Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 décembre 2015
Cet hiver printanier permettant à certaines de jacasser dans le jardin commun jusqu’à la mi-nuit, c’est ayant peu dormi que je me lève à cinq heures ce mercredi d’avant Noël afin de prendre le train de six heures quarante-sept pour Paris. En chemin, je croise celui parti de la capitale à sept heures cinquante dans lequel se trouve celle qui rejoint ses parents et déjeunera chez moi le vingt-cinq, curieuse expérience de se frôler ainsi sans se voir.
Le bus Vingt démarre une minute après que j’y suis assis. Lorsque nous arrivons place de République, celle-ci est cernée par les Céhéresses. Près de ce qui est devenu le lieu de culte post attentats, des hommes en combinaison blanche lavent le sol à grande eau. Chacun(e) dans le bus se demande silencieusement quoi.
Je descends place de la Bastille. Au-dessus du Génie, le ciel bleu est rayé de lignes blanches laissées par des avions. Le soleil bas promet encore une belle journée. Allant de Book-Off à Mona Lisait en passant par le marché d’Aligre, je ne trouve aucun livre dont je pourrais me dire qu’il est un cadeau de Noël.
C’est au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg Saint-Antoine que je déjeune, commettant l’erreur de faire précéder le toujours bon confit de canard aux pommes rissolées d’un fromage blanc aux rudes échalotes. Près de moi sont trois femmes qui discutent d’une quatrième dont le mari fait le tour des cimetières pour établir son arbre généalogique.
Après le café, je sors de ma poche le bout de papier où j’ai écrit l’adresse de La Maison Rouge.
*
J’apprendrai plus tard que les expulsés de la place de la République sont des Afghans demandeurs d’asile ayant droit à un hébergement mais dormant dehors à même le sol depuis des mois, venus s’installer à cet endroit pour être davantage visibles.
Le bus Vingt démarre une minute après que j’y suis assis. Lorsque nous arrivons place de République, celle-ci est cernée par les Céhéresses. Près de ce qui est devenu le lieu de culte post attentats, des hommes en combinaison blanche lavent le sol à grande eau. Chacun(e) dans le bus se demande silencieusement quoi.
Je descends place de la Bastille. Au-dessus du Génie, le ciel bleu est rayé de lignes blanches laissées par des avions. Le soleil bas promet encore une belle journée. Allant de Book-Off à Mona Lisait en passant par le marché d’Aligre, je ne trouve aucun livre dont je pourrais me dire qu’il est un cadeau de Noël.
C’est au Péhemmu chinois de la rue du Faubourg Saint-Antoine que je déjeune, commettant l’erreur de faire précéder le toujours bon confit de canard aux pommes rissolées d’un fromage blanc aux rudes échalotes. Près de moi sont trois femmes qui discutent d’une quatrième dont le mari fait le tour des cimetières pour établir son arbre généalogique.
Après le café, je sors de ma poche le bout de papier où j’ai écrit l’adresse de La Maison Rouge.
*
J’apprendrai plus tard que les expulsés de la place de la République sont des Afghans demandeurs d’asile ayant droit à un hébergement mais dormant dehors à même le sol depuis des mois, venus s’installer à cet endroit pour être davantage visibles.
24 décembre 2015
De ma lecture des notes de lecture vachardes de Georges Perros groupées dans Lectures pour Jean Vilar (Le temps qu’il faut) je dégage et retiens également de sages propos sur ce qu’est ou doit être le théâtre :
C’est jeune et ça ne sait pas que les personnages d’une pièce ne doivent pas avoir d’idées personnelles. L’idée c’est le spectateur.
Un auteur dramatique n’a pas de métier. Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise.
Il n’y a rien à comprendre à un personnage dramatique. Alceste est-il comique ? est-il tragique ?
On ne fait pas des enfants avec son intelligence, c’est bien connu. Ni des héros dramatiques.
Encore un qui n’aime pas la guerre. Malheureusement le théâtre c’est la guerre. Si les hommes s’entendaient, il n’y aurait pas besoin de leur montrer l’horreur d’être qu’ils connaissent si bien. Ils viennent se regarder, souffrir, tuer, mentir. Tant mieux si ça les soulage et tant pis.
J’aime particulièrement ce Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise. et le fait mien.
*
Ce conseil de Georges Perros à Jean Vilar :
N’augmentez pas mon salaire, je me croirai obligé de tout lire, et vous de venir à mon enterrement.
*
Et cette considération en forme de bilan :
Je me demande de plus en plus s’il est bien raisonnable d’apprendre la langue française à tout le monde.
*
En fin de volume, trois lettres de Georges Perros à Jean Vilar, dont l’une commence ainsi :
Cher Jean Vilar
Je suis sûr que vous ne vous demandez pas trop ce que je deviens.
*
Le successeur de Vilar au Téhennepé, Georges Wilson, considérant le peu d’utilité de ce lecteur rompra le contrat.
C’est jeune et ça ne sait pas que les personnages d’une pièce ne doivent pas avoir d’idées personnelles. L’idée c’est le spectateur.
Un auteur dramatique n’a pas de métier. Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise.
Il n’y a rien à comprendre à un personnage dramatique. Alceste est-il comique ? est-il tragique ?
On ne fait pas des enfants avec son intelligence, c’est bien connu. Ni des héros dramatiques.
Encore un qui n’aime pas la guerre. Malheureusement le théâtre c’est la guerre. Si les hommes s’entendaient, il n’y aurait pas besoin de leur montrer l’horreur d’être qu’ils connaissent si bien. Ils viennent se regarder, souffrir, tuer, mentir. Tant mieux si ça les soulage et tant pis.
J’aime particulièrement ce Dès qu’un homme écrit, il se désolidarise. et le fait mien.
*
Ce conseil de Georges Perros à Jean Vilar :
N’augmentez pas mon salaire, je me croirai obligé de tout lire, et vous de venir à mon enterrement.
*
Et cette considération en forme de bilan :
Je me demande de plus en plus s’il est bien raisonnable d’apprendre la langue française à tout le monde.
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En fin de volume, trois lettres de Georges Perros à Jean Vilar, dont l’une commence ainsi :
Cher Jean Vilar
Je suis sûr que vous ne vous demandez pas trop ce que je deviens.
*
Le successeur de Vilar au Téhennepé, Georges Wilson, considérant le peu d’utilité de ce lecteur rompra le contrat.
23 décembre 2015
Ayant abandonné le métier de comédien pour se consacrer à l’écriture, Georges Perros manque de ressources financières. Son ami Gérard Philipe intervient auprès de Jean Vilar qui en fait le lecteur des pièces que lui envoient des quidams connus ou inconnus avec l’espoir d’être joués par le Théâtre National Populaire et de préférence au Festival d’Avignon.
Entre mil neuf cent cinquante et un et soixante-trois, Georges Perros lira des centaines de pièces et n’en agréera aucune, faisant de la note de lecture un genre littéraire à part entière. Jean Pierre Nédélec a regroupé et publié ces notes de refus en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chez Le temps qu’il fait sous le titre Lectures pour Jean Vilar.
La lecture de ces comptes-rendus aussi expéditifs que narquois m’est un très bon moment. J’en tire cet échantillon :
Pièce François 1er de R. G. :
Je l’ai lue à mes chiens. Ils se sont endormis.
Pièce La Reine de Carthage de C. L. :
C’est délicatement écrit, distingué, mais quand on sait que Giraudoux a du plomb dans l’aile que prévoir pour ses disciples ?
Pièce Notre résignation quotidienne de J. T. :
La mienne a consisté à lire ce lourd manuscrit dans lequel l’auteur nous représente « la vie » d’un immeuble comprenant six appartements et un hall d’entrée. J’ai grimpé jusqu’au deuxième étage et je me suis jeté par la fenêtre.
Rien de cassé : Merci.
Pièce La cabine dérangée de D. T. :
Il n’y a pas que la cabine, je vous prie de le croire.
Pièce Rose deuil et Amphi de R. M. :
La chose vient d’Argentine, je pense qu’elle pourra y retourner sans dommage.
Pièce Le crabe de D. P. :
Tout de suite, comme ça, « on entend des pas monter dans l’escalier ».
J’ai pris l’ascenseur pour redescendre.
Pièce Judas de D. B. :
Oui, Judas. S’il avait su le nombre d’auteurs dramatiques qui s’occuperaient de lui, non, il n’aurait jamais trahi Jésus.
Pièce Les vautours sont toujours là de H. d’A. :
C’est du Mirbeau, 3 octaves au-dessous.
Si la plupart de ces malheureux auteurs ne sont signalés que par leurs initiales, exception est faite lorsque leur nom apparaît dans le compte-rendu :
Pièce Le roi Gustave II de Jean Cornillot … l’auteur a lu Shakespeare et Schiller. Par bonheur, ceux-ci ne l’avaient pas lu, lui, Cornillot.
Pièce La chanson de Roland de Maurice Pons: Tel que, c’est tout juste bon pour un Avignon de patronage, avec draperies et trompettes. Sans oublier le son du cor, cher au bel Alfred.
Faut-il répondre à M. Pons, qui est un jeune écrivain, sans grande envergure, mais distingué ?
(Maurice Pons s’en est remis, il est devenu romancier et hôte permanent du Moulin d’Andé, j’ai déjà raconté comment un jour il ne m’a pas pris en stop).
*
« Je ne suis pas méchant » indique plusieurs fois Georges Perros à Jean Vilar qui le lui reproche.
*
Dans sa préface, Jean Pierre Nédélec écrit que Georges Perros mène « une vie d’anagnoste », ce qui accroît mon vocabulaire.
Anagnoste : Chez les Romains : esclave ou affranchi chargé de faire la lecture à haute voix. Par extension : Personne qui fait aux autres la lecture dans une assemblée ou une communauté religieuse. (Source : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)
Entre mil neuf cent cinquante et un et soixante-trois, Georges Perros lira des centaines de pièces et n’en agréera aucune, faisant de la note de lecture un genre littéraire à part entière. Jean Pierre Nédélec a regroupé et publié ces notes de refus en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf chez Le temps qu’il fait sous le titre Lectures pour Jean Vilar.
La lecture de ces comptes-rendus aussi expéditifs que narquois m’est un très bon moment. J’en tire cet échantillon :
Pièce François 1er de R. G. :
Je l’ai lue à mes chiens. Ils se sont endormis.
Pièce La Reine de Carthage de C. L. :
C’est délicatement écrit, distingué, mais quand on sait que Giraudoux a du plomb dans l’aile que prévoir pour ses disciples ?
Pièce Notre résignation quotidienne de J. T. :
La mienne a consisté à lire ce lourd manuscrit dans lequel l’auteur nous représente « la vie » d’un immeuble comprenant six appartements et un hall d’entrée. J’ai grimpé jusqu’au deuxième étage et je me suis jeté par la fenêtre.
Rien de cassé : Merci.
Pièce La cabine dérangée de D. T. :
Il n’y a pas que la cabine, je vous prie de le croire.
Pièce Rose deuil et Amphi de R. M. :
La chose vient d’Argentine, je pense qu’elle pourra y retourner sans dommage.
Pièce Le crabe de D. P. :
Tout de suite, comme ça, « on entend des pas monter dans l’escalier ».
J’ai pris l’ascenseur pour redescendre.
Pièce Judas de D. B. :
Oui, Judas. S’il avait su le nombre d’auteurs dramatiques qui s’occuperaient de lui, non, il n’aurait jamais trahi Jésus.
Pièce Les vautours sont toujours là de H. d’A. :
C’est du Mirbeau, 3 octaves au-dessous.
Si la plupart de ces malheureux auteurs ne sont signalés que par leurs initiales, exception est faite lorsque leur nom apparaît dans le compte-rendu :
Pièce Le roi Gustave II de Jean Cornillot … l’auteur a lu Shakespeare et Schiller. Par bonheur, ceux-ci ne l’avaient pas lu, lui, Cornillot.
Pièce La chanson de Roland de Maurice Pons: Tel que, c’est tout juste bon pour un Avignon de patronage, avec draperies et trompettes. Sans oublier le son du cor, cher au bel Alfred.
Faut-il répondre à M. Pons, qui est un jeune écrivain, sans grande envergure, mais distingué ?
(Maurice Pons s’en est remis, il est devenu romancier et hôte permanent du Moulin d’Andé, j’ai déjà raconté comment un jour il ne m’a pas pris en stop).
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« Je ne suis pas méchant » indique plusieurs fois Georges Perros à Jean Vilar qui le lui reproche.
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Dans sa préface, Jean Pierre Nédélec écrit que Georges Perros mène « une vie d’anagnoste », ce qui accroît mon vocabulaire.
Anagnoste : Chez les Romains : esclave ou affranchi chargé de faire la lecture à haute voix. Par extension : Personne qui fait aux autres la lecture dans une assemblée ou une communauté religieuse. (Source : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales)
22 décembre 2015
Si l’animation locale de Noël s’appelle toujours Rouen Givrée, elle pourrait être rebaptisée Rouen Fauchée. Cette année le manque d’argent dans la caisse de Robert, Maire, Socialiste, a fait disparaître la patinoire et la luge. Restent la grande roue, les chevaux de bois et autres manèges, les vendeurs de sucreries, lesquels ont davantage à voir avec un rattrapage de la foire Saint Romain annulée, et l’encombrant Marché de Noël empestant le marron cuit et le vin chaud, lequel complique mes allées et venues au cours desquelles j’entends bien des banalités, du genre : « Les gens, y mangent dehors le midi. Au mois de décembre ! ».
*
Un commerçant du marché au Clos Saint-Marc :
-C’est bizarre, en ce moment ça arrive tard.
« Ça », ce sont ses client(e)s.
*
Une femme à une autre, parlant de ses enfants :
-Ils achètent quelque chose, tu le sais pas. Ils achètent une voiture, tu le sais pas. Moi, je suis contente de le dire quand j’achète quelque chose.
*
-No plat du jour. Finished. (anglais de serveur du Socrate).
*
Une enfant me croisant, porteur d’un sac jaune, à sa mère:
-Il y a un Gibert à Rouen ?
*
Un commerçant du marché au Clos Saint-Marc :
-C’est bizarre, en ce moment ça arrive tard.
« Ça », ce sont ses client(e)s.
*
Une femme à une autre, parlant de ses enfants :
-Ils achètent quelque chose, tu le sais pas. Ils achètent une voiture, tu le sais pas. Moi, je suis contente de le dire quand j’achète quelque chose.
*
-No plat du jour. Finished. (anglais de serveur du Socrate).
*
Une enfant me croisant, porteur d’un sac jaune, à sa mère:
-Il y a un Gibert à Rouen ?
21 décembre 2015
Le temps passe comme dirait madame Michu et alors que j’ai l’impression que c’était hier l’inauguration au mojito de la galerie rouennaise Point Limite qu’animent les photographes Guillaume Laurent et Guillaume Painchault, voilà que ça fait deux ans.
Durant ces deux années à chaque fois que j’ai croisé l’un des deux Guillaume je lui ai promis de passer prochainement et puis, moitié paresse moitié prudence (il aurait suffi que j’écrive n’avoir pas aimé l’artiste exposé pour me faire un nouvel ennemi), je n’y suis pas retourné.
Aussi ce samedi soir, pour l’anniversaire des deux ans, je tente de me rattraper. Prenant le chemin buissonnier des quais du bas de la Seine pour éviter les chalands de Noël, j’arrive un peu avant dix-neuf heures. L’exposition mise en place pour l’occasion a pour nom Murs libres. Elle mérite d’être estampillée « esprit de Noël » car quiconque fait dans l’art a été autorisé à accrocher sa production. Cela fait plus de cent trente œuvres pour soixante-dix-sept artistes.
Il ne me faut guère de temps pour sélectionner parmi ces photos, dessins, peintures, sculptures et même deux ou trois textes (que personne ne lit) les quelques œuvres qui me plaisent un peu ou davantage et constater que les neuf dixièmes sont à mettre dans les catégories « ça plaira à d’autres », « comment peut-on en être encore là », « aucun intérêt » et « je mettrais bien ça à la benne ».
Je retiens le nom de Kate Polin qui expose trois photos légèrement traches de femmes dénudées. Il me semble familier jusqu’à ce que je me rende compte que je confonds avec l’écrivaine Kate Chopin.
Point de mojito hélas pour ces deux ans, je me rabats sur un vin blanc tiré d’une brique en carton. Mon godet à la main, je m’approche des ateliers d’artiste qui occupent le fond du numéro seize de la rue Georges-d’Amboise. Deux sont ouverts, profitant de l’occasion. Ce que j’en vois de l’extérieur ne m’incite pas à y entrer. Le locataire du dernier accourt voulant m’attirer dans sa réserve de tableaux à colombages. Je décline et rebrousse vers le Point Limite.
-Quel est ton sentiment ? me demande l’un des Guillaume
-Un sentiment mitigé. On peut dire qu’il y en a pour tous les goûts.
Parmi les nombreux présents se trouvent les responsables des œuvres exposées et des membres de leur famille mais aussi des connaisseurs dont d’anciens élèves des Beaux-Arts. Aucun de ces compétents ne se permet le moindre sarcasme, ni même n’émet la moindre critique. Les humains du vingt et unième siècle sont bel et bien domestiqués.
*
Ce qui me fait songer à Simone de Beauvoir contrainte d’apprécier les peintures de sa sœur et l’aidant financièrement à organiser les expositions de ses croûtes.
Durant ces deux années à chaque fois que j’ai croisé l’un des deux Guillaume je lui ai promis de passer prochainement et puis, moitié paresse moitié prudence (il aurait suffi que j’écrive n’avoir pas aimé l’artiste exposé pour me faire un nouvel ennemi), je n’y suis pas retourné.
Aussi ce samedi soir, pour l’anniversaire des deux ans, je tente de me rattraper. Prenant le chemin buissonnier des quais du bas de la Seine pour éviter les chalands de Noël, j’arrive un peu avant dix-neuf heures. L’exposition mise en place pour l’occasion a pour nom Murs libres. Elle mérite d’être estampillée « esprit de Noël » car quiconque fait dans l’art a été autorisé à accrocher sa production. Cela fait plus de cent trente œuvres pour soixante-dix-sept artistes.
Il ne me faut guère de temps pour sélectionner parmi ces photos, dessins, peintures, sculptures et même deux ou trois textes (que personne ne lit) les quelques œuvres qui me plaisent un peu ou davantage et constater que les neuf dixièmes sont à mettre dans les catégories « ça plaira à d’autres », « comment peut-on en être encore là », « aucun intérêt » et « je mettrais bien ça à la benne ».
Je retiens le nom de Kate Polin qui expose trois photos légèrement traches de femmes dénudées. Il me semble familier jusqu’à ce que je me rende compte que je confonds avec l’écrivaine Kate Chopin.
Point de mojito hélas pour ces deux ans, je me rabats sur un vin blanc tiré d’une brique en carton. Mon godet à la main, je m’approche des ateliers d’artiste qui occupent le fond du numéro seize de la rue Georges-d’Amboise. Deux sont ouverts, profitant de l’occasion. Ce que j’en vois de l’extérieur ne m’incite pas à y entrer. Le locataire du dernier accourt voulant m’attirer dans sa réserve de tableaux à colombages. Je décline et rebrousse vers le Point Limite.
-Quel est ton sentiment ? me demande l’un des Guillaume
-Un sentiment mitigé. On peut dire qu’il y en a pour tous les goûts.
Parmi les nombreux présents se trouvent les responsables des œuvres exposées et des membres de leur famille mais aussi des connaisseurs dont d’anciens élèves des Beaux-Arts. Aucun de ces compétents ne se permet le moindre sarcasme, ni même n’émet la moindre critique. Les humains du vingt et unième siècle sont bel et bien domestiqués.
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Ce qui me fait songer à Simone de Beauvoir contrainte d’apprécier les peintures de sa sœur et l’aidant financièrement à organiser les expositions de ses croûtes.
19 décembre 2015
J’ai bonne place en corbeille pour le dernier concert de l’année deux mille quinze ce vendredi à l’Opéra de Rouen. J’y étudie tranquillement le livret programme jusqu’à ce qu’arrive une bruyante bourgeoise à téléphone : « Vous êtes où ? Au deuxième péage ? Le dîner est prêt. Il faut juste assaisonner la salade. J’ai peur que Jacques oublie. Vous m’appelez pas, je suis au théâtre. » Elle enchaîne avec son Jacques : « Ils sont au deuxième péage. Ils seront là dans une demi-heure. Ne t’impatiente pas. » Elle range son foutu instrument avant que je ne m’énerve vraiment.
C’est complet ce soir, un public varié, parmi lequel des familles à moutards rehaussés. Tout ce monde est attiré par la promesse d’un concert à deux pianistes et deux percussionnistes.
Ce sont ces derniers qui jouent en premier. Entre en scène le maître des peaux : Philippe Bajard, celui qui murmure à l’oreille des timbales. Il est suivi de son quasi jumeau : Thierry Lecacheux. Cette variété d’instrumentistes se reproduit par clonage, les lunettes étant fournies via l’opération deuxième paire gratuite. Se faisant face à la batterie, les deux garçons au jeu subtil, chacun étant l’image du miroir de l’autre, donnent La Festa per due du contemporain Nicolas Martynciow. Un passage aux claves les autorise à jouer assis en bordure de scène.
Même les technicien(ne)s de plateau ont droit à quelques applaudissements. Il y a des néophytes dans la salle. Une partie de la batterie est remisée. Les pianos roulent jusqu’à être tête-bêche. Le duo rôdé Christian Erslöh/Ursula von Lerber s’y installe et joue l’arrangement pour deux pianos des Symphonic Dances from West Side Story de Leonard Bernstein. J’ai l’impression de voir le film au ralenti.
Enfin, les deux pianistes, dos au public, font face aux deux percussionnistes pour interpréter la Sonate pour deux pianos et percussions de Béla Bartók, œuvre au cours de laquelle les deux types d’instruments dialoguent de façon fine et complexe.
Tout cela vaut beaucoup d’applaudissements aux quatre musicien(ne)s. Manquent ceux de la bourgeoise à téléphone, enfuie dès la dernière note. Sa salade ne pouvait plus attendre.
*
Que de toux encore ce vendredi soir, ne pourrait-on pas rendre utiles les vigiles désormais à l’entrée en les munissant d’un stéthoscope afin que certain(e)s soient invité(e)s à faire demi-tour (tout sac visité à la lampe torche révélant la présence de médicaments pour la gorge interdisant l’entrée).
C’est complet ce soir, un public varié, parmi lequel des familles à moutards rehaussés. Tout ce monde est attiré par la promesse d’un concert à deux pianistes et deux percussionnistes.
Ce sont ces derniers qui jouent en premier. Entre en scène le maître des peaux : Philippe Bajard, celui qui murmure à l’oreille des timbales. Il est suivi de son quasi jumeau : Thierry Lecacheux. Cette variété d’instrumentistes se reproduit par clonage, les lunettes étant fournies via l’opération deuxième paire gratuite. Se faisant face à la batterie, les deux garçons au jeu subtil, chacun étant l’image du miroir de l’autre, donnent La Festa per due du contemporain Nicolas Martynciow. Un passage aux claves les autorise à jouer assis en bordure de scène.
Même les technicien(ne)s de plateau ont droit à quelques applaudissements. Il y a des néophytes dans la salle. Une partie de la batterie est remisée. Les pianos roulent jusqu’à être tête-bêche. Le duo rôdé Christian Erslöh/Ursula von Lerber s’y installe et joue l’arrangement pour deux pianos des Symphonic Dances from West Side Story de Leonard Bernstein. J’ai l’impression de voir le film au ralenti.
Enfin, les deux pianistes, dos au public, font face aux deux percussionnistes pour interpréter la Sonate pour deux pianos et percussions de Béla Bartók, œuvre au cours de laquelle les deux types d’instruments dialoguent de façon fine et complexe.
Tout cela vaut beaucoup d’applaudissements aux quatre musicien(ne)s. Manquent ceux de la bourgeoise à téléphone, enfuie dès la dernière note. Sa salade ne pouvait plus attendre.
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Que de toux encore ce vendredi soir, ne pourrait-on pas rendre utiles les vigiles désormais à l’entrée en les munissant d’un stéthoscope afin que certain(e)s soient invité(e)s à faire demi-tour (tout sac visité à la lampe torche révélant la présence de médicaments pour la gorge interdisant l’entrée).
18 décembre 2015
Que de militaires armés marchant à pas lent autour du Centre Pompidou, ici un groupe de huit, là un trio. Dans quelques temps, ils feront leurs manœuvres et le lever des couleurs (comme ils disent) sur la piazza.
Je passe sans problème le contrôle des sacs avec mon pavé de Soixante-Huit et l’ayant laissé au vestiaire je monte au sixième afin de voir l’exposition rétrospective Anselm Kiefer avant qu’elle ne soit encombrée par les vacanciers de Noël (si toutefois ils osent venir à Paris). Je ne connais pas grand-chose d’Anselm Kiefer que j’ai entendu récemment sur France Culture parler de son œuvre depuis son atelier de Croissy-Beaubourg (Seine et Marne).
« Moi, je l’aime bien parce qu’on ne peut le mettre dans aucune case. » dit une visiteuse mais, quant à moi, hormis les autoportraits au salut nazi, rien de ce qui est montré ici, peint en grande taille ou assemblé à partir de cendre, végétaux, glaise et plomb, ne me retient et comme en plus il fait trop chaud, je ne tarde pas à me diriger vers la sortie.
J’attrape un bus qui me mène jusqu’au Louvre d’où je rejoins à pied le jardin du Palais Royal. Sous un ciel gris, j’y poursuis la lecture des Aphorismes de Lichtenberg.
Chez Book-Off, j’achète Lettres à un majordome de Casanova, petit livre bleu publié par L’Ecole des Lettres où le bibliothécaire de Dux règle ses comptes à coup de missives énervées avec le maître d’hôtel Faulkircher qu’il a fait renvoyer par le comte de Waldstein, puis je m’arme de courage pour affronter la foule à papier cadeau entre l’Opéra et la gare Saint-Lazare. Il arrive toujours un moment où la période de Noël est autant insupportable dans la capitale qu’en province.
*
« Il s'agit d'une bouteille de champagne que je vous offre avec plaisir pour différentes raisons qui sont toutes excellentes. » m’écrit par mail ce vendredi matin un énigmatique correspondant de mon voisinage. C’est déjà Noël !
Le mystère de la bouteille oubliée sur les boîtes à lettres de la copropriété est éclairci mais reste entier.
Je passe sans problème le contrôle des sacs avec mon pavé de Soixante-Huit et l’ayant laissé au vestiaire je monte au sixième afin de voir l’exposition rétrospective Anselm Kiefer avant qu’elle ne soit encombrée par les vacanciers de Noël (si toutefois ils osent venir à Paris). Je ne connais pas grand-chose d’Anselm Kiefer que j’ai entendu récemment sur France Culture parler de son œuvre depuis son atelier de Croissy-Beaubourg (Seine et Marne).
« Moi, je l’aime bien parce qu’on ne peut le mettre dans aucune case. » dit une visiteuse mais, quant à moi, hormis les autoportraits au salut nazi, rien de ce qui est montré ici, peint en grande taille ou assemblé à partir de cendre, végétaux, glaise et plomb, ne me retient et comme en plus il fait trop chaud, je ne tarde pas à me diriger vers la sortie.
J’attrape un bus qui me mène jusqu’au Louvre d’où je rejoins à pied le jardin du Palais Royal. Sous un ciel gris, j’y poursuis la lecture des Aphorismes de Lichtenberg.
Chez Book-Off, j’achète Lettres à un majordome de Casanova, petit livre bleu publié par L’Ecole des Lettres où le bibliothécaire de Dux règle ses comptes à coup de missives énervées avec le maître d’hôtel Faulkircher qu’il a fait renvoyer par le comte de Waldstein, puis je m’arme de courage pour affronter la foule à papier cadeau entre l’Opéra et la gare Saint-Lazare. Il arrive toujours un moment où la période de Noël est autant insupportable dans la capitale qu’en province.
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« Il s'agit d'une bouteille de champagne que je vous offre avec plaisir pour différentes raisons qui sont toutes excellentes. » m’écrit par mail ce vendredi matin un énigmatique correspondant de mon voisinage. C’est déjà Noël !
Le mystère de la bouteille oubliée sur les boîtes à lettres de la copropriété est éclairci mais reste entier.
17 décembre 2015
La Senecefe me refusant un billet à dix euros à une heure honnête en cette période d’avant fêtes, c’est par le train de six heures quarante-sept que je rejoins ce mercredi la gare Saint-Lazare où à l’arrivée la voix du haut-parleur s’alarme d’un sac vert oublié voie douze.
Un bus Vingt encore nocturne m’emmène vers la Bastille. Des collégiennes y babillent, dont l’une employant à ma surprise l’expression « sans blague ». Mon voisin lit Kafka dans la Pléiade sans se laisser déconcentrer.
J’ai une heure d’attente avant l’ouverture de Book-Off. Bien qu’il fasse assez chaud pour se balader, je préfère la passer à lire les Aphorismes de Georg Christoph Lichtenberg dans l’édition des Presses d’Aujourd’hui (défuntes).
Je quitte Book Off avec un seul livre, pesant et cubique, le pavé publié pour les quarante ans de Mai Soixante-Huit chez Fetjaine, et me rapproche pédestrement du Centre Pompidou, la veste ouverte en raison de la température.
Je déjeune chez New New, impasse Beaubourg, près de deux femmes dont l’une porte une croix ostentatoire.
-Que faites-vous pour Noël ? lui demande l’autre.
-On invite deux autres communautés. Nous serons sept en tout.
-C’est pas beaucoup.
-Il n’y a que dans les monastères qu’il y a encore un peu de monde, mais chez nous, les laïcs, y a plus personne. Et vous, que faites-vous ?
Elle va chez sa sœur. Est-elle croyante ? demande celle qui en est déjà au dessert (elle préfère le sucré).
« Chez ma sœur », la réponse de celles et ceux qui vont passer Noël seul(e)s.
*
En vitrine des magasins Naturalia une affiche publicitaire pour le chocolat : « Grossissez bio ».
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A la fin du pavé commémoratif, ce conseil à celles et ceux de moins de vingt et un ans, alors mineur(e)s : ton bulletin de vote, c’est le pavé. Ce qui nous change de l’utilisation contemporaine des mineur(e)s par la ligue de vertu républicaine pour la stigmatisation des abstentionnistes.
Cela écrit, je ne pense pas que l’usage du pavé soit efficace pour améliorer le monde. En cela, il ne diffère pas du bulletin de vote.
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Sans blague, j’ai trouvé en début de semaine, sur le haut des boîtes à lettres de la copropriété, une bouteille d’abord crue vide mais au contraire pas débouchée. L’ai mise à l’abri chez moi avec un mot sur la porte en direction de celui ou celle qui l’a oubliée et saura me dire s’il s’agit d’une huile de tournesol ou d’un grand cru de bourgogne.
Un bus Vingt encore nocturne m’emmène vers la Bastille. Des collégiennes y babillent, dont l’une employant à ma surprise l’expression « sans blague ». Mon voisin lit Kafka dans la Pléiade sans se laisser déconcentrer.
J’ai une heure d’attente avant l’ouverture de Book-Off. Bien qu’il fasse assez chaud pour se balader, je préfère la passer à lire les Aphorismes de Georg Christoph Lichtenberg dans l’édition des Presses d’Aujourd’hui (défuntes).
Je quitte Book Off avec un seul livre, pesant et cubique, le pavé publié pour les quarante ans de Mai Soixante-Huit chez Fetjaine, et me rapproche pédestrement du Centre Pompidou, la veste ouverte en raison de la température.
Je déjeune chez New New, impasse Beaubourg, près de deux femmes dont l’une porte une croix ostentatoire.
-Que faites-vous pour Noël ? lui demande l’autre.
-On invite deux autres communautés. Nous serons sept en tout.
-C’est pas beaucoup.
-Il n’y a que dans les monastères qu’il y a encore un peu de monde, mais chez nous, les laïcs, y a plus personne. Et vous, que faites-vous ?
Elle va chez sa sœur. Est-elle croyante ? demande celle qui en est déjà au dessert (elle préfère le sucré).
« Chez ma sœur », la réponse de celles et ceux qui vont passer Noël seul(e)s.
*
En vitrine des magasins Naturalia une affiche publicitaire pour le chocolat : « Grossissez bio ».
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A la fin du pavé commémoratif, ce conseil à celles et ceux de moins de vingt et un ans, alors mineur(e)s : ton bulletin de vote, c’est le pavé. Ce qui nous change de l’utilisation contemporaine des mineur(e)s par la ligue de vertu républicaine pour la stigmatisation des abstentionnistes.
Cela écrit, je ne pense pas que l’usage du pavé soit efficace pour améliorer le monde. En cela, il ne diffère pas du bulletin de vote.
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Sans blague, j’ai trouvé en début de semaine, sur le haut des boîtes à lettres de la copropriété, une bouteille d’abord crue vide mais au contraire pas débouchée. L’ai mise à l’abri chez moi avec un mot sur la porte en direction de celui ou celle qui l’a oubliée et saura me dire s’il s’agit d’une huile de tournesol ou d’un grand cru de bourgogne.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante