Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
28 février 2023
Il y a quelques jours la Bibliothèque Nationale de France évoque sur Effe Bé Mademoiselle de Maupin de Théophile Gautier, roman épistolaire publié en mil huit trente-cinq, l’histoire d’une jeune femme du dix-septième siècle qui, avant de céder aux avances des hommes, décide de se travestir afin de percer leurs secrets :
« La préface de Mademoiselle de Maupin a parfois pu éclipser le roman lui-même, faisant même l’objet d’édition indépendante ! Dans ce texte flamboyant, Gautier répond à des accusations d’immoralité portées à son encontre après son éloge de Villon, et défend le principe de « l’art pour l’art » : la littérature n’est pas au service de la société ou de la morale, elle n’est pas liée à la notion du progrès et de l’utilité, mais à celle de plaisir et de beau. »
Comme cela résonne avec l’époque actuelle, me dis-je.
Coïncidence, ce dimanche, dans l’une des caisses de livres de la brocanteuse du Clos Saint-Marc que celle qui me tenait la main et moi-même appelions Le Grand Rire, je vois un Mademoiselle de Maupin en poche Garnier Flammarion.
Pour un euro, il devient mien et ce lundi j’en lis la préface au Socrate, d’où je tire ceci :
Une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le bonheur de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores.
Cette grande affectation de morale qui règne maintenant serait fort risible, si elle n’était fort ennuyeuse. — Chaque feuilleton devient une chaire ; chaque journaliste, un prédicateur…
On aurait dit que les journalistes étaient devenus quakers, brahmes, ou pythagoriciens, ou taureaux, tant il leur avait pris une subite horreur du rouge et du sang. — Jamais on ne les avait vus si fondants, si émollients ; — c’était de la crème et du petit lait. — Ils n’admettaient que deux couleurs, le bleu de ciel ou le vert-pomme.
Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit, le contraire. — C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, il n’est pas pour cela un brigand. À ce compte, il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche…
Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines.
*
Aujourd’hui Le Grand Rire ne rit plus. Elle riait quand elle travaillait avec sa fille, laquelle l’a quittée quand elle s’est fait engrosser par le premier venu. Je me souviens de la mère s’adressant à sa fille d’un « Passe-moi la caisse d’amour, mon cœur »
Dans la caisse d’amour, ce qu’on appelle aujourd’hui la romance.
*
Petite annonce de réseau social : « Bonjour, mardi soir c'est l'anniversaire du chien d'une amie mais avec mes horaires de travail je n'aurai pas le temps d'aller lui trouver un cadeau je m'y prends à la dernière minute. Du coup est-ce que vous pourriez me proposer des choses que vous avez à vendre pour chien. »
*
-On va au cinéma ce soir ?
-Non, j’peux pas, j’ai l’anniversaire du chien d’Ingrid.
« La préface de Mademoiselle de Maupin a parfois pu éclipser le roman lui-même, faisant même l’objet d’édition indépendante ! Dans ce texte flamboyant, Gautier répond à des accusations d’immoralité portées à son encontre après son éloge de Villon, et défend le principe de « l’art pour l’art » : la littérature n’est pas au service de la société ou de la morale, elle n’est pas liée à la notion du progrès et de l’utilité, mais à celle de plaisir et de beau. »
Comme cela résonne avec l’époque actuelle, me dis-je.
Coïncidence, ce dimanche, dans l’une des caisses de livres de la brocanteuse du Clos Saint-Marc que celle qui me tenait la main et moi-même appelions Le Grand Rire, je vois un Mademoiselle de Maupin en poche Garnier Flammarion.
Pour un euro, il devient mien et ce lundi j’en lis la préface au Socrate, d’où je tire ceci :
Une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le bonheur de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores.
Cette grande affectation de morale qui règne maintenant serait fort risible, si elle n’était fort ennuyeuse. — Chaque feuilleton devient une chaire ; chaque journaliste, un prédicateur…
On aurait dit que les journalistes étaient devenus quakers, brahmes, ou pythagoriciens, ou taureaux, tant il leur avait pris une subite horreur du rouge et du sang. — Jamais on ne les avait vus si fondants, si émollients ; — c’était de la crème et du petit lait. — Ils n’admettaient que deux couleurs, le bleu de ciel ou le vert-pomme.
Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit, le contraire. — C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, il n’est pas pour cela un brigand. À ce compte, il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche…
Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines.
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Aujourd’hui Le Grand Rire ne rit plus. Elle riait quand elle travaillait avec sa fille, laquelle l’a quittée quand elle s’est fait engrosser par le premier venu. Je me souviens de la mère s’adressant à sa fille d’un « Passe-moi la caisse d’amour, mon cœur »
Dans la caisse d’amour, ce qu’on appelle aujourd’hui la romance.
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Petite annonce de réseau social : « Bonjour, mardi soir c'est l'anniversaire du chien d'une amie mais avec mes horaires de travail je n'aurai pas le temps d'aller lui trouver un cadeau je m'y prends à la dernière minute. Du coup est-ce que vous pourriez me proposer des choses que vous avez à vendre pour chien. »
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-On va au cinéma ce soir ?
-Non, j’peux pas, j’ai l’anniversaire du chien d’Ingrid.
27 février 2023
Il arrive parfois que tombent quelques gouttes mais, globalement, il ne pleut pas depuis plus d’un mois. A la sécheresse d’été, voilà que s’ajoute la sécheresse d’hiver. On est mal (comme on dit). C’est ce que je me dis régulièrement. Et pas seulement pour ça. La planète se réchauffe à tout va. Les gouvernants laissent filer. Tout en disant qu’ils font quelque chose. Comme Macron au Salon de l’Agriculture, interpellé par un activiste de Dernière Rénovation. Un de ces jeunes qui pensent qu’en rénovant les bâtiments on va empêcher la catastrophe. C’est leur fixette. Devraient aussi demander des comptes à leurs parents qui ont choisi de les faire naître malgré ce qu’ils savaient. Nul ne peut vivre par cinquante degrés à l’ombre, la température qu’affichera le thermomètre dans trente ans. Les premières victimes seront les vieilles et les vieux d’alors. Celles et ceux qui actuellement se demandent à quel âge sera leur retraite. Ils ne se projettent pas dans l’avenir tel qu’il sera. C’est une faiblesse du genre humain. Elle explique pourquoi il y a tant de monde résidant dans les zones sismiques. En plus, il y a la Guerre de Poutine depuis un an. Zelensky se dit certain de l’emporter. Je n’en suis pas si sûr. Et derrière cette ordure de Poutine se profilent d’autres cinglés. Xi Jinping, capable d’attaquer Taïwan, et Kim Jong-un, capable de s’en prendre à la Corée du Sud. On est mal.
*
Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un, les trois étrons du communisme.
*
Le comble de la coïncidence : mourir la nuit où France Culture rediffuse des émissions sur vous et avec vous. C’est ce qui est arrivé à François Hadji-Lazaro, le chanteur de Pigalle et des Garçons Bouchers, mort peu avant minuit ce samedi, durant la nuit Salut à toi, rock alternatif !
Le bar tabac de la rue des Martyrs est en deuil de cet auteur interprète de chanson parisienne, par ailleurs ancien instituteur.
*
Vladimir Poutine, Xi Jinping, Kim Jong-un, les trois étrons du communisme.
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Le comble de la coïncidence : mourir la nuit où France Culture rediffuse des émissions sur vous et avec vous. C’est ce qui est arrivé à François Hadji-Lazaro, le chanteur de Pigalle et des Garçons Bouchers, mort peu avant minuit ce samedi, durant la nuit Salut à toi, rock alternatif !
Le bar tabac de la rue des Martyrs est en deuil de cet auteur interprète de chanson parisienne, par ailleurs ancien instituteur.
24 février 2023
Par le métro, je rejoins le quartier des Halles où j’ai rendez-vous à midi avec mon acheteur parisien, place Sainte-Opportune. Il est onze heures et demie, je vais fureter chez Boulinier, redoutant d’y trouver des livres dont je ne pourrai me retenir de faire l’acquisition. Ça ne loupe pas. Je mets la main sur un exemplaire masculin et sur un exemplaire féminin (un euro chaque) du Dictionnaire khazar, le roman lexique de Milorad Pavić publié chez Belfond.
Heureusement, je peux sortir de mon sac Erotica Universalis de Gilles Néret (Taschen), sept cent cinquante pages d'illustrations pornographiques de tous les temps et de tous les pays, un pavé que j’avais en double. Je suis à midi moins dix au lieu du rendez-vous, guettant un manteau jaune moutarde, mais c’est lui qui trouve mon sac à dos bleu. Je lui remets le livre contre un billet de cinq euros.
Chez Vigouroux est à côté. J’y déjeune, le principal serveur et la grande serveuse blonde s’occupant de moi, pour entrée une soupe aux carottes, pour plat un foie de veau sauce échalote frites maison. Ce dernier est énorme et rosé comme je l’aime. Quand je sors de là, le premier propos de rue que j’entends est : « C’est aujourd’hui le début du carême ».
Au Book-Off de Saint-Martin, il me faut encore réprimer mes envies de livres à un euro. Je me contente d’Ecrits autobiographiques de Mikhaïl Boulgakov (Babel) et de Journal de la jeune Lydia della Faille de Leverghem (1913 - 1914), illustré par elle-même et préfacé, commenté, annoté par sa fille Huguette de Broqueville (Michel de Maule). Mon exemplaire bénéficiant d’un envoi de cette dernière, d’une écriture tremblée, à l’un que j’écoute tous les dimanches sur France Culture : « A Tewfik Hakem. Journal de la jeune Lydia, regard d’une adolescente sur une époque radieuse que la guerre détruira. En hommage. ».
Il n’est que quatorze heures lorsque je rejoins le café Ville d’Argentan. Au fond de la salle, l’écran de la télé de Bolloré affiche « L’enseignante poignardée est décédée ». Celle qui autrefois me tenait la main étant en vacances, je n’ai pas, par bonheur, à redouter que ce puisse être elle.
Mon café bu, je poursuis la lecture de Stockholm 73. J’ai près de mois un trio d’artistes, dont une chanteuse qui doit être connue, pas de moi. On lui a proposé de chanter place de la Concorde le soir de la victoire de Sarkozy mais elle a refusé. Les deux autres sont des musiciens. Il est question du Cap-Vert, d’Oxmo, de Doc Gynéco qui a fait un pacte avec le diable, de celui qui est marié avec Mathilda May, de Fiona Gélin qui est complètement détruite, de celui qui a écrit la musique de Petit Pays et touché le pactole, etc.
*
Ouiquipédia : « Roman-lexique en 100 000 mots », glossaire, encyclopédie, dictionnaire maudit, recueil de légendes, de biographies, ouvert à d'infinies combinaisons et interprétations, Le Dictionnaire khazar se présente sous une forme totalement originale, puisque de n'importe quel endroit d'où le lecteur commence, il peut comprendre le récit - ou du moins une signification possible du récit. Une autre subtilité du Dictionnaire khazar est qu'il existe trois versions de ce livre : une version féminine, une version masculine et une version « androgyne ». (Il y a une seule et unique différence entre les exemplaires masculin et féminin)
*
Une jeune femme pénétrant pour la première fois de sa vie chez Book-Off : « Ah, c’est pas cher ici ! ».
*
Pas d’appel de la secrétaire de mon médecin traitant ce jeudi. Mes dépassements de norme ne semblent pas nécessiter un rendez-vous d’urgence.
Heureusement, je peux sortir de mon sac Erotica Universalis de Gilles Néret (Taschen), sept cent cinquante pages d'illustrations pornographiques de tous les temps et de tous les pays, un pavé que j’avais en double. Je suis à midi moins dix au lieu du rendez-vous, guettant un manteau jaune moutarde, mais c’est lui qui trouve mon sac à dos bleu. Je lui remets le livre contre un billet de cinq euros.
Chez Vigouroux est à côté. J’y déjeune, le principal serveur et la grande serveuse blonde s’occupant de moi, pour entrée une soupe aux carottes, pour plat un foie de veau sauce échalote frites maison. Ce dernier est énorme et rosé comme je l’aime. Quand je sors de là, le premier propos de rue que j’entends est : « C’est aujourd’hui le début du carême ».
Au Book-Off de Saint-Martin, il me faut encore réprimer mes envies de livres à un euro. Je me contente d’Ecrits autobiographiques de Mikhaïl Boulgakov (Babel) et de Journal de la jeune Lydia della Faille de Leverghem (1913 - 1914), illustré par elle-même et préfacé, commenté, annoté par sa fille Huguette de Broqueville (Michel de Maule). Mon exemplaire bénéficiant d’un envoi de cette dernière, d’une écriture tremblée, à l’un que j’écoute tous les dimanches sur France Culture : « A Tewfik Hakem. Journal de la jeune Lydia, regard d’une adolescente sur une époque radieuse que la guerre détruira. En hommage. ».
Il n’est que quatorze heures lorsque je rejoins le café Ville d’Argentan. Au fond de la salle, l’écran de la télé de Bolloré affiche « L’enseignante poignardée est décédée ». Celle qui autrefois me tenait la main étant en vacances, je n’ai pas, par bonheur, à redouter que ce puisse être elle.
Mon café bu, je poursuis la lecture de Stockholm 73. J’ai près de mois un trio d’artistes, dont une chanteuse qui doit être connue, pas de moi. On lui a proposé de chanter place de la Concorde le soir de la victoire de Sarkozy mais elle a refusé. Les deux autres sont des musiciens. Il est question du Cap-Vert, d’Oxmo, de Doc Gynéco qui a fait un pacte avec le diable, de celui qui est marié avec Mathilda May, de Fiona Gélin qui est complètement détruite, de celui qui a écrit la musique de Petit Pays et touché le pactole, etc.
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Ouiquipédia : « Roman-lexique en 100 000 mots », glossaire, encyclopédie, dictionnaire maudit, recueil de légendes, de biographies, ouvert à d'infinies combinaisons et interprétations, Le Dictionnaire khazar se présente sous une forme totalement originale, puisque de n'importe quel endroit d'où le lecteur commence, il peut comprendre le récit - ou du moins une signification possible du récit. Une autre subtilité du Dictionnaire khazar est qu'il existe trois versions de ce livre : une version féminine, une version masculine et une version « androgyne ». (Il y a une seule et unique différence entre les exemplaires masculin et féminin)
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Une jeune femme pénétrant pour la première fois de sa vie chez Book-Off : « Ah, c’est pas cher ici ! ».
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Pas d’appel de la secrétaire de mon médecin traitant ce jeudi. Mes dépassements de norme ne semblent pas nécessiter un rendez-vous d’urgence.
23 février 2023
Mon sac est déjà lourd quand je rejoins la Gare de Rouen ce mercredi, car s’y cache un livre épais vendu à un Parisien. Ce n’est pas le genre d’ouvrage que l’on peut feuilleter dans le train. Pour lecture j’ai un petit et mince Allia, Stockholm 73 de Daniel Lang. Le journaliste américain, qui s’est rendu sur place, raconte l’attaque de banque dans laquelle les otages ont pris le parti des braqueurs contre la Police (le fameux Syndrome de Stockholm).
Le ciel est gris mais il ne pleut pas dans la capitale, aussi c’est avec le bus Vingt-Neuf que je me rapproche du Marché d’Aligre.
J’y trouve le déballage du principal vendeur de livres tenu par un autre et très entouré. Il n’y a là que des nouveautés, toutes à deux euros. Un homme que je suppose bouquiniste en a déjà fait des piles pour lui. D’autres sont, comme moi, des amateurs avertis et il règne entre nous une bonne ambiance (rien à voir avec le Marché du Clos Saint-Marc à Rouen, un repaire de rats prêts à se mordre pour le moindre livre).
Je trouve pour me plaire une série d’ouvrages de Marc Le Bot publiés chez Pol, Brandes, Fata Morgana et Collodion (certains sont en plusieurs exemplaires, comme s’ils lui avaient appartenu), l’énorme Lettres à Zina de Boris Pasternak (Stock) et l’épais Dossier de l’« affaire » j’irai cracher sur vos tombes établi par Noël Arnaud (Christian Bourgois). J’ai une pensée pour ce dernier qui aimait mes textes publiés par Sarane Alexandrian dans sa revue Supérieur Inconnu et qui jusqu’à sa mort me fit le service des numéros de sa publication Dragée Haute.
Mon dos est soumis à rude effort quand je rejoins le bar tabac Le Camélia pour y boire un café au comptoir. Cela fait, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin avec un impératif : acheter très peu de livres à un euro, et des légers. Pour ce faire, j’en laisse que je ne retrouverai sans doute pas la semaine prochaine, me contentant de Toxique de Françoise Sagan illustré par Bernard Buffet (Stock), le journal de la cure de désintoxication rendue nécessaire par son intoxication médicale au palfium suite à son accident de voiture, et Les Privilèges de Stendhal, un hors-commerce d’Arléa poche.
En sortant, je fais sonner l’alarme antivol. Un livre du Marché d’Aligre doit en être la cause. « C’est bon, allez-y », me dit l’employée la plus proche qui ne doute pas de mon honnêteté.
*
Le 23 août 1973, peu après l’ouverture des bureaux, un détenu suédois fraîchement évadé pénétrait dans la principale succursale de l’une des premières banques de Suède, la Sveriges Kreditbank, avec l’intention d’y commettre le forfait le plus ambitieux d’une longue carrière criminelle. Il arrivait bien outillé. Ainsi débute Stockholm 73. Ça donne envie de lire la suite.
Le ciel est gris mais il ne pleut pas dans la capitale, aussi c’est avec le bus Vingt-Neuf que je me rapproche du Marché d’Aligre.
J’y trouve le déballage du principal vendeur de livres tenu par un autre et très entouré. Il n’y a là que des nouveautés, toutes à deux euros. Un homme que je suppose bouquiniste en a déjà fait des piles pour lui. D’autres sont, comme moi, des amateurs avertis et il règne entre nous une bonne ambiance (rien à voir avec le Marché du Clos Saint-Marc à Rouen, un repaire de rats prêts à se mordre pour le moindre livre).
Je trouve pour me plaire une série d’ouvrages de Marc Le Bot publiés chez Pol, Brandes, Fata Morgana et Collodion (certains sont en plusieurs exemplaires, comme s’ils lui avaient appartenu), l’énorme Lettres à Zina de Boris Pasternak (Stock) et l’épais Dossier de l’« affaire » j’irai cracher sur vos tombes établi par Noël Arnaud (Christian Bourgois). J’ai une pensée pour ce dernier qui aimait mes textes publiés par Sarane Alexandrian dans sa revue Supérieur Inconnu et qui jusqu’à sa mort me fit le service des numéros de sa publication Dragée Haute.
Mon dos est soumis à rude effort quand je rejoins le bar tabac Le Camélia pour y boire un café au comptoir. Cela fait, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin avec un impératif : acheter très peu de livres à un euro, et des légers. Pour ce faire, j’en laisse que je ne retrouverai sans doute pas la semaine prochaine, me contentant de Toxique de Françoise Sagan illustré par Bernard Buffet (Stock), le journal de la cure de désintoxication rendue nécessaire par son intoxication médicale au palfium suite à son accident de voiture, et Les Privilèges de Stendhal, un hors-commerce d’Arléa poche.
En sortant, je fais sonner l’alarme antivol. Un livre du Marché d’Aligre doit en être la cause. « C’est bon, allez-y », me dit l’employée la plus proche qui ne doute pas de mon honnêteté.
*
Le 23 août 1973, peu après l’ouverture des bureaux, un détenu suédois fraîchement évadé pénétrait dans la principale succursale de l’une des premières banques de Suède, la Sveriges Kreditbank, avec l’intention d’y commettre le forfait le plus ambitieux d’une longue carrière criminelle. Il arrivait bien outillé. Ainsi débute Stockholm 73. Ça donne envie de lire la suite.
21 février 2023
Je commence cette semaine au laboratoire d’analyse médicale de la place Saint-Marc. Il s’agit de subir une nouvelle prise de sang afin de vérifier mon taux de glycémie, la précédente ayant abouti à un résultat fleuretant avec le diabète. Quand le rideau de la porte d’entrée se lève à sept heures et demie, je suis le seul à entrer. Mon ordonnance enregistrée, une infirmière appelle mon nom dès que je pénètre dans la salle d’attente.
« J’ai les mains froides », s’excuse-t-elle en tapotant le creux de mon bras gauche à la recherche d’une veine comme toujours peu visible. Elle finit par la trouver. « J’y vais », me dit-elle et elle pique sans que je sente quoi que soit. Je regarde ailleurs jusqu’à ce que ce soit fini, la remercie et nous nous disons au revoir.
A dix-sept heures, je suis de retour pour les résultats. Je ne les consulte que rentré. Ils ne sont pas bons, que ce soit la glycémie ou le cholestérol, les deux au-dessus de la norme, pas énormément cependant.
Mon médecin traitant m’a dit qu’il m’appellerait si, au vu des résultats, il juge bon qu’on se voie. Ce mardi matin toute sonnerie de mon téléphone fixe me fera l’effet d’une sirène d’alerte.
Neuf heures et demie, ça sonne, une démarcheuse, ouf.
Je sors peu après pour rejoindre l’ami Georges-André en son hôtel afin de lui prêter La dame à la camionnette d’Alan Benett qu’il a l’envie de lire. Il m’offre un café et nous devisons plus longuement que je ne pensais le faire. Au point qu’il est presque midi quand je rentre chez moi.
Comme j’en repars un peu avant quatorze heures pour mon café lecture au Socrate, je ne laisse aucune chance à la secrétaire du cabinet médical de me joindre. M’appellera-t-elle demain ? Je ne serai pas là.
« J’ai les mains froides », s’excuse-t-elle en tapotant le creux de mon bras gauche à la recherche d’une veine comme toujours peu visible. Elle finit par la trouver. « J’y vais », me dit-elle et elle pique sans que je sente quoi que soit. Je regarde ailleurs jusqu’à ce que ce soit fini, la remercie et nous nous disons au revoir.
A dix-sept heures, je suis de retour pour les résultats. Je ne les consulte que rentré. Ils ne sont pas bons, que ce soit la glycémie ou le cholestérol, les deux au-dessus de la norme, pas énormément cependant.
Mon médecin traitant m’a dit qu’il m’appellerait si, au vu des résultats, il juge bon qu’on se voie. Ce mardi matin toute sonnerie de mon téléphone fixe me fera l’effet d’une sirène d’alerte.
Neuf heures et demie, ça sonne, une démarcheuse, ouf.
Je sors peu après pour rejoindre l’ami Georges-André en son hôtel afin de lui prêter La dame à la camionnette d’Alan Benett qu’il a l’envie de lire. Il m’offre un café et nous devisons plus longuement que je ne pensais le faire. Au point qu’il est presque midi quand je rentre chez moi.
Comme j’en repars un peu avant quatorze heures pour mon café lecture au Socrate, je ne laisse aucune chance à la secrétaire du cabinet médical de me joindre. M’appellera-t-elle demain ? Je ne serai pas là.
20 février 2023
C’est au Socrate que j’ai lu Correspondance de Brice Parain et Georges Perros, l’échange durant onze ans de lettres d’un philosophe aujourd’hui quasiment oublié et d’un écrivain qui m’est cher, deux êtres ayant peu en commun, mais s’entendant suffisamment bien pour se rendre visite (Parain logeant au Ty Mad de Tréboul lors de ses escapades bretonnes).
De cette lecture je n’ai retenu que des propos de Perros :
Je reviens de l’enterrement de ce brave homme que vous avez un peu connu, je crois, cet horloger, qui faisait de la peinture, avec un visage à la Rodin. J’allais boire un coup avec lui chaque semaine. La dernière, il m’a dit qu’il avait envie de tout foutre en l’air. C’est fait. Le drame de sa vie, c’était de ne pas avoir d’enfants. Moi ce serait plutôt le contraire ! (Perros à Parain, le vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante-trois)
Il m’arrive souvent de détester les hommes, ou plutôt de me détester d’en être un. On passe sa vie à se vouloir autre chose que quelqu'un. Mais nous sommes renvoyés dos à dos. (même lettre)
Il fait un temps de cochon. Un ami s’est noyé vendredi, en pêchant à la ligne. Pas retrouvé. (Perros à Parain, début mil neuf cent soixante-quatre)
Quand je vois les gens étalés sur la plage, je me demande ce qui leur prend. (Perros à Parain, octobre mil neuf cent soixante-sept)
*
Brice Parain est visible dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard où dans un café parisien il fait la leçon à Nana (Anna Karina) et dans Entretien sur Pascal d’Éric Rohmer où il dialogue avec le dominicain Dominique Dubarle.
*
Publié par Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, Correspondance de Brice Parain et Georges Perros est noté indisponible partout, sauf chez RecycLivre (officine qui reçoit gratuitement des livres qu’elle revend à des prix parfois élevés). Ce qui explique que mon exemplaire, acheté au Marché d’Aligre, soit une copie à l’identique (sauf la couverture vraiment blanche) effectuée par la défunte entreprise La Page et la Plume, rue du Bouloi à Paris, qui œuvrait officiellement dans l’édition de revues et périodiques.
*
« Eh oui, voilà février qui s’avance tout doucement, on va arriver au printemps. », entends-je d’un consommateur du Socrate alors que je termine ma lecture. L’arbre d’en face de chez moi pense pareil. Il vient de fleurir.
De cette lecture je n’ai retenu que des propos de Perros :
Je reviens de l’enterrement de ce brave homme que vous avez un peu connu, je crois, cet horloger, qui faisait de la peinture, avec un visage à la Rodin. J’allais boire un coup avec lui chaque semaine. La dernière, il m’a dit qu’il avait envie de tout foutre en l’air. C’est fait. Le drame de sa vie, c’était de ne pas avoir d’enfants. Moi ce serait plutôt le contraire ! (Perros à Parain, le vingt-cinq novembre mil neuf cent soixante-trois)
Il m’arrive souvent de détester les hommes, ou plutôt de me détester d’en être un. On passe sa vie à se vouloir autre chose que quelqu'un. Mais nous sommes renvoyés dos à dos. (même lettre)
Il fait un temps de cochon. Un ami s’est noyé vendredi, en pêchant à la ligne. Pas retrouvé. (Perros à Parain, début mil neuf cent soixante-quatre)
Quand je vois les gens étalés sur la plage, je me demande ce qui leur prend. (Perros à Parain, octobre mil neuf cent soixante-sept)
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Brice Parain est visible dans Vivre sa vie de Jean-Luc Godard où dans un café parisien il fait la leçon à Nana (Anna Karina) et dans Entretien sur Pascal d’Éric Rohmer où il dialogue avec le dominicain Dominique Dubarle.
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Publié par Gallimard en mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, Correspondance de Brice Parain et Georges Perros est noté indisponible partout, sauf chez RecycLivre (officine qui reçoit gratuitement des livres qu’elle revend à des prix parfois élevés). Ce qui explique que mon exemplaire, acheté au Marché d’Aligre, soit une copie à l’identique (sauf la couverture vraiment blanche) effectuée par la défunte entreprise La Page et la Plume, rue du Bouloi à Paris, qui œuvrait officiellement dans l’édition de revues et périodiques.
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« Eh oui, voilà février qui s’avance tout doucement, on va arriver au printemps. », entends-je d’un consommateur du Socrate alors que je termine ma lecture. L’arbre d’en face de chez moi pense pareil. Il vient de fleurir.
17 février 2023
On ne pourra pas dire que l’on ne m’a pas vu dans une manifestation contre le recul de l’âge de la retraite de soixante-deux à soixante-quatre ans, car ce seize février un déplacement m’oblige à traverser la rue de la République au moment où passe la queue de celle du jour, ce que je ne peux faire qu’en diagonale, c’est à dire en marchant un peu avec les manifestants.
Cette journée qui marque l’avancement fâcheux vers ma fin ressemble à l’un de mes jeudis ordinaires, un déjeuner dans mon restaurant japonais préféré, un café lecture au Socrate.
Ce n’est que le soir qu’arrive l’imprévu. Mon nouveau voisin s’installe, que je n’attendais pas à cette heure. Il n’est pas seul. Des peutes à lui l’accompagnent. Leur conversation est typique de l’époque, une suite de plaisanteries déclenchant des rires mécaniques. Cette arrivée met un terme à la tranquillité des derniers mois.
Le bruit s’amplifie quand il ouvre la fenêtre qui jouxte celle de ma chambre principale. Après avoir fait preuve de patience, j’ouvre la mienne et découvre en train de fumer un jeune homme aux cheveux ras.
-Ah peut-être qu’on fait trop de bruit ? me dit-il.
Je lui explique qu’il n’y a aucune isolation phonique entre les appartements et que je peux entendre tout ce qui vient de chez lui, jusqu’à ses conversations. Il me dit que le voisin de l’autre côté est également venu l’informer du bruit qu’il fait.
-Je veux que tout se passe bien, me dit-il en me promettant de faire attention.
Il ajoute que là il boit quelques bières avec ceux qui l’ont aidé à emménager (sans doute mercredi quand je n’étais pas là), mais qu’il ne va pas rester dormir.
Le dialogue terminé, je choisis d’aller dormir dans la petite chambre, moins soumise au bruit d’autrui. Ce qui ne veut pas dire que je n’entends rien. Les peutes partis, c’est sa copine qui le rejoint et, contrairement à ce qu’il m’a dit, ils passent ici la nuit.
*
Les problèmes de voisinage version Paul Léautaud, Journal littéraire, lundi dix-neuf septembre mil neuf cent trente-deux :
La vermine de nouveaux locataires qui occupent depuis juillet le petit pavillon sur la rue, contigu à mon jardin, et qui étaient absents depuis le 1er août, viennent de rentrer ce soir, à 10 heures, avec leur saloperie d’enfants, qui se sont mis à brailler sitôt descendus de voiture. Je vais recommencer à être empoisonné. L’homme, un chauffeur de taxi. On voit le monde que ça peut être. Par-dessus le marché, possesseur d’un phonographe ou d’un appareil de télégraphie sans fil qui fait un vacarme formidable. Il m’a fallu, un dimanche soir, jusqu’à onze heures, avant leur départ en vacances, subir les trois actes de cette ânerie : Les surprises du divorce, braillés en plein jardin. Où est ma tranquillité de ces dernières années ! Je n’ai d’espoir qu’en une bonne maladie qui me débarrasse des deux gosses, ou de mauvaises affaires qui ne permettent plus à cet individu de payer son loyer, ce qui le fera mettre dehors par notre commune propriétaire.
Cette journée qui marque l’avancement fâcheux vers ma fin ressemble à l’un de mes jeudis ordinaires, un déjeuner dans mon restaurant japonais préféré, un café lecture au Socrate.
Ce n’est que le soir qu’arrive l’imprévu. Mon nouveau voisin s’installe, que je n’attendais pas à cette heure. Il n’est pas seul. Des peutes à lui l’accompagnent. Leur conversation est typique de l’époque, une suite de plaisanteries déclenchant des rires mécaniques. Cette arrivée met un terme à la tranquillité des derniers mois.
Le bruit s’amplifie quand il ouvre la fenêtre qui jouxte celle de ma chambre principale. Après avoir fait preuve de patience, j’ouvre la mienne et découvre en train de fumer un jeune homme aux cheveux ras.
-Ah peut-être qu’on fait trop de bruit ? me dit-il.
Je lui explique qu’il n’y a aucune isolation phonique entre les appartements et que je peux entendre tout ce qui vient de chez lui, jusqu’à ses conversations. Il me dit que le voisin de l’autre côté est également venu l’informer du bruit qu’il fait.
-Je veux que tout se passe bien, me dit-il en me promettant de faire attention.
Il ajoute que là il boit quelques bières avec ceux qui l’ont aidé à emménager (sans doute mercredi quand je n’étais pas là), mais qu’il ne va pas rester dormir.
Le dialogue terminé, je choisis d’aller dormir dans la petite chambre, moins soumise au bruit d’autrui. Ce qui ne veut pas dire que je n’entends rien. Les peutes partis, c’est sa copine qui le rejoint et, contrairement à ce qu’il m’a dit, ils passent ici la nuit.
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Les problèmes de voisinage version Paul Léautaud, Journal littéraire, lundi dix-neuf septembre mil neuf cent trente-deux :
La vermine de nouveaux locataires qui occupent depuis juillet le petit pavillon sur la rue, contigu à mon jardin, et qui étaient absents depuis le 1er août, viennent de rentrer ce soir, à 10 heures, avec leur saloperie d’enfants, qui se sont mis à brailler sitôt descendus de voiture. Je vais recommencer à être empoisonné. L’homme, un chauffeur de taxi. On voit le monde que ça peut être. Par-dessus le marché, possesseur d’un phonographe ou d’un appareil de télégraphie sans fil qui fait un vacarme formidable. Il m’a fallu, un dimanche soir, jusqu’à onze heures, avant leur départ en vacances, subir les trois actes de cette ânerie : Les surprises du divorce, braillés en plein jardin. Où est ma tranquillité de ces dernières années ! Je n’ai d’espoir qu’en une bonne maladie qui me débarrasse des deux gosses, ou de mauvaises affaires qui ne permettent plus à cet individu de payer son loyer, ce qui le fera mettre dehors par notre commune propriétaire.
16 février 2023
Comme chaque semaine Rouen est quasiment déserte quand je la traverse ce mercredi et le train de sept heures vingt-quatre pour Paris à l’heure. Il file dans l’obscurité et la brume, lesquelles disparaissent peu avant l’arrivée.
Le bus Vingt-Neuf ne me fait attendre que six minutes pour partir. J’en descends place de la Bastille et arrive au Marché d’Aligre avant que les livres du principal vendeur aient été posés sur les tables par ses sous-fifres. L’autre ne présente que de la daube.
Je rejoins donc Le Camélia pour un café comptoir. En salle, deux jeunes femmes et deux jeunes hommes sont en réunion professionnelle. J’entends parler de conseil stratégique, recherche innovante, observation dynamique, autrement dit du vent.
Chez Book-Off, dès dix heures, il y a davantage de monde que couramment, sans doute un effet des vacances d’hiver. Nous sommes à la veille de mon anniversaire et je suis d’une humeur exécrable. Je me retiens pour ne pas envoyer au diable celles et ceux qui s’approchent trop. Malgré la présence de ces intrus, je trouve des livres à un euro pour mon panier, dont Cochon Rimailles et Ripailles, poèmes de Philippe Roman et recettes de Jean-Michel Bouvier (Jean-Paul Rocher Editeur), La route de Silverado de Stevenson (Payot) et Stockholm 73 de Daniel Lang (Allia).
Il est onze heures lorsque je sors de là. Je vais voir si les livres sont toujours rangés de manière maniaque dans l’Emmaüs de la rue de Charonne. Ils le sont. Le temps n’est plus des cinq poches pour un euro. Cela freine mon envie d’acheter. La responsable au téléphone peste contre ses subordonnés en prévision de la grève de demain dans les transports. « Ceux qui habitent à Pétaouchnock arrivent toujours à venir et ceux qui sont pas loin disent qu’ils sont bloqués. Faudrait savoir si on a envie de travailler ou pas. »
Ayant rendez-vous au Paris, boulevard Richard-Lenoir, je passe par le square Francis-Lemarque où est installée une des rares boîtes à livres parisiennes. J’y trouve de quoi m’intéresser, notamment, aux Editions Kimé, Regards sur Deleuze de René Schérer qui vient de mourir à cent ans, par ailleurs frère d’Eric Rohmer et ami de Gabriel Matzneff. Arrivé rue Boulle, j’examine les caisses de trottoir du marchand de journaux où sont des livres à un euro. Sont présents en très bon état de bons romans d’auteurs étrangers. Heureusement que je n’en lis plus, mon sac est déjà trop lourd.
Je le dépose sur une chaise du Paris. « Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu », me dit la serveuse. « Ça dépend de mon circuit », lui réponds-je. A midi et demi arrive celle qui travaille dans le coin. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes vus. Il s’agit ce jour de fêter mon presque anniversaire pour lequel elle m’offre une jolie boîte ronde emplie de chocolats. De mon côté j’ai deux livres pour elle. Durant le repas elle me raconte comment elle s’est fait agresser par un chauffeur de taxi à qui elle avait reproché de laisser tourner son compteur tandis qu’elle retirait de l’argent à un automate puisqu’il refusait la carte, une histoire hallucinante.
Un peu après quatorze heures nous nous disons au revoir place de la Bastille. Avec le métro Un je rejoins Châtelet afin d’explorer le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, l’occasion d’ajouter à mon fardeau quelques livres à un euro.
C’est un train d’une seule rame qui me ramène sans mollir à Rouen. Comme dans celui de l’aller je n’ai pas de voisin immédiat. Cela me convient parfaitement. J’y termine ma lecture du jour : La dame à la camionnette d’Alan Bennett dans lequel l’écrivain et homme de radio connu pour son humour raconte sa relation avec une femme relevant de la psychiatrie qui vivait dans une camionnette garée devant chez lui puis dans son jardin quand pour lui éviter les ennuis avec les autorités il l’autorisa à se garer chez lui. Cette cohabitation a duré vingt ans. Jusqu’à ce que la dame meure dans la camionnette. En refermant ce livre, je me dis deux choses. La première : Quel chic type. La seconde : Jamais je n’aurais supporté cela.
Le bus Vingt-Neuf ne me fait attendre que six minutes pour partir. J’en descends place de la Bastille et arrive au Marché d’Aligre avant que les livres du principal vendeur aient été posés sur les tables par ses sous-fifres. L’autre ne présente que de la daube.
Je rejoins donc Le Camélia pour un café comptoir. En salle, deux jeunes femmes et deux jeunes hommes sont en réunion professionnelle. J’entends parler de conseil stratégique, recherche innovante, observation dynamique, autrement dit du vent.
Chez Book-Off, dès dix heures, il y a davantage de monde que couramment, sans doute un effet des vacances d’hiver. Nous sommes à la veille de mon anniversaire et je suis d’une humeur exécrable. Je me retiens pour ne pas envoyer au diable celles et ceux qui s’approchent trop. Malgré la présence de ces intrus, je trouve des livres à un euro pour mon panier, dont Cochon Rimailles et Ripailles, poèmes de Philippe Roman et recettes de Jean-Michel Bouvier (Jean-Paul Rocher Editeur), La route de Silverado de Stevenson (Payot) et Stockholm 73 de Daniel Lang (Allia).
Il est onze heures lorsque je sors de là. Je vais voir si les livres sont toujours rangés de manière maniaque dans l’Emmaüs de la rue de Charonne. Ils le sont. Le temps n’est plus des cinq poches pour un euro. Cela freine mon envie d’acheter. La responsable au téléphone peste contre ses subordonnés en prévision de la grève de demain dans les transports. « Ceux qui habitent à Pétaouchnock arrivent toujours à venir et ceux qui sont pas loin disent qu’ils sont bloqués. Faudrait savoir si on a envie de travailler ou pas. »
Ayant rendez-vous au Paris, boulevard Richard-Lenoir, je passe par le square Francis-Lemarque où est installée une des rares boîtes à livres parisiennes. J’y trouve de quoi m’intéresser, notamment, aux Editions Kimé, Regards sur Deleuze de René Schérer qui vient de mourir à cent ans, par ailleurs frère d’Eric Rohmer et ami de Gabriel Matzneff. Arrivé rue Boulle, j’examine les caisses de trottoir du marchand de journaux où sont des livres à un euro. Sont présents en très bon état de bons romans d’auteurs étrangers. Heureusement que je n’en lis plus, mon sac est déjà trop lourd.
Je le dépose sur une chaise du Paris. « Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu », me dit la serveuse. « Ça dépend de mon circuit », lui réponds-je. A midi et demi arrive celle qui travaille dans le coin. Cela fait longtemps que nous ne nous sommes vus. Il s’agit ce jour de fêter mon presque anniversaire pour lequel elle m’offre une jolie boîte ronde emplie de chocolats. De mon côté j’ai deux livres pour elle. Durant le repas elle me raconte comment elle s’est fait agresser par un chauffeur de taxi à qui elle avait reproché de laisser tourner son compteur tandis qu’elle retirait de l’argent à un automate puisqu’il refusait la carte, une histoire hallucinante.
Un peu après quatorze heures nous nous disons au revoir place de la Bastille. Avec le métro Un je rejoins Châtelet afin d’explorer le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin, l’occasion d’ajouter à mon fardeau quelques livres à un euro.
C’est un train d’une seule rame qui me ramène sans mollir à Rouen. Comme dans celui de l’aller je n’ai pas de voisin immédiat. Cela me convient parfaitement. J’y termine ma lecture du jour : La dame à la camionnette d’Alan Bennett dans lequel l’écrivain et homme de radio connu pour son humour raconte sa relation avec une femme relevant de la psychiatrie qui vivait dans une camionnette garée devant chez lui puis dans son jardin quand pour lui éviter les ennuis avec les autorités il l’autorisa à se garer chez lui. Cette cohabitation a duré vingt ans. Jusqu’à ce que la dame meure dans la camionnette. En refermant ce livre, je me dis deux choses. La première : Quel chic type. La seconde : Jamais je n’aurais supporté cela.
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