Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 janvier 2016
Ce mercredi, dans le train de huit heures douze pour Paris, c’est avant même d’être à Gaillon-Aubevoye que passe une jolie et souriante contrôleuse blonde à qui je suis prêt à tout montrer. Après Mantes, une équipe de contrôleurs spécifiquement masculine entre en action de façon moins sympathique. Une étudiante en fait les frais (quatre-vingts euros) pour n’avoir pas le justificatif de sa carte Imagine R. A la correspondance des métros Trois et Huit, c’est une brigade de contrôleurs et contrôleuses qui accueille le voyageur, avec en appui deux militaires en armes.
Après un café au Faubourg, j’entre au Book-Off de la Bastille où les livres à étiquettes bleues sont à un euro au lieu de cinq. Ce sont de vraies fausses soldes. En temps ordinaire, ces livres auraient été simplement réétiquetés. Je n’y trouve pas merveille hormis le Proust et Céleste de Christian Péchenard (La Table Ronde). Les employé(e)s discutent de la mort de David Bowie, de comment en ont été affectés certains. L’un d’eux raconte l’histoire d’une ancienne employée qui, après avoir appris la mort de Michael Jackson, avait passé l’après-midi allongée en salle de pause, puis avait pris un congé de maladie d’une semaine.
Devant rentrer plus tôt ce mercredi, je reprends la métro Huit jusqu’à Opéra et vais déjeuner à la Clef des Champs, rue des Petits-Champs, où se pressent les employés et ouvriers du coin. La cuisine y est malheureusement celle d’une cantine, quiche à l’emmental sans goût, crépinette aux pommes grenailles baignant dans sa sauce poissonnière. J’ai la mauvaise idée de demander un dessert. Ma tarte aux mirabelles provient d’une pâtisserie du quartier. Elle m’est facturée à prix fort sous la rubrique « supplément dessert » pour ne pas avoir été commandée avant le début du repas. Avec un quart de côtes-du-rhône et un verre supplémentaire du même breuvage, je règle vingt-trois euros cinquante, me jurant de ne revenir dans cette brasserie que pour y boire un café.
Pas de soldes, vraies ou fausses, dans l’autre Book-Off que je quitte assez vite pour passer Chez Léon puis je prends le train de seize heures cinquante. Un septuagénaire y explique à sa femme que les secondes, c’est pour la classe ouvrière et les premières, pour les grands meussieux, nulle ironie dans son propos. Il ne parle pas de locomotive mais de machine. Cette machine me dépose à Rouen à l’heure indiquée après que, dans le tunnel d’entrée de la gare, j’ai montré mon billet à une jolie et aimable contrôleuse brune.
Je marche d’un bon pas, un sac noir dans chaque main, jusqu’à ce que je sois bloqué à l’entrée de ma ruelle par une voiture qui s’y engage en marche arrière.
-Qu’est ce que c’est que ça ? pesté-je à voix haute.
-C’est nous, on en a pour cinq minutes, me répond celle à ma gauche, une voisine pas vue depuis un moment.
Son mari est coutumier du fait. C’est le seul habitant de la copropriété ayant voiture à procéder ainsi et, si c’était possible, il roulerait dans le jardin jusqu’à sa cage d’escalier. C’est aussi lui qui a contribué à dézinguer la porte cochère en l’ouvrant d’un coup de poing et en apprenant aux ouvriers travaillant chez lui à faire de même. Et lorsqu’il fume à la fenêtre de son troisième étage, il jette sa cendre sur le banc collectif.
Dès que l’élargissement relatif de la venelle le permet, je contourne cette voiture inopportune, obligeant son conducteur à attendre que je sois rentré chez moi pour terminer sa manœuvre.
*
Humour publicitaire français dans le métro parisien : « Pour les soldes, le slip met le paquet ». Un dessin le montre bien rempli. Un slip français, est-il précisé. Comme l’était autrefois le béret de Jacques Prévert.
Après un café au Faubourg, j’entre au Book-Off de la Bastille où les livres à étiquettes bleues sont à un euro au lieu de cinq. Ce sont de vraies fausses soldes. En temps ordinaire, ces livres auraient été simplement réétiquetés. Je n’y trouve pas merveille hormis le Proust et Céleste de Christian Péchenard (La Table Ronde). Les employé(e)s discutent de la mort de David Bowie, de comment en ont été affectés certains. L’un d’eux raconte l’histoire d’une ancienne employée qui, après avoir appris la mort de Michael Jackson, avait passé l’après-midi allongée en salle de pause, puis avait pris un congé de maladie d’une semaine.
Devant rentrer plus tôt ce mercredi, je reprends la métro Huit jusqu’à Opéra et vais déjeuner à la Clef des Champs, rue des Petits-Champs, où se pressent les employés et ouvriers du coin. La cuisine y est malheureusement celle d’une cantine, quiche à l’emmental sans goût, crépinette aux pommes grenailles baignant dans sa sauce poissonnière. J’ai la mauvaise idée de demander un dessert. Ma tarte aux mirabelles provient d’une pâtisserie du quartier. Elle m’est facturée à prix fort sous la rubrique « supplément dessert » pour ne pas avoir été commandée avant le début du repas. Avec un quart de côtes-du-rhône et un verre supplémentaire du même breuvage, je règle vingt-trois euros cinquante, me jurant de ne revenir dans cette brasserie que pour y boire un café.
Pas de soldes, vraies ou fausses, dans l’autre Book-Off que je quitte assez vite pour passer Chez Léon puis je prends le train de seize heures cinquante. Un septuagénaire y explique à sa femme que les secondes, c’est pour la classe ouvrière et les premières, pour les grands meussieux, nulle ironie dans son propos. Il ne parle pas de locomotive mais de machine. Cette machine me dépose à Rouen à l’heure indiquée après que, dans le tunnel d’entrée de la gare, j’ai montré mon billet à une jolie et aimable contrôleuse brune.
Je marche d’un bon pas, un sac noir dans chaque main, jusqu’à ce que je sois bloqué à l’entrée de ma ruelle par une voiture qui s’y engage en marche arrière.
-Qu’est ce que c’est que ça ? pesté-je à voix haute.
-C’est nous, on en a pour cinq minutes, me répond celle à ma gauche, une voisine pas vue depuis un moment.
Son mari est coutumier du fait. C’est le seul habitant de la copropriété ayant voiture à procéder ainsi et, si c’était possible, il roulerait dans le jardin jusqu’à sa cage d’escalier. C’est aussi lui qui a contribué à dézinguer la porte cochère en l’ouvrant d’un coup de poing et en apprenant aux ouvriers travaillant chez lui à faire de même. Et lorsqu’il fume à la fenêtre de son troisième étage, il jette sa cendre sur le banc collectif.
Dès que l’élargissement relatif de la venelle le permet, je contourne cette voiture inopportune, obligeant son conducteur à attendre que je sois rentré chez moi pour terminer sa manœuvre.
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Humour publicitaire français dans le métro parisien : « Pour les soldes, le slip met le paquet ». Un dessin le montre bien rempli. Un slip français, est-il précisé. Comme l’était autrefois le béret de Jacques Prévert.
13 janvier 2016
Immédiatement de Dominique de Roux (La Petite Vermillon) contient aussi quelques anecdotes à mon goût tirées de la vie des connaissances de l’auteur ou de ses lectures :
Violette à quatre-vingt-cinq ans drague au crépuscule les gosses d’une quinzaine d’années pour qu’ils viennent la baiser dans son palais de Galilée (Florence). On l’a surnommée la « terreur du quartier Bello Guandos ».
« Un moment de honte est vite passé », disait le vieux marquis de Mun. Le même à quatre-vingt-quatorze ans réclamait une fille à son ami le duc de Fels –quatre-vingt-douze ans. Trois jours après, n’ayant rien trouvé, il téléphone à Mun pour le faire patienter et il s’entend répondre : « Dépêchez-vous, mon cher, ça urge. »
Suzanne Gontard, qui prenait de haut le précepteur de ses enfants, lequel s’appelait Friedrich Hölderlin. « Je n’aime pas qu’on pleure sur mes pas dans le jardin », lui dit-elle un jour. Hölderlin repartit à pied de Bordeaux à Tübingen.
Le marquis d’Ascot présentait toujours sa femme ainsi : la marquise d’Ascot, ancienne maîtresse de Byron.
Dans la correspondance du président de Brosses à Voltaire, cette question : « Mais que devient cet abbé Desfontaines qui défonçait si bien le cul au petit prince de Guéméné ? »
*
On y trouve aussi ce moment rouennais :
Assisté à cette petite scène à la cathédrale de Rouen. En chaire, le prêtre nous annonce qu’il dit une « messe syndicale » pour les ouvriers du port. Il ajoute que le Christ avait été charpentier, un homme comme eux… Alors un homme se lève et crie : « Je suis un homme seul dans la maison de Dieu. » On lui crie du haut de la chaire : « Que voulez-vous ? » Et de répondre : « Vous avez dit que la deuxième personne de la Trinité avait été charpentier, qu’elle avait construit des charpentes. Pouvez-vous me dire où puis-je les voir ? Si les pharaons ont laissé des pyramides, j’imagine que les charpentiers de la deuxième personne de la Trinité ont laissé des charpentes fabuleuses. Voulez-vous m’indiquer où puis-je les voir ?
*
Dominique de Roux admirait Burroughs, Pound, Gombrowicz et de Gaulle (entre autres). Il est mort d’une crise cardiaque le vingt-neuf mars mil neuf cent soixante-dix-sept à l’âge de quarante et un ans.
Violette à quatre-vingt-cinq ans drague au crépuscule les gosses d’une quinzaine d’années pour qu’ils viennent la baiser dans son palais de Galilée (Florence). On l’a surnommée la « terreur du quartier Bello Guandos ».
« Un moment de honte est vite passé », disait le vieux marquis de Mun. Le même à quatre-vingt-quatorze ans réclamait une fille à son ami le duc de Fels –quatre-vingt-douze ans. Trois jours après, n’ayant rien trouvé, il téléphone à Mun pour le faire patienter et il s’entend répondre : « Dépêchez-vous, mon cher, ça urge. »
Suzanne Gontard, qui prenait de haut le précepteur de ses enfants, lequel s’appelait Friedrich Hölderlin. « Je n’aime pas qu’on pleure sur mes pas dans le jardin », lui dit-elle un jour. Hölderlin repartit à pied de Bordeaux à Tübingen.
Le marquis d’Ascot présentait toujours sa femme ainsi : la marquise d’Ascot, ancienne maîtresse de Byron.
Dans la correspondance du président de Brosses à Voltaire, cette question : « Mais que devient cet abbé Desfontaines qui défonçait si bien le cul au petit prince de Guéméné ? »
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On y trouve aussi ce moment rouennais :
Assisté à cette petite scène à la cathédrale de Rouen. En chaire, le prêtre nous annonce qu’il dit une « messe syndicale » pour les ouvriers du port. Il ajoute que le Christ avait été charpentier, un homme comme eux… Alors un homme se lève et crie : « Je suis un homme seul dans la maison de Dieu. » On lui crie du haut de la chaire : « Que voulez-vous ? » Et de répondre : « Vous avez dit que la deuxième personne de la Trinité avait été charpentier, qu’elle avait construit des charpentes. Pouvez-vous me dire où puis-je les voir ? Si les pharaons ont laissé des pyramides, j’imagine que les charpentiers de la deuxième personne de la Trinité ont laissé des charpentes fabuleuses. Voulez-vous m’indiquer où puis-je les voir ?
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Dominique de Roux admirait Burroughs, Pound, Gombrowicz et de Gaulle (entre autres). Il est mort d’une crise cardiaque le vingt-neuf mars mil neuf cent soixante-dix-sept à l’âge de quarante et un ans.
12 janvier 2016
L’exposition Claire Bretécher occupe une place réduite dans la Bibliothèque Publique d’Information du Centre Pompidou. C’est avec plaisir que je retrouve cette « figure majeure de la bande dessinée » que j’ai surtout lue à l’époque de L’Echo des Savanes qu’elle créa avec Gotlib et Mandryka en mil neuf soixante-douze, bien que je la connaisse d’avant, grâce à Pilote où elle était la seule femme de la rédaction et même par Record, le mensuel catholique que mon père rapportait de l’église dans les années soixante. Il y eut bien sûr, plus tard, l’époque Nouvel Observateur avec Les Frustrés, Agrippine, Thérèse d’Avila et Docteur Ventouse. Aujourd’hui celle qui fut si jolie semble surtout se livrer à une peinture néo classique dont quelques tableaux sont ici présentés. L’un montre un homme d’allure bourgeoise lisant J’élève mon cochon de Kierkegaard. Des vidéos d’intervious de l’auteure sont diffusées. Dans l’une, elle parle du peu de femmes dans la bédé et explique que ce serait regrettable si elles étaient aussi nombreuses que les hommes à venir présenter leurs dessins mais que c’est loin d’être le cas. Il y eut néanmoins une revue nommée Ah ! Nana créée en mil neuf cent soixante-seize où les femmes étaient très majoritaires avec entres autres Chantal Montellier, Nicole Claveloux et Florence Cestac, mais pas Claire Bretécher. La couverture du numéro neuf est affichée, un Spécial Inceste illustré de trois filles en nuisette et sous-titré « Bonne Fête Papa », ce numéro fut censuré et entraîna la fin de l’aventure.
Nous ne sommes que quelques visiteurs, des jeunes qui la découvrent et des vieux qui la redécouvrent. Parmi ces derniers, un couple prend beaucoup de plaisir à la lecture des planches des Frustrés.
-Non mais, tu l’as vue celle-là ? « Puis-je savoir en quel honneur tu me fais la gueule ? » Non mais regarde ce couple, c’est tout à fait nous, non ?
Ils s’esclaffent. La gardienne leur demande de faire moins de bruit.
-Si on peut plus rire ici, on le pourra-t-on ? s’insurge l’homme.
-Et ils viennent de faire une annonce pour un colloque sur le rire, ajoute la femme.
Refusant de s’en laisser conter, ils poursuivent leur visite rieuse
« Si les idées vont vite, les comportements changent lentement. », c’est après avoir lu sur le mur cette maxime signée Claire Michu Bretécher que je quitte les lieux et rejoins le Book-Off de la rue du Quatre-Septembre où je trouve quelques livres pour me plaire.
*
En chemin vers Saint-Lazare je passe par l’Opéra Garnier. Devant le bâtiment, quelques dizaines de manifestants pro palestiniens sont contenus sur un îlot. Ils crient « Israël assassin, Opéra complice ». Ces censeurs veulent faire déprogrammer le ballet Three qu’a créé le chorégraphe israélien Ohad Naharin pour la Bastsheva Dance Company.
Jamais je n’ai participé à une manifestation pro palestinienne persuadé que le jour où ils auront un Etat, ce sera une dictature de plus.
*
Parmi les livres rapportés de Paris : Mon sang retombera sur vous (lettres retrouvées d’un otage sacrifié) d’Aldo Moro (Tallandier), Traversée avec Don Quichotte de Thomas Mann (Complexe) et Au bal avec Marcel Proust de la Princesse Bibesco (L’Imaginaire).
Il y en avait un autre. Il a dû glisser de mon sac quand je l’ai repris sur le porte-bagages du train et faire le bonheur de quelqu’un(e) ou son effroi : La Fabuleuse Histoire de la Fellation de Thierry Leguay (La Musardine). Zut !
Nous ne sommes que quelques visiteurs, des jeunes qui la découvrent et des vieux qui la redécouvrent. Parmi ces derniers, un couple prend beaucoup de plaisir à la lecture des planches des Frustrés.
-Non mais, tu l’as vue celle-là ? « Puis-je savoir en quel honneur tu me fais la gueule ? » Non mais regarde ce couple, c’est tout à fait nous, non ?
Ils s’esclaffent. La gardienne leur demande de faire moins de bruit.
-Si on peut plus rire ici, on le pourra-t-on ? s’insurge l’homme.
-Et ils viennent de faire une annonce pour un colloque sur le rire, ajoute la femme.
Refusant de s’en laisser conter, ils poursuivent leur visite rieuse
« Si les idées vont vite, les comportements changent lentement. », c’est après avoir lu sur le mur cette maxime signée Claire Michu Bretécher que je quitte les lieux et rejoins le Book-Off de la rue du Quatre-Septembre où je trouve quelques livres pour me plaire.
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En chemin vers Saint-Lazare je passe par l’Opéra Garnier. Devant le bâtiment, quelques dizaines de manifestants pro palestiniens sont contenus sur un îlot. Ils crient « Israël assassin, Opéra complice ». Ces censeurs veulent faire déprogrammer le ballet Three qu’a créé le chorégraphe israélien Ohad Naharin pour la Bastsheva Dance Company.
Jamais je n’ai participé à une manifestation pro palestinienne persuadé que le jour où ils auront un Etat, ce sera une dictature de plus.
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Parmi les livres rapportés de Paris : Mon sang retombera sur vous (lettres retrouvées d’un otage sacrifié) d’Aldo Moro (Tallandier), Traversée avec Don Quichotte de Thomas Mann (Complexe) et Au bal avec Marcel Proust de la Princesse Bibesco (L’Imaginaire).
Il y en avait un autre. Il a dû glisser de mon sac quand je l’ai repris sur le porte-bagages du train et faire le bonheur de quelqu’un(e) ou son effroi : La Fabuleuse Histoire de la Fellation de Thierry Leguay (La Musardine). Zut !
11 janvier 2016
Plutôt que mettre à la poubelle mes billets de train du six janvier achetés une deuxième fois, je m’offre un nouvel aller pour Paris, mon retour étant assuré par l’un des doubles valable une semaine et me voici ce samedi matin rejoignant la gare de Rouen sous une pluie conséquente.
Dans le train de huit heures douze une quinquagénaire se maquille longuement à ma gauche tandis qu’à ma droite une jeune femme dans les vingt-cinq ans lit Harry Potter. On pourrait croire que je lis aussi une niaiserie au vu du titre Est-ce que tu m’aimes encore ? alors qu’il s’agit de la correspondance entre Rainer Maria Rilke et Marina Tsvétaïeva que les Editions Rivages ont cru bon de nommer ainsi
Il ne pleut pas dans la capitale et même il se met à faire plutôt beau quand je sors de chez Book-Off, rue du Faubourg Saint-Antoine. Je choisis de me rapprocher pédestrement du Centre Pompidou. A midi, une envie de couscous me fait entrer au Sebastos où il est affiché sur le trottoir, mais pas servi le samedi, apprends-je à l’intérieur. On m’indique le Djurdjura, première à droite. Là, on n’en propose pas moins de sept sur la carte mais celui dénommé méchoui que je choisis n’est pas disponible, seuls le sont les basiques avec merguez ou poulet ou mouton. Ce n’est pas très honnête, dis-je au patron en quittant la table.
Je me rabats sur une saucisse de l’Aveyron, affichée et réellement servie au Cavalier Bleu, l’un des vastes restaurants faisant face au Centre Pompidou. Je mange en terrasse chauffée et fermée près d’une table où l’on petit-déjeune et d’une autre où l’on fume en buvant un café. Des cendriers sont sur toutes les tables. Il n’y a qu’à Paris que l’on sait s’arranger avec la loi. De temps en temps passent en marchant lentement les militaires qui font désormais partie du paysage. Comme dessert, je choisis le tiramisu. Avec un quart de côtes-du-rhône, cela fait vingt et un euros dix centimes, ce qui est fort raisonnable pour le quartier et le samedi.
Après avoir salué les aimables serveurs, je traverse la piazza sans craindre une longue attente à la fouille des sacs. La très longue file qui inquiète les touristes est celle des étudiant(e)s qui désormais passent aussi par l’entrée principale du Centre Pompidou pour aller à la Bépéhi. C’est aussi dans cette bibliothèque que j’entre un peu plus tard. Il s’y tient une exposition Claire Bretécher.
*
La correspondance entre Rainer Maria Rilke et l’exaltée Marina Tsvétaïeva est courte pour cause de mort du premier à cinquante et un ans, le trente décembre mil neuf cent vingt-six. Marina, trente-trois ans, lui a écrit à l’invitation de Boris Pasternak avec lequel elle échangeait sans l’avoir rencontré le même genre de missives et qu’elle laissera tomber pour ce Rainer qu’elle n’aura pas davantage vu.
Maria à Rainer, le six juillet mil neuf cent vingt-six : Je ne suis pas un poète russe et je m’étonne toujours qu’on me tienne pour telle et considère pour telle. Et donc on devient poète (si tant est qu’on puisse le devenir, qu’on ne le soit pas avant tout !) pour être non pas français, russe, etc., mais pour être tout. La nationalité –séparation et fermeture.
Rainer à Maria, le vingt huit juillet mil neuf cent vingt-six : Tu as raison, Marina, (n’est-ce pas rare chez une femme ?)… (Oh, Rilke !)
Maria à Rainer, le deux août mil neuf cent vingt-six : Je t’aime et je veux coucher avec toi, cette concision n’est pas permise à l’amitié. mais elle précise : Si tu me prenais contre toi, tu prendrais contre toi –les plus déserts lieux.
Maria à Rainer, le vingt-deux août mil neuf cent vingt-six, à propos de Boris Pasternak : Trop bon, trop compatissant, trop patient. Il fallait que le coup vienne de moi.
Dans le train de huit heures douze une quinquagénaire se maquille longuement à ma gauche tandis qu’à ma droite une jeune femme dans les vingt-cinq ans lit Harry Potter. On pourrait croire que je lis aussi une niaiserie au vu du titre Est-ce que tu m’aimes encore ? alors qu’il s’agit de la correspondance entre Rainer Maria Rilke et Marina Tsvétaïeva que les Editions Rivages ont cru bon de nommer ainsi
Il ne pleut pas dans la capitale et même il se met à faire plutôt beau quand je sors de chez Book-Off, rue du Faubourg Saint-Antoine. Je choisis de me rapprocher pédestrement du Centre Pompidou. A midi, une envie de couscous me fait entrer au Sebastos où il est affiché sur le trottoir, mais pas servi le samedi, apprends-je à l’intérieur. On m’indique le Djurdjura, première à droite. Là, on n’en propose pas moins de sept sur la carte mais celui dénommé méchoui que je choisis n’est pas disponible, seuls le sont les basiques avec merguez ou poulet ou mouton. Ce n’est pas très honnête, dis-je au patron en quittant la table.
Je me rabats sur une saucisse de l’Aveyron, affichée et réellement servie au Cavalier Bleu, l’un des vastes restaurants faisant face au Centre Pompidou. Je mange en terrasse chauffée et fermée près d’une table où l’on petit-déjeune et d’une autre où l’on fume en buvant un café. Des cendriers sont sur toutes les tables. Il n’y a qu’à Paris que l’on sait s’arranger avec la loi. De temps en temps passent en marchant lentement les militaires qui font désormais partie du paysage. Comme dessert, je choisis le tiramisu. Avec un quart de côtes-du-rhône, cela fait vingt et un euros dix centimes, ce qui est fort raisonnable pour le quartier et le samedi.
Après avoir salué les aimables serveurs, je traverse la piazza sans craindre une longue attente à la fouille des sacs. La très longue file qui inquiète les touristes est celle des étudiant(e)s qui désormais passent aussi par l’entrée principale du Centre Pompidou pour aller à la Bépéhi. C’est aussi dans cette bibliothèque que j’entre un peu plus tard. Il s’y tient une exposition Claire Bretécher.
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La correspondance entre Rainer Maria Rilke et l’exaltée Marina Tsvétaïeva est courte pour cause de mort du premier à cinquante et un ans, le trente décembre mil neuf cent vingt-six. Marina, trente-trois ans, lui a écrit à l’invitation de Boris Pasternak avec lequel elle échangeait sans l’avoir rencontré le même genre de missives et qu’elle laissera tomber pour ce Rainer qu’elle n’aura pas davantage vu.
Maria à Rainer, le six juillet mil neuf cent vingt-six : Je ne suis pas un poète russe et je m’étonne toujours qu’on me tienne pour telle et considère pour telle. Et donc on devient poète (si tant est qu’on puisse le devenir, qu’on ne le soit pas avant tout !) pour être non pas français, russe, etc., mais pour être tout. La nationalité –séparation et fermeture.
Rainer à Maria, le vingt huit juillet mil neuf cent vingt-six : Tu as raison, Marina, (n’est-ce pas rare chez une femme ?)… (Oh, Rilke !)
Maria à Rainer, le deux août mil neuf cent vingt-six : Je t’aime et je veux coucher avec toi, cette concision n’est pas permise à l’amitié. mais elle précise : Si tu me prenais contre toi, tu prendrais contre toi –les plus déserts lieux.
Maria à Rainer, le vingt-deux août mil neuf cent vingt-six, à propos de Boris Pasternak : Trop bon, trop compatissant, trop patient. Il fallait que le coup vienne de moi.
9 janvier 2016
Dominique de Roux est inconnu de beaucoup, très apprécié par certains. Quant à moi, je sais qui il est (créateur des Cahiers de L’Herne, cofondateur des Editions Christian Bourgois, adversaire constant de Philippe Sollers et de la revue Tel Quel). J’apprécie sa personnalité controversée, d’où l’envie que j’ai eue de lire Immédiatement, le recueil de ses carnets publié en poche dans La Petite Vermillon par La Table Ronde. J’y ai trouvé mon compte, bien que certaines de ses notes m’aient paru banales ou obsolètes, et ai sélectionné au fil des pages mes pépites :
On ne sait pas si on meurt ou si on commence à écrire.
Notre monde s’est effondré si loin derrière nous qu’on ne s’en souvient même plus.
A partir de son élection légale au Reichstag ce n’était plus le portrait d’Hitler qui était à faire mais celui du peuple allemand.
Le mariage n’est qu’une soudaine flambée de vieillesse.
Dire que la plupart des gens rentrent le soir, se collent devant leur poste de télévision en sirotant une bouteille de bière tandis que leur cerveau flope dans leur tête comme du mou de veau.
Madame Bovary c’est encore moi.
J’aime aussi ses vacheries bien senties sur ses contemporains :
La chose horrible dans le livre si pédant de Georges Perec entièrement écrit sans E, c’est qu’il y a deux E dans son nom.
Aragon, petite main qui finit rétameur d’argenterie bourgeoise.
Tout art est une idée fixe. Celle de Robbe-Grillet c’est d’être Robbe-Grillet, en quoi il a réussi : ex-jardinier, ex-membre du politburo de Quiberon, romancier pornographique, cinéaste pontifiant, actuellement pompiste sur la nationale 5.
Malraux, un aphasique. Tous les trois mots, quand il parle, il met une virgule. C’est lui le coup de dés qui abolit le hasard.
Maurice Genevoix : écrivain pour mulot.
Quand Kerouac en avait assez de ses admirateurs il leur tapait dessus ; Burroughs, lui, tirait au fusil ; maintenant à Londres si un beatnik sonne il met la chaîne sur la porte entrebâillée et lui dit : « Rien à vous dire, écrivez-moi une carte postale. »
Suicide de Paul Celan. C’est bien une idée de poète que de s’être jeté dans la Seine, un égout, en pensant que c’était une rivière.
Aperçu Sartre au bureau de tabac. Il vient de publier son Flaubert. (…) Je l’observe. Il regarde les vieux opiums, Série noire, tabac, et repart n’ayant rien acheté mais parlant tout seul.
Chez Jouve. (…) Aujourd’hui il me montre ce grand tableau érotiquement froid, froidement érotique, de Balthus qui fait face à son lit : Alice, une jeune fille d’une douzaine d’années, le cul nu à peine recouvert par une mauvaise liquette et un pubis comme la soie de certains billets de banque.
Gaston Chaissac : récupération parisienne d’un arriéré mental. (celle-ci est particulièrement injuste)
Il y a aussi une note sur Roland Barthes qui se fait traiter de bergère par Jean Genet. Barthes l’avait si peu appréciée que la page concernée fut découpée au cutteur dans la première édition de mil neuf cent soixante-douze parue chez Bourgois et Dominique de Roux obligé de quitter Les Presses de la Cité et plus jamais édité par Bourgois.
A force d’être traité de fasciste, j’ai envie de me présenter ainsi : moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg.
*
Ceci aussi de lui :
Amsterdam en juin
Un limonaire joue des marches au coin de Zoutsteg et de la Neuwendjke où passent des filles dorées, meulées, fessues dans le soleil couchant.
*
Enfin à propos des premiers numéros de sa revue L’Herne :
Un seul abonné, Pierre Seghers, et un seul dépôt, chez un marchand de parapluies à Cannes, oncle je crois de Ricardou.
On ne sait pas si on meurt ou si on commence à écrire.
Notre monde s’est effondré si loin derrière nous qu’on ne s’en souvient même plus.
A partir de son élection légale au Reichstag ce n’était plus le portrait d’Hitler qui était à faire mais celui du peuple allemand.
Le mariage n’est qu’une soudaine flambée de vieillesse.
Dire que la plupart des gens rentrent le soir, se collent devant leur poste de télévision en sirotant une bouteille de bière tandis que leur cerveau flope dans leur tête comme du mou de veau.
Madame Bovary c’est encore moi.
J’aime aussi ses vacheries bien senties sur ses contemporains :
La chose horrible dans le livre si pédant de Georges Perec entièrement écrit sans E, c’est qu’il y a deux E dans son nom.
Aragon, petite main qui finit rétameur d’argenterie bourgeoise.
Tout art est une idée fixe. Celle de Robbe-Grillet c’est d’être Robbe-Grillet, en quoi il a réussi : ex-jardinier, ex-membre du politburo de Quiberon, romancier pornographique, cinéaste pontifiant, actuellement pompiste sur la nationale 5.
Malraux, un aphasique. Tous les trois mots, quand il parle, il met une virgule. C’est lui le coup de dés qui abolit le hasard.
Maurice Genevoix : écrivain pour mulot.
Quand Kerouac en avait assez de ses admirateurs il leur tapait dessus ; Burroughs, lui, tirait au fusil ; maintenant à Londres si un beatnik sonne il met la chaîne sur la porte entrebâillée et lui dit : « Rien à vous dire, écrivez-moi une carte postale. »
Suicide de Paul Celan. C’est bien une idée de poète que de s’être jeté dans la Seine, un égout, en pensant que c’était une rivière.
Aperçu Sartre au bureau de tabac. Il vient de publier son Flaubert. (…) Je l’observe. Il regarde les vieux opiums, Série noire, tabac, et repart n’ayant rien acheté mais parlant tout seul.
Chez Jouve. (…) Aujourd’hui il me montre ce grand tableau érotiquement froid, froidement érotique, de Balthus qui fait face à son lit : Alice, une jeune fille d’une douzaine d’années, le cul nu à peine recouvert par une mauvaise liquette et un pubis comme la soie de certains billets de banque.
Gaston Chaissac : récupération parisienne d’un arriéré mental. (celle-ci est particulièrement injuste)
Il y a aussi une note sur Roland Barthes qui se fait traiter de bergère par Jean Genet. Barthes l’avait si peu appréciée que la page concernée fut découpée au cutteur dans la première édition de mil neuf cent soixante-douze parue chez Bourgois et Dominique de Roux obligé de quitter Les Presses de la Cité et plus jamais édité par Bourgois.
A force d’être traité de fasciste, j’ai envie de me présenter ainsi : moi, Dominique de Roux, déjà pendu à Nuremberg.
*
Ceci aussi de lui :
Amsterdam en juin
Un limonaire joue des marches au coin de Zoutsteg et de la Neuwendjke où passent des filles dorées, meulées, fessues dans le soleil couchant.
*
Enfin à propos des premiers numéros de sa revue L’Herne :
Un seul abonné, Pierre Seghers, et un seul dépôt, chez un marchand de parapluies à Cannes, oncle je crois de Ricardou.
8 janvier 2016
En hiver, mes débuts d’après-midi rouennais sont d’une monotonie affligeante : lundi, mardi au Socrate ; jeudi, vendredi à l’Ubi.
Au Socrate, café de l’hyper centre, on parle placements, emprunts, optimisation fiscale et on rêve de monter sa starteupe. L’expresso coûte un euro quarante.
Au café de l’Ubi, lieu artistique mutualisé à la frontière entre le quartier bourgeois et les quartiers populaires, on parle subventions, projets de budget, exonération d’impôt et on rêve d’obtenir une résidence. Le café de grand-mère coûte un euro (après adhésion annuelle de cinq euros).
Dans le premier endroit comme dans le second, je ne vois jamais un autre que moi avec un livre et n’entends jamais qui que ce soit parler de littérature.
Autant dire que souvent j’aimerais être ailleurs, mais où ?
*
Il semble qu’il soit plus facile pour les féministes de s’exprimer sur l’absence de dessinatrices sur la liste des susceptibles d’obtenir le Grand Prix au Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême que sur le Nouvel An de Cologne au cours duquel plus d’une centaine de femmes ont été victimes d’agressions sexuelles et de tentatives de viol par des jeunes immigrés.
*
Il y a ceux qui sont forts en thème, lui était fort en peine.
Au Socrate, café de l’hyper centre, on parle placements, emprunts, optimisation fiscale et on rêve de monter sa starteupe. L’expresso coûte un euro quarante.
Au café de l’Ubi, lieu artistique mutualisé à la frontière entre le quartier bourgeois et les quartiers populaires, on parle subventions, projets de budget, exonération d’impôt et on rêve d’obtenir une résidence. Le café de grand-mère coûte un euro (après adhésion annuelle de cinq euros).
Dans le premier endroit comme dans le second, je ne vois jamais un autre que moi avec un livre et n’entends jamais qui que ce soit parler de littérature.
Autant dire que souvent j’aimerais être ailleurs, mais où ?
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Il semble qu’il soit plus facile pour les féministes de s’exprimer sur l’absence de dessinatrices sur la liste des susceptibles d’obtenir le Grand Prix au Festival de la Bande Dessinée d’Angoulême que sur le Nouvel An de Cologne au cours duquel plus d’une centaine de femmes ont été victimes d’agressions sexuelles et de tentatives de viol par des jeunes immigrés.
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Il y a ceux qui sont forts en thème, lui était fort en peine.
7 janvier 2016
A la gare de Rouen, ce mercredi matin, sous la protection rapprochée d’un militaire et d’un policier, je parcours le numéro spécial de Charlie Hebdo que j’ai acheté en chemin au Drugstore. « Un an après, l’assassin court toujours ». Le dessin de Riss représente le personnage de fiction nommé Dieu, en fuite, kalachnikov en bandoulière et vêtement taché de sang. Ce portrait robot ne ressemble pas à l’assassin mais comment le leur reprocher.
Je remets le journal dans mon sac, m’en réservant la lecture pour le retour à la maison, et monte dans le huit heures douze direction Paris. J’y lis Ma vie et autres trahisons de Roland Jaccard (Grasset) en écoutant ce que raconte une jeune femme à un jeune homme qui autrefois étudia au même endroit qu’elle :
-Tu te rappelles de Claire, la fille qui montrait ses seins dans toutes les soirées. J’ai appris qu’elle venait de se marier et qu’ils avaient acheté un pavillon dans la banlieue sud de Paris. Suicide social.
Après être passé au Book-Off de la Bastille puis à l’Emmaüs de la rue de Charonne, je déjeune japonais à volonté au Kanazawa, rue de la Roquette. Cinq lycéennes et un lycéen me tiennent compagnie, parlant tous ensemble et à haut débit. La musique douce diffusée dans le restaurant ne parvenant pas à les calmer, je ne peux rien tirer de leur conversation.
Sorti de là, je passe par l’endroit où j'étais le sept janvier dernier au carrefour Chemin-Vert Richard-Lenoir pour atteindre la petite rue Nicolas-Appert. Une équipe de télévision et trois personnes se tiennent devant la plaque récemment apposée en hauteur sur le mur de l’hôtel d’entreprises au sein duquel étaient les locaux de Charlie Hebdo. Y figurent les noms des onze morts. J’ai une pensée particulière pour Cabu et Wolinski dont les dessins m’ont accompagnés pendant si longtemps.
-Ça y est, tu m’entends ? demande le journaliste de télévision à sa régie lointaine. Cinq, quatre, trois, deux, un. Je me trouve devant l’ancien siège de Charlie Hebdo.
Je m’esquive avant qu’il me demande mon sentiment.
*
-Est-ce que vous allez faire des soldes ?
C’est la question qui revient chez Book-Off
-Sûrement, mais on peut pas vous dire quand, on ne le sait pas nous-mêmes.
C’est la réponse qui déçoit.
Je remets le journal dans mon sac, m’en réservant la lecture pour le retour à la maison, et monte dans le huit heures douze direction Paris. J’y lis Ma vie et autres trahisons de Roland Jaccard (Grasset) en écoutant ce que raconte une jeune femme à un jeune homme qui autrefois étudia au même endroit qu’elle :
-Tu te rappelles de Claire, la fille qui montrait ses seins dans toutes les soirées. J’ai appris qu’elle venait de se marier et qu’ils avaient acheté un pavillon dans la banlieue sud de Paris. Suicide social.
Après être passé au Book-Off de la Bastille puis à l’Emmaüs de la rue de Charonne, je déjeune japonais à volonté au Kanazawa, rue de la Roquette. Cinq lycéennes et un lycéen me tiennent compagnie, parlant tous ensemble et à haut débit. La musique douce diffusée dans le restaurant ne parvenant pas à les calmer, je ne peux rien tirer de leur conversation.
Sorti de là, je passe par l’endroit où j'étais le sept janvier dernier au carrefour Chemin-Vert Richard-Lenoir pour atteindre la petite rue Nicolas-Appert. Une équipe de télévision et trois personnes se tiennent devant la plaque récemment apposée en hauteur sur le mur de l’hôtel d’entreprises au sein duquel étaient les locaux de Charlie Hebdo. Y figurent les noms des onze morts. J’ai une pensée particulière pour Cabu et Wolinski dont les dessins m’ont accompagnés pendant si longtemps.
-Ça y est, tu m’entends ? demande le journaliste de télévision à sa régie lointaine. Cinq, quatre, trois, deux, un. Je me trouve devant l’ancien siège de Charlie Hebdo.
Je m’esquive avant qu’il me demande mon sentiment.
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-Est-ce que vous allez faire des soldes ?
C’est la question qui revient chez Book-Off
-Sûrement, mais on peut pas vous dire quand, on ne le sait pas nous-mêmes.
C’est la réponse qui déçoit.
6 janvier 2016
Il y a un an et un jour, un mercredi donc, je passais place de la Bastille quand j’ai appris que venait d’avoir lieu l’attaque contre Charlie Hebdo juste à côté. Cinq minutes plus tard, je me trouvais au carrefour de la rue du Chemin-Vert et du boulevard Richard-Lenoir et je n’ai pas besoin de relire le texte écrit à mon retour à Rouen pour me souvenir du lieu en détail, de ce que faisaient et disaient les policiers, infirmiers, journalistes et habitants du quartier, tout cela est gravé en moi de façon indélébile.
Ce que j’ai ressenti alors est toujours ce que je ressens. Rien n’est pardonné. Rien ne sera jamais pardonné.
Voici venu le temps fâcheux des Légions d’Honneur à qui n’en aurait pas eu envie, des plaques dévoilées, des discours politiciens, des gerbes, de la Marseillaise, de la chansonnette de Johnny Hallyday.
Cela alors que perdure l’interdiction de caricaturer celui qu’ils appellent le prophète, pas seulement de le caricaturer, mais de le dessiner, car dans ce domaine en France ce n’est pas la loi républicaine qui s’applique mais la loi islamique. Comme partout ailleurs dans le monde.
Ce que j’ai ressenti alors est toujours ce que je ressens. Rien n’est pardonné. Rien ne sera jamais pardonné.
Voici venu le temps fâcheux des Légions d’Honneur à qui n’en aurait pas eu envie, des plaques dévoilées, des discours politiciens, des gerbes, de la Marseillaise, de la chansonnette de Johnny Hallyday.
Cela alors que perdure l’interdiction de caricaturer celui qu’ils appellent le prophète, pas seulement de le caricaturer, mais de le dessiner, car dans ce domaine en France ce n’est pas la loi républicaine qui s’applique mais la loi islamique. Comme partout ailleurs dans le monde.
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