Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
1er mars 2015
C’est un bus Fast Numéro Deux qui me fait monter la côte jusqu’au Cimetière Monumental ce samedi matin en compagnie de deux autres qui ont la tête à y aller aussi, à la cérémonie d’incinération de Patrice Quéréel. Nous descendons à Flaubert et allons à pied jusqu’au crématorium, lequel est encore fermé.
A neuf heures précises, les portes s’ouvrent mais pas question d’entrer dans la salle de réception. Soit on attend dans un triste « salon de convivialité » soit c’est debout dans l’entrée. J’en profite pour mettre mon mot dans le registre de condoléances : « Salut Quéréel, tu m’as amusé souvent, énervé parfois, c’est dommage de savoir qu’on ne se rencontrera plus ».
Beaucoup de monde arrive dont Robert, Maire. Des têtes connues de moi sont là, j’en salue certaines, échange quelques mots avec Frank Dubois des Editions du Perroquet Bleu, rencontré au temps des Cafés Matin de Mister Crocodile. Il a publié plusieurs livres de Quéréel, entre autres Rouen érotique.
Après une longue attente, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans la salle où tout le monde ne peut s’asseoir, cependant que se fait entendre la première Gymnopédie d’Erik Satie. Le cercueil est côté jardin, le micro côté cour où s’exprime une employée des Pompes Funèbres qui semble touchée personnellement par le deuil. Elle appelle Monsieur le Maire qui bien qu’il arbore le badge « Mort de rire » nous fait un conventionnel discours. Place à la famille : Emmanuel (fils) interprète de la voix et la guitare une chanson qu’il a composée et Danièle (compagne) évoque le défunt d’une manière fine et poétique. Les amis et complices font suite, dont Olivier Beaudoin, vêtu d’un kilt du plus bel effet et muni d’une queue de billard à laquelle est accrochée une peluche caresseuse de cercueil. Il apporte le grain de folie qui manquait, secouant quelques cocotiers, dont celui de Robert, Maire, à qui il a fallu huit ans pour transformer l’esplanade Adolphe-Thiers en esplanade Marcel-Duchamp. Ce parcours du combattant Quéréel nous est rappelé en détail avec moult piques pour le premier édile. A chaque fois que la queue de billard fait cruellement mouche, je vois dans le cerveau de Robert clignoter un petit « Mdr ».
La lugubre employée des Pompes (il aurait fallu la saouler avant la cérémonie) invite à se lever. Chacun(e) va déposer sa poignée de pétales d’Rrose (Sélavy) sur le cercueil. Bien que la performance soit civile, un pasteur disant qu’il n’en est pas un mais a tout pour en être un, dit quelques vagues mots pieux. Le cercueil est alors caché par une porte coulissante.
Frank m’emmène jusqu’à l’Ubi où se déroule la suite. Le facétieux Jonathan Slimak vient me présenter ses condoléances. Je ne sais comment, nous en venons à parler de mon enterrement. Je lui dis qu’il y faudrait la dinguerie dont il est capable : « Tu devrais t’en charger. »
-C'est-à-dire ?
-T’occuper des préparatifs et être le maître de cérémonie.
Il est d’accord. Je lui dis que je le désignerai formellement dans mon testament.
Ma voisine de la maison d’en face, Adeline Gouarné, Présidente de la Page Blanche, de rose vêtue, se tient devant un portrait du défunt (dont je ne dirai rien si ce n’est qu’il a été peint par l’une de ces dames de la Page Blanche). Une vente aux enchères doit permettre de l’offrir à la veuve, idée que je trouve un peu saugrenue.
Ma voisine rose joue la commissaire-priseuse avec une énergie artificielle. Chacun peut mettre de la vraie monnaie dans une boîte ou participer de façon créative à l’enchère par une chanson, un texte, un poème, une anecdote. Cela rame un peu mais finit par prendre forme au point que je me décide à lire le texte que j’ai écrit pour mon Journal quand j’ai appris la mort de PQ. Comme je ne l’ai pas avec moi, je pars à la recherche d’un ordinateur portatif, mais dans ce haut lieu culturel tous ont les batteries à plat. Jonathan me sauve en me confiant son téléphone et je fais don de mon texte, dans lequel sont égratignées les bourgeoises de la Page Blanche.
Après une autre intervention, l’enchère est close. Adeline Gouarné laisse entendre qu’elle pourrait prendre le relais de l’irrévérence afin que l’esprit de Quéréél continue à secouer la ville. Elle a déjà le costume mais il est un peu grand pour elle, me dis-je. Elle invite l’assistance à une soirée en l’honneur du défunt à la Page Blanche en avril, « chez les bourgeoises, comme dit mon voisin, qui lui n’en est pas un, bien qu’habitant au centre ville ». Un repas au restaurant suivra mais on n’y mangera pas d’entrecôtes comme les aimait Quéréel, ce sera plutôt végétarien.
-J’ai déjà quelques idées pour ton enterrement, me glisse à l’oreille Jonathan, ce sera beaucoup plus drôle.
A neuf heures précises, les portes s’ouvrent mais pas question d’entrer dans la salle de réception. Soit on attend dans un triste « salon de convivialité » soit c’est debout dans l’entrée. J’en profite pour mettre mon mot dans le registre de condoléances : « Salut Quéréel, tu m’as amusé souvent, énervé parfois, c’est dommage de savoir qu’on ne se rencontrera plus ».
Beaucoup de monde arrive dont Robert, Maire. Des têtes connues de moi sont là, j’en salue certaines, échange quelques mots avec Frank Dubois des Editions du Perroquet Bleu, rencontré au temps des Cafés Matin de Mister Crocodile. Il a publié plusieurs livres de Quéréel, entre autres Rouen érotique.
Après une longue attente, nous sommes enfin autorisés à pénétrer dans la salle où tout le monde ne peut s’asseoir, cependant que se fait entendre la première Gymnopédie d’Erik Satie. Le cercueil est côté jardin, le micro côté cour où s’exprime une employée des Pompes Funèbres qui semble touchée personnellement par le deuil. Elle appelle Monsieur le Maire qui bien qu’il arbore le badge « Mort de rire » nous fait un conventionnel discours. Place à la famille : Emmanuel (fils) interprète de la voix et la guitare une chanson qu’il a composée et Danièle (compagne) évoque le défunt d’une manière fine et poétique. Les amis et complices font suite, dont Olivier Beaudoin, vêtu d’un kilt du plus bel effet et muni d’une queue de billard à laquelle est accrochée une peluche caresseuse de cercueil. Il apporte le grain de folie qui manquait, secouant quelques cocotiers, dont celui de Robert, Maire, à qui il a fallu huit ans pour transformer l’esplanade Adolphe-Thiers en esplanade Marcel-Duchamp. Ce parcours du combattant Quéréel nous est rappelé en détail avec moult piques pour le premier édile. A chaque fois que la queue de billard fait cruellement mouche, je vois dans le cerveau de Robert clignoter un petit « Mdr ».
La lugubre employée des Pompes (il aurait fallu la saouler avant la cérémonie) invite à se lever. Chacun(e) va déposer sa poignée de pétales d’Rrose (Sélavy) sur le cercueil. Bien que la performance soit civile, un pasteur disant qu’il n’en est pas un mais a tout pour en être un, dit quelques vagues mots pieux. Le cercueil est alors caché par une porte coulissante.
Frank m’emmène jusqu’à l’Ubi où se déroule la suite. Le facétieux Jonathan Slimak vient me présenter ses condoléances. Je ne sais comment, nous en venons à parler de mon enterrement. Je lui dis qu’il y faudrait la dinguerie dont il est capable : « Tu devrais t’en charger. »
-C'est-à-dire ?
-T’occuper des préparatifs et être le maître de cérémonie.
Il est d’accord. Je lui dis que je le désignerai formellement dans mon testament.
Ma voisine de la maison d’en face, Adeline Gouarné, Présidente de la Page Blanche, de rose vêtue, se tient devant un portrait du défunt (dont je ne dirai rien si ce n’est qu’il a été peint par l’une de ces dames de la Page Blanche). Une vente aux enchères doit permettre de l’offrir à la veuve, idée que je trouve un peu saugrenue.
Ma voisine rose joue la commissaire-priseuse avec une énergie artificielle. Chacun peut mettre de la vraie monnaie dans une boîte ou participer de façon créative à l’enchère par une chanson, un texte, un poème, une anecdote. Cela rame un peu mais finit par prendre forme au point que je me décide à lire le texte que j’ai écrit pour mon Journal quand j’ai appris la mort de PQ. Comme je ne l’ai pas avec moi, je pars à la recherche d’un ordinateur portatif, mais dans ce haut lieu culturel tous ont les batteries à plat. Jonathan me sauve en me confiant son téléphone et je fais don de mon texte, dans lequel sont égratignées les bourgeoises de la Page Blanche.
Après une autre intervention, l’enchère est close. Adeline Gouarné laisse entendre qu’elle pourrait prendre le relais de l’irrévérence afin que l’esprit de Quéréél continue à secouer la ville. Elle a déjà le costume mais il est un peu grand pour elle, me dis-je. Elle invite l’assistance à une soirée en l’honneur du défunt à la Page Blanche en avril, « chez les bourgeoises, comme dit mon voisin, qui lui n’en est pas un, bien qu’habitant au centre ville ». Un repas au restaurant suivra mais on n’y mangera pas d’entrecôtes comme les aimait Quéréel, ce sera plutôt végétarien.
-J’ai déjà quelques idées pour ton enterrement, me glisse à l’oreille Jonathan, ce sera beaucoup plus drôle.
28 février 2015
D’Allais à Allais, nouvelle sélection de l’esprit de Jules Renard tel qu’il rayonne dans son Journal (Bouquins Laffont), avec au milieu une petite vanne dudit en direction de Patrice Quéréel dont le corps refroidi est incinéré ce samedi vingt-huit février :
Allais en habit a l’air d’être son propre patron. (vingt-sept novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Ah ! Ah ! Qui est-ce qui, grâce à moi, va aller tout de suite à la postérité ? C’est ma petite femme. (vingt-neuf novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
J’ai été élevé par une bibliothèque. (deux février mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
A propos de Willy refusant de signer la protestation de La Revue blanche :
-C’est la première fois, dit Veber, qu’il refuse de signer quelque chose qu’il n’a pas écrit. (dix-sept février mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Dîner chez Bernard.
-Vous avez de la famille, monsieur Capus ?
-Oui, madame. J’ai une femme, si mes souvenirs sont exacts. (dix-huit mars mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Une vie heureuse, teintée de désespoir, c’est la mienne. (premier octobre mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Ceux qui ont le mieux parlé de la mort sont morts. (neuf août mil neuf cent)
Les gens qui se font incinérer s’imaginent que, réduits en cendres, ils échapperont à Dieu. (douze octobre mil neuf cent)
Sauf complications, il va mourir. (douze octobre mil neuf cent)
Moi aussi, je mets de l’argent de côté, mais pas du bon côté. (vingt et un février mil neuf cent un)
Toulouse-Lautrec était sur son lit, mourant, quand son père, un vieil original, vient le voir et se met à attraper des mouches. Lautrec dit : « Vieux con ! » et meurt. (quinze octobre mil neuf cent un)
Allais s’assied à une terrasse de café par une journée de tempête, et dit :
-Garçon, un verre de quinquina et moins de vent. (premier novembre mil neuf cent un)
(À suivre)
Allais en habit a l’air d’être son propre patron. (vingt-sept novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Ah ! Ah ! Qui est-ce qui, grâce à moi, va aller tout de suite à la postérité ? C’est ma petite femme. (vingt-neuf novembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
J’ai été élevé par une bibliothèque. (deux février mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
A propos de Willy refusant de signer la protestation de La Revue blanche :
-C’est la première fois, dit Veber, qu’il refuse de signer quelque chose qu’il n’a pas écrit. (dix-sept février mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Dîner chez Bernard.
-Vous avez de la famille, monsieur Capus ?
-Oui, madame. J’ai une femme, si mes souvenirs sont exacts. (dix-huit mars mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Une vie heureuse, teintée de désespoir, c’est la mienne. (premier octobre mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Ceux qui ont le mieux parlé de la mort sont morts. (neuf août mil neuf cent)
Les gens qui se font incinérer s’imaginent que, réduits en cendres, ils échapperont à Dieu. (douze octobre mil neuf cent)
Sauf complications, il va mourir. (douze octobre mil neuf cent)
Moi aussi, je mets de l’argent de côté, mais pas du bon côté. (vingt et un février mil neuf cent un)
Toulouse-Lautrec était sur son lit, mourant, quand son père, un vieil original, vient le voir et se met à attraper des mouches. Lautrec dit : « Vieux con ! » et meurt. (quinze octobre mil neuf cent un)
Allais s’assied à une terrasse de café par une journée de tempête, et dit :
-Garçon, un verre de quinquina et moins de vent. (premier novembre mil neuf cent un)
(À suivre)
27 février 2015
Ce jeudi matin quand je me réveille Tewfik Hakem (Un nouveau jour est possible sur France Culture) a pour invité Claude Mollard, « expert culturel et consultant » du Panorama Asisi. L’inviteur n’est pas venu à Rouen voir de quoi il s’agit. Il ne sait pas de quoi il parle. Son invité, zélateur de Laurent le Fabuleux et de son œuvre, fait la promotion. L’équivalent à la radio de ce qu’on appelle dans la presse écrite un publi-reportage, mais là c’est gratuit.
L’après-midi, après avoir été rassuré par les résultats de l’analyse parisienne de mon urine et de celle rouennaise de mon sang qui ne révèlent rien d’anormal, j’apprends, à l’Ubi, qu’on peut être sexagénaire, se sentir soudain très fatigué, consulter, découvrir que l’on a un cancer généralisé et mourir trois mois plus tard alors qu’on n’avait pas été malade antérieurement, ce qui me donne bien à penser.
Le premier apéro vinyle de l’Ubi, qui se tient à partir de dix-neuf heures, pourrait être le bienvenu pour me changer les idées (comme on dit) mais il est surtout fréquenté par la jeunesse habituée du lieu et ses connaissances du même âge.
Les deux ou trois esseulés plus âgés ne savent quoi faire d’eux-mêmes. L’un se découvre le besoin d’inventorier les livres de la bibliothèque, un autre se prend d’une passion subite pour les gerbilles. Ils disparaissent rapidement.
Je persévère et observe, un verre de vin à la main. Les trois garçons qui se relaient aux platines semblent y prendre un plaisir inestimable. Je me demande pourquoi passer des disques en public est une occupation exclusivement masculine. La musique est bonne et de la meilleure qualité qui soit puisque venue de disques vinyles. Chacun sait que l’on n’a rien fait de mieux que ce plastique noir pour stocker les notes, comme l’inscrirait Flaubert dans son dictionnaire s’il vivait aujourd’hui.
A bâbord, chez Jabran Productions, où l’on ne compte pas ses heures, on est encore au bureau. A tribord, dans la MAM Galerie, on s’affaire au montage de la prochaine exposition. Il est toujours agréable de regarder ceux qui travaillent, mais cela finit pas lasser, aussi mon verre fini, je me casse.
*
Plaisanterie récurrente à l’Ubi, l’après-midi quand j’y suis : « Parlons moins fort sinon Michel va raconter ça dans son blog ». J’ai beau dire que lorsque je suis là, je suis ailleurs, régulièrement j’y ai droit. Il y a aussi les fois où l’on y baisse vraiment la voix. Méfiance, méfiance.
*
« De mon côté c'était bien, lecture de Bukowski avec du vin, comme il se doit. » m’écrit dans la nuit celle qui vit à Paris, et sans doute aurais-je dû suivre son exemple au lieu d’aller m’ennuyer à l’Ubi.
L’après-midi, après avoir été rassuré par les résultats de l’analyse parisienne de mon urine et de celle rouennaise de mon sang qui ne révèlent rien d’anormal, j’apprends, à l’Ubi, qu’on peut être sexagénaire, se sentir soudain très fatigué, consulter, découvrir que l’on a un cancer généralisé et mourir trois mois plus tard alors qu’on n’avait pas été malade antérieurement, ce qui me donne bien à penser.
Le premier apéro vinyle de l’Ubi, qui se tient à partir de dix-neuf heures, pourrait être le bienvenu pour me changer les idées (comme on dit) mais il est surtout fréquenté par la jeunesse habituée du lieu et ses connaissances du même âge.
Les deux ou trois esseulés plus âgés ne savent quoi faire d’eux-mêmes. L’un se découvre le besoin d’inventorier les livres de la bibliothèque, un autre se prend d’une passion subite pour les gerbilles. Ils disparaissent rapidement.
Je persévère et observe, un verre de vin à la main. Les trois garçons qui se relaient aux platines semblent y prendre un plaisir inestimable. Je me demande pourquoi passer des disques en public est une occupation exclusivement masculine. La musique est bonne et de la meilleure qualité qui soit puisque venue de disques vinyles. Chacun sait que l’on n’a rien fait de mieux que ce plastique noir pour stocker les notes, comme l’inscrirait Flaubert dans son dictionnaire s’il vivait aujourd’hui.
A bâbord, chez Jabran Productions, où l’on ne compte pas ses heures, on est encore au bureau. A tribord, dans la MAM Galerie, on s’affaire au montage de la prochaine exposition. Il est toujours agréable de regarder ceux qui travaillent, mais cela finit pas lasser, aussi mon verre fini, je me casse.
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Plaisanterie récurrente à l’Ubi, l’après-midi quand j’y suis : « Parlons moins fort sinon Michel va raconter ça dans son blog ». J’ai beau dire que lorsque je suis là, je suis ailleurs, régulièrement j’y ai droit. Il y a aussi les fois où l’on y baisse vraiment la voix. Méfiance, méfiance.
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« De mon côté c'était bien, lecture de Bukowski avec du vin, comme il se doit. » m’écrit dans la nuit celle qui vit à Paris, et sans doute aurais-je dû suivre son exemple au lieu d’aller m’ennuyer à l’Ubi.
26 février 2015
Ce mercredi à l’aurore, direction la gare, je joue le rôle de celui sur lequel tombe la pluie, ce dont peuvent se réjouir mes ami(e)s, en ai-je seulement ? Je m’arrête au Drugstore où j’achète le nouveau Charlie Hebdo, rouge, pas autant convoité que le vert précédent.
J’en lis une partie en attendant le huit heures sept pour Paris, m’arrêtant afin de donner les quarante centimes qui lui manquent pour prendre un café à la machine au Playboy Communiste, une sorte de micro mécénat artistique.
Le train part à l’heure et arrive à l’heure dans la capitale. Je file chez Book-Off à la Bastille puis déjeune dans le même quartier aux Mousquetaires d’un plat beauvoirien : un petit salé aux lentilles avec un quart de vin, tout en profitant de la conversation élevée des habitués avec les tenanciers de la maison :
-T’as quoi comme plat du jour ?
-Du poulet.
-T’as baisé une poule pour le faire ton poulet ? Et du sauté de porc, t’en as ?
-Non, je saute pas les porcs, je saute que les cochonnes.
Le café, je le prends au Rivolux où derrière le comptoir au lieu des néo barbus se tiennent deux charmantes serveuses. J’y lis Libération puis malgré la pluie marche jusqu’au Quartier Latin car il n’y a que chez Boulinier, me dis-je, que je puisse trouver en occasion un Guide du Routard de la Picardie.
Effectivement, à l’étage des cédés en recul, où prospèrent désormais les bédés, les vinyles et les guides de voyage, j’en trouve un de deux mille neuf/deux mille dix à trois euros, de quoi pérégriner prochainement sur la côte de la Somme avec des informations fraîchement périmées.
Le bus Vingt-Sept, passant par le Louvre où la Pyramide est maintenant concurrencée par un hideux parallélépipède rouge abritant une boutique du Musée, me mène au Book-Off de l’Opéra puis j’achève cette journée pluvieuse Chez Léon. André y fête son anniversaire, ou du moins il essaie, invitant deux dames à accepter un verre. L’une est pressée. L’autre ne peut pas car elle fait le carême.
Le train de dix-neuf heures trente est là. Il part à l’heure mais ça se gâte vite. Le contrôleur annonce un problème technique aux Mureaux. Nous passerons donc par Conflans-Sainte-Honorine. Le retard est de dix minutes. A l’arrivée à Rouen, il sera de trente-cinq. Les voyageurs pour Elbeuf n’auront pas leur correspondance et seront acheminés en taxi aux frais de la Senecefe.
Cela me donne le temps de lire Au tableau !, les souvenirs de lycée de Frigyes Karinthy (Editions Cambourakis), qui dans l’un de ses poèmes écrivait : Je ne peux le dire à personne, je le dis donc à tout le monde, ce qui vaut pour moi.
*
Le retour du vinyle, une prophétie auto réalisatrice.
*
Des blagues pas drôles (aussi nulles que celles de l’Almanach Vermot) dans le Charlie Hebdo rouge, comme celle-ci :
« 79% des Français pensent que DSK aurait fait un meilleur président que Hollande. Lui, il n’aurait pas fait voter la loi Macron, mais la loi maquereau. »
Il y a aussi du très bon, notamment le récit de Philippe Lançon (gravement blessé au visage) sur sa vie d’après.
Et quoi qu’il en soit, je continuerai à acheter ce journal et à le lire en hostilité à ceux qui ne le lisent qu’un seul livre.
*
Encore un exemple de soumission : le Mémorial de Caen renonce à inviter quarante-quatre dessinateurs du monde entier. Les cinquièmes rencontres du dessin de presse, prévues en avril, sont annulées. Les assassins ont gagné.
J’en lis une partie en attendant le huit heures sept pour Paris, m’arrêtant afin de donner les quarante centimes qui lui manquent pour prendre un café à la machine au Playboy Communiste, une sorte de micro mécénat artistique.
Le train part à l’heure et arrive à l’heure dans la capitale. Je file chez Book-Off à la Bastille puis déjeune dans le même quartier aux Mousquetaires d’un plat beauvoirien : un petit salé aux lentilles avec un quart de vin, tout en profitant de la conversation élevée des habitués avec les tenanciers de la maison :
-T’as quoi comme plat du jour ?
-Du poulet.
-T’as baisé une poule pour le faire ton poulet ? Et du sauté de porc, t’en as ?
-Non, je saute pas les porcs, je saute que les cochonnes.
Le café, je le prends au Rivolux où derrière le comptoir au lieu des néo barbus se tiennent deux charmantes serveuses. J’y lis Libération puis malgré la pluie marche jusqu’au Quartier Latin car il n’y a que chez Boulinier, me dis-je, que je puisse trouver en occasion un Guide du Routard de la Picardie.
Effectivement, à l’étage des cédés en recul, où prospèrent désormais les bédés, les vinyles et les guides de voyage, j’en trouve un de deux mille neuf/deux mille dix à trois euros, de quoi pérégriner prochainement sur la côte de la Somme avec des informations fraîchement périmées.
Le bus Vingt-Sept, passant par le Louvre où la Pyramide est maintenant concurrencée par un hideux parallélépipède rouge abritant une boutique du Musée, me mène au Book-Off de l’Opéra puis j’achève cette journée pluvieuse Chez Léon. André y fête son anniversaire, ou du moins il essaie, invitant deux dames à accepter un verre. L’une est pressée. L’autre ne peut pas car elle fait le carême.
Le train de dix-neuf heures trente est là. Il part à l’heure mais ça se gâte vite. Le contrôleur annonce un problème technique aux Mureaux. Nous passerons donc par Conflans-Sainte-Honorine. Le retard est de dix minutes. A l’arrivée à Rouen, il sera de trente-cinq. Les voyageurs pour Elbeuf n’auront pas leur correspondance et seront acheminés en taxi aux frais de la Senecefe.
Cela me donne le temps de lire Au tableau !, les souvenirs de lycée de Frigyes Karinthy (Editions Cambourakis), qui dans l’un de ses poèmes écrivait : Je ne peux le dire à personne, je le dis donc à tout le monde, ce qui vaut pour moi.
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Le retour du vinyle, une prophétie auto réalisatrice.
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Des blagues pas drôles (aussi nulles que celles de l’Almanach Vermot) dans le Charlie Hebdo rouge, comme celle-ci :
« 79% des Français pensent que DSK aurait fait un meilleur président que Hollande. Lui, il n’aurait pas fait voter la loi Macron, mais la loi maquereau. »
Il y a aussi du très bon, notamment le récit de Philippe Lançon (gravement blessé au visage) sur sa vie d’après.
Et quoi qu’il en soit, je continuerai à acheter ce journal et à le lire en hostilité à ceux qui ne le lisent qu’un seul livre.
*
Encore un exemple de soumission : le Mémorial de Caen renonce à inviter quarante-quatre dessinateurs du monde entier. Les cinquièmes rencontres du dessin de presse, prévues en avril, sont annulées. Les assassins ont gagné.
25 février 2015
Jules Renard est particulièrement doué pour décrire un animal en une seule phrase et de manière imagée mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans son Journal, ainsi que le montre ce qui suit :
Georges Hugo, plein de santé, qui se porte comme un alexandrin de son grand-père. (deux mars mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Shakespeare ! Tu dis toujours Shakespeare ! Il y en a un en toi : trouve-le. (dix-neuf mars mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Bruxelles, c’est une capitale de province. Les bicyclistes y ont encore des trompes. (quatre juin mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Je sais pourquoi je déteste le dimanche : c’est parce que des gens, occupés à rien, se permettent d’être oisifs comme moi. (vingt-neuf juin mil huit cent quatre-vingt-quinze)
De la joie comme quand il pleut et qu’on sait un ami dehors. (dix août mil huit cent quatre-vingt-quinze)
J’ai connu le bonheur, mais ce n’est pas ce qui m’a rendu le plus heureux. (six décembre mil huit cent quatre-vingt-quinze)
-Quand mènerez-vous votre fille dans le monde ? disait M. Legrand.
-Oh ! répondait Mme Morneau, les bons chevaux, on vient les chercher à l’écurie : inutile de les mener à la foire. (trois février mil huit cent quatre-vingt-seize)
-Alphonse Allais, un Démarque Twain, dit Veber. (treize février mil huit cent quatre-vingt-seize)
Les absents ont toujours tort de revenir. (quatorze juillet mil huit cent quatre-vingt-seize)
Sans me répondre d’une manière définitive, vous pouvez bien me dire oui. (vingt-huit décembre mil huit cent quatre-vingt-seize)
Celui dont je parle est mort, et toi-même, lisant cette phrase, tu dis ;
-Lui aussi est mort. (treize février mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Des hommes ont l’air de ne s’être mariés que pour empêcher leurs femmes de se marier avec d’autres. (vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Je ne promets jamais rien, parce que j’ai la mauvaise habitude de tenir mes promesses. (vingt-trois octobre huit cent quatre-vingt-dix-sept)
(À suivre, encore)
Georges Hugo, plein de santé, qui se porte comme un alexandrin de son grand-père. (deux mars mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Shakespeare ! Tu dis toujours Shakespeare ! Il y en a un en toi : trouve-le. (dix-neuf mars mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Bruxelles, c’est une capitale de province. Les bicyclistes y ont encore des trompes. (quatre juin mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Je sais pourquoi je déteste le dimanche : c’est parce que des gens, occupés à rien, se permettent d’être oisifs comme moi. (vingt-neuf juin mil huit cent quatre-vingt-quinze)
De la joie comme quand il pleut et qu’on sait un ami dehors. (dix août mil huit cent quatre-vingt-quinze)
J’ai connu le bonheur, mais ce n’est pas ce qui m’a rendu le plus heureux. (six décembre mil huit cent quatre-vingt-quinze)
-Quand mènerez-vous votre fille dans le monde ? disait M. Legrand.
-Oh ! répondait Mme Morneau, les bons chevaux, on vient les chercher à l’écurie : inutile de les mener à la foire. (trois février mil huit cent quatre-vingt-seize)
-Alphonse Allais, un Démarque Twain, dit Veber. (treize février mil huit cent quatre-vingt-seize)
Les absents ont toujours tort de revenir. (quatorze juillet mil huit cent quatre-vingt-seize)
Sans me répondre d’une manière définitive, vous pouvez bien me dire oui. (vingt-huit décembre mil huit cent quatre-vingt-seize)
Celui dont je parle est mort, et toi-même, lisant cette phrase, tu dis ;
-Lui aussi est mort. (treize février mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Des hommes ont l’air de ne s’être mariés que pour empêcher leurs femmes de se marier avec d’autres. (vingt-neuf septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Je ne promets jamais rien, parce que j’ai la mauvaise habitude de tenir mes promesses. (vingt-trois octobre huit cent quatre-vingt-dix-sept)
(À suivre, encore)
24 février 2015
Après un été à relire le Journal de Jules Renard, pavé publié chez Bouquins Laffont, aux terrasses du Son du Cor et de l’Interlude, je passe pas mal de jours d’hiver à l’intérieur de l’Ubi et du Guidoline Café pour tapoter à deux doigts sur le clavier ce que j’en ai extrait, mon meilleur, exceptant ce qui est trop connu et qu’on trouvera sur les sites et dans les livres de compilation :
-Avez-vous déjà donné quelque chose aux éditeurs ?
-Oui, mais ils me l’ont bien rendu ! (neuf février mil huit cent quatre-vingt-dix)
Un monsieur très bien, propriétaire d’un palmier en Tunisie. (premier avril mil huit cent quatre-vingt-dix)
Mendès me raconte que Sarcey avoue avoir dit, dans une conférence en Belgique, à un public de jeunes filles et de leurs mères :
-Le jeune homme la baisa…
Puis, se reprenant :
-Je dois vous dire, mesdames, que le mot n’avait pas encore le sens qu’on lui prête aujourd’hui. (treize mai mil huit cent quatre-vingt-treize)
Il renvoyait les cartes de visite en mettant ; « Vu et approuvé. ». (dix janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir vivre à Paris, chère demoiselle ? Vous feriez si bien dans un bordel en province. (onze janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Un ami de Schwob vient lui emprunter La seconde vie de Michel Tessier.
-Prenez, dit Schwob, mais à la condition que vous ne le rapporterez jamais. (trois février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Les enfants devraient être des apparitions facultatives. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il marchait sans bruit, comme un poisson. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Enfin, elle avait fini, nous poussâmes un gros soupir d’applaudissement. (vingt-six février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il présentait sa femme en disant : « Mon ordinaire. » (vingt-quatre avril mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Comment se fait-il donc qu’on connaisse toutes les bonnes actions discrètes ? (dix-neuf janvier mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. (treize février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
C’est l’heure où sortent des ateliers de petits modèles à suivre. (dix-huit février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
(À suivre, oui)
-Avez-vous déjà donné quelque chose aux éditeurs ?
-Oui, mais ils me l’ont bien rendu ! (neuf février mil huit cent quatre-vingt-dix)
Un monsieur très bien, propriétaire d’un palmier en Tunisie. (premier avril mil huit cent quatre-vingt-dix)
Mendès me raconte que Sarcey avoue avoir dit, dans une conférence en Belgique, à un public de jeunes filles et de leurs mères :
-Le jeune homme la baisa…
Puis, se reprenant :
-Je dois vous dire, mesdames, que le mot n’avait pas encore le sens qu’on lui prête aujourd’hui. (treize mai mil huit cent quatre-vingt-treize)
Il renvoyait les cartes de visite en mettant ; « Vu et approuvé. ». (dix janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir vivre à Paris, chère demoiselle ? Vous feriez si bien dans un bordel en province. (onze janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Un ami de Schwob vient lui emprunter La seconde vie de Michel Tessier.
-Prenez, dit Schwob, mais à la condition que vous ne le rapporterez jamais. (trois février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Les enfants devraient être des apparitions facultatives. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il marchait sans bruit, comme un poisson. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Enfin, elle avait fini, nous poussâmes un gros soupir d’applaudissement. (vingt-six février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il présentait sa femme en disant : « Mon ordinaire. » (vingt-quatre avril mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Comment se fait-il donc qu’on connaisse toutes les bonnes actions discrètes ? (dix-neuf janvier mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. (treize février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
C’est l’heure où sortent des ateliers de petits modèles à suivre. (dix-huit février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
(À suivre, oui)
23 février 2015
Oui, Quéréel ne l’est plus (je ne suis pas mécontent de mon jeu de mot qui évite celui que d’un commun accord les gens du cru font ce dimanche matin : Quéréel a pris du champ). Le voilà mort lui aussi, le spécialiste bouffon et autoproclamé de l’œuvre de Marcel, d’un cancer, à soixante-huit ans. C’est vrai que depuis un moment, je ne le voyais plus, se dit-on dans ce cas-là.
Souvent, nous nous croisions au Clos Saint-Marc, les jours de marché, ou alors dans la ruelle quand il faisait conférence devant une poignée de bourgeoises (et passait aussi la nuit) à La Page Blanche, en face de là où j’habite.
Il venait à moi de sa placide démarche d’éléphant rose et me saluait d’un « Comment vas-tu ? », étant une exception en ce qu’il ne me tenait pas rigueur (comme on dit) de toutes les moqueries et méchancetés que j’ai écrites sur son compte. Après l’échange de quelques mots, chacun de nous allait vers son but.
La dernière fois où j’ai discuté un peu longuement avec lui, c’était pour qu’il me raconte la mort de Marcel Duchamp. J’avais une idée derrière la tête. Je voulais savoir si ce qu’écrit et dessine Philippe Katerine dans son livre Doublez votre mémoire (Denoël) était exact, que lorsqu’on a incinéré Marcel on a trouvé dans le tas de cendres ses clés qui étaient restées dans sa poche. C’était vrai. Je lui ai demandé s’il connaissait Katerine. Non, évidemment.
Me levant à six heures, je ne le verrai plus à travers ma fenêtre, déjà debout dans l’appartement d’en face, installé à une table, un livre ouvert devant lui, l’image même de la solitude. Resteront aussi les bons souvenirs, quand j’étais bien accompagné, de la visite guidée de Rouen érotique, à l’occasion de la sortie de son livre sur le sujet, et de la journée passée à Nolléval en son Cimetière Mondial de l’Art, du déjeuner sur l’herbe après l'enterrement de quelques œuvres.
A ton tour d’être incinéré, Quéréel. Que trouvera-t-on dans ton tas de cendres ?
Souvent, nous nous croisions au Clos Saint-Marc, les jours de marché, ou alors dans la ruelle quand il faisait conférence devant une poignée de bourgeoises (et passait aussi la nuit) à La Page Blanche, en face de là où j’habite.
Il venait à moi de sa placide démarche d’éléphant rose et me saluait d’un « Comment vas-tu ? », étant une exception en ce qu’il ne me tenait pas rigueur (comme on dit) de toutes les moqueries et méchancetés que j’ai écrites sur son compte. Après l’échange de quelques mots, chacun de nous allait vers son but.
La dernière fois où j’ai discuté un peu longuement avec lui, c’était pour qu’il me raconte la mort de Marcel Duchamp. J’avais une idée derrière la tête. Je voulais savoir si ce qu’écrit et dessine Philippe Katerine dans son livre Doublez votre mémoire (Denoël) était exact, que lorsqu’on a incinéré Marcel on a trouvé dans le tas de cendres ses clés qui étaient restées dans sa poche. C’était vrai. Je lui ai demandé s’il connaissait Katerine. Non, évidemment.
Me levant à six heures, je ne le verrai plus à travers ma fenêtre, déjà debout dans l’appartement d’en face, installé à une table, un livre ouvert devant lui, l’image même de la solitude. Resteront aussi les bons souvenirs, quand j’étais bien accompagné, de la visite guidée de Rouen érotique, à l’occasion de la sortie de son livre sur le sujet, et de la journée passée à Nolléval en son Cimetière Mondial de l’Art, du déjeuner sur l’herbe après l'enterrement de quelques œuvres.
A ton tour d’être incinéré, Quéréel. Que trouvera-t-on dans ton tas de cendres ?
21 février 2015
Analyses de sang et d’urine, m’a prescrit le médecin mardi matin. A la prise de rendez-vous au laboratoire, la secrétaire m’explique qu’il s’agit de récolter toute l’urine de vingt-quatre heures. Elle sort pour ce faire un bidon en plastique de deux litres sur lequel elle écrit mon nom, puis m’en donne un autre en m’expliquant que c’est parfois nécessaire.
Jeudi, je passe ma journée à uriner dans le bidon, m’étonnant moi-même d’être capable de suivre une telle consigne et ce vendredi matin à six heures je peux enfin cesser. Question quantité, mon résultat est moyen : un litre quatre cents. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin d’un second bidon. Pour la qualité, on verra à l’analyse.
A sept heures et quart, dans une semi obscurité, je contourne la Cathédrale mon sac en plastique au bout du bras (rien de plus louche qu’un individu dans mon genre un bidon empli d’un liquide jaunâtre à la main près d’un lieu de culte à une heure où la patrouille militaro-policière du plan Vigipirate rouge renforcé dort encore).
J’offre ma récolte à la dame du labo. Elle constate que je n’ai utilisé qu’un bidon et m’annonce que le résultat ne sera disponible qu’à partir de jeudi car cela va à Paris. J’enchaîne avec la prise de sang.
*
Je préfère faire pipi dans la nature, au pied d’un arbre, dans un bosquet ou sur une araignée. A défaut de nature, sur un mur, celui d’une école, d’une église ou d’une salle des fêtes, comme cela m’arrive souvent au matin d’un vide grenier dans ces villages démunis de toilettes publiques.
L’été dernier, une mienne connaissance féminine s’énervait à propos d’un tiers qui se soulageait (comme on dit) dans le jardin d’une maison de vacances. C’était intolérable.
Elle se plaignait de ce que les hommes ne se cachent pas assez pour uriner au bord des routes. Depuis, quand il m’arrive de le faire au hasard de mes déplacements en voiture, je ne peux m’empêcher de penser à elle.
Jeudi, je passe ma journée à uriner dans le bidon, m’étonnant moi-même d’être capable de suivre une telle consigne et ce vendredi matin à six heures je peux enfin cesser. Question quantité, mon résultat est moyen : un litre quatre cents. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin d’un second bidon. Pour la qualité, on verra à l’analyse.
A sept heures et quart, dans une semi obscurité, je contourne la Cathédrale mon sac en plastique au bout du bras (rien de plus louche qu’un individu dans mon genre un bidon empli d’un liquide jaunâtre à la main près d’un lieu de culte à une heure où la patrouille militaro-policière du plan Vigipirate rouge renforcé dort encore).
J’offre ma récolte à la dame du labo. Elle constate que je n’ai utilisé qu’un bidon et m’annonce que le résultat ne sera disponible qu’à partir de jeudi car cela va à Paris. J’enchaîne avec la prise de sang.
*
Je préfère faire pipi dans la nature, au pied d’un arbre, dans un bosquet ou sur une araignée. A défaut de nature, sur un mur, celui d’une école, d’une église ou d’une salle des fêtes, comme cela m’arrive souvent au matin d’un vide grenier dans ces villages démunis de toilettes publiques.
L’été dernier, une mienne connaissance féminine s’énervait à propos d’un tiers qui se soulageait (comme on dit) dans le jardin d’une maison de vacances. C’était intolérable.
Elle se plaignait de ce que les hommes ne se cachent pas assez pour uriner au bord des routes. Depuis, quand il m’arrive de le faire au hasard de mes déplacements en voiture, je ne peux m’empêcher de penser à elle.
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