rejoins la ligne Quatorze, en descends à Châtelet, marche encore longtemps dans des couloirs avant de pouvoir remonter par le Forum des Halles (la pire horreur qui soit à Paris) d’où j’émerge près de l’église Saint-Eustache, encore une bonne marche à l’air libre et me voici au Diable des Lombards à seulement midi et demi pour une quiche au thon suivie d’une dorade entière rôtie légumes verts sauce vierge. L’écran muet annonce que Donald Trump veut faire de Gaza une deuxième Côte d’Azur. Mes voisins ont des conversations de collègues : « Les bagnards, ils cassaient des cailloux toute la journée. Le soir, ils savaient ce qu’ils avaient fait. Nous, on ne sait pas. ».
Pour finir, j’achève de remplir mon sac de livres à un euro aux deux autres Book-Off. Enquête sur des lieux de Petr Král (Flammarion), Le supplice des week-ends de Robert Benchley (Pavillon Poche Laffont) et Comment ne pas devenir écrivain voyageur d’Adrien Blouet (Notabilia) à Saint-Martin. Panama Al Brown d’Eduardo Arroyo (Cahiers Rouges Grasset) et East Village Blues de Chantal Thomas avec photos d’Allen S. Weiss (Points) à Quatre Septembre.
Dans le train de retour, je poursuis ma lecture de la Correspondance de Clementine et Winston Churchill. Tandis qu’il commande son bataillon dans les tranchées chez les Flamands, elle crée des cantines ouvrières dans les usines d’armement d’Angleterre.
Désormais, le jour est encore présent lorsque je sors de la Gare de Rouen à six heures moins une.
*
Ces vieilles et ces vieux qui se vantent de leur grand âge auprès de n’importe qui. Comme s’il y avait un quelconque mérite à en être arrivé là.
6 février 2025
Il y a dans notre vie, un secret très simple, et pourtant négligé : partir, c’est vivre. Marchant, chevauchant ou pédalant avec lui dans les cafés de la ville, je suis parvenu au bout des mille quatre cent dix pages du Bouquins Laffont groupant, sous le titre L’Energie vagabonde, une série de textes de Sylvain Tesson dont j’ai apprécié certains positivement et d’autres moins.
Parmi les notes prises, surtout dans la première moitié du livre, je retiens ces trois aphorismes :
L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’obligation de vivre avec eux.
Des sauterelles craquettent par milliers, rappelant qu’elles sont une inépuisable réserve de protéines.
Peu importe le paysage, c’est le nom que je voulais traverser. « La traversée des toponymes », c’est le titre que devrait porter tout récit de voyage.
Retenu aussi ce développement à propos du sort des femmes dans le monde :
Le wanderer que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle. Il souffre à chaque instant de se heurter où qu’il porte ses pas (aux rares exceptions des pays scandinaves, de certaines vallées himalayennes et des jungles primaires) à la toute-puissance de la testostérone. Il lui semble que l’humanité a érigé en divinité, le mauvais chromosome. Il entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde où il manque cinquante millions de femmes, le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran – ce bégaiement paniqué de berger hagard – le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue la femme. Il sait qu’en Europe autour de lui, sous ses yeux, la situation n’est pas plus heureuse. Dans les champs tropicaux qu’il a traversés, il n’a souvent vu que la silhouette des femmes affairées aux moissons pendant que les hommes s’adonnaient à cette occupation qui tient en haleine chaque jour des milliards d’entre eux : suivre l’ombre d’un arbre au fur et à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. Dans des pays de sable et de soleil, il a partagé des dîners à la table du maître de maison pendant que la mère de famille se nourrissait par terre de ce qu’on lui laissait. Il a rencontré des familles composées de petits garçons gras comme des poussahs entourés de fillettes aux côtes saillantes. Il a collecté dans ses carnets de notes quelques proverbes hideux :
Quand la fille naît, même les murs pleurent. (Roumanie)
Une fille donne autant de soucis qu’un troupeau de mille bêtes. (Tibet).
