Il y a dans notre vie, un secret très simple, et pourtant négligé : partir, c’est vivre. Marchant, chevauchant ou pédalant avec lui dans les cafés de la ville, je suis parvenu au bout des mille quatre cent dix pages du Bouquins Laffont groupant, sous le titre L’Energie vagabonde, une série de textes de Sylvain Tesson dont j’ai apprécié certains positivement et d’autres moins.
Parmi les notes prises, surtout dans la première moitié du livre, je retiens ces trois aphorismes :
L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’obligation de vivre avec eux.
Des sauterelles craquettent par milliers, rappelant qu’elles sont une inépuisable réserve de protéines.
Peu importe le paysage, c’est le nom que je voulais traverser. « La traversée des toponymes », c’est le titre que devrait porter tout récit de voyage.
Retenu aussi ce développement à propos du sort des femmes dans le monde :
Le wanderer que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle. Il souffre à chaque instant de se heurter où qu’il porte ses pas (aux rares exceptions des pays scandinaves, de certaines vallées himalayennes et des jungles primaires) à la toute-puissance de la testostérone. Il lui semble que l’humanité a érigé en divinité, le mauvais chromosome. Il entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde où il manque cinquante millions de femmes, le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran – ce bégaiement paniqué de berger hagard – le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue la femme. Il sait qu’en Europe autour de lui, sous ses yeux, la situation n’est pas plus heureuse. Dans les champs tropicaux qu’il a traversés, il n’a souvent vu que la silhouette des femmes affairées aux moissons pendant que les hommes s’adonnaient à cette occupation qui tient en haleine chaque jour des milliards d’entre eux : suivre l’ombre d’un arbre au fur et à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. Dans des pays de sable et de soleil, il a partagé des dîners à la table du maître de maison pendant que la mère de famille se nourrissait par terre de ce qu’on lui laissait. Il a rencontré des familles composées de petits garçons gras comme des poussahs entourés de fillettes aux côtes saillantes. Il a collecté dans ses carnets de notes quelques proverbes hideux :
Quand la fille naît, même les murs pleurent. (Roumanie)
Une fille donne autant de soucis qu’un troupeau de mille bêtes. (Tibet).
Instruire une femme, c’est mettre un couteau entre les mains d’un singe. (Inde)
La femme est la porte principale de l’enfer (Inde)
La femme que Dieu comble de bonheur est celle qui meurt avant son mari. (monde arabe)
Merci, mon Dieu, de ne pas m’avoir fait naître femme. (monde juif)
Celui-ci à propos de l’usage de la bicyclette :
J’avais oublié combien le vélo aliénait l’esprit. A bicyclette, toute l’énergie spirituelle est consacrée à maintenir la tension physique. Et ce que l’on gagne en vitesse est à mettre au débit de la production intellectuelle. Le corps travaille, le cerveau dort. C’est donc dans un parfait état d’abrutissement que je passe quatre cols entre 800 et 1200 mètres.
Enfin, à propos des chiens : Ces bêtes serviles sont abâtardies par l’homme. On leur apprend à répondre aux caresses, à renvoyer du maître une image flatteuse, baveuse.
*
Pas un récit de Sylvain Tesson sans citations. J’en garde cinq :
Le type qui a envie de faire sauter le monde est la contrepartie de l’imbécile qui s’imagine qu’il peut sauver le monde. Le monde n’a besoin ni d’un destructeur ni d’un sauveur. Le monde est et nous sommes. (Henry Miller)
Les forêts précèdent les hommes et les déserts leur succèdent. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
L’homme descend du songe. (Antoine Blondin)
La vie est une chose tellement hideuse que le seul moyen de la supporter, c’est de l’éviter. (Gustave Flaubert à Mademoiselle Le Royer de Chantepie, le dix-huit mai mil huit cent cinquante-sept)
Je ne pense que quand j’écris. (Pierre Louÿs, Journal, treize septembre mil huit cent quatre-vingt-dix)
Parmi les notes prises, surtout dans la première moitié du livre, je retiens ces trois aphorismes :
L’enfer, ce n’est pas les autres, c’est l’obligation de vivre avec eux.
Des sauterelles craquettent par milliers, rappelant qu’elles sont une inépuisable réserve de protéines.
Peu importe le paysage, c’est le nom que je voulais traverser. « La traversée des toponymes », c’est le titre que devrait porter tout récit de voyage.
Retenu aussi ce développement à propos du sort des femmes dans le monde :
Le wanderer que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle. Il souffre à chaque instant de se heurter où qu’il porte ses pas (aux rares exceptions des pays scandinaves, de certaines vallées himalayennes et des jungles primaires) à la toute-puissance de la testostérone. Il lui semble que l’humanité a érigé en divinité, le mauvais chromosome. Il entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde où il manque cinquante millions de femmes, le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran – ce bégaiement paniqué de berger hagard – le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue la femme. Il sait qu’en Europe autour de lui, sous ses yeux, la situation n’est pas plus heureuse. Dans les champs tropicaux qu’il a traversés, il n’a souvent vu que la silhouette des femmes affairées aux moissons pendant que les hommes s’adonnaient à cette occupation qui tient en haleine chaque jour des milliards d’entre eux : suivre l’ombre d’un arbre au fur et à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. Dans des pays de sable et de soleil, il a partagé des dîners à la table du maître de maison pendant que la mère de famille se nourrissait par terre de ce qu’on lui laissait. Il a rencontré des familles composées de petits garçons gras comme des poussahs entourés de fillettes aux côtes saillantes. Il a collecté dans ses carnets de notes quelques proverbes hideux :
Quand la fille naît, même les murs pleurent. (Roumanie)
Une fille donne autant de soucis qu’un troupeau de mille bêtes. (Tibet).
Instruire une femme, c’est mettre un couteau entre les mains d’un singe. (Inde)
La femme est la porte principale de l’enfer (Inde)
La femme que Dieu comble de bonheur est celle qui meurt avant son mari. (monde arabe)
Merci, mon Dieu, de ne pas m’avoir fait naître femme. (monde juif)
Celui-ci à propos de l’usage de la bicyclette :
J’avais oublié combien le vélo aliénait l’esprit. A bicyclette, toute l’énergie spirituelle est consacrée à maintenir la tension physique. Et ce que l’on gagne en vitesse est à mettre au débit de la production intellectuelle. Le corps travaille, le cerveau dort. C’est donc dans un parfait état d’abrutissement que je passe quatre cols entre 800 et 1200 mètres.
Enfin, à propos des chiens : Ces bêtes serviles sont abâtardies par l’homme. On leur apprend à répondre aux caresses, à renvoyer du maître une image flatteuse, baveuse.
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Pas un récit de Sylvain Tesson sans citations. J’en garde cinq :
Le type qui a envie de faire sauter le monde est la contrepartie de l’imbécile qui s’imagine qu’il peut sauver le monde. Le monde n’a besoin ni d’un destructeur ni d’un sauveur. Le monde est et nous sommes. (Henry Miller)
Les forêts précèdent les hommes et les déserts leur succèdent. (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe)
L’homme descend du songe. (Antoine Blondin)
La vie est une chose tellement hideuse que le seul moyen de la supporter, c’est de l’éviter. (Gustave Flaubert à Mademoiselle Le Royer de Chantepie, le dix-huit mai mil huit cent cinquante-sept)
Je ne pense que quand j’écris. (Pierre Louÿs, Journal, treize septembre mil huit cent quatre-vingt-dix)