Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

18 maris 2024


La ville est à fuir le samedi après-midi, trop de couples et de familles dans les rues, allant de vitrine en vitrine. Je profite donc du soleil printanier, une rareté en cette année de pluie, pour prendre place sur le banc du jardin avec la Correspondance d’Auguste Perret et Marie Dormoy.
Ce pauvre jardin, après le passage d’un duo d’ouvriers paysagistes cet hiver, est de nouveau laissé à l’abandon. La pelouse pousse comme elle peut, envahie de pissenlits et de pâquerettes. Les plantes à fleurs ont presque toutes disparu. Quelques jonquilles ont survécu, maintenant fanées.
Tandis que je lis, j’ai en fond sonore la conversation d’une jeune voisine dont le petit appartement est opposé en diagonale au mien. Qu’elle parle à sa copine ou dans son téléphone, une phrase sur deux commence par « du coup ».
A un moment, le voisin au chien, qui ne fait plus que de courtes apparitions sans son animal dans son appartement, entre et ressort. Il y a un mois, il m’a dit qu’il allait partir. Depuis que son chien n’aboyait plus en son absence, je m’étais accoutumé à lui. Je regretterai donc son départ car je crains toujours d’avoir pire par la suite. Lui au moins n’écoutait pas de musique et ne recevait personne d’autre que sa copine.
Je rentre quand j’arrive à la fin de la correspondance entre l’architecte et sa maîtresse, un livre qui m’aura tenu des semaines.
Ma seconde moitié d’après-midi est prise par la réservation de mes billets Rouen Paris et retour du mercredi pour les deux mois de l’été des Jeux Olympiques.
Je m’y prends encore plus tôt que d’habitude car il y aura des Normands avec des billets pour cette compétition sportive qui voudront prendre le train. Il n’y aura pas de places pour tout le monde et il ne saurait être question que cette bouffonnerie m’empêche d’aller à la capitale.
                                                                         *
Rouen, Capitale Européenne de la Beauferie ? Certains y travaillent, m’apprend Paris Normandie : « L’office de tourisme veut faire de Rouen « the place to be » pour les enterrements de vie de jeune fille. »
 

15 mars 2024


Dans le train de sept heures vingt-trois pour Paris je lis ce mercredi Au jour le jour, les carnets allant de mil neuf cent soixante-quatorze à mil neuf cent soixante-dix-neuf et publiés au Temps Qu’il Fait de Paul de Roux donc j’ignore tout. Mon voisin d’outre-couloir lit Les racines libertaires de l’écologie politique (j’en connais un rayon sur le sujet). Tout comme moi, il prend des notes sur sa lecture.
On traverse le tunnel de Rolleboise au ralenti. Je déteste ça. J’ai horreur des tunnels. Peut-être que ça me rappelle la vie intra-utérine. C’est ensuite un arrêt imprévu à Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous défend de tenter d’ouvrir les portes. Qui pourrait en avoir envie ? « Notre train est susceptible de repartir à tout instant ». C’est heureux. Il ne le fait que dix minutes plus tard. Aucune explication n’est donnée. Nous allons ensuite de ralentissement en ralentissement. Cela nous vaut vingt-cinq minutes de retard à l’arrivée.
Un bus Vingt-Neuf est en train de partir mais son aimable conducteur me permet de monter à bord au feu rouge. Il me mène sans encombre place de la Bastille.
Mon retard ne compense pas mon avance. Je peux donc explorer le Marché d’Aligre, rien de nouveau chez Emile, de la littérature des Balkans chez Amin, rien pour moi.
Au comptoir du Camélia, j’ai pour voisin Alzheimer et sa canne. Je lis Le Parisien (celui du bar). Il lit Le Figaro (le sien). « Autrefois, j’étais abonné au Figaro », me dit-il. « Ça veut dire que je suis de droite », ajoute-t-il. « Ah oui, moi, c’était Libération ». « J’ai toujours été de droite. » « Il n’est pas trop tard pour changer. ». « Autrefois, j’étais abonné au Figaro ». Sa fille lui téléphone pour lui demander où il est et le faire rentrer à la maison. « J’ai quatre-vingt-seize ans », dit-il en partant sans oublier sa canne.
A dix heures cinquante-cinq, j’ai rendez-vous devant le Café du Faubourg avec un homme à qui j’ai vendu un livre pour cinq euros. L’échange effectué, j’entre chez Book-Off dès que le rideau métallique est levé.
J’en ressors avec deux livres à un euro : L’Art de l’oisiveté d’Hermann Hesse (Biblio) et Fernando Pessoa de Maria José de Lancastre et Antonio Tabucchi (Hazan).
Au Diable des Lombards, je fais rimer onglet gratin avec tarte Tatin. Un jeune homme entre demander si on cherche du monde. « On est au complet », lui répond le serveur qui pourtant court partout (au sens propre).
Dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, la pêche est bonne. Je remonte avec dans mon filet neuf livres à un euro, trois Cahiers Rouges Grasset : Enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret, Mémoires de ma vie morte de George Moore et J’adore de Jean Desbordes, ainsi que Adieu Andromède de Christiane Rochefort (Grasset), Presque invisible de Mark Strand (Vif), Journal d’un égoïste de Ghilmer (Le Bruit des Autres), Autoportrait (à l’étranger) de Jean-Philippe Toussaint (Editions de Minuit) et enfin une jolie petite édition de Rêver à la Suisse d’Henri Calet (Héros-Limite).
Le métro Onze reste en carafe (plus d’électricité). Je dois marcher longuement dans les couloirs et monter un tas d’escaliers avant de trouver le Huit qui me mène à Opéra. Cela me fait perdre une demi-heure.
Après un café comptoir au Bistrot d’Edmond, je me dirige vers le troisième Book-Off. Un fidèle lecteur rouennais qui fréquente aussi ce quartier m’a appris cette semaine que j’ai été photographié devant la porte de cette boutique culturelle par la voiture à Gougueule en mai deux mille dix-huit. Heureusement de dos. Je pense que c’est la première fois que je me vois sous cet angle. La bouquinerie est submergée par les rachats. Ma récolte à un euro est mince. Elle ne se compose que d’un seul livre Annemarie Schwarzenbach ou le mal d’Europe de Dominique Laure Miermont (Payot) mais j’en suis fort content.
Ce fidèle lecteur rouennais était dépité d’apprendre que le fruitier à la sauvette installé face à la sortie du métro Quatre Septembre avait été embarqué par la maréchaussée mercredi dernier. Le voilà de retour (lui ou un autre).
Au piano de la Gare Saint-Lazare, c’est Mozart qu’on assassine. La Marche turque trébuche. Mes pieds aussi sont fatigués.
La voiture Cinq est peu fréquentée dans mon train de retour, le seize heures quarante. J’y termine Au jour le jour, un livre avec trop de nature, trop d’arbres, de nuages, de rivières. Je n’en retiens que ceci :
Nous sommes comme des poissons qui rêveraient de ne pas se mouiller.
Ce fruit rouge dans le poirier, le bouvreuil. (façon Jules Renard)
On ne lit bien que les morts et les inconnus. (je suis d’accord avec ça)
 

14 mars 2024


Il n’est jamais trop tôt pour bien faire. Ce mardi matin, protégé par mon parapluie, slalomant entre les barrières des trottoirs en travaux de la rue de Crosne, je marche jusqu’au Tribunal d’Instance.
Il s’agit pour moi de remplir le formulaire permettant à celui qui l‘a déjà fait la fois précédente, en deux mille dix-neuf, de voter à ma place le neuf juin prochain pour les Européennes. Cette aimable personne n’a pas hésité à me dire une nouvelle fois oui lorsque je l’ai contactée, m’envoyant dans la foulée son attestation d’inscription sur les listes électorales.
La porte d’entrée franchie, je me trouve face à un vigile à qui je donne la raison de ma présence. « La greffière en chef est là, me dit-il, je vais lui poser la question. » Elle vient me voir, me dit qu’elle va chercher l’imprimé nécessaire, revient avec, puis m’emmène dans la salle d’attente (sans que j’aie à passer par le portique détecteur de métaux, contrairement aux étrangers qui viennent là pour des papiers espérés). Je remplis ma demande sur la petite table en coin.
Le formulaire complété, je le remets à l’aimable Directrice des Services de Greffe Judiciaires. Elle va remplir le récépissé « à conserver par le demandeur », lui donne un coup de tampon et me le remet. Nous nous souhaitons mutuellement une bonne journée. Ce Tribunal d’Instance est un service public où l’on est encore accueilli de façon humaine (contrairement à la Mairie de Rouen).
De retour à la maison, j’écris que c’est fait à celui qui est devenu mon mandataire. Je lui donne le nom de la liste pour laquelle il votera à ma place. Un choix que je lui confirmerai la veille du vote.
L’imprimé que j’ai rempli au Tribunal va être transmis à la Mairie. Si mon mandataire est le même que la fois précédente, ce ne sera pas le cas de mon vote.
                                                                         *
En voici un qui m’écrit pour me demander comment je peux dire du mal de Macron alors qu’une photo me montre en train de coller une affiche de celui-ci. Il n’est pas né de la dernière pluie mais n’a pourtant pas su déceler le grossier montage (il y a un problème d’échelle entre moi et l’affiche Macron). Un montage fait à partir d’une photo prise lorsqu’il y a déjà longtemps je collais sur le socle de la statue de Corneille une image de moi-même faite au Centre Pompidou pendant l’exposition JR. Un montage dû à un bricoleur qui s’est assis un jour sur la flèche de la Cathédrale et n’en a plus bougé (au point que la pointe a fini par atteindre son cerveau).
                                                                          *
La seule affiche politique que j’ai collée, c’était, en mil neuf cent soixante-dix-neuf lors de la première Election Européenne, celle des Verts dont j’avais reçu la quantité nécessaire pour tout le département de l’Eure (c’est dire si on était nombreux à être écologistes dans ce temps-là). Cette affiche officielle, où figurait un soleil si je me souviens bien, devait être collée sur les panneaux électoraux. J’ai collé ce que j’ai pu, ne faisant que ça après l’école, sillonnant de nombreuses routes du département. Beaucoup me sont restées sur les bras.
La liste Europe Ecologie était menée par Solange Fernex, elle a fait moins de cinq pour cent, aucun(e) élu(e).
 

12 mars 2024


Il s’est enfin décidé à donner un calendrier pour sa loi sur la fin de vie, Macron, Président, Droitiste. Cela dans un entretien publié « en même temps » par La Croix (pour les cathos) et Libération (pour les gauchos, le peu qu’il en reste).
« Avec cette loi, on regarde la mort en face », se vante-t-il. Pourtant il a peur du mot, puisqu’il préfère une périphrase pour la nommer, cette loi.
Elle ne concernera que les très malades, n’ayant plus, après des années de souffrance, aucun espoir de guérison. Pas question de donner aux autres le droit de décider de la date de leur mort et les moyens de quitter le monde. Pas question de les laisser juger jusqu’à quel âge ils souhaitent vivre.
Si Macron fait le fiérot quand il s’agit de commémorer les avancées d’hier, le droit à l’avortement, le mariage des homosexuel(le)s, avancées auxquelles s’est résolue la France des années après d’autres pays, il montre son vrai visage quand il s’agit du présent. C’est un trouillard, un pétochard. Avant de parler à La Croibération, il a reçu plusieurs fois les « représentants des cultes ». Ces gens-là n’ont pas à décider pour qui ne croit pas à leurs contes et légendes. Il a également consulté le « corps médical ». Les médecins (en majorité cathos) ne devraient pas avoir leur mot à dire sur cette question, ils sont là pour soigner, le reste ne les concerne pas.
Bref, quels que soient les amendements futurs des Parlementaires, il ne sera jamais possible en France de choisir le jour de sa mort et d’obtenir les moyens de passer à l’acte. Il faudra donc continuer à avoir recours à des méthodes personnelles, douces (médicaments, si on le peut), moins douces (la tête dans un sac, si on a le courage) ou brutales (se jeter sous un train, du haut de la falaise, du huitième étage ou dans la Seine).
                                                                      *
Publicité gouvernementale à la télé : il faut lire un quart d’heure par jour pour se distraire.
Faut-il être peu exigeant pour ne voir dans la lecture qu’un moyen de se distraire.
La vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir, mais pour se trouver. a écrit Jean Guéhenno, un propos affiché dans une librairie (j’ai vu passer la photo sur le réseau social Effe Bé).
 

11 mars 2024


Ce samedi est le jour de l’inauguration de la Bouquinerie de la Croix de Pierre. C’est une annexe de La Tonne, la librairie rouennaise qui depuis plus d’un an remplace la gargote du même nom où les frites étaient si bonnes. Cette seconde boutique dédiée à la seconde main ne sera ouverte que les après-midis des samedis et mercredis de quatorze à dix-huit heures.
Si je ne suis jamais allé à la librairie, n’achetant plus de livres neufs, je vais voir ce que propose cette annexe dédiée à l’occasion où sont rassemblés des livres qui n’ont pas coûté un sou à la libraire, ils lui ont été donnés, et qui sont revendus entre deux et cinq euros.
Je fais en sorte de n’avoir que cinq minutes d’avance à l’arrivée rue Edouard-Adam. L’annexe de La Tonne n’a pas encore d’enseigne. Sa porte est déjà ouverte et deux potentiels acheteurs m’ont précédé. Je dis bonjour. Un retraité tient la caisse. La tonnière m’indique que les livres sont classés par catégories. Je m’en doutais. Je déteste, quand je rentre dans une boutique de livres, qu’on me donne des indications avant que j’aie posé la question.
Comme je le constate moi-même, la littérature de grand format est à droite en entrant et, malheureusement, sur les deux étagères du bas. Je ne peux plus m’accroupir aisément et je vois mal. Néanmoins, je suis à peu près sûr que rien ne m’attendait là. Dans les autres rayonnages, je ne trouve pas davantage de quoi acheter. Il n’y a même pas là un livre que j’aurais déjà. Ce qui fait que je ne m’attarde pas. A quatorze heures vingt, je suis de retour chez moi.
Ce que je voudrais à Rouen, c’est une bouquinerie de la franchise Le Bibliovore, née à Tours et ayant depuis essaimé à Blois, Orléans, Poitiers, Angers, Limoges, Clermont-Ferrand, Besançon, La Rochelle et Le Mans.
Les livres, à condition qu’ils soient en très bon état (proche du neuf), y sont achetés un euro le kilo et revendus trois euros pièce ou dix euros les quatre.
Allez, quelqu’un(e) pour ouvrir un Bibliovore rouennais, afin que mon vœu soit exaucé.
Maintenant, y trouverais-je de quoi me plaire ? Pas sûr, il y a si peu de Rouennais(e)s qui s’intéressent à la littérature, la vraie.
                                                                        *
Et donc, à défaut de trouver en occasion les livres que j’aime à Rouen, je commande ce dimanche chez Gibert Journaux intimes de Benjamin Constant (Gallimard), Journal de mes rencontres - Un cycle de tragédies de Iouri Annenkov (Editions des Syrtes), Lettres à Guillaume Apollinaire de Louise de Coligny-Châtillon (Gallimard) et J'aimerais penser que je vous manque un peu - Lettres à Lotte de Stefan Zweig (Albin Michel), quatorze euros le tout, livraison gratuite.
 

8 mars 2024


De ma lecture ferroviaire de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte dans la collection Les Cahiers Rouges chez Grasset, des souvenirs de jeune fille évoqués par une vieille femme et publiés pour la première fois en deux mille dix-neuf, je sauve quelques méchancetés :
La Princesse Zénaïde : C’était une grosse femme matérielle, épaisse à l’excès, sans cœur, sans esprit ayant eu seize enfants du plus dégoûtant des hommes qu’elle n’aimait pas, qu’elle estimait encore moins et à juste titre.
Son père, engrosseur de domestiques : Je ne nommerai pas toutes les dames que j’ai connues auprès de ma mère. Elles changeaient assez souvent. Je me souviens, entre autres, d’une Milanaise, Mlle Frosconi qui resta plusieurs années consécutives, entrecoupées de quelques absences forcées…
Mon père, le plus aimable des hommes, poussait la galanterie jusqu’à l’imprudence. D’ailleurs, le baron de Stoelting, son chevalier d’honneur, était une bonne tête de Turc. « C’est Stoelting », disait mon père, et ce beau Stoelting, avec ses larges mouchoirs, son nez en pied de marmite tout bourré de tabac, passait pour un Lovelace.
Adolphe Thiers : Pendant l’été 1837, Monsieur Thiers vint en Italie. Ce fut alors que je le vis pour la première fois. Sa femme l’accompagnait. Elle se disait souffrante. On prétendait qu’elle avait eu pour le maestro Bellini une affection des plus tendres et que son mariage avec M. Thiers était loin de la satisfaire. On la disait instruite des relations intimes de son mari avec sa mère.
Marie de Hesse-Darmstadt, future femme du futur Empereur de Russie Alexandre le Deuxième : Elle ne fut même pas placée sur la liste des princesses à marier qu’on mit sous les yeux du Grand-Duc. Cependant, ce fut elle qui lui plut. L’empereur Nicolas s’était imposé de ne pas contrarier l’inclination de son fils, mais ce choix lui fit dire, avec un peu de cynisme, que le cochon anoblit la truie.
De celle de Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard dans l’édition de poche des Editions de Minuit, je ne retiens que ma déception. Impossible de croire à cette histoire d’amour passion entre deux femmes. L’auteure va de cliché en cliché. Ses phrases courtes fatiguent. Encore plus ses paragraphes type Ouiquipédia pour expliquer tel film ou tel lieu à des lecteurs supposés ignares. Le plus pénible est la deuxième partie quand la narratrice, après la mort de cette Sarah, plonge dans la dépression à Trieste, je l’ai lue en diagonale.
Page cinquante-sept : … des chiens errants errent dans les herbes touffues et vert tendre … (ça c’est étonnant)
Page cent soixante et un : Je chante de vieilles chansons françaises de variété que j’ai gardées en mémoire. (ça c’est lourd)
 

7 mars 2024


Un obstacle sur la voie ce mercredi, oublié là par les ouvriers de la société privée effectuant de nuit des travaux dans le tunnel de Rolleboise entre Bonnières et Mantes-la-Jolie, est cause que le train de sept heures vingt-trois est retenu en gare. Il partira avec trente minutes de retard, nous dit-on.
Le départ a lieu à huit heures cinq. J’ai pour voisine une navetteuse qui devait prendre celui de huit heures. Elle est en contact avec d’autres qui sont parties bien plus tôt et dont les trains sont toujours bloqués vers Bonnières. Le nôtre s’arrête à Val-de-Reuil. La cheffe de bord nous annonce qu’il n’y a qu’une seule voie de disponible et donc tous les trains sont à la file. Elle prévoit une heure de retard à l’arrivée. Ce sera une heure et demie. Largement le temps qu’il me faut pour lire Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard car ça me saoule, surtout la deuxième partie que je parcours en diagonale.
Le bus Vingt-Neuf, lui, se trouve bloqué près de la place des Vosges par des livreurs indélicats. J’en descends et poursuis à pied jusqu’à Ledru-Rollin. Un café comptoir au Camélia et j’entre chez Book-Off cinq minutes après l’ouverture.
J’en ressors avec des livres à un euro Mémoires de Montparnasse de John Glassco (Viviane Hamy), L’Auvergne des écrivains d’ailleurs (Page Centrale), La Femme qui pensait être belle de Kenneth Bernard (Le Tripode) et Jiří Kolář l’œil de Prague de Michel Butor (La Différence). Au magasin Eram d’à côté une employée installe une inscription autocollante sur la vitrine pour indiquer qu’ici on vend des chaussures de seconde main. De second pied serait plus approprié.
Au Diable des Lombards, je choisis les accras de poisson et le faux-filet frites salade.
-Votre collègue, mercredi dernier, m’a fait un prix carte de fidélité.
-Il aurait pas dû. C’est réservé aux employés de la Fnac, on a un accord avec eux.
Je paye donc quinze euros dix et dis que je reviendrai quand même.
Du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, je remonte d’autres livres à un euro : Lettres à Condorcet de Julie de Lespinasse (Desjonquières), Raymond Queneau et la fête foraine de Jacques Roubaud (Réunion des Musées Nationaux) et un mignonnet coffret du Livre de Poche contenant cinq Jean Effel Le Ciel et la Terre, Les Plantes et les Animaux, L'Homme, La Femme et Le Roman d'Adam et d'Ève.
Enfin au troisième Book-Off, je paie trois euros pour Les Lettres de Stark Munro d’Arthur Conan Doyle (Editions du Jasmin) et deux livres à offrir, tandis qu’au guichet des achats le vendeur n’est pas ravi de ce que lui apporte un jeune homme :
-Monsieur, je suis désolé, ils ont une drôle d’odeur vos cédés.
-Ils étaient dans un box. Ça doit être pour ça.
-Je suis désolé, ils sentent un peu l’urine, je ne vais pas pouvoir les reprendre.
Le jeune homme reprend sa marchandise et file sans demander son reste (comme on dit).
Bien chargé, je rejoins la station de métro Quatre Septembre et assiste à l’arrivée de deux voitures de la Police.
-Enlevez l’oreillette ! Videz vos poches ! Pocket !
Des policiers agressifs s’adressent au vendeur à la sauvette étranger qui tient boutique de fruitier à la sortie de la station. Il est là (ou un autre) depuis des années, mais cette fois il s’agit de faire place nette pour les Jeux Olympiques.
                                                                       *
Dans les trois BookOff, un coffret (quel que soit le nombre de livres qu’il contient), c’est un euro. Ce mercredi à Saint-Martin, il y en a aussi un de trois livres de Douglas Kennedy mais c’est pas ma came (comme disent certains).
                                                                       *
Un touriste rue de Rivoli :
-Ça c’est quoi ?
-La tour Saint-Jacques.
-La tour Saint-Jacques. Ce n’est pas une cathédrale alors ?
Ils voient des cathédrales partout.
                                                                       *
Dans le train du retour mon voisin de devant joue au foute sur son ordinateur tout en regardant un film sur son Smartphone.
 

5 mars 2024


Bizarrement, alors que je m’attendais à ce que la Préfecture me téléphone pour me dire que la photo que j’ai fournie fin janvier à la Mairie de Rouen ne convenait pas pour ma prochaine carte d’identité, je n’ai pas été appelé. Aussi je me pointe ce lundi matin à l’accueil de la maison commune (comme on dit) avec l’espoir d’en prendre possession.
La femme brune à lunettes de l’accueil me donne un numéro. Je vais m’asseoir dans le couloir sur la gauche. Je suis vite appelé par la femme blonde à lunettes que se trouve dans la guérite d’accès rapide.
Elle cherche dans le tiroir des cartes en attente et ne me trouve pas. Vu le délai ce n’est pas normal. Elle fait une recherche sur son ordinateur et m’annonce que la demande a été rejetée par la Préfecture car la photo fournie par mes soins avait plus de six mois. Cela ne me surprend pas mais je m’étonne que cette Préfecture ne m’ait pas appelé sur mon fixe, comme elle devait le faire, pour le signaler. Peut-être l’a-t-on fait un jour où je n’étais pas là et puis on a laissé tomber.
Bref, plus qu’à recommencer en fournissant une photo de moins de six mois. En revanche, pas besoin de remplir à nouveau le dossier, il est enregistré, m’explique la fonctionnaire territoriale enfermée dans sa cage en verre. J’espère que cette dame moyennement aimable ne se trompe pas. Elle me donne un nouveau rendez-vous pour dans dix jours.
                                                                          *
Je ne suis pas surpris par le refus de photo. J’ai voulu jouer au petit malin en donnant une photo qui me restait. Malheureusement, c’est aussi celle qui figure sur mon passeport qui a bien plus de six mois. Les instruments de flicage de la Préfecture ont fait le reste.
 

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