Instruire une femme, c’est mettre un couteau entre les mains d’un singe. (Inde)
La femme est la porte principale de l’enfer (Inde)
La femme que Dieu comble de bonheur est celle qui meurt avant son mari. (monde arabe)
Merci, mon Dieu, de ne pas m’avoir fait naître femme. (monde juif)
Celui-ci à propos de l’usage de la bicyclette :
J’avais oublié combien le vélo aliénait l’esprit. A bicyclette, toute l’énergie spirituelle est consacrée à maintenir la tension physique. Et ce que l’on gagne en vitesse est à mettre au débit de la production intellectuelle. Le corps travaille, le cerveau dort. C’est donc dans un parfait état d’abrutissement que je passe quatre cols entre 800 et 1200 mètres.
Enfin, à propos des chiens : Ces bêtes serviles sont abâtardies par l’homme. On leur apprend à répondre aux caresses, à renvoyer du maître une image flatteuse, baveuse.
*
Pas un récit de Sylvain Tesson sans citations. J’en garde cinq :
Le type qui a envie de faire sauter le monde est la contrepartie de l’imbécile qui s’imagine qu’il peut sauver le monde. Le monde n’a besoin ni d’un destructeur ni d’un sauveur. Le monde est et nous sommes. (Henry Miller)
Les forêts précèdent les hommes et les déserts leur succèdent. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
L’homme descend du songe. (Antoine Blondin)
La vie est une chose tellement hideuse que le seul moyen de la supporter, c’est de l’éviter. (Gustave Flaubert à Mademoiselle Le Royer de Chantepie, le dix-huit mai mil huit cent cinquante-sept)
Je ne pense que quand j’écris. (Pierre Louÿs, Journal, treize septembre mil huit cent quatre-vingt-dix)
Parmi les notes prises, surtout dans la première moitié du livre, je retiens ces trois aphorismes :
L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’obligation de vivre avec eux.
Des sauterelles craquettent par milliers, rappelant qu’elles sont une inépuisable réserve de protéines.
Peu importe le paysage, c’est le nom que je voulais traverser. « La traversée des toponymes », c’est le titre que devrait porter tout récit de voyage.
Retenu aussi ce développement à propos du sort des femmes dans le monde :
Le wanderer que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle. Il souffre à chaque instant de se heurter où qu’il porte ses pas (aux rares exceptions des pays scandinaves, de certaines vallées himalayennes et des jungles primaires) à la toute-puissance de la testostérone. Il lui semble que l’humanité a érigé en divinité, le mauvais chromosome. Il entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde où il manque cinquante millions de femmes, le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran – ce bégaiement paniqué de berger hagard – le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue la femme. Il sait qu’en Europe autour de lui, sous ses yeux, la situation n’est pas plus heureuse. Dans les champs tropicaux qu’il a traversés, il n’a souvent vu que la silhouette des femmes affairées aux moissons pendant que les hommes s’adonnaient à cette occupation qui tient en haleine chaque jour des milliards d’entre eux : suivre l’ombre d’un arbre au fur et à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. Dans des pays de sable et de soleil, il a partagé des dîners à la table du maître de maison pendant que la mère de famille se nourrissait par terre de ce qu’on lui laissait. Il a rencontré des familles composées de petits garçons gras comme des poussahs entourés de fillettes aux côtes saillantes. Il a collecté dans ses carnets de notes quelques proverbes hideux :
Quand la fille naît, même les murs pleurent. (Roumanie)
Une fille donne autant de soucis qu’un troupeau de mille bêtes. (Tibet).
Instruire une femme, c’est mettre un couteau entre les mains d’un singe. (Inde)
La femme est la porte principale de l’enfer (Inde)
La femme que Dieu comble de bonheur est celle qui meurt avant son mari. (monde arabe)
Merci, mon Dieu, de ne pas m’avoir fait naître femme. (monde juif)
Celui-ci à propos de l’usage de la bicyclette :
J’avais oublié combien le vélo aliénait l’esprit. A bicyclette, toute l’énergie spirituelle est consacrée à maintenir la tension physique. Et ce que l’on gagne en vitesse est à mettre au débit de la production intellectuelle. Le corps travaille, le cerveau dort. C’est donc dans un parfait état d’abrutissement que je passe quatre cols entre 800 et 1200 mètres.
Enfin, à propos des chiens : Ces bêtes serviles sont abâtardies par l’homme. On leur apprend à répondre aux caresses, à renvoyer du maître une image flatteuse, baveuse.
*
Pas un récit de Sylvain Tesson sans citations. J’en garde cinq :
Le type qui a envie de faire sauter le monde est la contrepartie de l’imbécile qui s’imagine qu’il peut sauver le monde. Le monde n’a besoin ni d’un destructeur ni d’un sauveur. Le monde est et nous sommes. (Henry Miller)
Les forêts précèdent les hommes et les déserts leur succèdent. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
L’homme descend du songe. (Antoine Blondin)
La vie est une chose tellement hideuse que le seul moyen de la supporter, c’est de l’éviter. (Gustave Flaubert à Mademoiselle Le Royer de Chantepie, le dix-huit mai mil huit cent cinquante-sept)
Je ne pense que quand j’écris. (Pierre Louÿs, Journal, treize septembre mil huit cent quatre-vingt-dix)
3 février 2025
Marianne Faithfull qui meurt et ce sont mes quatorze ans qui s’effacent un peu plus, As Tears Go By.
Peu avant sont morts Gabriel Yacoub, le chanteur de Malicorne, dont j’achetais les disques durant ma période folk des années soixante-dix chez Mélodie Massacre, et Daniel Colling, le créateur du Printemps de Bourges, que j’ai connu à Cazals dans le Lot en juillet mil neuf cent soixante-quinze. Spectateur arrivé en avance de son Festival Folk International (au programme Malicorne, Alan Stivell, Marcel Dadi, Claude Marti, Roger Siffer, David Bromberg, Tom Rush, Una Ramos, Planxty, Country Gazette, Perlimpinpin Fòlc, Aristide Padygros et tant d’autres), je l’avais croisé au café du village. Il m’avait aussitôt intégré comme aide bénévole à la petite équipe de l’organisation. Il me prêtait sa Renault Seize, une des premières voitures avec des vitres électriques. Pendant les deux jours du Festival, je fus chargé de recevoir les artistes jouant sur la seconde scène sous un chapiteau. Je me souviens de Teresa Rebull demandant à ce que je la conduise d’abord à la caravane où l’on payait les artistes, craignant que tout le monde ne le soit pas, moins de spectateurs qu’espéré, bien que quinze mille, certains entrés sans payer.
Cela pourrait me faire paraître nostalgique. Je le suis moins que les constructeurs d’automobiles qui ressuscitent la Quatre Ailes, la Renault Cinq, la Fiat Cinq Cent, la Mini Cooper et la Deux Chevaux, toutes électriques. Celles et ceux qui les achètent n’auront jamais la vie qui allait avec.
*
Travaux en cours dans la copropriété, là où vivaient Abrutus et Aboyus (que je ne regrette pas). Le nouveau propriétaire change portes et fenêtres. En plastique blanc, je pense ces nouvelles fenêtres. Tandis qu’il s’active avec celui qui l’aide, je lis un article du Figaro expliquant que les cambrioleurs ont un faible pour ces fenêtres en plastique de rez-de-chaussée qu’ils font fondre au chalumeau.
*
Café bourgeois de Rouen vendredi après-midi. Une cliente : « Même avant que j’apprenne qu’elle nous donnait son appartement, on s’occupait d’elle. »
Café populaire près de Rouen samedi matin. La patronne : « Il s’en passe des choses dans le monde entier ! Quand même, l’hélicoptère là, qu’a foncé dans l’avion en Amérique… » La serveuse : « C’est louche. » La patronne : « Oui c’est louche. »
Peu avant sont morts Gabriel Yacoub, le chanteur de Malicorne, dont j’achetais les disques durant ma période folk des années soixante-dix chez Mélodie Massacre, et Daniel Colling, le créateur du Printemps de Bourges, que j’ai connu à Cazals dans le Lot en juillet mil neuf cent soixante-quinze. Spectateur arrivé en avance de son Festival Folk International (au programme Malicorne, Alan Stivell, Marcel Dadi, Claude Marti, Roger Siffer, David Bromberg, Tom Rush, Una Ramos, Planxty, Country Gazette, Perlimpinpin Fòlc, Aristide Padygros et tant d’autres), je l’avais croisé au café du village. Il m’avait aussitôt intégré comme aide bénévole à la petite équipe de l’organisation. Il me prêtait sa Renault Seize, une des premières voitures avec des vitres électriques. Pendant les deux jours du Festival, je fus chargé de recevoir les artistes jouant sur la seconde scène sous un chapiteau. Je me souviens de Teresa Rebull demandant à ce que je la conduise d’abord à la caravane où l’on payait les artistes, craignant que tout le monde ne le soit pas, moins de spectateurs qu’espéré, bien que quinze mille, certains entrés sans payer.
Cela pourrait me faire paraître nostalgique. Je le suis moins que les constructeurs d’automobiles qui ressuscitent la Quatre Ailes, la Renault Cinq, la Fiat Cinq Cent, la Mini Cooper et la Deux Chevaux, toutes électriques. Celles et ceux qui les achètent n’auront jamais la vie qui allait avec.
*
Travaux en cours dans la copropriété, là où vivaient Abrutus et Aboyus (que je ne regrette pas). Le nouveau propriétaire change portes et fenêtres. En plastique blanc, je pense ces nouvelles fenêtres. Tandis qu’il s’active avec celui qui l’aide, je lis un article du Figaro expliquant que les cambrioleurs ont un faible pour ces fenêtres en plastique de rez-de-chaussée qu’ils font fondre au chalumeau.
*
Café bourgeois de Rouen vendredi après-midi. Une cliente : « Même avant que j’apprenne qu’elle nous donnait son appartement, on s’occupait d’elle. »
Café populaire près de Rouen samedi matin. La patronne : « Il s’en passe des choses dans le monde entier ! Quand même, l’hélicoptère là, qu’a foncé dans l’avion en Amérique… » La serveuse : « C’est louche. » La patronne : « Oui c’est louche. »
30 janvier 2025
A mon arrivée au Camélia, ce mercredi, je souhaite une bonne année au patron et à son fils. C’est aujourd’hui le nouvel an lunaire, le début de l’année du serpent de bois. J’ai une pensée pour Chyi. Que devient-elle, celle qui m’écrivait de Pékin en commençant ses courriers par « Petit lapin chéri ». Le lapin est mon signe dans l’astrologie chinoise.
Le ciel est un peu bleu dans la capitale. Ça ne va pas durer. Une nouvelle pluie est en route. Au Marché d’Aligre, où Amin est en pleine introspection, « Qu’est-ce qu’on va devenir ? », je ne trouve rien pour moi.
Pas davantage chez Re-Read où entre un homme qui déclare à la bouquiniste « Je voudrais me rapprocher du siège social ». Il a des locaux commerciaux à fourguer et repart déçu.
De retour à Ledru-Rollin, je découvre que le Café du Faubourg n’est plus. Relouqué, il est devenu Tonton Lulu. Adieu prolo, bienvenue bobo. Le Rallye, où je souhaite la bonne année à la patronne et à la serveuse, est toujours dans son jus. Un alcoolisé anime le comptoir : « Elle, elle est née en France, chacun sa merde ». Après être ressorti de Book-Off avec seulement quelques ouvrages à parcourir vite fait avant de les revendre, j’y déjeune d’un filet de hareng suivi d’un sauté de bœuf aux carottes et riz.
De la pluie à la sortie, je m’abstiens d’ouvrir le parapluie dont je ne sais que faire quand il est mouillé et que je rentre quelque part. J’ai redécouvert que la pluie, c’est moins gênant quand on n’a pas de lunettes. Au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin je ne trouve rien qui me soit indispensable. Je dépense quand même un euro pour un roman, qui n’a pas l’air d’en être vraiment un, de Frédérique Clémençon, succombant à la tentation à cause de son titre Une saleté.
Toujours sous la pluie, avec une pause café au comptoir du Bistrot d’Edmond, je rejoins le troisième Book-Off où il n’y a pour moi à un euro qu’Ecrits et propos de Pierre Soulages (Hermann) et Oublier Berlin de Jean-Yves Cendrey (Editions de Minuit).
C’est le déluge à la sortie. Mon train de retour est à l’heure. La même pluie m’accueille à Rouen. J’attends le bus Effe Sept. Sous l’abribus, un excité déblatère. Il rentre du bled. Il se vante de ne pas travailler. Il déclare qu’il n’a besoin pour vivre que de sa bite et de son couteau. Dans le bus, il se colle près de la conductrice qui n’ose l’envoyer paître. Le couple qui l’accompagne rit de ses propos idiots de dragueur pénible. Il a tort de dire qu’il ne travaille pas. Il travaille, et très efficacement, pour le Pen, Bardella, Retailleau et les autres.
*
Disponible à quatre euros chez Re-Read : Jean-François Kahn, Droit dans le mur ! une définition de la mort, dont il vient de faire l’expérience.
Disponible à un euro chez Book-Off : Pierre Dupont, L’Abbé Pierre, une vie d’amour, sans sa mise à jour.
Le ciel est un peu bleu dans la capitale. Ça ne va pas durer. Une nouvelle pluie est en route. Au Marché d’Aligre, où Amin est en pleine introspection, « Qu’est-ce qu’on va devenir ? », je ne trouve rien pour moi.
Pas davantage chez Re-Read où entre un homme qui déclare à la bouquiniste « Je voudrais me rapprocher du siège social ». Il a des locaux commerciaux à fourguer et repart déçu.
De retour à Ledru-Rollin, je découvre que le Café du Faubourg n’est plus. Relouqué, il est devenu Tonton Lulu. Adieu prolo, bienvenue bobo. Le Rallye, où je souhaite la bonne année à la patronne et à la serveuse, est toujours dans son jus. Un alcoolisé anime le comptoir : « Elle, elle est née en France, chacun sa merde ». Après être ressorti de Book-Off avec seulement quelques ouvrages à parcourir vite fait avant de les revendre, j’y déjeune d’un filet de hareng suivi d’un sauté de bœuf aux carottes et riz.
De la pluie à la sortie, je m’abstiens d’ouvrir le parapluie dont je ne sais que faire quand il est mouillé et que je rentre quelque part. J’ai redécouvert que la pluie, c’est moins gênant quand on n’a pas de lunettes. Au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin je ne trouve rien qui me soit indispensable. Je dépense quand même un euro pour un roman, qui n’a pas l’air d’en être vraiment un, de Frédérique Clémençon, succombant à la tentation à cause de son titre Une saleté.
Toujours sous la pluie, avec une pause café au comptoir du Bistrot d’Edmond, je rejoins le troisième Book-Off où il n’y a pour moi à un euro qu’Ecrits et propos de Pierre Soulages (Hermann) et Oublier Berlin de Jean-Yves Cendrey (Editions de Minuit).
C’est le déluge à la sortie. Mon train de retour est à l’heure. La même pluie m’accueille à Rouen. J’attends le bus Effe Sept. Sous l’abribus, un excité déblatère. Il rentre du bled. Il se vante de ne pas travailler. Il déclare qu’il n’a besoin pour vivre que de sa bite et de son couteau. Dans le bus, il se colle près de la conductrice qui n’ose l’envoyer paître. Le couple qui l’accompagne rit de ses propos idiots de dragueur pénible. Il a tort de dire qu’il ne travaille pas. Il travaille, et très efficacement, pour le Pen, Bardella, Retailleau et les autres.
*
Disponible à quatre euros chez Re-Read : Jean-François Kahn, Droit dans le mur ! une définition de la mort, dont il vient de faire l’expérience.
Disponible à un euro chez Book-Off : Pierre Dupont, L’Abbé Pierre, une vie d’amour, sans sa mise à jour.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante