Le jour se lève, il faut tenter de vivre, comme dirait l’autre, bien que le temps soit le même qu’hier en encore moins bien. « Ce matin, il pleut pas, il pleut après midi », annonce un autochtone renseigné par son smartphone au Classic où je petit-déjeune.
Il s’agit de ne pas traîner ce lundi pour découvrir la Pointe Courte. Je longe le canal vers l’énorme pont-levant. Celui-ci atteint, je l’emprunte puis passe dessous. Une flèche indique le chemin à suivre sous la voie ferrée et j’y suis.
Ce quartier de la Pointe Courte est un « village dans la ville » avec ses maisons colorées, ses ruelles aux noms évocateurs (traverse des Jouteurs, traverse des Rameurs, rue de la Pétanque).et ses filets de pêche qui sèchent le long des quais. Ce sont les travaux de remblaiement liés à l’arrivée du chemin de fer qui ont créé cet espace en bordure de l’étang de Thau. Il a été rapidement investi par les pêcheurs qui y ont établi leurs cabanons. Ses habitants sont surnommés les pointus. « C’est un site de pêche important, notamment durant la saison de la daurade en octobre, pendant laquelle des centaines de pêcheurs se rassemblent le long du canal », ai-je lu. Ce matin, c’est bien calme.
C’est d’abord la partie ordonnée qui s’offre à moi avec ses maisons en dur et en couleur, bien alignées, certaines un peu décorées. Arrivé au bout de la Pointe, je découvre l’autre versant, constitué de cabanons, parfois déglingués, et d’un port de pêche désordonné. Un beau bazar comme j’aime, avec des chats errants et des oiseaux d’étang au bec effilé. Je rencontre deux pointus, nous nous saluons, puis un petit groupe de touristes anglophones avec guide que je ne fais heureusement que croiser. Je découvre qu’Agnès Varda a une traverse à son nom pour avoir ici en mil neuf cent cinquante-cinq tourné son film La Pointe courte et que Georges Brassens donne le sien à une digue qui lui ressemble.
Le tour fait, j’entre côté canal au restaurant Le Passage qui vient d’ouvrir. J’en suis le seul client et mon café bu lis là Lagarce jusqu’à ce qu’un marteau-piqueur se déclenche sur le quai.
Je dois partir, ce qui n’est pas forcément un mal car, tandis que je rentre, il se met à pleuvouiller. Je longe le canal jusqu’au Tabary’s, « maison fondée en 1902 », la brasserie bourgeoise de Sète, où je choisis une table à l’intérieur, dominant la véranda et surplombant le canal, pour encore un café et rouvrir mon livre. J’ai au-dessus de la tête une photo de Brassens confortablement installé dans l’un des fauteuils de cet endroit avec ses amis.
Je cafouille pour manger à midi allant de déception en déception sous une brouillasse brumeuse. En désespoir, je déjeune des lasagnes maison du Classic (onze euros). Au moins sont-elles bonnes. Ce temps alors qu’il fait chaud, je n’essaie même pas de comprendre.
*
Nouvelle lecture pour Jean-Luc Lagarce, très malade, en mil neuf cent quatre-vingt-douze :
Samedi 15 août 1992, Paris, Lecture du Journal de Paul Léautaud, c’est très important. On verra. N'irai pas jusqu’au bout.
Vendredi 21 août 1992, Perros-Guirec. Lecture de Paul Léautaud la nuit dans mon petit lit.
Lundi 21 septembre 1992, Besançon, lecture de Léautaud et rien d’autre tard la nuit.
*
Léautaud cité par Lagarce :
29 septembre 1905
Comme la vie pèse, quelquefois ! Et que de fois aussi je l’aurai senti, qu’on ne réussit à la supporter qu’à force de se monter le coup. Seulement, de temps en temps, quelque chose crève, et alors, adieu l’illusion.
*
Jean-Luc Lagarce, Journal :
La vie risque d’être souvent ainsi : regardée. (samedi douze septembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)
Traversée fatigante en train entre Chambéry et Belfort
Le sentiment très fort et très juste que la Mort, c’est exactement cela : être tout seul dans un train qui traverse des paysages qu’on ne connaît pas. (samedi vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)
Le succès et ma cote m’obligent à des débats étranges… On me parle comme si j’étais un petit génie alors que je ne suis qu’un pauvre homme un peu perdu. (mercredi vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)
Il s’agit de ne pas traîner ce lundi pour découvrir la Pointe Courte. Je longe le canal vers l’énorme pont-levant. Celui-ci atteint, je l’emprunte puis passe dessous. Une flèche indique le chemin à suivre sous la voie ferrée et j’y suis.
Ce quartier de la Pointe Courte est un « village dans la ville » avec ses maisons colorées, ses ruelles aux noms évocateurs (traverse des Jouteurs, traverse des Rameurs, rue de la Pétanque).et ses filets de pêche qui sèchent le long des quais. Ce sont les travaux de remblaiement liés à l’arrivée du chemin de fer qui ont créé cet espace en bordure de l’étang de Thau. Il a été rapidement investi par les pêcheurs qui y ont établi leurs cabanons. Ses habitants sont surnommés les pointus. « C’est un site de pêche important, notamment durant la saison de la daurade en octobre, pendant laquelle des centaines de pêcheurs se rassemblent le long du canal », ai-je lu. Ce matin, c’est bien calme.
C’est d’abord la partie ordonnée qui s’offre à moi avec ses maisons en dur et en couleur, bien alignées, certaines un peu décorées. Arrivé au bout de la Pointe, je découvre l’autre versant, constitué de cabanons, parfois déglingués, et d’un port de pêche désordonné. Un beau bazar comme j’aime, avec des chats errants et des oiseaux d’étang au bec effilé. Je rencontre deux pointus, nous nous saluons, puis un petit groupe de touristes anglophones avec guide que je ne fais heureusement que croiser. Je découvre qu’Agnès Varda a une traverse à son nom pour avoir ici en mil neuf cent cinquante-cinq tourné son film La Pointe courte et que Georges Brassens donne le sien à une digue qui lui ressemble.
Le tour fait, j’entre côté canal au restaurant Le Passage qui vient d’ouvrir. J’en suis le seul client et mon café bu lis là Lagarce jusqu’à ce qu’un marteau-piqueur se déclenche sur le quai.
Je dois partir, ce qui n’est pas forcément un mal car, tandis que je rentre, il se met à pleuvouiller. Je longe le canal jusqu’au Tabary’s, « maison fondée en 1902 », la brasserie bourgeoise de Sète, où je choisis une table à l’intérieur, dominant la véranda et surplombant le canal, pour encore un café et rouvrir mon livre. J’ai au-dessus de la tête une photo de Brassens confortablement installé dans l’un des fauteuils de cet endroit avec ses amis.
Je cafouille pour manger à midi allant de déception en déception sous une brouillasse brumeuse. En désespoir, je déjeune des lasagnes maison du Classic (onze euros). Au moins sont-elles bonnes. Ce temps alors qu’il fait chaud, je n’essaie même pas de comprendre.
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Nouvelle lecture pour Jean-Luc Lagarce, très malade, en mil neuf cent quatre-vingt-douze :
Samedi 15 août 1992, Paris, Lecture du Journal de Paul Léautaud, c’est très important. On verra. N'irai pas jusqu’au bout.
Vendredi 21 août 1992, Perros-Guirec. Lecture de Paul Léautaud la nuit dans mon petit lit.
Lundi 21 septembre 1992, Besançon, lecture de Léautaud et rien d’autre tard la nuit.
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Léautaud cité par Lagarce :
29 septembre 1905
Comme la vie pèse, quelquefois ! Et que de fois aussi je l’aurai senti, qu’on ne réussit à la supporter qu’à force de se monter le coup. Seulement, de temps en temps, quelque chose crève, et alors, adieu l’illusion.
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Jean-Luc Lagarce, Journal :
La vie risque d’être souvent ainsi : regardée. (samedi douze septembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)
Traversée fatigante en train entre Chambéry et Belfort
Le sentiment très fort et très juste que la Mort, c’est exactement cela : être tout seul dans un train qui traverse des paysages qu’on ne connaît pas. (samedi vingt et un novembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)
Le succès et ma cote m’obligent à des débats étranges… On me parle comme si j’étais un petit génie alors que je ne suis qu’un pauvre homme un peu perdu. (mercredi vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-douze)