Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
29 février 2024
Le merlou se manifeste quand je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi matin pour le sept heures vingt-trois. Sur le quai Deux, j’entends qu’à son chant se mêle celui encore plus mélodieux d’un oiseau que je ne sais pas identifier. Le printemps va venir mais février n’est pas encore terminé.
Devant moi dans le train qui mène à Paris deux professeures discutent de barème de notation : « S’ils ont répondu à côté de la plaque mais correctement, je donne un point. » Je reprends la lecture de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, une belle langue de vipère.
Au Marché d’Aligre, le rabatteur de chez Émile donne de la voix : « Allez-y, y a de la nouvelle marchandise. » Il y en a aussi chez le concurrent, Amin. Dans les deux cas, pas de livre pour moi.
Au comptoir du Camélia, on se plaint des trains. « J’ai mis trois heures pour aller à Troyes. Mes enfants, que j’allais chercher. » Une vieille bobo de tous les mercredis achète ses cigarettes. « Ah ! J’allais oublier mes clés. » C’est ce qu’elle dit à chaque fois, après avoir fait semblant de partir sans. C’est une commerçante d’à côté qui les fait garder ici, dans le tiroir-caisse.
Chez Book-Off, parmi les livres à un euro, je choisis L’odeur de l’Inde de Pier Paolo Pasolini (Folio), Le calme retrouvé de Tim Parks (Actes Sud), Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard (Minuit double) et, celui dont je suis le plus content, Suite suisse d’Hélène Bessette (Laureli Léo Scheer).
Au Diable des Lombards, la formule du midi manque de diversité depuis quelques semaines. J’opte pour le faux filet grillé sauce au bleu frites salade et la tarte Tatin. Deux sexagénaires sont mes voisines. L’une explique à l’autre qu’elle a enfin réussi à se faire inviter par une vieille copine qui a une petite maison à Saint-Briac rue du Presbytère. Las, elle a déchanté à l’arrivée. La vieille copine a la maladie de Diogène. « Tu peux pas imaginer le bazar et l’état du canapé dans lequel j’ai dormi. » Le lendemain elle a filé. C’est un serveur qui travaille habituellement le soir qui est à la manœuvre. Il me demande si j’ai la carte de fidélité et me fait le repas à quatorze euros cinquante au lieu de quinze euros dix.
Encore un fois, je ressors déçu du Book-Off de Saint-Martin, avec seulement Mon valet et moi d’Hervé Guibert (Editions du Seuil).
C’est à peine mieux à celui de Quatre Septembre que j’ai rejoint après un trajet éprouvant, le métro Trois étant en panne. Je n’y mets dans mon panier que Le carnet vert de François Gorin (Médiapop Editions) et Marius Gardebois dit le Savoureux d’Albert Londres (Editions Chant d’orties). Des parents hésitent devant les multiples éditions de Bel Ami dont a besoin leur collégienne de fille. Une femme vient à leur secours : « Si vous permettez, je suis professeur de français. »
Au piano de la Gare Saint-Lazare s’exprime une chanteuse d’aigus de style québécois. De celles dont un jour j’ai entendu à la télé Eddy Mitchell dire : « Elles chantent comme si elles s’étaient coincées le clitoris dans la porte. » C’était il y a longtemps.
Au moment où je m’éloigne, l’artiste de gare s’attaque à Complainte de la serveuse automate Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ? / Qu'est-ce que je vais faire demain ? / C'est ce que j'me dis tous les matins / Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?
Déjà j’aimerais bien que le train du retour arrive. Son conducteur et ses chefs de bord l’attendent au bout du quai Vingt-Cinq. Quand il apparaît enfin, un message signale qu’il a été mis à quai tardivement. Ce qui n’est pas une information.
Devant moi dans le train qui mène à Paris deux professeures discutent de barème de notation : « S’ils ont répondu à côté de la plaque mais correctement, je donne un point. » Je reprends la lecture de Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, une belle langue de vipère.
Au Marché d’Aligre, le rabatteur de chez Émile donne de la voix : « Allez-y, y a de la nouvelle marchandise. » Il y en a aussi chez le concurrent, Amin. Dans les deux cas, pas de livre pour moi.
Au comptoir du Camélia, on se plaint des trains. « J’ai mis trois heures pour aller à Troyes. Mes enfants, que j’allais chercher. » Une vieille bobo de tous les mercredis achète ses cigarettes. « Ah ! J’allais oublier mes clés. » C’est ce qu’elle dit à chaque fois, après avoir fait semblant de partir sans. C’est une commerçante d’à côté qui les fait garder ici, dans le tiroir-caisse.
Chez Book-Off, parmi les livres à un euro, je choisis L’odeur de l’Inde de Pier Paolo Pasolini (Folio), Le calme retrouvé de Tim Parks (Actes Sud), Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard (Minuit double) et, celui dont je suis le plus content, Suite suisse d’Hélène Bessette (Laureli Léo Scheer).
Au Diable des Lombards, la formule du midi manque de diversité depuis quelques semaines. J’opte pour le faux filet grillé sauce au bleu frites salade et la tarte Tatin. Deux sexagénaires sont mes voisines. L’une explique à l’autre qu’elle a enfin réussi à se faire inviter par une vieille copine qui a une petite maison à Saint-Briac rue du Presbytère. Las, elle a déchanté à l’arrivée. La vieille copine a la maladie de Diogène. « Tu peux pas imaginer le bazar et l’état du canapé dans lequel j’ai dormi. » Le lendemain elle a filé. C’est un serveur qui travaille habituellement le soir qui est à la manœuvre. Il me demande si j’ai la carte de fidélité et me fait le repas à quatorze euros cinquante au lieu de quinze euros dix.
Encore un fois, je ressors déçu du Book-Off de Saint-Martin, avec seulement Mon valet et moi d’Hervé Guibert (Editions du Seuil).
C’est à peine mieux à celui de Quatre Septembre que j’ai rejoint après un trajet éprouvant, le métro Trois étant en panne. Je n’y mets dans mon panier que Le carnet vert de François Gorin (Médiapop Editions) et Marius Gardebois dit le Savoureux d’Albert Londres (Editions Chant d’orties). Des parents hésitent devant les multiples éditions de Bel Ami dont a besoin leur collégienne de fille. Une femme vient à leur secours : « Si vous permettez, je suis professeur de français. »
Au piano de la Gare Saint-Lazare s’exprime une chanteuse d’aigus de style québécois. De celles dont un jour j’ai entendu à la télé Eddy Mitchell dire : « Elles chantent comme si elles s’étaient coincées le clitoris dans la porte. » C’était il y a longtemps.
Au moment où je m’éloigne, l’artiste de gare s’attaque à Complainte de la serveuse automate Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui ? / Qu'est-ce que je vais faire demain ? / C'est ce que j'me dis tous les matins / Qu'est-ce que je vais faire de ma vie ?
Déjà j’aimerais bien que le train du retour arrive. Son conducteur et ses chefs de bord l’attendent au bout du quai Vingt-Cinq. Quand il apparaît enfin, un message signale qu’il a été mis à quai tardivement. Ce qui n’est pas une information.
27 février 2024
Une sorte de tempête sans nom souffle sur la ville ce lundi après-midi. Vers Le Havre les trains sont bloqués par une chute d’arbre. Au Socrate, où je lis Correspondance d’Auguste Perret et Marie Dormoy, les joues sont bien accrochées.
Néanmoins, les lycéen(ne)s, nouvellement en vacances, ne se risquent pas en terrasse. Pas très loin de moi, un quatuor, deux filles deux garçons, jouent aux cartes. Ils sont rejoints par un autre, des garçons qui restent debout autour d’eux.
-Vous vous installez à quelle table les garçons ? leur demande le serveur.
-On dit seulement bonjour, lui répond l’un.
-Ce n’est pas possible, quand on entre ici c’est pour boire quelque chose.
Ils se dirigent vers la sortie en traînant les pieds.
Le serveur les achève d’un « Vous vous parlerez sur Snap, »
*
Elle a quinze ans. Un jour elle croise une fugueuse qui a son âge, lui propose de passer la nuit dans le garage de ses parents où se trouve un canapé et où elle lui apportera à manger.
Elle a quarante-cinq ans et une fille de quinze ans. C’est une autre ou peut-être la même trente ans plus tard. Un jour elle croise une fugueuse qui a l’âge de sa fille et appelle la Police.
Ce n’est pas du cinéma. Ou peut-être que si.
*
« Dans les chansons aussi, des adultes vivaient avec de trop jeunes filles… », réalise soudain France Info. La radio qui vient d’ouvrir les oreilles cite évidemment Gainsbourg mais aussi Aznavour, Antoine, Moustaki, Brassens, et même Sardou. Il y en avait d’autres.
*
Je m’attends à ce que les critiques littéraires ouvrent bientôt les yeux et nous donnent la liste des livres à retirer des bibliothèques privées et publiques.
Néanmoins, les lycéen(ne)s, nouvellement en vacances, ne se risquent pas en terrasse. Pas très loin de moi, un quatuor, deux filles deux garçons, jouent aux cartes. Ils sont rejoints par un autre, des garçons qui restent debout autour d’eux.
-Vous vous installez à quelle table les garçons ? leur demande le serveur.
-On dit seulement bonjour, lui répond l’un.
-Ce n’est pas possible, quand on entre ici c’est pour boire quelque chose.
Ils se dirigent vers la sortie en traînant les pieds.
Le serveur les achève d’un « Vous vous parlerez sur Snap, »
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Elle a quinze ans. Un jour elle croise une fugueuse qui a son âge, lui propose de passer la nuit dans le garage de ses parents où se trouve un canapé et où elle lui apportera à manger.
Elle a quarante-cinq ans et une fille de quinze ans. C’est une autre ou peut-être la même trente ans plus tard. Un jour elle croise une fugueuse qui a l’âge de sa fille et appelle la Police.
Ce n’est pas du cinéma. Ou peut-être que si.
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« Dans les chansons aussi, des adultes vivaient avec de trop jeunes filles… », réalise soudain France Info. La radio qui vient d’ouvrir les oreilles cite évidemment Gainsbourg mais aussi Aznavour, Antoine, Moustaki, Brassens, et même Sardou. Il y en avait d’autres.
*
Je m’attends à ce que les critiques littéraires ouvrent bientôt les yeux et nous donnent la liste des livres à retirer des bibliothèques privées et publiques.
26 février 2024
C’est la fin de l’escapade rouennaise de Julie Manet dix-sept ans, accompagnée de Geneviève Mallarmé (fille du poète) et de Madame Normand (chaperon) :
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). Nous montons ensuite à Bon-Secours ; à mesure que l’on s’élève, la vue devient de plus en plus belle sur Rouen et sur l’autre côté où la Seine coule au milieu de prés verts et entourant ses îles boisées, elle serpente, et parfois, on l’aperçoit au milieu de la grande campagne bleutée comme une tache d’argent ; à mesure que l’on s’élève l’air devient plus vif. Arrivé à Bon-Secours la vue est plutôt trop étendue ; l’église n’est pas jolie ; Paule comparaît l’intérieur à des sucres de pommes entourés de papier de couleurs. Nous sommes redescendues par la côte Sainte-Catherine qui est très belle. Des pentes vertes semblent descendre sur la ville dans laquelle on est entré par le même côté que le chemin de fer.
En revenant nous avons traversé deux petites rues aux anciennes maisons, l’une en bois sculpté a sur sa porte un bateau soulevé par les vagues. Nous faisons une petite promenade sur les quais ; les mâts des bateaux se détachent sur le ciel du soir et la campagne. Nous passons une autre charmante soirée avec M. Pissarro, Jeannie l’enthousiasme par son jeu (de piano).
Mardi vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Nous faisons une dernière visite à la ville de Rouen, nous nous promenons par les petites rues derrière la cathédrale et entrons à Saint-Maclou ; qu’ils sont jolis sous la voûte claire ces anges aux pieds du Christ ; les lustres Empire brillent autour de l’autel doré. Un chat que nous vîmes à chaque visite à Saint-Maclou dort sur une chaise ; il doit être particulier ce petit chat gris qui vit au milieu des encens. On la quitte avec peine, cette merveille.
N’étant pas sûrs d’avoir bien vu l’extérieur de Saint-Ouen, nous pénétrons dans le jardin qui entoure toute la partie du chœur. De là, ce n’est pas le même aspect, elle est magnifique, immense, imposante cette église, elle est entourée de petits toits pointus qui s’enchevêtrent dans les arcs-boutants et entourent la grande tour aux superbes sculptures. En tournant on trouve de côté une petite tour ronde et l’on aperçoit la grande qui, vue de ce côté, rapetisse; ceci me fait un peu penser à la cathédrale de Tréguier vue du cloître.
Nous entrons chez des bric-à-brac puis au musée pour voir la peinture ancienne, malheureusement nous n’avons pas le temps de nous arrêter devant toutes les jolies choses. Nous apercevons un joli Fragonard, un portrait de femme d’un inconnu, un Velasquez, un ravissant Botticelli qui fait penser au Puvis de Chavanne, des dessins de Delacroix, Géricault, Watteau.
Nous rentrons à la hâte pour déjeuner à 11 heures. Avant de partir nous allons dire adieu à M. Pissarro qui paraît trouver notre séjour bien court. « Nom d’un chien, dit-il, moi qui déjeune et dîne seul tous les jours. » Enfin il nous a dit qu’il viendrait nous voir à Paris. Il nous montre des toiles auxquelles il a travaillé et qui sont vraiment très jolies ; Paule lui demande si il fera une exposition l’hiver prochain : « Non, dit-il, tout cela va aller dans les caves de Durand-Ruel, pour se faire comme le vin ».
Nous partons à midi un quart pour la gare de l’autre rive et faisons un long voyage, nous changeons de train trois fois et nous arrêtons assez longtemps à Pont-Audemer qui paraît très triste. Nous arrivons à 7 heures du soir à Honfleur, exténuées, Mme Normand et Geneviève vont chez une dame amie des Mallarmé, Mme Ponsot ; et nous, nous allons coucher dans un mauvais hôtel.
La jeune Julie n’aura rien manqué de Rouen. Même si elle ne le dit pas explicitement, j’aime à penser qu’elle est passée par ma ruelle.
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). Nous montons ensuite à Bon-Secours ; à mesure que l’on s’élève, la vue devient de plus en plus belle sur Rouen et sur l’autre côté où la Seine coule au milieu de prés verts et entourant ses îles boisées, elle serpente, et parfois, on l’aperçoit au milieu de la grande campagne bleutée comme une tache d’argent ; à mesure que l’on s’élève l’air devient plus vif. Arrivé à Bon-Secours la vue est plutôt trop étendue ; l’église n’est pas jolie ; Paule comparaît l’intérieur à des sucres de pommes entourés de papier de couleurs. Nous sommes redescendues par la côte Sainte-Catherine qui est très belle. Des pentes vertes semblent descendre sur la ville dans laquelle on est entré par le même côté que le chemin de fer.
En revenant nous avons traversé deux petites rues aux anciennes maisons, l’une en bois sculpté a sur sa porte un bateau soulevé par les vagues. Nous faisons une petite promenade sur les quais ; les mâts des bateaux se détachent sur le ciel du soir et la campagne. Nous passons une autre charmante soirée avec M. Pissarro, Jeannie l’enthousiasme par son jeu (de piano).
Mardi vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Nous faisons une dernière visite à la ville de Rouen, nous nous promenons par les petites rues derrière la cathédrale et entrons à Saint-Maclou ; qu’ils sont jolis sous la voûte claire ces anges aux pieds du Christ ; les lustres Empire brillent autour de l’autel doré. Un chat que nous vîmes à chaque visite à Saint-Maclou dort sur une chaise ; il doit être particulier ce petit chat gris qui vit au milieu des encens. On la quitte avec peine, cette merveille.
N’étant pas sûrs d’avoir bien vu l’extérieur de Saint-Ouen, nous pénétrons dans le jardin qui entoure toute la partie du chœur. De là, ce n’est pas le même aspect, elle est magnifique, immense, imposante cette église, elle est entourée de petits toits pointus qui s’enchevêtrent dans les arcs-boutants et entourent la grande tour aux superbes sculptures. En tournant on trouve de côté une petite tour ronde et l’on aperçoit la grande qui, vue de ce côté, rapetisse; ceci me fait un peu penser à la cathédrale de Tréguier vue du cloître.
Nous entrons chez des bric-à-brac puis au musée pour voir la peinture ancienne, malheureusement nous n’avons pas le temps de nous arrêter devant toutes les jolies choses. Nous apercevons un joli Fragonard, un portrait de femme d’un inconnu, un Velasquez, un ravissant Botticelli qui fait penser au Puvis de Chavanne, des dessins de Delacroix, Géricault, Watteau.
Nous rentrons à la hâte pour déjeuner à 11 heures. Avant de partir nous allons dire adieu à M. Pissarro qui paraît trouver notre séjour bien court. « Nom d’un chien, dit-il, moi qui déjeune et dîne seul tous les jours. » Enfin il nous a dit qu’il viendrait nous voir à Paris. Il nous montre des toiles auxquelles il a travaillé et qui sont vraiment très jolies ; Paule lui demande si il fera une exposition l’hiver prochain : « Non, dit-il, tout cela va aller dans les caves de Durand-Ruel, pour se faire comme le vin ».
Nous partons à midi un quart pour la gare de l’autre rive et faisons un long voyage, nous changeons de train trois fois et nous arrêtons assez longtemps à Pont-Audemer qui paraît très triste. Nous arrivons à 7 heures du soir à Honfleur, exténuées, Mme Normand et Geneviève vont chez une dame amie des Mallarmé, Mme Ponsot ; et nous, nous allons coucher dans un mauvais hôtel.
La jeune Julie n’aura rien manqué de Rouen. Même si elle ne le dit pas explicitement, j’aime à penser qu’elle est passée par ma ruelle.
25 février 2024
Suite de la narration de son escapade rouennaise avec Geneviève Mallarmé (fille du poète) et Madame Normand (chaperon) par Julie Manet, fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet, le frère d’Edouard, quand elle avait dix-sept ans :
Dimanche vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). La nuit vient et nous rentrons à l’hôtel très satisfaites de notre première excursion dans Rouen. Nous trouvons dans la salle à manger, attablé, le beau vieillard à barbe blanche qui est M. Pissarro ; il paraît très étonné de nous voir ; il travaille de sa fenêtre et est ici depuis quinze jours ; nous passons une charmante soirée avec lui ; nous parlons de la belle ville puis il entreprend avec Mme Normand une conversation sur la décadence de l’art en toute chose.
Lorsque nous remontons dans notre chambre, les quais éclairé par de grosses boules de lumière électrique, sont toujours aussi jolis et aussi mouvementés, les petits tramways jaunes (électriques) que l’on rencontre et que l’on entend dans toute la ville, passent comme des vers luisants sur les ponts ; la Seine reflète les lumières et le grand coteau se perd dans la nuit.
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Les quais sont ensoleillés et les rayons d’une blanche lumière semble pomper l’eau (car il a plu cette nuit) qui donne un aspect de fraîcheur à cette vue belle à toutes les heures. Bon-Secours et sa colline se découpent en bleu sur le ciel un peu rose et un peu jaune qui se mire dans l’eau scintillante ; les tramways jaunes marchent déjà, le mouvement ne s’arrête pas à Rouen. Après un thé très bien servi avec des croissants très bons, Paule, Jeannie et moi sortons pour voir la ville le matin ; elle paraît dans un nuage bleu et lilas et parfois rose, elle est délicieuse. Nous suivons les quais à gauche et sommes arrêtées par la jolie rue du Bac donc M. Pissarro nous avait parlé, au bout de laquelle, si svelte et si mince la flèche de Notre-Dame s’élance.
Dans la rue de la République par plusieurs ruelles on aperçoit quelques tours de la cathédrale ; puis, à droite sur une petite place, se dresse Saint-Maclou, de forme ronde au clocher pointu ; comme une clochette qui laisserait épanouir des corolles autour d’elle ; le portique cintré est très beau et très grand, la pierre assez grise et sombre. En entrant, on est saisi par un sentiment d’émerveillement inouï, on se sent élevé en voyant ces hautes colonnes si fines qui montent jusqu’à la base du clocher qui forme lanterne ; il semble que là-haut, Dieu au milieu de ses anges vous regarde ; on pense au ciel ; cette splendide église invite plus que tout autre à la piété ; Dieu, la Sainte Vierge paraissent plus près de vous. On y prie mieux. (…)
Quelle superbe chose que Saint-Maclou et non seulement superbe mais délicieuse, charmante, douce, et souriante tout en conservant la flèche pointue et un grand style. Elle est claire et grise cette église, oh, qu’on voudrait pouvoir y prier tous les jours. Les sculptures sur bois des portes sont de Jean Goujon.
Nous rentrons pour repartir avec Madame Normand et Geneviève en landau, nous commençons notre visite par la cathédrale dont l’intérieur n’est pas aussi beau que l’extérieur, il y a presque trop de colonnes quoique du chœur cette enfilade soit assez jolie. (…) En sortant de Notre-Dame nous passons par une petite rue de côté où l’on voit tous les arcs-boutants, le toit verdi et les clochers merveilleux de la cathédrale qui se découpent si joliment sur le ciel.
Nous repassons à Saint Maclou puis allons à Saint-Ouen dont la façade si pointue aux flèches découpées est très dure, ce n’est pas une église accueillante. Elle est immense et froide, on voit que cette façade a été reconstruite en ce siècle-ci et la rosace a des vitraux d’une couleur aveuglante. (…)
Nous passons à la place du Marché où Jeanne a été brûlée et où l’on voit cette inscription : « Le 30 mai 1431 les cendres de Jeanne d’Arc ont été jetées à la Seine. »
Nous arrivons à la place de la Pucelle où se trouve une jolie statue de Jeanne d’Arc, assez petite sur le socle à trois grosses têtes de sphinx formant fontaine ; sur cette même place on voit la façade de l’hôtel Bourgtheroulde, très joliment orné, au coin un hérisson supporte une couronne, on entre par une porte cochère et l’on pénètre dans la ravissante cour où l’hôtel bruni par le temps paraît en bois sculpté plutôt qu’en pierre ; une petite tourelle est ornée de motifs délicieux, près du toit des scènes en bas reliefs où sont les animaux de toutes sortes, des éléphants. Quel chef-d’œuvre que cet hôtel ! Quel dommage que les saletés de la Bourse se fassent maintenant dedans.
C’est ensuite la longue visite d’une partie du Musée des Beaux-Arts, je l’omets.
Dimanche vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). La nuit vient et nous rentrons à l’hôtel très satisfaites de notre première excursion dans Rouen. Nous trouvons dans la salle à manger, attablé, le beau vieillard à barbe blanche qui est M. Pissarro ; il paraît très étonné de nous voir ; il travaille de sa fenêtre et est ici depuis quinze jours ; nous passons une charmante soirée avec lui ; nous parlons de la belle ville puis il entreprend avec Mme Normand une conversation sur la décadence de l’art en toute chose.
Lorsque nous remontons dans notre chambre, les quais éclairé par de grosses boules de lumière électrique, sont toujours aussi jolis et aussi mouvementés, les petits tramways jaunes (électriques) que l’on rencontre et que l’on entend dans toute la ville, passent comme des vers luisants sur les ponts ; la Seine reflète les lumières et le grand coteau se perd dans la nuit.
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Les quais sont ensoleillés et les rayons d’une blanche lumière semble pomper l’eau (car il a plu cette nuit) qui donne un aspect de fraîcheur à cette vue belle à toutes les heures. Bon-Secours et sa colline se découpent en bleu sur le ciel un peu rose et un peu jaune qui se mire dans l’eau scintillante ; les tramways jaunes marchent déjà, le mouvement ne s’arrête pas à Rouen. Après un thé très bien servi avec des croissants très bons, Paule, Jeannie et moi sortons pour voir la ville le matin ; elle paraît dans un nuage bleu et lilas et parfois rose, elle est délicieuse. Nous suivons les quais à gauche et sommes arrêtées par la jolie rue du Bac donc M. Pissarro nous avait parlé, au bout de laquelle, si svelte et si mince la flèche de Notre-Dame s’élance.
Dans la rue de la République par plusieurs ruelles on aperçoit quelques tours de la cathédrale ; puis, à droite sur une petite place, se dresse Saint-Maclou, de forme ronde au clocher pointu ; comme une clochette qui laisserait épanouir des corolles autour d’elle ; le portique cintré est très beau et très grand, la pierre assez grise et sombre. En entrant, on est saisi par un sentiment d’émerveillement inouï, on se sent élevé en voyant ces hautes colonnes si fines qui montent jusqu’à la base du clocher qui forme lanterne ; il semble que là-haut, Dieu au milieu de ses anges vous regarde ; on pense au ciel ; cette splendide église invite plus que tout autre à la piété ; Dieu, la Sainte Vierge paraissent plus près de vous. On y prie mieux. (…)
Quelle superbe chose que Saint-Maclou et non seulement superbe mais délicieuse, charmante, douce, et souriante tout en conservant la flèche pointue et un grand style. Elle est claire et grise cette église, oh, qu’on voudrait pouvoir y prier tous les jours. Les sculptures sur bois des portes sont de Jean Goujon.
Nous rentrons pour repartir avec Madame Normand et Geneviève en landau, nous commençons notre visite par la cathédrale dont l’intérieur n’est pas aussi beau que l’extérieur, il y a presque trop de colonnes quoique du chœur cette enfilade soit assez jolie. (…) En sortant de Notre-Dame nous passons par une petite rue de côté où l’on voit tous les arcs-boutants, le toit verdi et les clochers merveilleux de la cathédrale qui se découpent si joliment sur le ciel.
Nous repassons à Saint Maclou puis allons à Saint-Ouen dont la façade si pointue aux flèches découpées est très dure, ce n’est pas une église accueillante. Elle est immense et froide, on voit que cette façade a été reconstruite en ce siècle-ci et la rosace a des vitraux d’une couleur aveuglante. (…)
Nous passons à la place du Marché où Jeanne a été brûlée et où l’on voit cette inscription : « Le 30 mai 1431 les cendres de Jeanne d’Arc ont été jetées à la Seine. »
Nous arrivons à la place de la Pucelle où se trouve une jolie statue de Jeanne d’Arc, assez petite sur le socle à trois grosses têtes de sphinx formant fontaine ; sur cette même place on voit la façade de l’hôtel Bourgtheroulde, très joliment orné, au coin un hérisson supporte une couronne, on entre par une porte cochère et l’on pénètre dans la ravissante cour où l’hôtel bruni par le temps paraît en bois sculpté plutôt qu’en pierre ; une petite tourelle est ornée de motifs délicieux, près du toit des scènes en bas reliefs où sont les animaux de toutes sortes, des éléphants. Quel chef-d’œuvre que cet hôtel ! Quel dommage que les saletés de la Bourse se fassent maintenant dedans.
C’est ensuite la longue visite d’une partie du Musée des Beaux-Arts, je l’omets.
24 février 2024
Le Journal de Julie Manet m’a accompagné plusieurs mercredis à Paris, une lecture de train et de café qui m’a fort plu.
Je l’ai notamment suivie lors de son escapade rouennaise avec Geneviève Mallarmé (fille du poète) et une certaine Madame Normand (chaperon) quand elle avait dix-sept ans.
Vendredi vingt-cinq septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Il recommence à pleuvoir ; si cela continue que ferons-nous pendant notre voyage à Rouen avec Mme Normand et Geneviève ?
Dimanche vingt septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Le soleil se montre, le ciel est bleu, notre voyage commence bien. Nous partons à 1h 1/4 et passons par tous ces ravissants environs de Paris qui se trouvent sur l’ancienne ligne de Paris à Mantes où nous admirons par la portière la jolie et fine cathédrale qui se mire au bord de la Seine au milieu des saules gris. Quelque temps avant d’arriver à Rouen après Pont-de-l’Arche, joli confluent de la Seine et de l’Eure, apparaît une grande colline ressemblant à des falaises, vertes, où sont des marbrures blanches. Puis au haut on voit une église au clocher pointu qui est Bon-Secours, et en tournant la belle ville de Rouen qui semble enveloppée de sa fumée grise, les clochers pointus de ses églises, le toit verdi de sa cathédrale. Le chemin de fer traverse un pont et l’on aperçoit la Seine serpenter au milieu de ces pierres qui brillent au soleil tandis qu’elles sont adoucies par l’atmosphère. Nous sommes arrivés à 3 h 1/2. Un omnibus nous conduit à l’Hôtel d’Angleterre situé sur le quai. Nous avons une chambre au quatrième d’où la vue est superbe. Au premier plan les quais où règne un mouvement, une vie extraordinaire, la Seine, les ponts qui la traversent. À droite les coteaux bleus, et les arbres parmi lesquels s’enfuit la Seine, deviennent gris sous un soleil orange. A gauche, se détache sur le ciel l’église de Bon-Secours sur sa haute colline au bas de laquelle un bouquet d’arbres et des maisons sont entourés par deux bras de la Seine que traverse un pont ; plus loin un autre, duquel on voit parfois s’élever une fumée blanche d’un chemin de fer. Devant, le pont qui est presque devant l’hôtel, beaucoup de bateaux déchargeant des planches, des tonneaux, etc. Des barques rouges. En face sur l’autre rive, une gare, une grande construction des briques et d’autres maisons.
Nous commençons nos promenades dans la ville et allons d’abord à la poste pour que Geneviève envoie une dépêche à M. et Mme Mallarmé. Pendant notre longue attente à la poste nous remarquons qu’elle est très luxueuse.
Nous montons dans la rue Jeanne-d’Arc et trouvons à gauche une église : Saint-Vincent. Le portique sur la place Saint-Vincent est très beau et plein de jolis détails. Au-dessus d’une petite porte de côté sont des sculptures de bois très curieuses, charmantes. La nef est superbe, très riche, les colonnes sont ornées avec beaucoup de goût, des palmes d’or traversent l’église avant le chœur est une grosse campanule d’or soutenue par un ange semble abriter l’autel. L’orgue est beau, du même style que l’église, les vitraux sont très foncés, intéressant.
En suivant la rue Jeanne-d’Arc à gauche se trouve une tour carrée, la tour Saint-André derrière laquelle est la façade en bois sculptée d’une ancienne maison. Dans le toit une petite fenêtre au-dessus de laquelle se trouve un ornement composé au milieu d’une coquille tenue de chaque côté à une fleur semblable à un soleil. Plus loin à droite de la même rue, le Palais de Justice dont la façade assez carrée au toit haut et pointu quoique joli est bien inférieur au corps de bâtiment que suit une petite rue et surtout à ce que l’on voit dans la grande cour. Sur la petite rue, la pierre est très noire et les recoins, le sommet des aiguilles sont couvert d’une vieille mousse qui embellit encore ce monument à l’aspect pittoresque. Au bout de l’étroite rue sombre, derrière la construction foncée passent de légers nuages roses que les derniers rayons du soleil éclairent.
La cour entourée de trois côtés par le Palais de Justice est fermée par une grande grille très jolie dont les piquants sont ornementés ainsi que les flèches de pierre qui sont en grande quantité sur le monument. Au fond au milieu de la longueur de pierre percée de fenêtres et sculptées à merveille se trouve une petite tourelle fine au toit pointu qui se détache sur l’immense toit dont l’arrête est argentée surmontée d’un ornement à jour brille comme si elle était en écaille de poissons. Les cheminées elles-mêmes ont de ravissants dessins. Par une porte de chaque côté de la tourelle on passe dans la petite rue, puis dans chaque coin une plus petite porte, sur l’une une vigne vierge roussie recouvre l’entrée et ne laisse apercevoir que quelques trouées noires. (…)
En face le Palais de Justice, à droite le clocher de Notre-Dame, à gauche l’horloge ; l’œil se réjouit, se délecte a peine à tout embrasser, se dépêche de regarder. (…)
La vue de cette cathédrale me donne encore plus d’admiration pour l’œuvre du grand peintre qui a pu reproduire cette extraordinaire façade. Quel courage pour entreprendre cela, quelle force il faut avoir, il faut être M. Monet.
Je l’ai notamment suivie lors de son escapade rouennaise avec Geneviève Mallarmé (fille du poète) et une certaine Madame Normand (chaperon) quand elle avait dix-sept ans.
Vendredi vingt-cinq septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Il recommence à pleuvoir ; si cela continue que ferons-nous pendant notre voyage à Rouen avec Mme Normand et Geneviève ?
Dimanche vingt septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Le soleil se montre, le ciel est bleu, notre voyage commence bien. Nous partons à 1h 1/4 et passons par tous ces ravissants environs de Paris qui se trouvent sur l’ancienne ligne de Paris à Mantes où nous admirons par la portière la jolie et fine cathédrale qui se mire au bord de la Seine au milieu des saules gris. Quelque temps avant d’arriver à Rouen après Pont-de-l’Arche, joli confluent de la Seine et de l’Eure, apparaît une grande colline ressemblant à des falaises, vertes, où sont des marbrures blanches. Puis au haut on voit une église au clocher pointu qui est Bon-Secours, et en tournant la belle ville de Rouen qui semble enveloppée de sa fumée grise, les clochers pointus de ses églises, le toit verdi de sa cathédrale. Le chemin de fer traverse un pont et l’on aperçoit la Seine serpenter au milieu de ces pierres qui brillent au soleil tandis qu’elles sont adoucies par l’atmosphère. Nous sommes arrivés à 3 h 1/2. Un omnibus nous conduit à l’Hôtel d’Angleterre situé sur le quai. Nous avons une chambre au quatrième d’où la vue est superbe. Au premier plan les quais où règne un mouvement, une vie extraordinaire, la Seine, les ponts qui la traversent. À droite les coteaux bleus, et les arbres parmi lesquels s’enfuit la Seine, deviennent gris sous un soleil orange. A gauche, se détache sur le ciel l’église de Bon-Secours sur sa haute colline au bas de laquelle un bouquet d’arbres et des maisons sont entourés par deux bras de la Seine que traverse un pont ; plus loin un autre, duquel on voit parfois s’élever une fumée blanche d’un chemin de fer. Devant, le pont qui est presque devant l’hôtel, beaucoup de bateaux déchargeant des planches, des tonneaux, etc. Des barques rouges. En face sur l’autre rive, une gare, une grande construction des briques et d’autres maisons.
Nous commençons nos promenades dans la ville et allons d’abord à la poste pour que Geneviève envoie une dépêche à M. et Mme Mallarmé. Pendant notre longue attente à la poste nous remarquons qu’elle est très luxueuse.
Nous montons dans la rue Jeanne-d’Arc et trouvons à gauche une église : Saint-Vincent. Le portique sur la place Saint-Vincent est très beau et plein de jolis détails. Au-dessus d’une petite porte de côté sont des sculptures de bois très curieuses, charmantes. La nef est superbe, très riche, les colonnes sont ornées avec beaucoup de goût, des palmes d’or traversent l’église avant le chœur est une grosse campanule d’or soutenue par un ange semble abriter l’autel. L’orgue est beau, du même style que l’église, les vitraux sont très foncés, intéressant.
En suivant la rue Jeanne-d’Arc à gauche se trouve une tour carrée, la tour Saint-André derrière laquelle est la façade en bois sculptée d’une ancienne maison. Dans le toit une petite fenêtre au-dessus de laquelle se trouve un ornement composé au milieu d’une coquille tenue de chaque côté à une fleur semblable à un soleil. Plus loin à droite de la même rue, le Palais de Justice dont la façade assez carrée au toit haut et pointu quoique joli est bien inférieur au corps de bâtiment que suit une petite rue et surtout à ce que l’on voit dans la grande cour. Sur la petite rue, la pierre est très noire et les recoins, le sommet des aiguilles sont couvert d’une vieille mousse qui embellit encore ce monument à l’aspect pittoresque. Au bout de l’étroite rue sombre, derrière la construction foncée passent de légers nuages roses que les derniers rayons du soleil éclairent.
La cour entourée de trois côtés par le Palais de Justice est fermée par une grande grille très jolie dont les piquants sont ornementés ainsi que les flèches de pierre qui sont en grande quantité sur le monument. Au fond au milieu de la longueur de pierre percée de fenêtres et sculptées à merveille se trouve une petite tourelle fine au toit pointu qui se détache sur l’immense toit dont l’arrête est argentée surmontée d’un ornement à jour brille comme si elle était en écaille de poissons. Les cheminées elles-mêmes ont de ravissants dessins. Par une porte de chaque côté de la tourelle on passe dans la petite rue, puis dans chaque coin une plus petite porte, sur l’une une vigne vierge roussie recouvre l’entrée et ne laisse apercevoir que quelques trouées noires. (…)
En face le Palais de Justice, à droite le clocher de Notre-Dame, à gauche l’horloge ; l’œil se réjouit, se délecte a peine à tout embrasser, se dépêche de regarder. (…)
La vue de cette cathédrale me donne encore plus d’admiration pour l’œuvre du grand peintre qui a pu reproduire cette extraordinaire façade. Quel courage pour entreprendre cela, quelle force il faut avoir, il faut être M. Monet.
23 février 2024
Elle est annoncée pour ce jeudi après-midi, la tempête Louis. Pas encore là quand je quitte mon logis pour mon café lecture quotidien au Socrate, A peine y suis-je qu’une drache s’abat sur la ville. Cela amène certains des touristes ayant déjeuné là à attendre l’éclaircie. Elle finit par venir. Le soleil brille même bien mais soudain le vent se lève si fort que c’est la panique à bord. L’une des serveuses crie que la joue va s’arracher. La joue ? J’apprends que c’est ainsi que l’on nomme la partie de l’auvent accrochée à son extrémité dans le but précisément de protéger du vent la clientèle de la terrasse. L’un des serveurs se précipite dehors, rattache la joue en la fixant davantage.
Je suis de retour chez moi juste avant qu’une nouvelle drache ne tombe. Bien à l’abri, j’écoute le vent qui souffle de plus en plus fort. J’apprends que les trains, qui pour une fois restaient en circulation entre Paris et Rouen, sont bloqués par des chutes d’arbres. Bien content que cela ne se soit pas produit la veille.
Assis devant mon ordinateur, j’ai en point de mire l’appartement d’en face où vivaient Abrutus et Aboyus. Je me rends compte que sa porte est grande ouverte. Comme je le sais à vendre, je pense à une visite. Cela dure. Je comprends que cette porte n’a pas été refermée à clé lors de la venue de potentiels acheteurs et que la tempête est la cause de cette situation.
Que faire ? Je choisis de laisser ouvert pour que d’autres voisins, sachant comment joindre les propriétaires parties à l’autre bout de la planète, aient l’idée de le faire, mais ce vendredi matin, rien ne s’est passé, la porte est toujours grande ouverte.
Je sors la fermer et cherche un moyen de joindre les propriétaires. Je ne me souviens plus de leurs noms. Je connais la profession de chacune. Et plus ou moins, l’endroit où elles vivent actuellement. Impossible de savoir via Internet quoi que ce soit sur l’une mais, en tapant la profession de l’autre suivie de Rouen, je réussis à retrouver son nom. Il me permet d’arriver sur son compte du réseau social Effe Bé. Je lui envoie un message l’informant de la situation. Treize minutes plus tard, je reçois de l’hémisphère sud un message de remerciement. Mission accomplie.
A midi huit, une jeune femme rousse vient fermer à clé.
*
Avis de tempête également sur le Salon de l’Agriculture. Je commence à fatiguer de ces agriculteurs et de leur injonction à consommer français. J’en entends dénoncer les trois milliards donnés à l’Ukraine qui seraient mieux employés à leur profit. Des membres de cette Coordination Rurale proche du Rassemblement National et donc pro Poutine.
Internationaliste, j’achète des produits du monde entier.
Je suis de retour chez moi juste avant qu’une nouvelle drache ne tombe. Bien à l’abri, j’écoute le vent qui souffle de plus en plus fort. J’apprends que les trains, qui pour une fois restaient en circulation entre Paris et Rouen, sont bloqués par des chutes d’arbres. Bien content que cela ne se soit pas produit la veille.
Assis devant mon ordinateur, j’ai en point de mire l’appartement d’en face où vivaient Abrutus et Aboyus. Je me rends compte que sa porte est grande ouverte. Comme je le sais à vendre, je pense à une visite. Cela dure. Je comprends que cette porte n’a pas été refermée à clé lors de la venue de potentiels acheteurs et que la tempête est la cause de cette situation.
Que faire ? Je choisis de laisser ouvert pour que d’autres voisins, sachant comment joindre les propriétaires parties à l’autre bout de la planète, aient l’idée de le faire, mais ce vendredi matin, rien ne s’est passé, la porte est toujours grande ouverte.
Je sors la fermer et cherche un moyen de joindre les propriétaires. Je ne me souviens plus de leurs noms. Je connais la profession de chacune. Et plus ou moins, l’endroit où elles vivent actuellement. Impossible de savoir via Internet quoi que ce soit sur l’une mais, en tapant la profession de l’autre suivie de Rouen, je réussis à retrouver son nom. Il me permet d’arriver sur son compte du réseau social Effe Bé. Je lui envoie un message l’informant de la situation. Treize minutes plus tard, je reçois de l’hémisphère sud un message de remerciement. Mission accomplie.
A midi huit, une jeune femme rousse vient fermer à clé.
*
Avis de tempête également sur le Salon de l’Agriculture. Je commence à fatiguer de ces agriculteurs et de leur injonction à consommer français. J’en entends dénoncer les trois milliards donnés à l’Ukraine qui seraient mieux employés à leur profit. Des membres de cette Coordination Rurale proche du Rassemblement National et donc pro Poutine.
Internationaliste, j’achète des produits du monde entier.
22 février 2024
Il y a une sorte de fatalité dans le train de sept heures vingt-trois pour Paris le mercredi, qui fait que nombre de voyageurs de Rouen montent dans la voiture Trois, où je suis toujours, par la mauvaise extrémité. Leur place est à l’autre bout, ce qui les oblige à se croiser au milieu de la voiture. Or, le couloir est étroit et à chaque fois c’est le bazar. Assis sans problème, puisque je monte du bon côté, je regarde de qui je vais hériter comme voisinage immédiat, craignant tel ou telle. Ce jour, c’est une jolie blonde à lunettes.
Il fait gris dans la capitale. Je fais le pari que la pluie ne tombera pas avant que j’atteigne le Marché d’Aligre aussi prends-je le bus Vingt-Neuf. Sur place, rien pour moi encore une fois.
Au Camélia, je suis le seul client pendant un petit moment. Le café bu, je lis Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, la Princesse, nièce de Napoléon le Premier et cousine de Napoléon le Troisième, laquelle tenait salon fréquenté par les Goncourt, Flaubert, Gautier, etc. Hélas, cela ne concerne que sa jeunesse en exil. Elle n’a pas écrit la suite.
Chez Book-Off, deux sexagénaires se plaignent aussi d’Aligre puis parlent de leur état. « Je suis hypocondriaque, dit l’un, mais je déteste aller chez le docteur ». Pour ma part, je déplore que les rayonnages ne soient pas davantage renouvelés. Je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Les rêveries de Barbey de Jean-François Roseau (Le Cherche Midi).
Au Diable des Lombards, j’opte faute de mieux pour la bavette à l’échalote et la tarte Tatin puis au Book-Off de Saint-Martin cherche presque en vain.
De là aussi je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Silence aux pauvres, le libelle d’Henri Guillemin (Arléa). C’est là qu’il se met à pleuvoir.
Heureusement, je me console dans le troisième Book-Off où je suis plus chanceux qu’ordinaire trouvant à un euro Au jour le jour, carnets de Paul de Roux (Le temps qu’il fait), Les confessions d’un enfant du cycle d’Alphonse Allais (Mercure de France), Les Allées sombres d’Ivan Bounine (Le Livre de Poche Biblio), La Montagne à seins nus de Pierre Charmoz (Guérin Chamonix), Le Partisan suivi de Le Marcheur d’Yves Martin (La Petite Vermillon) et Kosher Humor d’H.R. Rabinowitz (Allia). Deux filles qui découvrent l’endroit en donne une définition : « C’est comme une friperie, mais pour les livres. »
*
Sur des publicités du métro on remercie nos agriculteurs pour leur gaz vert. Ça sent l’opération « Flattons ceux qui sont en colère ».
Il fait gris dans la capitale. Je fais le pari que la pluie ne tombera pas avant que j’atteigne le Marché d’Aligre aussi prends-je le bus Vingt-Neuf. Sur place, rien pour moi encore une fois.
Au Camélia, je suis le seul client pendant un petit moment. Le café bu, je lis Mémoires inédits de Mathilde Bonaparte, la Princesse, nièce de Napoléon le Premier et cousine de Napoléon le Troisième, laquelle tenait salon fréquenté par les Goncourt, Flaubert, Gautier, etc. Hélas, cela ne concerne que sa jeunesse en exil. Elle n’a pas écrit la suite.
Chez Book-Off, deux sexagénaires se plaignent aussi d’Aligre puis parlent de leur état. « Je suis hypocondriaque, dit l’un, mais je déteste aller chez le docteur ». Pour ma part, je déplore que les rayonnages ne soient pas davantage renouvelés. Je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Les rêveries de Barbey de Jean-François Roseau (Le Cherche Midi).
Au Diable des Lombards, j’opte faute de mieux pour la bavette à l’échalote et la tarte Tatin puis au Book-Off de Saint-Martin cherche presque en vain.
De là aussi je ne repars qu’avec un seul livre à un euro : Silence aux pauvres, le libelle d’Henri Guillemin (Arléa). C’est là qu’il se met à pleuvoir.
Heureusement, je me console dans le troisième Book-Off où je suis plus chanceux qu’ordinaire trouvant à un euro Au jour le jour, carnets de Paul de Roux (Le temps qu’il fait), Les confessions d’un enfant du cycle d’Alphonse Allais (Mercure de France), Les Allées sombres d’Ivan Bounine (Le Livre de Poche Biblio), La Montagne à seins nus de Pierre Charmoz (Guérin Chamonix), Le Partisan suivi de Le Marcheur d’Yves Martin (La Petite Vermillon) et Kosher Humor d’H.R. Rabinowitz (Allia). Deux filles qui découvrent l’endroit en donne une définition : « C’est comme une friperie, mais pour les livres. »
*
Sur des publicités du métro on remercie nos agriculteurs pour leur gaz vert. Ça sent l’opération « Flattons ceux qui sont en colère ».
19 février 2024
Dans mon livre de train de mercredi dernier, Hors cadre de Pierre Alechinsky, j’ai lu en diagonale les textes théoriques sur la peinture, n’ai pas esquivé ceux qui évoquent les amis de l’auteur, Henri Michaux, Christian Dotremont et autres, ai surtout apprécié les pages groupant aphorismes et anecdotes.
D’où cette sélection :
La peinture monumentale commence quand le peintre grimpe sur une chaise.
Le téléphone ? Ne répondre que pour interrompre la sonnerie.
Il triait son courrier au petit bonheur : les lettres dignes d’être ouvertes et les autres à renvoyer aussitôt à l’expéditeur avec un cachet à son nom, Max Ernst, et la mention : non ouverte par manque d’intérêt.
Les sages disparurent (devant lesquels il avait à répondre) et le sexagénaire fut livré à lui-même.
Sur le bord d’une route, entre Gisors et Beauvais, un réparateur de pneus s’écrie : « Je vous reconnais ! Vous étiez dans le jury d’admission qui m’a accepté à l’Ecole des Beaux-Arts. ».
Je n’ai pas encore peint mon dernier mot.
Le minimaliste se braque quand on ne lui accorde pas une attention maximale.
–Quelqu’un se sert-t-il d’un pinceau ?
Ils m’apportèrent leurs brosses, en élèves d’une école de danse qui auraient pris, des années durant, des galoches pour des chaussons.
–Ton père, n’était-il pas tailleur ?
A ce questionneur (plus précisément à son idée derrière la tête), je rétorque :
– Pas juif à ce point.
« Le mouvement s’exécute pour s’arrêter en substituant au commandement de MARCHE celui de HALTE », me lit Pierre Dumayet ouvrant le Règlement de Manœuvre d’Infanterie (Imprimerie-Librairie Militaire Universelle, Paris, 1914).
–Jusqu’à quel âge avez-vous éprouvé des difficultés économiques ?
Réponse de Bram van Velde :
–Jusqu’à trop tard.
Joyce Mansour non loin de sa fin : « Je fais semblant de m’amuser, mais à l’intérieur il n’y a pas grand monde. ».
Lorsqu’enfin la parenthèse se referma, l’idée avait disparu.
*
A propos du titre d’un de ses tableaux, Alice grandit :
Cette forme, pour laquelle je donnerais aujourd’hui le surnom de Libidinette (trop tard, c’est joué) et que j’ai par les mots induite à devenir fillette qui grandit, me diffuse ses harmoniques : antériorités où pointe l’Alice sauvage de Nabokov, La Jeune Fille et la Mort de Schubert, une petite fille espérée, non venue (j’ai deux fils) ou l’impubère et formidable baiser dans l’odeur de foin d’un lointain, toujours proche, été de vacances. Mon Alice subpeinte, entourée de convoiteux parmi lesquels je figure, ne figure pas tout à fait, hésite, rêve, regrette, désire dans ses lignes et vagues.
*
Dans Hors cadre aussi, cette citation de Paul Klee : Personne ne songera à exiger de l’arbre qu’il façonne ses branches sur le modèle de ses racines.
Et cette autre de Marcel Havrenne : Les optimistes sont ceux qui comptent sur les autres.
*
Pour finir, la blagounette de Pierre Alechinsky :
–Perrier ou Evian ?
–Evier.
D’où cette sélection :
La peinture monumentale commence quand le peintre grimpe sur une chaise.
Le téléphone ? Ne répondre que pour interrompre la sonnerie.
Il triait son courrier au petit bonheur : les lettres dignes d’être ouvertes et les autres à renvoyer aussitôt à l’expéditeur avec un cachet à son nom, Max Ernst, et la mention : non ouverte par manque d’intérêt.
Les sages disparurent (devant lesquels il avait à répondre) et le sexagénaire fut livré à lui-même.
Sur le bord d’une route, entre Gisors et Beauvais, un réparateur de pneus s’écrie : « Je vous reconnais ! Vous étiez dans le jury d’admission qui m’a accepté à l’Ecole des Beaux-Arts. ».
Je n’ai pas encore peint mon dernier mot.
Le minimaliste se braque quand on ne lui accorde pas une attention maximale.
–Quelqu’un se sert-t-il d’un pinceau ?
Ils m’apportèrent leurs brosses, en élèves d’une école de danse qui auraient pris, des années durant, des galoches pour des chaussons.
–Ton père, n’était-il pas tailleur ?
A ce questionneur (plus précisément à son idée derrière la tête), je rétorque :
– Pas juif à ce point.
« Le mouvement s’exécute pour s’arrêter en substituant au commandement de MARCHE celui de HALTE », me lit Pierre Dumayet ouvrant le Règlement de Manœuvre d’Infanterie (Imprimerie-Librairie Militaire Universelle, Paris, 1914).
–Jusqu’à quel âge avez-vous éprouvé des difficultés économiques ?
Réponse de Bram van Velde :
–Jusqu’à trop tard.
Joyce Mansour non loin de sa fin : « Je fais semblant de m’amuser, mais à l’intérieur il n’y a pas grand monde. ».
Lorsqu’enfin la parenthèse se referma, l’idée avait disparu.
*
A propos du titre d’un de ses tableaux, Alice grandit :
Cette forme, pour laquelle je donnerais aujourd’hui le surnom de Libidinette (trop tard, c’est joué) et que j’ai par les mots induite à devenir fillette qui grandit, me diffuse ses harmoniques : antériorités où pointe l’Alice sauvage de Nabokov, La Jeune Fille et la Mort de Schubert, une petite fille espérée, non venue (j’ai deux fils) ou l’impubère et formidable baiser dans l’odeur de foin d’un lointain, toujours proche, été de vacances. Mon Alice subpeinte, entourée de convoiteux parmi lesquels je figure, ne figure pas tout à fait, hésite, rêve, regrette, désire dans ses lignes et vagues.
*
Dans Hors cadre aussi, cette citation de Paul Klee : Personne ne songera à exiger de l’arbre qu’il façonne ses branches sur le modèle de ses racines.
Et cette autre de Marcel Havrenne : Les optimistes sont ceux qui comptent sur les autres.
*
Pour finir, la blagounette de Pierre Alechinsky :
–Perrier ou Evian ?
–Evier.
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