Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

3 octobre 2021


Ce samedi matin objectif Cannes, seule ville des Alpes Maritime que je connaisse déjà. J’y ai résidé au temps où j’avais une voiture et allais à l’hôtel. Je me souviens que l’hôtelier m’avait dit : « Il faut vous mettre dans la tête que sur la Côte d’Azur tout est cher. »  C’est exact pour le magasin U de ma rue où je trouve les mêmes produits qu’à mon U de Rouen mais pas au même prix.
Encore avant, j’étais venu à Cannes un jour d’été, d’embouteillage et de chaleur éprouvante, pour une escapade dans les îles de Lérins, bien accompagné.
Le train de sept heures cinquante-neuf est presque vide. Je m’installe côté mer. C’est encore une belle journée d’été qui commence. Sur des kilomètres de galets se succèdent des pêcheurs à la ligne ayant garé leur voiture carrément sur la plage.
Arrivé à la Gare je trouve rapidement l’église Notre-Dame-de-Bon-Voyage puis tout près le Palais des Festivals. Ces deux bâtiments sans âme pourraient faire nommer la ville Cannes-les-Deux-Eglises. Personnellement je ne suis pratiquant. D’autres se font photographier sur le tapis rouge mais ils sont seuls sur les marches et nul ne les applaudit.
Je fais quelques pas sur la Croisette, autre lieu surfait, puis rebrousse et longe le port où certains riches montrent qu’ils en ont un très gros puis je mets le cap sur la hauteur où est écrit Cannes façon Hollywood.
Après avoir atteint la Porte du Masque (aucun rapport avec le Covid), j’arrive à la Tour du Suquet, au Musée de la Castre et à l’église Notre-Dame-de-l’Espérance d’où l’on a belle vue sur le port et la Croisette.
Sur le parvis, face à la mer, une trentenaire ouvre les bras et lance « William, come to me and marry me !». Dans un français hésitant, elle m’explique que son amoureux est aux Etats-Unis et qu’en raison du Covid elle ne l’a pas vu depuis si longtemps. Je ne juge pas nécessaire de lui dire que les Américains peuvent revenir en France depuis quelque temps. Je lui dis « Bientôt sans doute ».
Redescendu, je me rends compte qu’il n’y a ici ni café ni restaurant pour moi. Aussi je décide de rentrer à Nice. Arrivé à la Gare, j’ai la chance de pouvoir monter immédiatement dans un train qui circule avec cinq minutes de retard.
A onze heures, je suis à la terrasse du Nomad. J’y lis jusqu’à midi puis, après le coup de canon dont la vibration déclenche l’alarme du chantier d’à côté, y déjeune d’une excellente pièce de bœuf tagliatelles au pesto. Avec le quart de vin rouge et l’éclair au chocolat, cela fait dix-neuf euros tout rond.
Je passe ensuite au marché des livres d’occasion, devant l’Hôtel de Ville. Moins de bouquinistes sont présents ce samedi mais qui aime les récits de voyage pourrait repartir avec plusieurs en grand format de chez Phébus à deux euros pièce.
Le café, je le prends au Kalice, sur une place Rossetti bouillonnante. On s’y marie, on s’y donne en spectacle, on se laisse séduire par l’énorme choix du glacier et puis on se retrouve avec un ridicule petit pot en carton et une minuscule cuillère en bois sans autre solution que de manger debout en s’en mettant éventuellement partout.
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A Cannes, un car promène-touristes entièrement peint par Combas.
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Dans mon compartiment du Corail Zou de retour, un affreux moutard qui dit à sa mère : « Ne me parle pas comme ça devant les gens ! » Egalement, et face à moi, une jolie blonde en minijupe plissée blanche qui tient son bagage entre ses pieds ce qui l’amène à ouvrir les jambes et à en montrer plus qu’il n’est convenable aux yeux des néo-puritains, mais pas aux miens.
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Au Nomad, une Niçoise à propos d’une autre Niçoise qui passe : «  Comment peut-on mettre un chemisier à fleurs avec une jupe à carreaux ? » C’est vrai que ça fait bizarre.
Deux autres derrière moi :
-Si un jour tu as besoin d’un infirmier, je te recommande Antoine.
-Il faut garder les bonnes adresses.
-Ah oui, je l’ai mis dans mes contacts.
 

2 octobre 2021


Ma journée de vendredi premier octobre commence, alors qu’il fait encore à moitié nuit, à la terrasse du Garibaldi à peine ouvert. L’homme réservé qui fait les cafés à un euro cinquante est italien. Il ne rechigne pas à m’accueillir, même quand j’arrive trop tôt avec mes viennoiseries de la Boulangerie Saint-François.
Mon petit-déjeuner pris, j’inaugure mon passe SudAzur dans le Tram Un, direction la Gare de Nice Ville. Là, je bipe à nouveau pour franchir le portique et me rends sur le quai où est annoncé le prochain train pour Menton.
Ce Téheuherre Zou a la bonne idée de suivre le bord de la Méditerranée au plus près. Il n’emprunte que des courts tunnels, sauf à l’approche de la Gare de Monaco Monte-Carlo, laquelle est enterrée, où beaucoup descendent, des travailleurs transfrontaliers. Quand on ressort du noir, je dois me rendre à l’évidence : de la Principauté, je n’ai rien vu.
Le Gare de Menton est d’une laideur moyenne. Je descends pédestrement jusqu’au bord de la mer, bordée en cet endroit de résidences sans charme pour riches, puis la longe en direction de la vieille ville. Juste après le Musée Jean Cocteau à l’architecture contemporaine point désagréable, elle surgit, de toute beauté avec ses façades couleur jaune saumon ocre rose. Ces constructions étagées sont dominées par la Basilique Saint-Michel.
Je poursuis sur la promenade jusqu’au port de plaisance assez modeste puis entre dans cette vieille ville par un chemin pas trop pentu afin d’atteindre Saint-Michel. Son parvis est composé d’une mosaïque de galets. Malheureusement, elle n’ouvre ses portes qu’à dix heures. Près d’elle est une école publique nommée Frédéric Mistral. Un boulanger y livre le pain pour la cantine.
Je redescends par de mystérieux escaliers menant grâce à des traverses à une charmante placette de galets mosaïqués et trouve à l’entrée de cette vieille ville la Brasserie du Cap, dont la terrasse m’appelle. Mon café à un euro soixante-dix bu, je lis Edmond tout en m’intéressant aux allées et venues sur fond de mer et de montagne. Ici, comme presque partout sur la Côte d’Azur, on se passe du passe sanitaire. Ce n’est que pour le Nord, affirme le patron, homme sympathique qui travaille avec sa fille. Je lui demande s’il faut réserver pour le déjeuner. Il y aura de la place, me répond-il.
Il est onze heures quand je m’installe sur un banc du port faisant face à ce magnifique vieux Menton. Par une coïncidence bienvenue, le mercredi seize octobre mil huit cent quatre-vingt-neuf Edmond de Goncourt écrit ceci : Et quelques instants après, m’annonçant que sa maîtresse va le quitter, pour fonder un petit hôtel garni à Menton, pour la décoration duquel elle emporte son eau-forte de Rembrandt de 600 francs…
A midi, j’ai une bonne table à l’ombre à la Brasserie du Cap. Je commande à la fille de la maison une bruschetta aux anchois à douze euros trente accompagné d’un quart de vin blanc bio à cinq euros quatre-vingts et ne suis pas déçu. Pour finir, je choisis le tiramisu maison à cinq euros soixante-dix. C’était très bien, dis-je au patron lorsque je règle l’addition.
Quand je longe à nouveau la mer pour rejoindre la Gare, je regarde mieux le bastion qui fut le premier Musée Jean Cocteau. Aucune envie d’entrer dans l’actuel, il fait trop beau et chaud pour s’enfermer.
Mon train de retour a pour terminus Grasse. Il se remplit à Monaco et se vide à Nice Ville. Comme beaucoup, je monte dans le premier tramouais. Descendu à Cathédrale, je traverse la coulée verte. Il est seize heures, c’est la sortie au Lycée Masséna. Je réussis à ne pas me faire emporter par le flot.de la jeunesse et suis bien heureux de disposer d’un ascenseur pour retrouver mon deux pièces Air Bibi.
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Menton : ses retraité(e)s en maillot qui se disent à demain après la leçon de gymnastique aquatique. Les vieilles et vieux représentent trente pour cent de la population locale, ai-je lu dans mon vieux Routard. En ce jour de revendication pour la revalorisation des pensions, ici nulle manifestation.
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A partir de dix heures, un navrante radio commerçante se déverse dans les rues de Menton pour vanter la braderie. Ce que l’on trouve habituellement dans les communes qui périclitent. Sans transition, publicités pour le Casino Barrière et Big Bazar, même clientèle peut-être.
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Dans cette ville, la Police Municipale circule en gyropode.
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Sur la promenade devant le port, un arbre dont le tronc ventru m’évoque une bouteille d’Orangina.
 

1er octobre 2021


Même horaire et même trajet que la veille ce jeudi matin, mais cette fois je quitte le Train des Merveilles juste avant Breil, à Sospel dont la Gare est couleur saumon. A partir de celle-ci je descends une légère côte sur six cents mètres et arrive au cœur du bourg. C’est jour de marché. Je ne fais que le longer et suis tout de suite conquis par les bâtisses qui s’offrent à mes yeux, parmi lesquelles la Mairie.
Ici coule la Bévéra, affluent de la Roya. Le Pont Vieux l’enjambe. Je le prends pour rejoindre une ruelle parallèle à ce petit cours l’eau. Elle me mène à la chapelle des Pénitents Blancs, dite Sainte-Croix. Revenu sur mes pas, je demande à une autochtone où se cache la Cathédrale Saint-Michel. Pas loin, à gauche après la pharmacie. Cet édifice remarquable est jouxté de deux anciennes chapelles. Le parvis est constitué d’une mosaïque de galets. Certains sont descellés. Je prends garde. Ma balade me fait encore découvrir de charmantes rues et placettes avec maisons à arcades. Sospel est belle. Ce pourrait être un des Plus Beaux Villages de France, mais c’est mieux de ne pas se vendre de la sorte.
Quand me vient l’envie de boire un café et de lire le troisième tome du Journal des Goncourt, c’est au Bistrot du Marché. Sa particularité est d’être loin du marché. Une ouverture en forme de fenêtre permet au patron et à celle qui est peut-être sa petite-fille de surveiller la terrasse. La clientèle est locale, sauf un bicycliste de passage et moi-même. Mon café ne me coûte qu’un euro trente.
Après un nouveau circuit de hasard dans le bourg, je remonte la côte de la Gare et attends le train d’onze heures treize dans le jardin public voisin. Quand il arrive, six Gendarmes y montent, le parcourent et le quittent avant son départ.
Cette fois, je ne fais pas l’erreur de descendre à Pont Michel. Je vais jusqu’au terminus, Nice Ville, et prends le Tram Un en sens inverse, dans lequel je peux m’asseoir.
Je suis comme hier à midi et demie au Nomad. Le plat à dix euros, girasoli ricotta tomates et sa salade, me laisse perplexe. De gros raviolis, m’explique-t-on. C’est beaucoup moins bien qu’une entrecôte. Et comme j’ai fait le tour des desserts, ma tarte aux framboises n’est plus une découverte. Cela fait quand même dix-neuf euros tout rond.
 

30 septembre 2021


Ce mercredi vingt-neuf septembre, à sept heures moins le quart je quitte mon quatrième étage par l’ascenseur le plus étroit que je connaisse (il a été installé en rognant sur l’escalier, m’a dit mon logeur), contourne le Lycée Masséna, prends par le travers la Promenade du Paillon, arrive pour l’ouverture à la Boulangerie Saint-François, vais attendre le Tram Un à l’arrêt Cathédrale, l’emprunte jusqu’à Pont Michel (bonne fête à lui) et trouve l’escalier qui permet de rejoindre le quai de la halte ferroviaire. A sept heures trente-cinq apparaît le Train des Merveilles que je ne suis pas seul à prendre. M’y voici sans billet et sans crainte d’un contrôle, c’est gratuit.
Une nouvelle fois j’admire le paysage montagneux et redoute la panne au milieu d’un des tunnels de deux kilomètres. Ce train Zou a pour terminus Breil-sur-Roya que l’on atteint en une heure et quart.
Breil bénéficie d’une imposante Gare de couleur saumon avec, ce qui devient rare, un authentique Buffet de la Gare. Il est ouvert mais je n’en fais pas usage, préférant descendre immédiatement les sept cent cinquante mètres qui me séparent du centre du village. Sis au bord de la Roya, il a subi de sérieux dommages lors du passage d’Alex.
Ce mercredi, la Roya a une allure de paisible rivière. Elle passe sous un pont tout neuf, le précédent ayant été emporté par elle-même. On manque de recul pour bien voir la massive église Sancta-Maria-in-Albis. Son intérieur est rutilant. Elle dispose sur l’un de ses piliers d’une pendule, ce qui évite aux paroissien(ne)s d’avoir à regarder discrètement leur montre quand ils s’ennuient à la messe.
De là, je rejoins la ruelle principale où sont quelques tout petits commerces et des chats, puis reviens à l’église devant laquelle un chalet en bois brut a été installé par le Rotary pour remplacer le café détruit. Des tables et chaises sont disposées autour de cet édifice provisoire. Le café n’est qu’à un euro trente. La cliente est locale. Le cafetier chantonne, il a le cœur gai, pourtant il s’inquiète du fort orage annoncé pour dimanche : «  On va pas nous faire ça tous les mois d’octobre ? »
Je lis là jusqu’au train que j’ai choisi pour mon retour, celui de onze heures une. Sur l’autre voie, un Trenitalia pour Fossano fait tourner son diesel à vide.
A l’arrêt Lycée de Drap, proche de Nice, monte la tribu branlotine. A considérer certain(e)s, je devine qu’il y a dans cet établissement des classes d’enseignement artistique. Je choisis de descendre à Pont Michel et le regrette quand je découvre la foule qui attend le tramouais. A l’intérieur de celui-ci, c’est comme sur la ligne Treize du métro parisien à l’heure de pointe, avec une population plus ou moins masquée.
Je revis en arrivant à l’arrêt Cathédrale. A cinquante mètres est le Nomad où je m’installe à ma table préférée. Il est midi et demie. Aujourd’hui, c’est rôti de veau pommes dauphine, quart de vin rouge et éclair au chocolat. Cela fait dix-neuf euros tout rond.
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A Breil-sur-Roya, le Collège a pour nom L’Eau Vive. Un peu trop.
 

29 septembre 2021


Mon aller-retour Nice Tende m’a coûté quatorze euros et quelques centimes. Combien ai-je été dépité d’appendre par un voyageur que j’aurais pu me dispenser de cette dépense. Pour sa remise en circulation après Alex, le Train des Merveilles est gratuit jusqu’au trois octobre, m’a-t-il dit. Cette somme déboursée à tort sera une sorte de dédommagement pour la Senefece que j’ai parfois grugée dans le passé.
Le problème avec cette gratuité, c’est qu’elle ne peut être demandée que par inscription sur Internet et le passe obtenu doit être présenté sur smartphone ou imprimé, ce qui m’est impossible. Et la Gare de Nice est munie de portiques qui interdisent de monter dans le train sans être en règle. Reste la possibilité d’y grimper au premier arrêt, Nice Pont Michel, que l’on peut rejoindre avec le tramouais Numéro Un.
Une voyageuse évoquait quant à elle un passe qui permettrait de voyager à volonté pendant un mois. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Après m’être renseigné sur le Net, je me présente ce mardi matin à l’Espace Mobilité Zou face à la Gare et j’ai la chance d’être le seul. J’explique à l’employée mon désir d’un passe SudAzur sept zones, celui qui permet de circuler dans tout le département des Alpes-Maritimes et dans la Principauté de Monaco. Une photo est indispensable, me dit-elle. Par chance, elle peut scanner celle de ma carte Avantage Senior. Mon sésame est bientôt fabriqué. Pour quatre-vingts euros, à partir du premier octobre, je pourrai prendre tous les trains, les cars de toutes les compagnies, les bus et tramouais de toutes les villes, à condition de rester dans le Zéro Six ou à Monac.
En revenant vers le Vieux Nice par l’avenue Jean-Médecin, où se trouve une imposante basilique blanche façon gâteau à la crème, j’achète à une borne quatre tickets de tramouais à un euro cinquante qui me permettront de faire des allers-retours Vieille Ville Pont Michel demain et après-demain.
Et Zou !
Je récupère de cet effort avec un café lecture au Nomad, place Saint-François, puis vers onze heures, par la rue Droite, vais voir la Méditerranée. C’est l’été, tel que je ne l’ai pas connu cette année, ni en juin, ni en juillet, ni en août, ni en Bretagne, ni en Lorraine, ni en Normandie. Un m’as-tu-vu se fait tirer par un bateau, accroché à une sorte de parachute. De temps en temps passe une miss Baie des Anges à moitié nue.
Au coup de canon, je suis de retour au Nomad où j’apprécie l’absence de prétention et la gentillesse de la tenancière. Le plat à dix euros de ce mardi est une entrecôte gratin dauphinois que j’accompagne d’un quart de vin rouge. Cette viande m’est présentée bleue comme je l’aime et est bien tendre. En dessert, j’opte pour une tarte au citron meringuée. Cela fait dix-neuf euros tout rond.
Quant au café, c’est au Relax, au bout de ma rue, que je le bois, autre lieu sympathique principalement fréquenté par les locaux.
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Pour ce qui est de laisser passer le piéton sur les passages non protégés par un feu tricolore, c’est une population à éduquer. Et pire que les automobilistes sont les bicyclistes.
 

28 septembre 2021


Ce lundi matin, je quitte Nice pour son arrière-pays et vise le bout de la vallée de la Roya en prenant un Téheuherre Zou dont le terminus est Tende, départ neuf heures quinze, arrivée prévue deux heures et quart plus tard, après de multiples arrêts dans la montagne.
Ce Zou a pour nom le Train des Merveilles. Il n’est pas bien long, du modèle de ceux qui font Rouen Dieppe, et il y a foule pour le prendre. Certains doivent voyager debout.
Après la laide périphérie de Nice, c’est vite la montagne à falaises, une succession de tunnels dont certains fort longs, de villages plus ou moins beaux, de maisons accrochées en des lieux impossibles. En contrebas, la Roya est dans l’état où l’a laissée la tempête Alex, il y a presque exactement un an, chargée de pierres de toutes les tailles. La route qui la longe est en gros travaux, emportée qu’elle fut par les flots. La circulation automobile y est toujours difficile. Pas de soucis désormais pour le train qui circule en hauteur à flanc de montagne.
Après Breil, où s’arrêtent la plupart des trains, c’est la partie la plus spectaculaire du trajet puis surgit étagé le village de Tende, rattaché à la France en mil neuf cent quarante-sept, et qui par Alex fut coupé du monde, que ce soit par route et ou par train.
Comme je n’ai pas le temps de déjeuner dans un restaurant, je me contente d’un sandouiche au saumon à quatre euros zéro cinq acheté à la Boulangerie des Merveilles que je mange sur un banc près de celle-ci et d’une fontaine puis j’entre par une rue étroite et légèrement pentue dans le vif du village, admirant la Fontaine du Traou, la Collégiale et la Tour de l’Horloge là-haut, que je ne cherche pas à atteindre.
Revenu à mon point de départ, je prends un café (un euro quarante) au Bar des Sports tenu pas deux sympathiques frères et dont la clientèle est ce jour essentiellement locale.
-Quelle heure est-il ? demande une septuagénaire à sa vieille copine.
-Une heure moins cinq.
-Oh alors on va manger à une heure, comme les riches.
C’est le train Zou de quatorze heures trente-huit qui est celui de mon retour. Il est moins chargé. Le paysage est aussi grandiose qu’à l’aller mais les tunnels ont l’air encore plus longs. A Breil montent des Policiers cherchant d’éventuels migrants. Ils redescendent bredouille. On somnole dans ma voiture. Jusqu’à l’un des derniers arrêts où montent des lycéens du professionnel. Ces trublions descendent au suivant, habitant la banlieue.
                                                                     *
Les cars et les trains Zou sont ceux de la Région Sud. On ne veut plus dire Paca. Je comprends ça. Quand j’entends Paca, je pense Pas-de-Calais.
 

27 septembre 2021


On est décidément matinal à Nice, même le dimanche. Il y a file à la boulangerie quand je m’y présente, ainsi qu’à la boucherie d’à côté où l’on propose de la viande bon marché. A la terrasse du Garibaldi, la plupart des habitués parlent italien. Mon café est d’avant huit heures, donc à un euro cinquante. L’argent, m’a expliqué le gérant, va dans la poche de celui qui fait l’ouverture. Après, « c’est le prix de la caisse ».
L’orage est encore lointain. J’en profite pour grimper une nouvelle fois sur la colline du Parc du Château. Après le cimetière catholique est l’israélite devant lequel se trouve un mur avec les noms et âges des Juifs arrêtés à Nice, déportés puis exterminés. A l’entrée est une urne qui « renferme du savon à la graisse humaine fabriqué par les Allemands du IIIe Reich avec les corps de nos frères déportés ». Continuant à monter, j’accède à l’endroit où l’on tire le canon chaque midi. Sauf le dimanche, est-il écrit. Un charmant couple de vieux Niçois, à la peau tirée comme s’ils avaient abusé de la chirurgie esthétique, m’indique par où descendre pour rejoindre la Promenade des Anglais.
Celle-ci n’est pas tranquille. Les percussionnistes à bidons d’hier y rythment un semi-marathon qui rend difficile la traversée de la chaussée pour qui comme moi veut se rapprocher de la mer. Une fois l’obstacle franchi, je m’installe sur un banc avec Edmond, tournant le dos aux sportifs.
-Vous êtes le Philosophe, me dit un quinquagénaire à chorte fleuri.
-Il y a ceux qui courent et il y a celui qui lit, lui réponds-je.
Il me demande quoi. Les Goncourt il connaît, il a vécu en Haute-Marne près de l’endroit où était l’imprimerie de leur famille, il n’a pas lu leur Journal, qu’est-ce que ça raconte ? Des méchancetés sur tous leurs contemporains. Ah, ça peut être intéressant. Lui vient de relire Le Petit Prince après avoir entendu une théorie nouvelle sur la symbolique du mouton et il écrit sur la symbolique de la grotte.
A peine est-il parti que de grosses gouttes s’écrasent sur la ville. Je retraverse entre les coureurs et vais poursuivre ma lecture sous un parasol au Kalice, place Rossetti. L’averse passe. Le bicycliste de la table voisine repart. Devant la Cathédrale, une grosse dame à lunettes jongle sommairement avec deux balles de tennis.
Vers onze heures je me rapproche de mon chez moi temporaire et trouve à manger sans attendre midi à la pizzéria Paneolio tenue par des Italien(ne)s. La carte est en langue créolisée. La pizza de mon choix, une Campana à douze euros, est ainsi décrite : « fior de latte, mozzarella fumée, saucisse napolitaine et fiarielli (brocoli) ». « Tous nos produis sont importés en direct de nos producteurs en Italie sans intermédiaires » est-il précisé. Je commande en sus un verre de vin blanc à quatre euros. Rustique et même un peu coriace, telle est ma Campana. Je la termine un peu avant midi et surprise, bien que ce soit dimanche, le canon tonne.
De grosses gouttes s’aplatissent sur le sol à peine suis-je rue Jean-Jaurès. Je m’abrite cinq minutes sous un arbre de la Promenade du Paillon puis rejoins mon logis. Le ciel se couvre vraiment et l’orage se déclenche vers quatorze heures. J’emploie cette après-midi agitée à envisager la suite grâce à la documentation récupérée à l’Office du Tourisme auprès d’une aimable et efficace employée.
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« Estro collabo », « Estro toutou de Macron », c’est ce que criaient ce samedi des antivax antipass devant le domicile d’Estrosi, dépités qu’ils étaient de ne plus pouvoir défiler dans les rues commerçantes après un arrêté du Préfet demandé par le Maire. Un peu de lacrymogène les a dispersés.
                                                                   *
Vu a la télé sur la pancarte d’une manifestante pour le climat allemande : « Eat pussy not animals ». Je veux bien mais où s’en procurer un bon ?
 

26 septembre 2021


Ce samedi, muni des bonnes viennoiseries de la boulangerie Saint-François (rue du même nom), je prends un café à un euro cinquante (prix d’avant huit heures) à la Brasserie Garibaldi (place du même nom) puis par la rue Cassini je rejoins le port où j’ai la surprise de trouver un vaste vide grenier installé sur les quais côté Vieux Nice.
J’en fais le tour et ne suis pas mécontent de ne trouver aucun livre pour moi parmi le peu proposés puis j’entre dans l’église Notre-Dame du Port dont l’intérieur est si sobre qu’il m’oblige à ressortir illico. Sur les quais côté Lympia, juste après la permanence d’Eric Ciotti, des pointus sont amarrés côte à côte. L’un a pour nom Gary où figure une photo de l’écrivain qui passa son enfance et son adolescence dans cette ville. Beaucoup de bateaux de m’as-tu-vu stagnent dans ce port, dont un immense, ainsi qu’un grand voilier à l’ancienne comme il s’en trouve partout.
Repassé de l’autre côté du bassin je poursuis mon chemin vers le quai des Etats-Unis passant devant une installation nommée Un Dimanche à Nice. Elle représente une Fiat Cinq Cent d’autrefois la galerie chargée de matériel de plage, le tout en aluminium, et est due à la fonderie Stéphane Cipre.
Je fais une pause sur un banc blanc à l’ombre devant lequel défilent pédaleurs, coureurs et marcheurs à bâtons. « Vous regardez quoi en premier, les nichons ou les fesses ? », demande une coureuse. Elle parle à son téléphone. Je reprends la marche et entre dans la vieille ville par la rue Droite puis mets le cap sur la place Rossetti. C’est ainsi que je découvre un marché du livre d’occasion devant la Mairie d’Estrosi. Il a lieu certains samedis de chaque mois et regroupe une huitaine de bouquinistes. La plupart proposent des livres à deux euros. Aucun ne m’est indispensable ou bien je l’ai déjà.
A midi, coup de canon, je m’assois à l’une des tables de ruelle de Chez Mémère dans l’intention de manger une moule marinière accompagnée de frites à la graisse de bœuf pour le prix de douze euros quatre-vingt-dix. Mémère a le propos narquois. Quand elle guide le conducteur d’un triporteur de livraison qui hésite à passer entre les tables et les parasols, elle lui décoche un « C’est marrant, vous les mecs, vous voyez toujours tout plus grand. »
Nous sommes peu nombreux à déjeuner Chez Mémère où des pochettes de trente-trois tours de Sardou, Aznavour et consorts servent de couvertures aux cartes que l’on donne aux clients. J’ai pour voisins un couple de trentenaires polonais qui ont l’air bien ensemble. Mémère leur demande comment on dit « Bon appétit » dans leur langue et elle le note sur son carnet puis elle révise ceux qu’elle connait déjà, du coréen au hongrois. Je suis un peu déçu par mes frites et mes moules et trouve qu’un verre de vin blanc du pays à quatre euros cinquante c’est un peu cher, mais je passe là un bon moment en écoutant des classiques du disco. Des photos dans les toilettes montrent que l’on s’amuse bien ici certains soirs entre travestis.
Promenade du Paillon, des filles en ticheurte orange qui participent à un rallye de découverte de la ville se font propulser en l’air par un élastique en poussant des cris d’effroi. Cela ne gêne en rien ma lecture, mais quand des percussionnistes sur bidons métalliques commencent à répéter près du Théâtre et que des sirènes de Police signalent l’approche des Crieurs de Liberté, je referme mon livre à la date du jeudi vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-huit.
Edmond, âgé de soixante-six ans, est ce jour-là un peu énervé: Oh ! manger le derrière d’une jeune femme, qui serait comme un fruit frais tiédi par le soleil !
                                                                *
Anton Tchekhov, en villégiature à Nice, se plaignait dans ses lettres d’y trouver des moustiques. Depuis mon arrivée, chaque nuit, leurs descendants se nourrissent à mes dépens. C’est surtout leur bourdonnement qui m’insupporte. Une bombe pour insectes volants achetée chez Carrefour Market marque mon entrée en guerre.
 

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