Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

11 février 2015


« Ici s'arrête Rouen Chronicle, rubrique commencée en 2008 et dont Félix Phellion était l'unique auteur. Celui-ci repose désormais quelque part, entouré de livres et de dossiers. Sans doute y cultive-t-il son goût pour l'inachevé, le ressentiment et le perpétuel retour des choses. »
Ce communiqué en forme d’avis de décès fait suite aux derniers billets publiés, différents de la manière habituelle et assez ennuyeux, de ce Félix qui repose désormais quelque part et que je lisais depuis le début.
Une mienne connaissance se demandait s’il n’y avait pas deux Félix, l’un responsable des billets déprimés, l’autre des billets incisifs. Je penchais pour un seul, octogénaire passant, comme beaucoup, par des bas et des hauts.
Nous avons la réponse maintenant que le mystérieux Félix Phellion n’est plus. Restent d’autres interrogations, notamment qui se cachait derrière ce pseudonyme.
Salut Félix, nous serons quelques-un(e)s à te regretter.
                                                                     *
Toujours, lorsqu’on quitte les enterrements. The Show must go on. Le spectacle doit continuer. Le journal paraîtra demain. Tant pis pour celui d’aujourd’hui. Notez qu’il s’agit là de vains propos. Chaque matin, lisant le journal, j’ai l’impression de lire celui d’avant-hier. Tout ça, je le sais déjà. Ni moins bien, ni mieux. La même chose, les mêmes gens. Oui, pendant que mon Nescafé refroidit, augmente le sentiment de vieillir. Et aussi la rage de voir qu’on persiste et qu’on signe. Pas faute d’avoir été prévenu pourtant.
Félix Phellion, Rouen Chronicle, vingt-neuf novembre deux mille onze.
 

10 février 2015


Lorsque j’arrive à l’Opéra de Rouen ce dimanche après-midi, j’évite l’introduction au concert qui a été confiée au Père Lazare Rigault, un exemple de l’extension du domaine du religieux.
L’après-midi sera baroque. J’ai place centrée en fond d’orchestre.
C’est d’abord le Concerto pour orgue de Georg Friedrich Haendel puis le Concerto pour cordes en sol mineur d’Antonio Vivaldi. Avant le Concerto pour hautbois d’amour de Johann Sebastian Bach, Fabrice Rousson montre son instrument, le hautbois d’amour, « à la tendresse un peu mélancolique, selon Wikipédia », nous dit-il.
-Joli programme. Jolies petites pièces, commente-t-on à l’entracte pendant lequel certains se souhaitent encore la bonne année.
A la reprise, la mezzo soprano Majdouline Zerari se joint aux musicien(ne)s pour le Stabat Mater de Vivaldi. Sa prestation est à mon goût mais derrière l’un juge que cela manque d’émotion. Viennent enfin le Concerto en ré mineur avec hautbois de Haendel et un extrait de Il Farnace de Vivaldi, Gelido in ogni vena, chanté par Majdouline Zerari.
-Joli petit concert, me dis-je en m’extrayant de mon fauteuil, coincé que j’étais par le manque d’espace pour les genoux et la présence à ma droite d’une masse humaine.
                                                              *
Le hautbois d’amour avait aussi place la veille dans le Boléro de Ravel, ce qui se comprend.
                                                              *
Le nom d’un des musiciens ayant doublé de longueur, je me renseigne et apprends qu’un mari peut ajouter au sien le patronyme de sa femme. Rares sont ceux qui le font, me semble-t-il.
                                                              *
Najat Belkacem se marie avec Boris Vallaud, Elle devient Najat Vallaud Belkacem (actuellement Ministre de l’Education Nationale). Lui reste Boris Vallaud (actuellement Secrétaire Général Adjoint de l'Elysée). Va savoir pourquoi.
 

9 février 2015


Un strapontin m’est réservé à l’Opéra de Rouen pour un concert fruit de la rencontre de l’Orchestre de l’Opéra avec celui du Conservatoire ainsi que de l’immersion de certain(e)s musicien(ne)s et de deux compositeurs au sein du Céhachu. Néanmoins, j’ai bon espoir de trouver une meilleure assise car, ce samedi soir, parmi les abonné(e)s de première catégorie à fauteuil permanent, il doit s’en trouver qui ont autre chose à faire que d'aller écouter de la musique.
Effectivement, à la fermeture des portes, je peux m’installer au premier rang de corbeille d’où l’on a la meilleure vue sur le plateau.
Ce sont d’abord les créations de Philippe Tailleux Le chant des héros silencieux (pour orchestre à cordes) et de Jean-Philippe Bec Eden/Edin (pour orchestre symphonique et musique électronique), toutes deux dirigées par Claude Brendel du Conservatoire. La première est consécutive à la fréquentation du service de soins palliatifs, une œuvre mesurée, toute en retenue. La seconde est née de la fréquentation du service de pédopsychiatrie où sont soigné(e)s les adolescent(e)s souffrant de troubles alimentaires ou de phobies sociales, une œuvre tourmentée, toute en agitation. Deux compositions aussi intéressantes l’une que l’autre et qui valent leur lot d’applaudissements aux deux quinquagénaires. S’ils se ressemblent physiquement, le premier est introverti comme sa musique, saluant discrètement en retrait, et le second extraverti comme la sienne, escaladant la scène et envoyant des baisers aux musiciens.
Pendant l’entracte, les techniciens repoussent les murs afin que puissent trouver place la centaine de musicien(ne)s du Conservatoire et de l’Opéra. Oswald Sallaberger est à la baguette pour mener ardemment deux standards : España d’Emmanuel Chabrier et Boléro de Maurice Ravel.
Après l’orgasme, España est bissé.
 

7 février 2015


« Allons voir à quoi ça ressemble » me dis-je ce samedi, jour de portes ouvertes à l’Ecole Supérieure d’Art et Design Le Havre Rouen, sise désormais à la Grand-Mare dans les Hauts de Rouen, anciennement Ecole des Beaux-Arts au centre ville en l’aître Saint-Maclou.
Un bus Teor gravissant la colline sous le ciel bleu me conduit jusqu’à l’arrêt Couperin. Des tours blanches m’entourent. Un petit panneau fléché Esadhar me montre le chemin. J’entre dans cet ancien collège Giraudoux devenu lieu d’art et y croise bientôt Catherine Schwartz, la bibliothécaire du lieu, avec qui je prends un café. Elle me montre la vaste bibliothèque où elle et les livres peuvent désormais s’épanouir dans trois salles, bientôt une quatrième.
Je visite ensuite les différents ateliers répartis sur trois niveaux où s’affairent quelques beauzarteuses et beauzarteux et leurs professeur(e)s. Elles et eux répondent à la curiosité des curieux et aux questions inquiètes des parents venus avec leur enfant qui veut faire artiste. De la musique s’échappe d’un atelier spacieux, c’est celui de menuiserie de l’ami Philippe Inemer avec qui il y a toujours plaisanterie à échanger.
Je m’offre une petite crêpe et un café, songeant que si les élèves sont bien en cet endroit, ça ne m’empêche pas de trouver dommage que Rouen ne soit pas de ces villes où toute la jeunesse étudiante est au centre. Un bus Teor m’y ramène au fond duquel une autre jeunesse chahute gentiment.
                                                   *
Ce vendredi, j’apprends par Paris Normandie que le treize mars prochain ouvrira rue de la Chaîne, une exposition Walker Evans the magazine work, la première de la nouvelle directrice artistique de la mission photographique du Pôle Image Haute-Normandie, Raphaëlle Stopin. De quoi se réjouir à l’avance.
« Raphaëlle Stopin est commissaire d’exposition free lance, critique et consultante en art et média. » (Jeu de Paume Magazine)
                                                   *
Coïncidence, au réveil ce samedi matin, rediffusion sur France Culture de la première partie de l’émission de Jean Daive Les Chemins de la connaissance consacrée à Walker Evans (mil neuf cent quatre-vingt-dix). De quoi se désoler des émissions actuelles de la station dite culturelle. De plus en plus de discussions inutiles consacrées à l’actualité. Que va faire Poutine ? Au bout d’une heure on n’en sait rien.
                                                   *
J’apprends aussi, avec retard et tristesse, la mort de Daniel Duchoze, l’éminent galeriste rouennais, en octobre dernier, à l’âge de soixante-douze ans.
Tant de bons souvenirs lors des vernissages des expositions de sa galerie lorsqu’elle se tenait en haut de la rue Beauvoisine, boulevard de l’Yser, bien accompagné que j’étais par celle qui était encore à l’Ecole des Beaux-Arts et me tenait la main.
C’était aussi le début de ce Journal pour un billet duquel Duchoze un peu éméché me chassa.
 

6 février 2015


A voir Laurent Langlois dans le public et Oswald Sallaberger sur la scène de l’Opéra de Rouen, on se pourrait croire revenu dans un passé où on avait de l’argent, quand le premier était maître des lieux et le second directeur musical. Gérard Garouste que j’ai eu croisé à Paris en la galerie Templon lors de sa dernière exposition est aussi dans la salle. C’est que le concert de ce soir associe l’Orchestre de l’Opéra et les enfants de La Source, association dont le peintre est le fondateur, venant en aide à des enfants en difficulté et visant à développer leur sens artistique, implantée dans l’Eure à La Géroulde, dans la proximité de son atelier.
Oswald Sallaberger s’investissant de son côté dans de nombreux projets avec les enfants a trouvé le chemin qui mène à La Source et le concert de ce soir en est la résultante ou le résultat, ce que l’on nomme maintenant une restitution.
Je vois ça d’un fauteuil isolé situé près de la porte, où nul voisinage ne me gêne. Oswald Sallaberger explique la démarche, puis donne la parole à Daniel Mayar, metteur en scène et scénographe qui ajoute son mot.
-Plus fort, crie un malentendant.
-Beaucoup plus fort, crie un très malentendant.
Je ne sais ce qu’ils entendent de la musique lorsque c’est le moment de Wolfgang Amadeus Mozart pour la Sérénade numéro sept dite Haffner précédée et suivie de Marcia en ré majeur. Oswald dirige et assure le violon solo. Les enfants sortis d’un château de toile blanche font des apparitions costumées le temps de quelques évolutions dansées ou bien font ombres chinoises à l’intérieur dudit. A la fin, tout le monde est bien applaudi.
Dehors, le vent glacial s’est mis à souffler, que j’affronte vaillamment.
                                                                 *
« Je me souviens de sorties de classe quand j’étais au collège où on allait par groupe de mille enfants écouter en fin d’après-midi des musiciens fatigués qui nous jouaient quelques airs au hasard. Ce genre de sorties, c’est pire que de ne rien faire ! »  (Oswald Sallaberger)
                                                                *
Restitution, mot qui fait aussi florès dans le monde des écoles d’art, on l’on restitue à tout va, à croire qu’on a volé la connaissance et qu’il faut la rendre.
                                                                *
Autre exemple de néo vocabulaire culturel : « Je reviendrai vers vous », une formule que j’ai connue autrefois dans la bouche des avocats et qui depuis s’est répandue jusqu’à passer par la langue de celles et ceux du milieu artistique que j’entends causer au téléphone à l’Ubi.
                                                                *
Dans le même genre : « Je vous invite à vous rapprocher de la directrice du Centre Culturel. » Pas trop près quand même.
 

5 février 2015


Tant d’insomniaques et moi qui dors toujours toute la nuit d’un sommeil comateux d’où je m’étonne de sortir vivant lorsque Tewfik Hakem m’annonce qu’Un nouveau jour est possible. C’est encore le cas ce mercredi et je le passe à Paris après une traversée en train de la campagne normande givrée.
Je furète d’abord dans les rayons du Book-Off de la Bastille puis je rejoins à pied la station de métro Saint-Paul. A l’heure dite, Maria m’y attend, avec qui j’ai déjeuné une fois à Rouen, il y a un certain temps, quand elle s’occupait de l’agenda culturel caennais Aux Arts. La voici redevenue Parisienne.
Nous partageons un repas à la sympathique brasserie Les Mousquetaires, rue Saint-Antoine : entrecôte, aligot, fromage et cruchon de gamay, puis elle me fait découvrir, rue de Rivoli, Le Rivolux, un café ressemblant à La Fourmi ou à Chez Prune, en vrai faux vieux, avec un mobilier hétéroclite, de la bonne musique, des prix tenus et de jeunes et chaleureux néo barbus derrière le comptoir, le genre d’endroit qui manque cruellement à Rouen. Nous devisons de ses espoirs de vie nouvelle et du monde tel qu’il va mal. Elle a songé, me dit-elle, à quitter la France pour Thaïlande Viêt-Nam Cambodge ou Laos. Je lui dis que si la fille Le Pen arrivait au pouvoir, je ne pourrais même pas partir car elle stopperait le versement des pensions de retraite aux fonctionnaires exilés, j’en suis sûr.
Après l’avoir laissée à un coin de rue, je poursuis mes pérégrinations de librairie en librairie puis attends le train du retour Chez Léon où c’est anormalement calme. Au comptoir, un homme qui venait y boire un verre de blanc il y a vingt-trois ans, quand il avait dix-huit ans, et désormais Caennais, présente au patron son fils du même âge arrivé dans la capitale pour ses études et logeant chez une dame au Père Lachaise (dans quel caveau, il ne le dit pas).
-Ah oui, la roue tourne, commente le cafetier qui ne s’appelle pourtant pas Monsieur Michu.
                                                               *
Sortant vers quatorze heures ce mardi, je trouve, arpentant la ruelle, deux gendarmes mobiles suivis de cinq militaires en arme. Le plan Vigipirate rouge renforcé passe donc par chez moi.
                                                               *
« J’allume la télévision, la radio. Et ils sont là. Partout. Des religieux. De toutes confessions. Des durs. Des mous. Des excités. Des conciliants. Ils s’expriment. Au même titre que les élus, les chercheurs, les intellectuels. Ils formulent des analyses, émettent des préconisations. S’immiscent dans le débat public. Ils ont voix au chapitre. »
« J’allume la télévision, la radio. Et me retrouve projeté dans des temps très lointains et très obscurs. Des temps que je n’ai pas connus. Et que je ne pensais pas connaître un jour. Parce qu’on se croyait délivrés. Affranchis. »
Quand Dieu n’existait pas, chronique d’Olivier Adam, publiée sur le site de Libération le trente janvier, dans laquelle il raconte l’ « époque bénie », pas bien lointaine, où nul n’évoquait la religion.
 

4 février 2015


Parmi les livres chroniqués par André Blanchard dans son carnet deux mille neuf deux mille onze titré A la demande générale, publié chez Le Dilettante, l’un est signé Philippe Delerm :
Là, avec son livre sur Léautaud, Maintenant, foutez-moi la paix ! Delerm part flanqué de ce handicap : l’auteur nous intéresse moins que son sujet. Est-il en mesure de rattraper son retard ? La question en charrie aussi sec deux autres, façon fil –blanc– à la patte. Serait-ce que nous ne sachions pas tout sur Léautaud ? Qu’est-ce que peut bien avoir à ajouter Delerm ?
-Des conneries.
Ce sont d’abord des erreurs factuelles. Que Delerm puisse écrire à deux reprises que l’ancienne édition du Journal compte vingt volumes alors qu’elle n’en a que dix-neuf et qu’il confonde le Dumur collègue de Léautaud au Mercure avec le Dumur postérieur du Nouvel Observateur hérisse Blanchard, mais il y a pire :
Quant à Léautaud, il se fût étranglé de découvrir qu’il avait un « maître » en la personne de Gourmont, page 93, lui qui a tant vitupéré les gens qui en avaient besoin ; et il fût parti de joyeux sarcasmes, en cascade comme son rire, en tombant sur pareil vocabulaire, page 62 : « Cette intransigeance léautaldienne. »
Suit un long développement sur la méprise de considérer Léautaud comme un homme tout d’une pièce, et de toute éternité.
Cela pour arriver à cette indulgence finale :
Bon, allez, soyons charitable, ne mégotons pas à Delerm ce bon point d’avoir, par ce livre, bien usé de sa notoriété. S’il a ramené de nouveaux lecteurs à Léautaud, que sa dernière gorgée de bière soit le plus tard possible.
                                                              *
Je n’ai jamais eu envie de lire ce Maintenant, foutez-moi la paix ! de Philippe Delerm mais j’en ai parlé dans ce Journal le dix-huit octobre deux mille dix, regrettant que l’écrivain « à plaisirs minuscules, dont la vie monotone est bien racontée dans l’une des chansons du fiston », se penche sur le cas d’un auteur lui ressemblant si peu. 
Cela m’a valu, en octobre dernier, quatre ans plus tard, un mail énervé de son épouse en « réponse à (mon) attaque » :
« Que savez-vous de la vie intime de Philippe Delerm, cher censeur? Vous confondez création et vie privée. Aucune chanson de Vincent Delerm ne parle de cette vie, réécoutez sans a priori. »
Ce que je savais de la vie intime de Philippe Delerm ? Rien d’autre que ce que j’en imaginais d’après ses livres et la chanson du fiston qui, certes, s’appelle Tes parents mais a été inspirée par les siens pour le premier couplet, comme je l’ai entendu le dire lui-même à sa sortie une après-midi à la Fnaque de Rouen. Je me souviens bien de son : « Le chauffage à dix-sept, je connais. »
J’ai été ravi d’appendre que la vie intime de Philippe Delerm n’est pas monotone. J’attends maintenant avec une certaine impatience la publication de son Journal particulier.
 

3 février 2015


Poursuivant ma lecture désordonnée des carnets d’André Blanchard, je termine A la demande générale qui couvre la période deux mille neuf à deux mille onze, un volume publié au Dilettante, avec toujours le même dessin en couverture, de Y5/P5 (Bazooka), un scribouillard énervé aux cheveux ébouriffés cerné par les livres, cette fois en couleur mauve.
Le bougon de Vesoul y est selon sa coutume déprimé à la première personne du pluriel et affecté dès deux mille neuf par les prémisses de la maladie qui l’oblige à ne plus fumer et allait le tuer cinq ans plus tard:
C’est le syndrome bronchique qui me présente l’addition, qu’un jour prochain je crains de ne pouvoir régler ; d’où l’obligation d’arrêter. Cette privation m’effraie plus que la maladie.
Hostile au monde comme il va, Blanchard se réfugie dans celui d’avant, faisant régulièrement appel aux anciens:
Allons, continuons d’aller à rebours et de nous trouver bien comme cela.
Ce qui ne lui évite pas l’écueil de reprendre à son compte les tics de langage d’aujourd’hui ou de la veille : Celui qui raffole énorme des livres, Au final, Cela dépend si le sujet nous branche, Je serais au top, comme pub pour Sisyphe, Si le soleil nous la joue à celui qui ne compte pas ses heures.
Toujours gardien de la galerie d’art contemporain, sa seule sortie récréative le mène à la brocante mensuelle où il achète la plupart des livres qu’il lit, beaucoup d’auteurs oubliés, qu’il débine en de longs paragraphes, C’est donc un livre qui pourrait avoir pour titre Où je lis à votre place. Il ne manque pas de lancer quelques piques vers Michon, sa bête noire, et vers le succès du moment : Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal. Eh bien, disons que le plus beau dans tout cela, c’est le nom de l’auteur. Dommage qu’il ajoute : Je blague.
Autre sujet auquel Blanchard revient régulièrement et qui me fait passer au paragraphe suivant : Nougat, son chat, dont il narre les derniers mois et la mort avec autant de détails et d’apitoiement qu’un Léautaud, l’une de ses lectures récurrentes.
Il n’empêche que j’aime le lire et qu’il y a toujours par-ci par-là, une formule heureuse qui mérite d’être notée, celle-ci par exemple : J’écris à la place des gens qui ne me liront jamais.
                                                                         *
Je n’oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire (puisque la nuit venait et que nous allions nous quitter) (Proust cité par Blanchard)
                                                                         *
Mot trouvé chez Blanchard : hypallage, que m’explique le Larousse :
Figure de rhétorique consistant à attribuer à certains mots d'une phrase ce qui convient à d'autres mots de la même phrase (par exemple Ce marchand accoudé sur son comptoir avide [V. Hugo].
                                                                         *
Et zeugme d’icelui : Une plume se doit d'être sur ses gardes, et la monter.

 

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