Je ne suis pas revenu au Centre Pompidou depuis le début de la Guerre du Covid. Ma carte d’adhérent est périmée. Je n’ai pas envie de la réactiver ni de payer quoi que ce soit. L’exposition Serge Gainsbourg, le mot exact est heureusement gratuite. Comme le sont toutes celles se tenant dans la Bibliothèque Publique d’Information.
Désormais, on n’entre plus dans celle-ci par derrière mais par la Piazza, comme le voulaient Georges et Claude Pompidou. Différents barnums colorés permettent de trier les visiteurs. J’hésite entre le vert pour la Bépéhi et le jaune pour les prioritaires (dont je suis, plus de soixante-cinq ans) puis choisis ce dernier pour la fouille de mon sac (des livres et encore des livres) et demande à l’employé du vert un ticket gratuit spécial Bibliothèque.
Avant d’y monter, je me rends au vestiaire. Là aussi il y a du nouveau, plus d’humains. Remplacés par des casiers à code, éclairés en vert quand c’est libre, en rouge quand c’est occupé, un ensemble assez beau et un gain de temps.
Par la chenille je rejoins le niveau Deux. Plus d’humains à l’entrée de la Bépéhi, des portes que l’on ouvre avec le Cul Air Code de son billet gratuit. Serge Gainsbourg, le mot exact, c’est tout de suite à droite.
Comme le raconte le texte de présentation, la première partie de l’exposition est centrée sur la bibliothèque du chanteur et ses influences littéraires, la deuxième partie s’attarde sur la façon dont ces influences littéraires ont façonné son personnage, jusqu’à la création d’un double médiatique qui finira presque par l’éclipser, dans la tradition des doubles littéraires du dix-neuvième siècle, et la troisième partie explore le style Gainsbourg par l’étude du texte de certaines de ses chansons. En épilogue, un recensement des occurrences de son Je t’aime moi non plus. Egalement, des documents sonores, pas trop forts (on est dans une bibliothèque où règne le silence).
Je vois là des livres que je connais pour beaucoup, et d’autres, du Petit ouvrage inachevé de Paul Léautaud à Maigrir par la méthode des basses calories, d’un Placid et Muzo à un dictionnaire de rimes (Gainsbourg ça rime avec Beaubourg), ses manuscrits pleins de ratures, ses Repetto blanches et ses lunettes noires, ses collections de cannes et d’autographes (de Screaming Jay Hawkins à Pierre Bérégovoy). Tout cela est éclairé chichement pour protéger les documents, ce qui n’est pas un cadeau pour mes yeux fatigués (la dernière fois que je suis venu ici, c’était pour l’expo Riad Sattouf, bien éclairée par celle qui travaille près de la Bastille).
A l’issue de ma visite, je m’offre une grimpette jusqu’au niveau Six d’où Paris se devine dans la brume. Redescendu, je constate que rien n’a changé dans les toilettes, des dames y sont toujours employées au nettoyage. Mon sac à dos récupéré, je traverse la Piazza en diagonale, direction Book-Off.
A un euro, dans son sous-sol, je trouve L’autre Verlaine de Guy Gofette (Gallimard), Monsieur Picassiette (Raymond Isidore et sa cathédrale) d’Edgardo Franzosini (La Baconnière), Le petit Alberto d’Alberto Moravia et Dacia Maraini (Arléa) et L’éternité, ou presque d’Antonella Moscati (Arléa).
Pas de troisième Book-Off ce mercredi, je vais attendre mon train de retour à La Ville d’Argentan où le café bu, je lis avec grand intérêt Filles impertinentes de Doris Lessing, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, quand elle vivait en Rhodésie et qu’elle rendait la vie difficile à ses parents.
Près de moi sont quatre cheminots qui ont fait bombance et prolongent le repas (l’un au téléphone : « Je peux pas te parler là, je suis dans le train »). Ils parlent boulot, « draisine », « train qui refoule », et sont assez énervés, surtout le plus proche de moi :
-Je vais dire au médecin « Arrête-moi longtemps où je fais tout péter avec une barre à mine ».
C’est au calme que je rentre dans la voiture Cinq du dix-sept heures quarante, sans voisin immédiat. Je lis Le chien-chien à sa mémère, des nouvelles plus ou moins autobiographiques datant de la première moitié du vingtième siècle d’André Baillon, écrivain belge dont j’ignorais jusqu’à l’existence. En postface, je découvre sa vie pleine de rebondissements que narre Bérengère Cournut. A vingt et un ans, il tente de se suicider une première fois en se jetant dans la mer du Nord, parce que Rosine Chéret, ouvrière prostituée, l’a plaqué. On le repêche – et c’est heureux, car il n’a encore rien écrit.
*
Ce jeudi, j’apprends qu’une voyageuse, installée à l’étage de la voiture Cinq du dix-sept heures quarante où j’étais, a eu son sac à dos, laissé en bas dans le coffre à bagages, volé à l’arrivée à Rouen. Il contenait son ordinateur.
Le mien ne me quitte pas. Me serait-il volé que j’imagine la déception du voleur (des livres et encore des livres).
Désormais, on n’entre plus dans celle-ci par derrière mais par la Piazza, comme le voulaient Georges et Claude Pompidou. Différents barnums colorés permettent de trier les visiteurs. J’hésite entre le vert pour la Bépéhi et le jaune pour les prioritaires (dont je suis, plus de soixante-cinq ans) puis choisis ce dernier pour la fouille de mon sac (des livres et encore des livres) et demande à l’employé du vert un ticket gratuit spécial Bibliothèque.
Avant d’y monter, je me rends au vestiaire. Là aussi il y a du nouveau, plus d’humains. Remplacés par des casiers à code, éclairés en vert quand c’est libre, en rouge quand c’est occupé, un ensemble assez beau et un gain de temps.
Par la chenille je rejoins le niveau Deux. Plus d’humains à l’entrée de la Bépéhi, des portes que l’on ouvre avec le Cul Air Code de son billet gratuit. Serge Gainsbourg, le mot exact, c’est tout de suite à droite.
Comme le raconte le texte de présentation, la première partie de l’exposition est centrée sur la bibliothèque du chanteur et ses influences littéraires, la deuxième partie s’attarde sur la façon dont ces influences littéraires ont façonné son personnage, jusqu’à la création d’un double médiatique qui finira presque par l’éclipser, dans la tradition des doubles littéraires du dix-neuvième siècle, et la troisième partie explore le style Gainsbourg par l’étude du texte de certaines de ses chansons. En épilogue, un recensement des occurrences de son Je t’aime moi non plus. Egalement, des documents sonores, pas trop forts (on est dans une bibliothèque où règne le silence).
Je vois là des livres que je connais pour beaucoup, et d’autres, du Petit ouvrage inachevé de Paul Léautaud à Maigrir par la méthode des basses calories, d’un Placid et Muzo à un dictionnaire de rimes (Gainsbourg ça rime avec Beaubourg), ses manuscrits pleins de ratures, ses Repetto blanches et ses lunettes noires, ses collections de cannes et d’autographes (de Screaming Jay Hawkins à Pierre Bérégovoy). Tout cela est éclairé chichement pour protéger les documents, ce qui n’est pas un cadeau pour mes yeux fatigués (la dernière fois que je suis venu ici, c’était pour l’expo Riad Sattouf, bien éclairée par celle qui travaille près de la Bastille).
A l’issue de ma visite, je m’offre une grimpette jusqu’au niveau Six d’où Paris se devine dans la brume. Redescendu, je constate que rien n’a changé dans les toilettes, des dames y sont toujours employées au nettoyage. Mon sac à dos récupéré, je traverse la Piazza en diagonale, direction Book-Off.
A un euro, dans son sous-sol, je trouve L’autre Verlaine de Guy Gofette (Gallimard), Monsieur Picassiette (Raymond Isidore et sa cathédrale) d’Edgardo Franzosini (La Baconnière), Le petit Alberto d’Alberto Moravia et Dacia Maraini (Arléa) et L’éternité, ou presque d’Antonella Moscati (Arléa).
Pas de troisième Book-Off ce mercredi, je vais attendre mon train de retour à La Ville d’Argentan où le café bu, je lis avec grand intérêt Filles impertinentes de Doris Lessing, ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, quand elle vivait en Rhodésie et qu’elle rendait la vie difficile à ses parents.
Près de moi sont quatre cheminots qui ont fait bombance et prolongent le repas (l’un au téléphone : « Je peux pas te parler là, je suis dans le train »). Ils parlent boulot, « draisine », « train qui refoule », et sont assez énervés, surtout le plus proche de moi :
-Je vais dire au médecin « Arrête-moi longtemps où je fais tout péter avec une barre à mine ».
C’est au calme que je rentre dans la voiture Cinq du dix-sept heures quarante, sans voisin immédiat. Je lis Le chien-chien à sa mémère, des nouvelles plus ou moins autobiographiques datant de la première moitié du vingtième siècle d’André Baillon, écrivain belge dont j’ignorais jusqu’à l’existence. En postface, je découvre sa vie pleine de rebondissements que narre Bérengère Cournut. A vingt et un ans, il tente de se suicider une première fois en se jetant dans la mer du Nord, parce que Rosine Chéret, ouvrière prostituée, l’a plaqué. On le repêche – et c’est heureux, car il n’a encore rien écrit.
*
Ce jeudi, j’apprends qu’une voyageuse, installée à l’étage de la voiture Cinq du dix-sept heures quarante où j’étais, a eu son sac à dos, laissé en bas dans le coffre à bagages, volé à l’arrivée à Rouen. Il contenait son ordinateur.
Le mien ne me quitte pas. Me serait-il volé que j’imagine la déception du voleur (des livres et encore des livres).