Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Un mercredi encore raccourci à Paris

15 mars 2024


Dans le train de sept heures vingt-trois pour Paris je lis ce mercredi Au jour le jour, les carnets allant de mil neuf cent soixante-quatorze à mil neuf cent soixante-dix-neuf et publiés au Temps Qu’il Fait de Paul de Roux donc j’ignore tout. Mon voisin d’outre-couloir lit Les racines libertaires de l’écologie politique (j’en connais un rayon sur le sujet). Tout comme moi, il prend des notes sur sa lecture.
On traverse le tunnel de Rolleboise au ralenti. Je déteste ça. J’ai horreur des tunnels. Peut-être que ça me rappelle la vie intra-utérine. C’est ensuite un arrêt imprévu à Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous défend de tenter d’ouvrir les portes. Qui pourrait en avoir envie ? « Notre train est susceptible de repartir à tout instant ». C’est heureux. Il ne le fait que dix minutes plus tard. Aucune explication n’est donnée. Nous allons ensuite de ralentissement en ralentissement. Cela nous vaut vingt-cinq minutes de retard à l’arrivée.
Un bus Vingt-Neuf est en train de partir mais son aimable conducteur me permet de monter à bord au feu rouge. Il me mène sans encombre place de la Bastille.
Mon retard ne compense pas mon avance. Je peux donc explorer le Marché d’Aligre, rien de nouveau chez Emile, de la littérature des Balkans chez Amin, rien pour moi.
Au comptoir du Camélia, j’ai pour voisin Alzheimer et sa canne. Je lis Le Parisien (celui du bar). Il lit Le Figaro (le sien). « Autrefois, j’étais abonné au Figaro », me dit-il. « Ça veut dire que je suis de droite », ajoute-t-il. « Ah oui, moi, c’était Libération ». « J’ai toujours été de droite. » « Il n’est pas trop tard pour changer. ». « Autrefois, j’étais abonné au Figaro ». Sa fille lui téléphone pour lui demander où il est et le faire rentrer à la maison. « J’ai quatre-vingt-seize ans », dit-il en partant sans oublier sa canne.
A dix heures cinquante-cinq, j’ai rendez-vous devant le Café du Faubourg avec un homme à qui j’ai vendu un livre pour cinq euros. L’échange effectué, j’entre chez Book-Off dès que le rideau métallique est levé.
J’en ressors avec deux livres à un euro : L’Art de l’oisiveté d’Hermann Hesse (Biblio) et Fernando Pessoa de Maria José de Lancastre et Antonio Tabucchi (Hazan).
Au Diable des Lombards, je fais rimer onglet gratin avec tarte Tatin. Un jeune homme entre demander si on cherche du monde. « On est au complet », lui répond le serveur qui pourtant court partout (au sens propre).
Dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, la pêche est bonne. Je remonte avec dans mon filet neuf livres à un euro, trois Cahiers Rouges Grasset : Enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret, Mémoires de ma vie morte de George Moore et J’adore de Jean Desbordes, ainsi que Adieu Andromède de Christiane Rochefort (Grasset), Presque invisible de Mark Strand (Vif), Journal d’un égoïste de Ghilmer (Le Bruit des Autres), Autoportrait (à l’étranger) de Jean-Philippe Toussaint (Editions de Minuit) et enfin une jolie petite édition de Rêver à la Suisse d’Henri Calet (Héros-Limite).
Le métro Onze reste en carafe (plus d’électricité). Je dois marcher longuement dans les couloirs et monter un tas d’escaliers avant de trouver le Huit qui me mène à Opéra. Cela me fait perdre une demi-heure.
Après un café comptoir au Bistrot d’Edmond, je me dirige vers le troisième Book-Off. Un fidèle lecteur rouennais qui fréquente aussi ce quartier m’a appris cette semaine que j’ai été photographié devant la porte de cette boutique culturelle par la voiture à Gougueule en mai deux mille dix-huit. Heureusement de dos. Je pense que c’est la première fois que je me vois sous cet angle. La bouquinerie est submergée par les rachats. Ma récolte à un euro est mince. Elle ne se compose que d’un seul livre Annemarie Schwarzenbach ou le mal d’Europe de Dominique Laure Miermont (Payot) mais j’en suis fort content.
Ce fidèle lecteur rouennais était dépité d’apprendre que le fruitier à la sauvette installé face à la sortie du métro Quatre Septembre avait été embarqué par la maréchaussée mercredi dernier. Le voilà de retour (lui ou un autre).
Au piano de la Gare Saint-Lazare, c’est Mozart qu’on assassine. La Marche turque trébuche. Mes pieds aussi sont fatigués.
La voiture Cinq est peu fréquentée dans mon train de retour, le seize heures quarante. J’y termine Au jour le jour, un livre avec trop de nature, trop d’arbres, de nuages, de rivières. Je n’en retiens que ceci :
Nous sommes comme des poissons qui rêveraient de ne pas se mouiller.
Ce fruit rouge dans le poirier, le bouvreuil. (façon Jules Renard)
On ne lit bien que les morts et les inconnus. (je suis d’accord avec ça)