Ce mercredi, quand j’arrive au Marché d’Aligre, je constate que le deuxième vendeur de livres est devenu le premier. Il propose un grand nombre de nouveautés et des bonnes. Je lui demande si c’est toujours cinq euros les trois livres. Il me répond que non, c’est la bibliothèque d’un écrivain, Michel quelque chose.
-Michel Schneider, me dit l’un de ceux qui explore la manne.
-Ah il est mort Michel Schneider ?
-Oui l’été dernier.
Voilà donc sa bibliothèque livrée à la convoitise de tout un chacun (il n’y a que des hommes autour des tables, d’un certain âge).
Parmi ces ouvrages, ceux de Michel Schneider lui-même, notamment des Folio et des traductions en espagnol ou en allemand, certains empaquetés sous plastique par lots de cinq. Bizarre de les trouver là alors que Michel Schneider a deux enfants, dont la connue Vanessa, journaliste et écrivaine.
Dans cette profusion, je choisis huit livres que le vendeur consent à me laisser pour vingt euros. Cela pèse lourd dans mon sac à dos aussi fais-je en sorte d’aggraver peu mon fardeau au Book-Off de Ledru-Rollin.
C’est une journée de ciel bleu. Sous le soleil, je rejoins pédestrement, en passant devant une Mairie du Onzième cachée par les échafaudages, l’avenue Parmentier. J’ai envie de déjeuner au restaurant chinois à volonté où j’allais avant la Guerre du Covid. Las, à sa place, entre le tripier et le fleuriste, se trouve un salon de thé prout prout branchouille nommé @unrêve. Je me rabats sur la gargote Aux Délices Parmentier, deux tables de deux seulement, où je commande un tajine au poulet à dix euros cinquante que je trouve honorable.
Mon fardeau sur le dos, je remonte la rue du Chemin Vert jusqu’au café Le Moderne qui le fut peut-être jadis. Tandis qu’un habitué s’excite sur le flippeur, je bois au comptoir un café à un euro vingt.
La ressourcerie La Rockette est un peu plus haut dont attend l’ouverture une masse de pauvres. Je me tiens en face, devant La Musardine. C’est avec vingt minutes de retard que sort un responsable pour lever le rideau métallique. Il ne le peut. Un sans-abri a laissé devant, son matelas, ses couvertures et son bazar. Une collègue à lui vient l’aider à mettre tout ça dans une grosse poubelle. Pendant ce temps la foule des nécessiteux a encore enflé. L’homme remonte le rideau. La femme crie que la queue c’est par là. « Vous allez entrer un par un et je vous préviens, ceux qui poussent seront virés du magasin. »
C’est trop pour moi. Je renonce au coin livres de cette ressourcerie et vais prendre le métro Trois à Père Lachaise. Il me conduit à Quatre Septembre où je ne trouve rien chez Book-Off.
Pour résumer : une demi-heure de satisfaction, le reste de déception en déception.
*
Parmi ma sélection dans la bibliothèque de Michel Schneider : Correspondance de Brice Parain et Georges Perros (Gallimard) et Brahms par ses lettres (Actes Sud).
*
De Michel Schneider, j’ai lu Glenn Gould, piano solo : aria et trente variations et Marilyn, dernières séances.
*
Lecture de train et de café : Herculine Barbin dite Alexina B., la jeunesse racontée par iel-même d’un(e) hermaphrodite du dix-neuvième siècle (suicidée à l’âge de vingt-neuf ans). Mon exemplaire porte un tampon « Arbre à livres La Passerelle Ouvrage interdit à la vente ». Je l’ai pourtant payé un euro chez Book-Off.
Extrait :
Supposez encore, ce qui est quelquefois vrai, que l’institutrice soit jolie, et que M. l’inspecteur en ait été touché, car ces messieurs peuvent été doués d’une certaine perspicacité. (…) Enchanté d’avoir fait trembler une enfant, celui-ci s’apaise un peu et finit par un compliment, qui, dans la bouche d’un autre, pourrait passer pour une insulte. Mais peut-on répondre impoliment à M. l’inspecteur ? Non. Il le sait bien. On ne peut pas non plus rester indifférente aux promesses d’avancement qu’il veut bien faire.
-Michel Schneider, me dit l’un de ceux qui explore la manne.
-Ah il est mort Michel Schneider ?
-Oui l’été dernier.
Voilà donc sa bibliothèque livrée à la convoitise de tout un chacun (il n’y a que des hommes autour des tables, d’un certain âge).
Parmi ces ouvrages, ceux de Michel Schneider lui-même, notamment des Folio et des traductions en espagnol ou en allemand, certains empaquetés sous plastique par lots de cinq. Bizarre de les trouver là alors que Michel Schneider a deux enfants, dont la connue Vanessa, journaliste et écrivaine.
Dans cette profusion, je choisis huit livres que le vendeur consent à me laisser pour vingt euros. Cela pèse lourd dans mon sac à dos aussi fais-je en sorte d’aggraver peu mon fardeau au Book-Off de Ledru-Rollin.
C’est une journée de ciel bleu. Sous le soleil, je rejoins pédestrement, en passant devant une Mairie du Onzième cachée par les échafaudages, l’avenue Parmentier. J’ai envie de déjeuner au restaurant chinois à volonté où j’allais avant la Guerre du Covid. Las, à sa place, entre le tripier et le fleuriste, se trouve un salon de thé prout prout branchouille nommé @unrêve. Je me rabats sur la gargote Aux Délices Parmentier, deux tables de deux seulement, où je commande un tajine au poulet à dix euros cinquante que je trouve honorable.
Mon fardeau sur le dos, je remonte la rue du Chemin Vert jusqu’au café Le Moderne qui le fut peut-être jadis. Tandis qu’un habitué s’excite sur le flippeur, je bois au comptoir un café à un euro vingt.
La ressourcerie La Rockette est un peu plus haut dont attend l’ouverture une masse de pauvres. Je me tiens en face, devant La Musardine. C’est avec vingt minutes de retard que sort un responsable pour lever le rideau métallique. Il ne le peut. Un sans-abri a laissé devant, son matelas, ses couvertures et son bazar. Une collègue à lui vient l’aider à mettre tout ça dans une grosse poubelle. Pendant ce temps la foule des nécessiteux a encore enflé. L’homme remonte le rideau. La femme crie que la queue c’est par là. « Vous allez entrer un par un et je vous préviens, ceux qui poussent seront virés du magasin. »
C’est trop pour moi. Je renonce au coin livres de cette ressourcerie et vais prendre le métro Trois à Père Lachaise. Il me conduit à Quatre Septembre où je ne trouve rien chez Book-Off.
Pour résumer : une demi-heure de satisfaction, le reste de déception en déception.
*
Parmi ma sélection dans la bibliothèque de Michel Schneider : Correspondance de Brice Parain et Georges Perros (Gallimard) et Brahms par ses lettres (Actes Sud).
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De Michel Schneider, j’ai lu Glenn Gould, piano solo : aria et trente variations et Marilyn, dernières séances.
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Lecture de train et de café : Herculine Barbin dite Alexina B., la jeunesse racontée par iel-même d’un(e) hermaphrodite du dix-neuvième siècle (suicidée à l’âge de vingt-neuf ans). Mon exemplaire porte un tampon « Arbre à livres La Passerelle Ouvrage interdit à la vente ». Je l’ai pourtant payé un euro chez Book-Off.
Extrait :
Supposez encore, ce qui est quelquefois vrai, que l’institutrice soit jolie, et que M. l’inspecteur en ait été touché, car ces messieurs peuvent été doués d’une certaine perspicacité. (…) Enchanté d’avoir fait trembler une enfant, celui-ci s’apaise un peu et finit par un compliment, qui, dans la bouche d’un autre, pourrait passer pour une insulte. Mais peut-on répondre impoliment à M. l’inspecteur ? Non. Il le sait bien. On ne peut pas non plus rester indifférente aux promesses d’avancement qu’il veut bien faire.