Des pluies éparses, voilà ce que prévoit la météo pour Toulon ce mardi. L’une au moins est déjà tombée lorsque je sors à sept heures. De la terrasse du Maryland, je vois de gros nuages noirs qui stagnent au-dessus des ferrys pour la Corse. Toulon sous la pluie est une nouveauté pour moi et une cause de déprime pour les commerçants du marché : « Temps de merde alors ! ».
C’est le dernier jour de validité de ma carte sept jours en illimité sur le Réseau Mistral. Je décide de l’utiliser pour traverser la rade jusqu’à Saint-Mandrier. Quand j’arrive à la Gare Maritime le bateau bus pour La Seyne la quitte. Un retardataire le voyant partir sans lui s’emporte : « Sale fils de pute ! » « Sale fils de pute ! » (ne pas lui demander s’il parle de lui).
Dix minutes d’attente, vingt minutes de traversée, me voici à Saint-Mandrier. Il pleut un peu. Le Mistral est fermé le mardi. Je le remplace par le Café de la Place qui a vue sur la place où se garent les voitures. Mon café à un euro soixante-dix bu, je sors mon volume un de Correspondance d’August Strindberg. A ma droite, deux jeunes femmes parlent à voix basse pensant que je n’entends pas. Il s’agit des zones intimes de leurs filles qu’elles leur apprennent à ne laisser toucher par personne, même pas par leurs grands-mères pendant la douche. Un peu plus tard, un fils explique d’une voix forte à son père combien ça va coûter de le mettre en maison de retraite quand il voudra y aller et comment il pourrait faire pour financer ça, vendre sa maison par exemple. Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle les client(e)s des bars évoquent des questions d’ordre privé en public.
Rentré à Toulon, je déjeune à l’intérieur de chez Côté Cochon de cochon grillé à la broche avec son écrasé de pommes de terre (treize euros quatre-vingt-dix). Une spécialité que je retrouve avec plaisir. Le patron est d’une amabilité commerciale. « Allez, on passe au sucré ? » me dit-il quand j’en ai terminé. Je lui dis que non et paie l’addition.
La pluie a cessé mais le temps reste gris. Aussi prends-je le café (deux euros) à La Réale dont la terrasse avec vue sur le port est bien abritée. Près de moi sont deux bourgeoises d’un âge certain. L’une porte une toque. L’autre a lu hier la préface d’un recueil de poèmes de Verlaine. « Une heure cinq, dit la première après avoir consulté sa montre, toi aussi ? » La seconde confirme. Elles ont bien la même heure et elles s’ennuient. Que c’est triste Venise chante en sourdine Aznavour pour plomber un peu plus l’ambiance. Le ferry La Méridionale crache une fumée noire. Mes deux voisines se lèvent. « On va jusqu’au bout du port ? » suggère la porteuse de toque. « Non, je préfère rentrer », lui répond l’autre. Words don’t come easy to me, ajoute tout bas la sono.
Il est deux heures quand le soleil fait son apparition. Aussitôt le monde semble revivre. La serveuse se précipite pour essuyer les tables mouillées.
*
Plus de sucre avec mon café, plus de vin avec mon repas. Ça ne m’empêchera pas de continuer à me dégrader.
*
Michel de Montaigne : Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche.
C’est le dernier jour de validité de ma carte sept jours en illimité sur le Réseau Mistral. Je décide de l’utiliser pour traverser la rade jusqu’à Saint-Mandrier. Quand j’arrive à la Gare Maritime le bateau bus pour La Seyne la quitte. Un retardataire le voyant partir sans lui s’emporte : « Sale fils de pute ! » « Sale fils de pute ! » (ne pas lui demander s’il parle de lui).
Dix minutes d’attente, vingt minutes de traversée, me voici à Saint-Mandrier. Il pleut un peu. Le Mistral est fermé le mardi. Je le remplace par le Café de la Place qui a vue sur la place où se garent les voitures. Mon café à un euro soixante-dix bu, je sors mon volume un de Correspondance d’August Strindberg. A ma droite, deux jeunes femmes parlent à voix basse pensant que je n’entends pas. Il s’agit des zones intimes de leurs filles qu’elles leur apprennent à ne laisser toucher par personne, même pas par leurs grands-mères pendant la douche. Un peu plus tard, un fils explique d’une voix forte à son père combien ça va coûter de le mettre en maison de retraite quand il voudra y aller et comment il pourrait faire pour financer ça, vendre sa maison par exemple. Je suis toujours étonné de la facilité avec laquelle les client(e)s des bars évoquent des questions d’ordre privé en public.
Rentré à Toulon, je déjeune à l’intérieur de chez Côté Cochon de cochon grillé à la broche avec son écrasé de pommes de terre (treize euros quatre-vingt-dix). Une spécialité que je retrouve avec plaisir. Le patron est d’une amabilité commerciale. « Allez, on passe au sucré ? » me dit-il quand j’en ai terminé. Je lui dis que non et paie l’addition.
La pluie a cessé mais le temps reste gris. Aussi prends-je le café (deux euros) à La Réale dont la terrasse avec vue sur le port est bien abritée. Près de moi sont deux bourgeoises d’un âge certain. L’une porte une toque. L’autre a lu hier la préface d’un recueil de poèmes de Verlaine. « Une heure cinq, dit la première après avoir consulté sa montre, toi aussi ? » La seconde confirme. Elles ont bien la même heure et elles s’ennuient. Que c’est triste Venise chante en sourdine Aznavour pour plomber un peu plus l’ambiance. Le ferry La Méridionale crache une fumée noire. Mes deux voisines se lèvent. « On va jusqu’au bout du port ? » suggère la porteuse de toque. « Non, je préfère rentrer », lui répond l’autre. Words don’t come easy to me, ajoute tout bas la sono.
Il est deux heures quand le soleil fait son apparition. Aussitôt le monde semble revivre. La serveuse se précipite pour essuyer les tables mouillées.
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Plus de sucre avec mon café, plus de vin avec mon repas. Ça ne m’empêchera pas de continuer à me dégrader.
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Michel de Montaigne : Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche.