C’est la fin de l’escapade rouennaise de Julie Manet dix-sept ans, accompagnée de Geneviève Mallarmé (fille du poète) et de Madame Normand (chaperon) :
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). Nous montons ensuite à Bon-Secours ; à mesure que l’on s’élève, la vue devient de plus en plus belle sur Rouen et sur l’autre côté où la Seine coule au milieu de prés verts et entourant ses îles boisées, elle serpente, et parfois, on l’aperçoit au milieu de la grande campagne bleutée comme une tache d’argent ; à mesure que l’on s’élève l’air devient plus vif. Arrivé à Bon-Secours la vue est plutôt trop étendue ; l’église n’est pas jolie ; Paule comparaît l’intérieur à des sucres de pommes entourés de papier de couleurs. Nous sommes redescendues par la côte Sainte-Catherine qui est très belle. Des pentes vertes semblent descendre sur la ville dans laquelle on est entré par le même côté que le chemin de fer.
En revenant nous avons traversé deux petites rues aux anciennes maisons, l’une en bois sculpté a sur sa porte un bateau soulevé par les vagues. Nous faisons une petite promenade sur les quais ; les mâts des bateaux se détachent sur le ciel du soir et la campagne. Nous passons une autre charmante soirée avec M. Pissarro, Jeannie l’enthousiasme par son jeu (de piano).
Mardi vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Nous faisons une dernière visite à la ville de Rouen, nous nous promenons par les petites rues derrière la cathédrale et entrons à Saint-Maclou ; qu’ils sont jolis sous la voûte claire ces anges aux pieds du Christ ; les lustres Empire brillent autour de l’autel doré. Un chat que nous vîmes à chaque visite à Saint-Maclou dort sur une chaise ; il doit être particulier ce petit chat gris qui vit au milieu des encens. On la quitte avec peine, cette merveille.
N’étant pas sûrs d’avoir bien vu l’extérieur de Saint-Ouen, nous pénétrons dans le jardin qui entoure toute la partie du chœur. De là, ce n’est pas le même aspect, elle est magnifique, immense, imposante cette église, elle est entourée de petits toits pointus qui s’enchevêtrent dans les arcs-boutants et entourent la grande tour aux superbes sculptures. En tournant on trouve de côté une petite tour ronde et l’on aperçoit la grande qui, vue de ce côté, rapetisse; ceci me fait un peu penser à la cathédrale de Tréguier vue du cloître.
Nous entrons chez des bric-à-brac puis au musée pour voir la peinture ancienne, malheureusement nous n’avons pas le temps de nous arrêter devant toutes les jolies choses. Nous apercevons un joli Fragonard, un portrait de femme d’un inconnu, un Velasquez, un ravissant Botticelli qui fait penser au Puvis de Chavanne, des dessins de Delacroix, Géricault, Watteau.
Nous rentrons à la hâte pour déjeuner à 11 heures. Avant de partir nous allons dire adieu à M. Pissarro qui paraît trouver notre séjour bien court. « Nom d’un chien, dit-il, moi qui déjeune et dîne seul tous les jours. » Enfin il nous a dit qu’il viendrait nous voir à Paris. Il nous montre des toiles auxquelles il a travaillé et qui sont vraiment très jolies ; Paule lui demande si il fera une exposition l’hiver prochain : « Non, dit-il, tout cela va aller dans les caves de Durand-Ruel, pour se faire comme le vin ».
Nous partons à midi un quart pour la gare de l’autre rive et faisons un long voyage, nous changeons de train trois fois et nous arrêtons assez longtemps à Pont-Audemer qui paraît très triste. Nous arrivons à 7 heures du soir à Honfleur, exténuées, Mme Normand et Geneviève vont chez une dame amie des Mallarmé, Mme Ponsot ; et nous, nous allons coucher dans un mauvais hôtel.
La jeune Julie n’aura rien manqué de Rouen. Même si elle ne le dit pas explicitement, j’aime à penser qu’elle est passée par ma ruelle.
Lundi vingt-huit septembre mil huit cent quatre-vingt-seize (suite). Nous montons ensuite à Bon-Secours ; à mesure que l’on s’élève, la vue devient de plus en plus belle sur Rouen et sur l’autre côté où la Seine coule au milieu de prés verts et entourant ses îles boisées, elle serpente, et parfois, on l’aperçoit au milieu de la grande campagne bleutée comme une tache d’argent ; à mesure que l’on s’élève l’air devient plus vif. Arrivé à Bon-Secours la vue est plutôt trop étendue ; l’église n’est pas jolie ; Paule comparaît l’intérieur à des sucres de pommes entourés de papier de couleurs. Nous sommes redescendues par la côte Sainte-Catherine qui est très belle. Des pentes vertes semblent descendre sur la ville dans laquelle on est entré par le même côté que le chemin de fer.
En revenant nous avons traversé deux petites rues aux anciennes maisons, l’une en bois sculpté a sur sa porte un bateau soulevé par les vagues. Nous faisons une petite promenade sur les quais ; les mâts des bateaux se détachent sur le ciel du soir et la campagne. Nous passons une autre charmante soirée avec M. Pissarro, Jeannie l’enthousiasme par son jeu (de piano).
Mardi vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-seize. Nous faisons une dernière visite à la ville de Rouen, nous nous promenons par les petites rues derrière la cathédrale et entrons à Saint-Maclou ; qu’ils sont jolis sous la voûte claire ces anges aux pieds du Christ ; les lustres Empire brillent autour de l’autel doré. Un chat que nous vîmes à chaque visite à Saint-Maclou dort sur une chaise ; il doit être particulier ce petit chat gris qui vit au milieu des encens. On la quitte avec peine, cette merveille.
N’étant pas sûrs d’avoir bien vu l’extérieur de Saint-Ouen, nous pénétrons dans le jardin qui entoure toute la partie du chœur. De là, ce n’est pas le même aspect, elle est magnifique, immense, imposante cette église, elle est entourée de petits toits pointus qui s’enchevêtrent dans les arcs-boutants et entourent la grande tour aux superbes sculptures. En tournant on trouve de côté une petite tour ronde et l’on aperçoit la grande qui, vue de ce côté, rapetisse; ceci me fait un peu penser à la cathédrale de Tréguier vue du cloître.
Nous entrons chez des bric-à-brac puis au musée pour voir la peinture ancienne, malheureusement nous n’avons pas le temps de nous arrêter devant toutes les jolies choses. Nous apercevons un joli Fragonard, un portrait de femme d’un inconnu, un Velasquez, un ravissant Botticelli qui fait penser au Puvis de Chavanne, des dessins de Delacroix, Géricault, Watteau.
Nous rentrons à la hâte pour déjeuner à 11 heures. Avant de partir nous allons dire adieu à M. Pissarro qui paraît trouver notre séjour bien court. « Nom d’un chien, dit-il, moi qui déjeune et dîne seul tous les jours. » Enfin il nous a dit qu’il viendrait nous voir à Paris. Il nous montre des toiles auxquelles il a travaillé et qui sont vraiment très jolies ; Paule lui demande si il fera une exposition l’hiver prochain : « Non, dit-il, tout cela va aller dans les caves de Durand-Ruel, pour se faire comme le vin ».
Nous partons à midi un quart pour la gare de l’autre rive et faisons un long voyage, nous changeons de train trois fois et nous arrêtons assez longtemps à Pont-Audemer qui paraît très triste. Nous arrivons à 7 heures du soir à Honfleur, exténuées, Mme Normand et Geneviève vont chez une dame amie des Mallarmé, Mme Ponsot ; et nous, nous allons coucher dans un mauvais hôtel.
La jeune Julie n’aura rien manqué de Rouen. Même si elle ne le dit pas explicitement, j’aime à penser qu’elle est passée par ma ruelle.