Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

19 octobre 2021


Hésitant hier soir à prendre ce lundi matin la route de Vence, qui passe par Saint-Paul-de-Vence et La Colle-sur-Loup, je découvre qu’Henri Calet y est enterré, ainsi que Witold Gombrowicz, et me voici prêt à tout pour y aller, en l’occurrence à prendre le bus Quatre Cent qui part du Parc Phoenix. Le Tram Deux m’y conduit et quand j’arrive l’un est sur le départ.
Malheureusement, ce brave bus est pris dans les embouteillages de Cagnes. Quand il s’en sort, le conducteur fonce dans la montagne (là-haut nous fait signe Saint-Paul-de-Vence). A l’arrivée au terminus à Vence, nous n’avons qu’un quart d’heure de retard.
Je rejoins la ville ancienne, que j’ai parcourue comme ses voisines autrefois avec celle qui me donnait la main. A l’aide d’une autochtone je trouve le cimetière. J’ai noté sur mon petit carnet noir Hema les numéros des carrés et concessions qui m’intéressent mais je regarde d’abord un peu au hasard et trouve ainsi une tombe pour laquelle aucune publicité n’est faite, celle d’Albert Paraz, écrivain d’extrême droite et ami de Louis-Ferdinand Céline.
Constatant que ce cimetière est mal numéroté et entendant que dans sa partie basse on creuse un caveau à la pelleteuse, je vais me faire aider. Le gardien est avec les terrassiers. Il m’indique aisément les tombes de Calet et de Gombrowicz. « Tu connais tout le monde ? » s’étonne un des ouvriers. « Les gens connus oui ». L’ouvrier est encore plus étonné.
Je suis très content de pouvoir faire un salut à Henri Calet qui au fil des années est devenu mon écrivain préféré. Et aussi à Witold Gombrowicz que j’appréciais beaucoup quand je lisais des romans.
Mes photos faites, je regagne le centre de la vieille ville et vais voir la Cathédrale. C’est jour d’obsèques, je ne peux y entrer. Je me balade un peu dans cette ville d’aspect provençale puis je retourne à la halte routière et monte dans un Quatre Cent prêt à partir. J’en descends au deuxième arrêt, à l’entrée de Saint-Paul-de-Vence, près de la célèbre Auberge de la Colombe d’Or qui accueillit tant d’artistes, aujourd’hui transformée en hôtel pour riches.
Saint-Paul est devenue une ville de galeries d’art médiocre. Je vais voir l’église et surtout, juste à côté, transformée en Mairie annexe, l’école où Célestin Freinet expérimenta sa pédagogie, ce qui lui valut de gros ennuis. Une plaque le célèbre.
Je ne tiens pas à en voir plus de Saint-Paul-de-Vence et retourne à l’arrêt du bus où je n’ai à attendre que cinq minutes. Je regarde l’église de La Colle-sur-Loup qui s’approche mais suffisamment fatigué je ne demande pas l’arrêt.
Pas d’embouteillage à Cagnes durant ce retour et quand le Tram Deux est sur la parallèle à la Prom, j’en descends à l’arrêt Magnan ayant repéré une brasserie de ce nom. Il est midi quand je m’assois à sa terrasse avec vue un peu lointaine sur la mer. J’y déjeune de lasagnes avec un quart de vin rouge pour seize euros quatre-vingt-dix puis vais lire Edmond sur un banc blanc au-dessus de la plage.
Vers quatorze heures, je marche sur la Promenade jusqu’au Negresco. A nouveau fatigué, je prends le bus Douze pour rejoindre le Nomad où je reprends ma lecture avec un café verre d’eau, tandis que dans la coulée verte un acrobate à tronçonneuse fait une coupe d’automne aux palmiers.
                                                                     *
Hormis Vence et l’écriture, le point commun entre Calet et Gombrowicz : s’être exilé en Amérique du Sud. Calet à Montevideo pour fuir les ennuis après avoir volé la paie des ouvriers de l’usine dont il était comptable. Gombrowicz à Buenos Aires pour fuir l’invasion de la Pologne par les nazis.
 

18 octobre 2021


Ce dimanche matin je descends du train Zou terminus Cannes La Bocca à la Gare de Golfe-Juan où l’autre semaine une femme se suicidait.
De cette ville, je pourrais aller en bus à Vallauris, mais pas envie de faire un effort par un si beau temps, et puis j’ai peu de goût pour la céramique.
Aussi je me laisse descendre jusqu’au Vieux Port par le plan incliné qui y mène, un vieux qui a l’air aussi neuf que le second nommé Camille Rayon. Ce dernier est jouxté par le Théâtre de la Mer Jean Marais. Après chaque port est une plage de sable. Enfin le long de ces deux ports sont alignés des quantités de restaurants.
C’est L’Escale que je choisis pour un café verre d’eau lecture à seulement un euro soixante. Face à moi est une blonde un peu cagole qui dit à celui qui l’accompagne, à propos des promeneurs de chiens :
-Je ne connais pas cette relation à l’animal, je n’en ai jamais eu.
-Tu as été mariée, quand même, lui répond-il.
Je poursuis ma lecture sur un banc dominant l’une des plages puis à midi ne passe guère de temps à choisir un restaurant car Le Jardin du Port a toutes ses tables réservées sauf une. C’est bon signe. Elle devient la mienne.
Dans la formule dominicale à vingt et un euros, je choisis fruits de mer frais gratinés avec champignons et thonine pêche locale snacké sauce vierge, avec cela un demi de vin blanc à neuf euros. Un petit pot de tapenade est offert en amuse-bouche. « Les amis, on a oublié le passe sanitaire », s’émeut soudain le patron. « Merci Joëlle, merci Jean-Paul », dit-il à mes voisins. « Merci Michel », me dit-il. Jean-Paul a choisi le poisson mais il mange surtout les frites de sa femme qui a opté pour les moules marinières. Leur conversation se résume à « C’est les mêmes couverts qu’à la maison » et « T’imagines, mon vélo, il doit avoir vingt ans, si pas plus ». « Tout va bien Monseigneur ? », me demande le patron. J’aime qu’on me parle ainsi et je ne regrette pas mes choix.
Je vais boire le café à L’Escale où mangent des bandes d’amis trentenaires, certains encombrés d’enfançons et de gros chiens. La Gare n’est pas loin. Le début de la rue pour la rejoindre est aussi, informe une pancarte, l’endroit où commence la Route Napoléon. Il faut un début à tout, comme dit madame Michu.
                                                                       *
Si tu veux passer des vacances de fainéant
Café, plage de sable et restaurant
Je te recommande Golfe-Juan
 

17 octobre 2021


Ce samedi matin je descends du train Zou de sept heures quarante-neuf terminus Vintimille juste après le long tunnel de la Principauté de Monaco, à Roquebrune-Cap-Martin. Dès la sortie de la Gare, j’aperçois, en haut de la montagne mon objectif du jour : le château qui domine le vieux village de Roquebrune.
Comment y aller ? Une dame m’informe de l’existence du bus Vingt-Deux dont l’arrêt est un peu plus haut. Je monte la pente et le trouve. Il y a peu de passages le samedi. Le prochain est heureusement dans neuf minutes. Il fait beau et doux.
Soudain, avec cinq minutes d’avance, surgit un minibus qui me prend tellement de court que je ne fais pas signe au conducteur et il passe sans s’arrêter. J’y vois un signe. La perspective de la découverte d’un énième village perché ne m’emballait qu’à moitié. Tant pis pour le château, l’église Sainte-Marguerite, l’olivier millénaire et la tombe du Corbusier mort d’une baignade en mer.
Je redescends à la Gare qui est très proche de la Méditerranée et je ne loupe pas le chemin douanier en béton qui porte le nom de l’architecte. Assez vite me voici devant (ou plutôt derrière) la Villa E-1027 d’Eileen Gray puis derrière le cabanon du Corbu. Les deux, ainsi que les Unités de Camping, sont protégés des regards par de hautes clôtures.
Le chemin se poursuit au-dessus des rochers battus par la mer. A un endroit, il emprunte une passerelle métallique accrochée à la muraille. En face, c’est Monaco et ses moches immeubles, ce que voyait le Corbusier chaque matin en ouvrant sa petite fenêtre, son purgatoire sur terre.
Quand la pente devient trop menaçante pour mes forces, je fais demi-tour et décide de reprendre le train Zou, cette fois direction Grasse, afin d’en descendre à Eze. Je mangerais bien ce midi à La Vieille Maison.
Las, quand j’y arrive, je vois que cette gargote est fermée le samedi. J’attends le premier bus Cent. Il me ramène à Nice par la Basse Corniche. J’y suis pour le coup de canon, installé en terrasse au Garibaldi. Je commande une socca car il est temps que je sache quelle est cette spécialité locale, et une part de pizza trois fromages, avec un quart de vin rouge.
Peu après je sais ce qu’est la socca, une sorte de crêpe passablement sèche. Heureusement que la pizza est là.
Ayant payé mes onze euros quatre-vingts, j’entre dans le Vieux Nice par la rue des commerces de bouche, prends la rue Droite, tourne à droite vers la place Rossetti, puis à gauche et encore à droite et arrive au marché des livres d’occasion. Ces ruelles qui me paraissaient labyrinthiques me sont maintenant terrain connu. Quant à ma promesse de ne pas acheter de livres, elle ne tient plus quand j’aperçois un exemplaire à deux euros de la Pochothèque groupant cinq des romans de Sándor Márai.
Je ne cède pas à d’autres tentations et reviens place Rossetti, au Kalice, pour un café verre d’eau lecture dans l’animation de ruche que donne la foule à cet endroit stratégique.
« Macron ton passe on n’en veut pas », entends-je par ma fenêtre ouverte vers quinze heures. Les Crieurs de Liberté sont encore de sortie dans un département où le passe n’est pas demandé par la quasi-totalité des cafetiers et restaurateurs.
                                                                    *
Un cabanon peut en cacher un autre. Une pancarte discrète apposée près de la Gare de  Roquebrune Cap-Martin le rappelle. Jacques Brel a eu le sien sur la plage du Golfe Bleu de mil neuf cent soixante et un à mil neuf cent soixante et onze, où entre autre il a écrit Le Plat Pays et Amsterdam.
 

16 octobre 2021


Ce vendredi, je suis réveillé suffisamment tôt pour prendre à la Gare Routière Vauban le bus Zou Cent Seize de sept heures vingt-cinq, terminus Mairie de La Turbie. C’est-à-dire pour rejoindre la Grande Corniche par une route raide et sinueuse qui vous fait espérer avoir affaire à un bon chauffeur. Tout se passe bien.
Dès l’arrivée, je vois l’église Saint-Michel et le Trophée d’Auguste qui la jouxte. Cette curiosité témoigne du passé romain de la cité, même s’il s’agit d’une reconstruction. Le véritable a servi de carrière de pierres. Certaines se trouvent dans les murs de l’église. Un riche Américain la fit reconstruire, en moins haut que l’original, trente-cinq mètres au lieu de cinquante, un nommé Tuck. On peut donc dire que c’est du Tuck, ou du toc. La visite en est néanmoins payante.
J’entre dans des rues typiques de ce village perché. Le baroque et le classique s’y côtoient. Des draps sèchent aux fenêtres. Je ne croise personne hormis trois chats. A l’une des entrées encore fermées du Triomphe, un plateau permet de voir Monaco en contrebas. Près de l’école, un autre domine Cap d’Ail.
Cette visite faite, je me procure des viennoiseries à la boulangerie La Boule de Neige et les consomme en face avec un café à un euro soixante au Bistrot Le Provençal qui est le rendez-vous des locaux. Près de ce café, une plaque rappelle qu’ici a poussé pendant plusieurs siècles le Laurier de La Turbie chanté par Théodore de Banville et Catulle Mendès, deux écrivains qu’Edmond de Goncourt ne ménage pas dans son Journal dont je poursuis la lecture.
A midi je déjeune au même endroit, d’un couscous royal. « C’est Amina qui l’a fait ». Tous les autres mangeurs sont des travailleurs qui ne rechignent pas à boire de la bière ou un apéro avant d’être servis. Avec mon quart de vin rouge, j’en ai pour vingt-deux euros cinquante.
Le beau ciel bleu du matin se couvre peu à peu et la température baisse. Il fait même presque froid quand sur un banc du plateau au-dessus de l’école et de Cap d’Ail, je poursuis ma lecture. Comme dit un passant, tu arrives ici en ticheurte et tu repars en après-ski.
J’attends donc le bus du retour avec une certaine impatience. Après une descente un peu flippante, je mets le pied à Nice où il fait meilleur.
                                                                 *
Une autre plaque sur un mur de La Turbie cite Dante dans sa langue quand lui-même cite La Turbie. C’est dans le chapitre trois du Purgatoire.
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Dans la boîte à livres de La Turbie, le tome deux des Pas effacés, mémoires de Robert de Montesquiou, autre écrivain vilipendé par Edmond. Où trouver le tome un ?
 

15 octobre 2021


Ce jeudi matin, quand j’arrive à la Gare Nice Ville, le train Zou pour Grasse qui précède celui que je veux prendre est encore là, retenu en raison de difficultés de circulation. J’y trouve une place assise et attends. Il démarre avant celui que je visais. J’arrive donc plus tôt que prévu à Cagnes-sur-Mer dont la sortie de gare est affreuse. Un axe autoroutier la surplombe et un grand chantier la jouxte. Bientôt je me retrouve seul ne sachant pas où aller pour trouver la partie vieux village baptisée Haut-de-Cagnes, mon objectif du jour.
Je demande à une jeune femme qui passe. « Je vais vous montrer », me dit-elle. Nous cheminons ensemble jusqu’à la Mairie dont il me faudra monter les nombreuses marches avant de tourner à gauche. « Ça grimpe », me prévient-elle. Elle m’indique aussi que des bus partent de l’église si je veux éviter de retourner à la Gare.
Je remercie cette aimable personne et me lance dans une longue rue pentue qui mène à d’autres, joliment pavées, que je prends au petit bonheur. C’est ainsi que j’arrive sans croiser personne tout en haut, au Château Grimaldi, sur le parvis duquel sont quelques restaurants chics et aussi l’école vers laquelle se dirigent lentement des enfants accompagnés.
De ce sommet on a vue sur la montagne mais pour voir la mer il me faut redescendre la rue qui mène à la Mairie. De là, je rejoins l'église. Une dame m’indique que le bus Quatre Cent qui arrive m’emmènera à Cros-de-Cagnes.
C’est bientôt chose faite et me voici comme hier assis à la terrasse de Lou Lamparo, sauf qu’il fait frais ce jeudi, premier jour depuis mon arrivée sur la Côte d’Azur où je porte un pull.
A midi, je déjeune une nouvelle fois à la Brasserie L’Azur où je suis servi par Giovanni avec moins de zèle qu’hier. Quand on croit la clientèle acquise, on ne se fatigue plus autant. Rosbif purée avec un quart de vin rouge suivi d’un fondant au chocolat, tel est mon choix.
Comme le ciel se dégage à la fin de mon repas, je vais lire sur un banc de bord de mer jusqu’à quatorze heures trente-cinq. Le bus Deux Cent Dix-Sept me prend alors en charge pour un retour à Nice identique à celui de la veille.
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Haut-de-Cagnes a un Cercle des Amis qui, m’apprend sa pancarte, organise chaque mois d’août, depuis mil neuf cent quatre-vingt, le Championnat du Monde de Boules Carrées.
                                                                 *
Auguste Renoir a vécu ses dernières années à Cagnes-sur-Mer. On y trouve un Musée à son nom. Suzy Solidor est aussi passée par-là.
                                                                 *
Une collégienne à sa copine dans le bus Quatre Cent : « Tu nous vois, retraitées, sur Tik Tok ? »
                                                                 *
Sur le chemin du retour, à Saint-Laurent-du-Var, un salon de coiffure : « Eric Zemmour styliste ».
 

14 octobre 2021


Réveillé seulement à six heures et demie ce mercredi matin, je suis obligé de reporter à un autre jour ce que j’avais prévu et en remplacement de dernière heure monte dans le train Zou de sept heures cinquante-neuf pour Grasse dont je descends à Cros-de-Cagnes, commune de Cagnes-sur-Mer.
C’est le quartier des pêcheurs italiens. Ils disposent d’un petit port où l’on s’active de bon matin. Son autre atout touristique est une croquignolesque église jaune avec toiture en chapeau de fée construite par les pêcheurs eux-mêmes et qui semble être un élément de décor pour film.
Cros-de-Cagnes dispose d’une promenade permettant de marcher le long de l’interminable plage de galets. Elle est hélas jouxtée par une deux fois deux voies à forte circulation, elle-même bordée d’un certain nombre de brasseries et de restaurants.
C’est à la brasserie Lou Lamparo que je prends un café verre d’eau à un euro soixante. J’y lis Goncourt en attendant qu’ouvre l’Office du Tourisme.
L’aimable jeune femme qui me reçoit n’a que moi comme client. Je profite de cette situation pour lui demander des renseignements et des documents sur tout ce qu’il me tente encore de voir entre Cannes et Menton et dans l’arrière-pays avant de devoir rentrer à Rouen.
Cela fait, je traverse une nouvelle fois la deux fois deux voies et m’installe sur un banc pour reprendre ma lecture face à la vaste mer dans laquelle un petit bateau de pêche tire son filet. Régulièrement, des avions descendent au-dessus d’icelle pour se poser à l’Aéroport de Nice.
A midi je choisis de déjeuner à la brasserie L’Azur pour son plat du jour : un foie de veau persillé et sa purée. Il est excellent et a suffisamment de succès pour qu’à midi vingt il n’y en ait plus. Mes voisins de table se trouvent mieux ici qu’à Nice. Avec le quart de vin blanc et le tiramisu que je choisis pour dessert, j’en ai pour vingt euros quatre-vingt-dix. Je les règle à Giovanni en le remerciant.
Je retourne lire au bord de la plage jusqu’à ce que passe le bus Zou numéro Deux Cent Dix-Sept dont le terminus est le Parc Phoenix près de l’Aéroport. Arrivé là, je grimpe dans le Tram Deux et en descends à Durandy. Cette station est enterrée si profondément qu’il faut trois longs escalators pour s’en extraire.
Presque en face est Le Relax où je n’ai plus besoin de commander mon café verre d’eau.
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Qui parle italien est peut-être français.
Qui parle français est peut-être italien.
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Une Japonaise avec un ticheurte « Self Service Only ».
 

13 octobre 2021


Après mon excès de la veille, j’opte pour une journée sans effort physique. Aussi, avec mon habituel train Zou terminus Vintimille, je me rends cette fois à Eze-sur-Mer, c’est-à-dire dans la partie basse d’Eze, d’où part le chemin de Nietzsche. 
A l’arrivée je cherche un sentier longeant la mer avec l’intention de marcher un peu puis de me poser sur un banc face à elle. Or il n’y en a pas. On ne peut que descendre à de petites plages qui ne disposent pas de quoi s’asseoir. Que faire ?
Un bus Cent arrive de Monaco et va vers Nice, je le prends. Ce m’est l’occasion de circuler sur la basse corniche, laquelle domine néanmoins Beaulieu et Villefranche.
Le terminus niçois est à Port Lympia. J’y boirais bien un café mais aucun bar n’est du côté ensoleillé, aussi je rejoins la terrasse du Nomad et y lis le Journal d’Edmond de Goncourt jusqu’à ce que l’ombre me rattrape.
Le soleil est toujours présent sur le quai des Etats-Unis. Je prends la rue Droite pour le rejoindre. Au croisement avec une autre ruelle de la Vieille Ville, un jeune homme veut me faite attendre au prétexte que l’on tourne une série pour France Deux. Je refuse de lui obéir.
Face à la Baie des Anges, je m’installe sur un banc blanc, ôte ma veste et reprends ma lecture. Certain(e)s se baignent, bien que ce ne soit plus la chaleur. D’autres se contentent d’aller et venir sur la promenade.
Me trotte dans la tête l’idée que parmi les femmes que je vois passer pourrait se trouver la Niçoise avec qui, au temps béni du Minitel, j’ai échangé des missives érotico-pornographiques. Elle était fort jolie et mariée, m’avait envoyé des photos d’elle, dont une où elle se faisait bronzer sur le pont d’un bateau, nue. Si longtemps après, je suis sûr que je ne la reconnaîtrais pas. Et c’est tant mieux.
                                                                      *
A midi je déjeune à dix-neuf euros au Nomad dont le cuisinier ne sait plus où donner de la spatule. Un groupe de douze, constitué de stagiaires quadragénaires, s’est installé en terrasse, alors que les autres jours nous n’étions que moins de cinq à déjeuner.
                                                                       *
En descendant vers Port Lympia avec le bus Cent on passe près du Palais où Maurice Maeterlinck résidait et devant le Monument Maeterlinck qui donne son nom à un arrêt que la voix féminine enregistrée prononce Maeterlingue. Dans ce coin se trouve aussi une rue Jean-Lorrain. Le Nouvel Ordre Moral n’a pas encore songé à la débaptiser.
                                                                        *
Un drôle d’individu que ce Lorrain ! note Edmond de Goncourt le mercredi trois juin mil huit cent quatre-vingt-onze, racontant une bagarre générale par lui déclenchée dans un cabaret.
Lorrain contait que Sarah Bernhardt ne jouissait que depuis une dizaine d’années, à la suite d’une opération de Lannelongue qui avait doté la sécheresse de sa vulve de l’humidité d’une glande. écrit-il le dimanche vingt et un juin suivant.
 

12 octobre 2021


Ce lundi matin, les nuages disparus, je prends le tram Un dans l’autre sens et en descends à Vauban. Une autochtone m’aide à trouver la Gare Routière et à neuf heures je monte dans le bus Cent Douze dont le terminus est le Casino de Monte-Carlo. Il est arrivé à Tchekhov en villégiature à Nice de prendre un moyen de locomotion pour aller y jouer. Je n’ai pas ce vice. J’ai pour objectif Eze que l’on atteint après une demi-heure de trajet sur la moyenne corniche avec une vue plongeante sur la rade de Villefranche et le Cap Ferrat.
Eze, village perché, est fort réputé. De l’arrêt de bus je découvre l’église sur le piton rocheux. Je passe à l’Office du Tourisme et me renseigne sur où trouver la tombe d’un ancien résident. Le cimetière est à côté de l’église. Deux hommes en sortent. L’un d’eux, sans que je leur demande quoi que ce soit, me confirme l’endroit. « La plaque y est », précise-t-il. Effectivement, et ce n’est pas celle que j’ai vue en photo, sans doute volée et remplacée. « Laissez-moi dormir / J’étais fait pour ça », l’épitaphe est tirée d’une de ses chansons. Au-dessus, le nom de celui qui se repose avec sa femme Evelyn : Francis Blanche.
Je parcours ensuite l’embrouillamini de ruelles tortueuses d’Eze. A son sommet sont les ruines du Château entourées d’un jardin exotique payant. Impossible de voir la mer de tout en haut sans payer. Ailleurs dans le village, on ne peut pas non plus. Des propriétés privées l’empêchent.
Je redescends et face à l’arrêt de bus, m’assois à une table au soleil au Restaurant Hôtel La Villa d’Eze. Le café y coûte deux euros trente. J’y suis à mon aise (comment l’éviter ?) pour lire Edmond jusqu’à midi, puis j’y déjeune de penne au saumon à quinze euros cinquante avec une carafe d’eau.
Sitôt terminé ce repas succinct, je rejoins le point d’arrivée du « Chemin Frederic Nietzsche ». Ce sentier part du bord de mer et serpente sur la pente raide jusqu'au village perché. Nietzsche, logeant à la fin de sa vie à Nice, malade, l’aurait fréquenté, y réfléchissant à la troisième partie d'Ainsi parlait Zarathoustra.
Je choisis de le descendre (quarante-cinq minutes, m’a dit la jeune femme de l’Office du Tourisme ). Bien vite, je me rends compte que même dans ce sens ce n’est pas de la tarte. Chaque pas est une difficulté. Je dois me méfier de toutes les pierres avec mes vieux pieds, spécialement de celles qui brillent. Je croise quelques jeunes qui montent, et aussi une courageuse vieille marcheuse à bâtons. Des qui descendent comme moi me dépassent. Je vois la mer au loin, au bord de laquelle est l’arrivée. Elle me semble toujours aussi loin. Je m’épuise. Je ne peux que continuer, dégoulinant de sueur, n’ayant même plus la force de prendre des photos de ce chemin de croix philosophique. Enfin j’atteins le plan incliné bétonné qui annonce l’issue. Je regarde ma montre. Pour parcourir les deux mille cent vingt mètres au dénivelé de quatre cent vingt-neuf mètres, j’ai mis soixante-quinze minutes.
Lessivé, je trouve à m’asseoir à la terrasse de La Vieille Maison et y bois un café grand verre d’eau puis un diabolo menthe (quatre euros cinquante pour le tout). Un peu remis, la Gare d’Eze-sur-Mer étant à deux pas, je rentre à Nice.
Cette descente du chemin de Nietzsche, ce sera ma dernière folie.
                                                                 *
Le Francis, rondouillard comme il l’était, quelle idée de venir habiter à Eze.
 

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