Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
21 septembre 2017
Une dizaine de livres à vendre dans un sac à bout de bras afin de ménager mon dos, je remonte la rue de la Jeanne. Cette charge trouve place sur le siège à côté du mien dans le train de sept heures cinquante-six pour Paris. Il part avec une minute d’avance et fend hardiment le brouillard. A l’arrivée, je monte dans le bus Vingt et en descends à Opéra Quatre Septembre près du Book-Off par lequel je termine en général mes virées hebdomadaires. Pour me débarrasser au plus vite de mon fardeau, je fais ce mercredi la boucle à l’envers.
Après avoir pris un café au comptoir du Bistrot d’Edmond dont le serveur est aussi stressé et stressant le matin que l’après-midi, je suis le premier devant la porte de la boutique japonaise. Mes livres sont examinés uniquement en fonction de l’état de leur tranche. Un roman d’Elliott Murphy est recalé.
-Je le mets au recyclage ? me demande le jeune homme.
Je préfère le reprendre. Il me propose cinq euros vingt pour le tout. « Ça vous va? » Forcément. J’investis les cinq euros dans Partages d’André Markowicz (Inculte), l’édition sur papier de la première partie des textes qu’il publie via le réseau social Effe Bé.
Je pourrais reprendre le bus Vingt pour rejoindre le quartier Bastille mais ça va plus vite en métro, ce qui me donne le temps avant le repas d’explorer le marché d’Aligre où depuis plusieurs semaines je ne trouve rien et de passer chez Emmaüs où j’offre mon livre invendu, un geste de générosité des plus suspects. J’y déniche trois poches pour un euro.
La caissière habituellement arrangeante est de mauvaise humeur ce matin. Elle discute la qualité de livre de poche à la Petite Bibliothèque Cosmopolite de Stock et à la Petite Collection Allia. Elle finit par se rendre à mes arguments.
A midi, je déjeune au Péhemmu chinois du confit de canard qui me plaît près d’un couple de retraités normands que j’ai déjà côtoyé ici. Elle et lui viennent régulièrement à Paris pour des examens médicaux.
-Il y a aussi du poulet, signale la gentille serveuse à l’homme qui hésite.
-Ah non, j’en ai marre du poulet. Poulet, c’est mon nom.
-Sérieux ? lui répond la demoiselle.
Le café bu, je rejoins la rue de Charonne afin de visiter l’exposition en cours chez Arts Factory puis explore le second Book-Off à une heure où il est beaucoup fréquenté, notamment par des familles aussi bruyantes que si elles se trouvaient dans leur salon. Je mets un billet de cinq dans les Lettres à Alexandrine d’Emile Zola (Gallimard).
Dans la bétaillère de dix-sept heures cinquante qui me ramène à Rouen, je termine les Mémoires d’un chef de la Police de Sûreté sous le second Empire de Monsieur Claude (Texto). En dehors de son établissement, il conduisait ces mineures chez des vieillards dont elles satisfaisaient les passions séniles ! peut-on y lire au chapitre « Bouges et brasseries ». Du côté de Bonnières trois montgolfières disparaissent derrière le coteau.
*
Avoir une sale tranche, c’est rédhibitoire chez Book-Off. En revanche, jamais un livre n’est ouvert au moment de l’achat. D’où la présence dans les rayons de livres annotés ou surlignés en jaune et rose fluo.
*
Permettant d’aller de l’une à l’autre des bouquineries, la ligne Vingt du bus parisien devrait être rebaptisée The Book-Off Line.
Après avoir pris un café au comptoir du Bistrot d’Edmond dont le serveur est aussi stressé et stressant le matin que l’après-midi, je suis le premier devant la porte de la boutique japonaise. Mes livres sont examinés uniquement en fonction de l’état de leur tranche. Un roman d’Elliott Murphy est recalé.
-Je le mets au recyclage ? me demande le jeune homme.
Je préfère le reprendre. Il me propose cinq euros vingt pour le tout. « Ça vous va? » Forcément. J’investis les cinq euros dans Partages d’André Markowicz (Inculte), l’édition sur papier de la première partie des textes qu’il publie via le réseau social Effe Bé.
Je pourrais reprendre le bus Vingt pour rejoindre le quartier Bastille mais ça va plus vite en métro, ce qui me donne le temps avant le repas d’explorer le marché d’Aligre où depuis plusieurs semaines je ne trouve rien et de passer chez Emmaüs où j’offre mon livre invendu, un geste de générosité des plus suspects. J’y déniche trois poches pour un euro.
La caissière habituellement arrangeante est de mauvaise humeur ce matin. Elle discute la qualité de livre de poche à la Petite Bibliothèque Cosmopolite de Stock et à la Petite Collection Allia. Elle finit par se rendre à mes arguments.
A midi, je déjeune au Péhemmu chinois du confit de canard qui me plaît près d’un couple de retraités normands que j’ai déjà côtoyé ici. Elle et lui viennent régulièrement à Paris pour des examens médicaux.
-Il y a aussi du poulet, signale la gentille serveuse à l’homme qui hésite.
-Ah non, j’en ai marre du poulet. Poulet, c’est mon nom.
-Sérieux ? lui répond la demoiselle.
Le café bu, je rejoins la rue de Charonne afin de visiter l’exposition en cours chez Arts Factory puis explore le second Book-Off à une heure où il est beaucoup fréquenté, notamment par des familles aussi bruyantes que si elles se trouvaient dans leur salon. Je mets un billet de cinq dans les Lettres à Alexandrine d’Emile Zola (Gallimard).
Dans la bétaillère de dix-sept heures cinquante qui me ramène à Rouen, je termine les Mémoires d’un chef de la Police de Sûreté sous le second Empire de Monsieur Claude (Texto). En dehors de son établissement, il conduisait ces mineures chez des vieillards dont elles satisfaisaient les passions séniles ! peut-on y lire au chapitre « Bouges et brasseries ». Du côté de Bonnières trois montgolfières disparaissent derrière le coteau.
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Avoir une sale tranche, c’est rédhibitoire chez Book-Off. En revanche, jamais un livre n’est ouvert au moment de l’achat. D’où la présence dans les rayons de livres annotés ou surlignés en jaune et rose fluo.
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Permettant d’aller de l’une à l’autre des bouquineries, la ligne Vingt du bus parisien devrait être rebaptisée The Book-Off Line.
Comme si je n’avais pas assez marché sur le quai ce dimanche matin, je passe la Seine après déjeuner, traverse le quartier Saint-Sever puis remonte la longue rue Saint-Julien jusqu’à la partie où se déploie le vide grenier annuel. Le parapluie reste fermé à mon bras tandis que je cherche sans grand espoir, dans ce quartier populaire, des livres qui ne soient pas bas de gamme.
J’en trouve un quand je suis tout au bout : Les Damnés de la terre de Frantz Fanon dans l’édition La Découverte.
-Je peux vous le laisser à un euro, on me l’a offert, me dit sa vendeuse.
Il me reste à revenir pédestrement. Arrivé rive droite impossible de ne pas repasser au Quai des livres. Cette seconde fois n’est pas plus fructueuse.
Rentré à la maison, épuisé par ce dimanche de damné, je me laisse aller à ce que je ne fais jamais : une sieste.
*
Je connaissais les parquignes affichant « Complet », celui de la Pucelle affiche « Saturé ».
*
Beauté du français parlé par une étrangère : « Je vous écrit pour voir si par casualité vous avez une chambre á louer ou si vous connaissez quelqu’un… » (sur un site étudiant)
*
Tel dont la maison à Biarritz (ou à Honfleur, Arles, Dinard, etc.) n’a pas désempli d’amis durant les vacances estivales devrait se demander ce qu’il en aurait été s’il vivait à Montélimar (ou à Niort, Castres, Valenciennes, etc.).
*
La pharmacienne qui raconte qu’elle ne prendra plus d’élève de Troisième en stage car lorsqu’elle a demandé à la dernière de ranger les médicaments, celle-ci a été bien embarrassée et lui a dit : « Ah bon, il faut connaître l’ordre alphabétique ? »
J’en trouve un quand je suis tout au bout : Les Damnés de la terre de Frantz Fanon dans l’édition La Découverte.
-Je peux vous le laisser à un euro, on me l’a offert, me dit sa vendeuse.
Il me reste à revenir pédestrement. Arrivé rive droite impossible de ne pas repasser au Quai des livres. Cette seconde fois n’est pas plus fructueuse.
Rentré à la maison, épuisé par ce dimanche de damné, je me laisse aller à ce que je ne fais jamais : une sieste.
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Je connaissais les parquignes affichant « Complet », celui de la Pucelle affiche « Saturé ».
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Beauté du français parlé par une étrangère : « Je vous écrit pour voir si par casualité vous avez une chambre á louer ou si vous connaissez quelqu’un… » (sur un site étudiant)
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Tel dont la maison à Biarritz (ou à Honfleur, Arles, Dinard, etc.) n’a pas désempli d’amis durant les vacances estivales devrait se demander ce qu’il en aurait été s’il vivait à Montélimar (ou à Niort, Castres, Valenciennes, etc.).
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La pharmacienne qui raconte qu’elle ne prendra plus d’élève de Troisième en stage car lorsqu’elle a demandé à la dernière de ranger les médicaments, celle-ci a été bien embarrassée et lui a dit : « Ah bon, il faut connaître l’ordre alphabétique ? »
19 septembre 2017
Ce dimanche à sept heures, alors que je m’apprête à sortir pour rejoindre les quais bas de la rive droite de la Seine où est organisé l’annuel événement nommé le Quai des Livres une drache m’en dissuade. Je ne suis pas surpris. Choisir pour date de cette grande vente de livres d’occasion celle de la Fête de l’Humanité sur laquelle il pleut quatre fois sur cinq était risqué.
En attendant l’accalmie, je me livre à des travaux ménagers. C’est ainsi qu’en sortant la poubelle, je découvre qu’on a tenté de forcer ma porte côté jardin. Le bois a été attaqué avec un tournevis ou un couteau. Je me souviens avoir entendu du bruit dans la nuit, mais lorsque mon voisin le plus proche rentre chez lui, c’est comme s’il rentrait chez moi, aussi je n’y ai pas pris garde, pensant qu’il avait des difficultés avec sa porte. Sans doute l’un des habitants de la copropriété est-il sorti en laissant la porte d’entrée ouverte permettant l’intrusion du mal intentionné.
Je mets une affichette sur la porte cochère pour demander à mes chers voisins de veiller à bien fermer derrière eux puis, armé d’un parapluie que j’espère garder fermé, je rejoins le quai où les vendeuses et vendeurs se sont installés malgré la météo alarmante. Cette vente de livres d’occasion est doublée d’un salon, sous tente, d’auteur(e)s ayant à vendre leurs propres livres tout neufs. Juste à côté de ces écrivain(e)s se trouve une antenne de la Croix Rouge au cas où l’un(e) ferait un malaise en constatant que personne ne s’intéresse à ses écritures.
Malheureusement, du côté de l’occasion, pour la deuxième année consécutive, je ne vois pas de livres qui m’attirent vraiment. Désormais les particuliers sont rares, les associations vendent du second ou troisième choix et les professionnels profitent d’un lieu très fréquenté pour tenter de se débarrasser de la drouille qu’ils n’arrivent pas à vendre en d’autres circonstances.
Le seul à avoir des livres qui sortent du lot est un universitaire connu pour ses travaux sur Flaubert. Je lui achète Et parlez-moi de la terre…, le recueil de chroniques de Xavier Grall dans l’édition qu’en a fait Calligrammes avec photo noir et blanc de l’auteur et un dessin couleur de celui-ci, et rentre plus tôt que je l’avais prévu.
Passant par le parvis de la Cathédrale à l’heure de la sortie de la messe, j’y aperçois l’Archevêque Lebrun en tenue d’apparat, mitre et crosse. Porte-t-il le ruban de la Légion d’Honneur sur sa tenue sacerdotale, je suis trop loin pour le savoir.
*
Il n’y a pas que le membres du clergé pour céder à la vanité d’une décoration, une mienne connaissance enseignante saute de joie parce qu’elle est nommée Chevalier des Palmes Académiques. Une Insoumise pourtant.
*
On ne m’a proposé que la malheureuse médaille de la Ville de Rouen, offerte à tous les enseignants de la ville quand ils partent à la retraite. Je l’ai refusée (pas parce que je la jugeais indigne de moi).
En attendant l’accalmie, je me livre à des travaux ménagers. C’est ainsi qu’en sortant la poubelle, je découvre qu’on a tenté de forcer ma porte côté jardin. Le bois a été attaqué avec un tournevis ou un couteau. Je me souviens avoir entendu du bruit dans la nuit, mais lorsque mon voisin le plus proche rentre chez lui, c’est comme s’il rentrait chez moi, aussi je n’y ai pas pris garde, pensant qu’il avait des difficultés avec sa porte. Sans doute l’un des habitants de la copropriété est-il sorti en laissant la porte d’entrée ouverte permettant l’intrusion du mal intentionné.
Je mets une affichette sur la porte cochère pour demander à mes chers voisins de veiller à bien fermer derrière eux puis, armé d’un parapluie que j’espère garder fermé, je rejoins le quai où les vendeuses et vendeurs se sont installés malgré la météo alarmante. Cette vente de livres d’occasion est doublée d’un salon, sous tente, d’auteur(e)s ayant à vendre leurs propres livres tout neufs. Juste à côté de ces écrivain(e)s se trouve une antenne de la Croix Rouge au cas où l’un(e) ferait un malaise en constatant que personne ne s’intéresse à ses écritures.
Malheureusement, du côté de l’occasion, pour la deuxième année consécutive, je ne vois pas de livres qui m’attirent vraiment. Désormais les particuliers sont rares, les associations vendent du second ou troisième choix et les professionnels profitent d’un lieu très fréquenté pour tenter de se débarrasser de la drouille qu’ils n’arrivent pas à vendre en d’autres circonstances.
Le seul à avoir des livres qui sortent du lot est un universitaire connu pour ses travaux sur Flaubert. Je lui achète Et parlez-moi de la terre…, le recueil de chroniques de Xavier Grall dans l’édition qu’en a fait Calligrammes avec photo noir et blanc de l’auteur et un dessin couleur de celui-ci, et rentre plus tôt que je l’avais prévu.
Passant par le parvis de la Cathédrale à l’heure de la sortie de la messe, j’y aperçois l’Archevêque Lebrun en tenue d’apparat, mitre et crosse. Porte-t-il le ruban de la Légion d’Honneur sur sa tenue sacerdotale, je suis trop loin pour le savoir.
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Il n’y a pas que le membres du clergé pour céder à la vanité d’une décoration, une mienne connaissance enseignante saute de joie parce qu’elle est nommée Chevalier des Palmes Académiques. Une Insoumise pourtant.
*
On ne m’a proposé que la malheureuse médaille de la Ville de Rouen, offerte à tous les enseignants de la ville quand ils partent à la retraite. Je l’ai refusée (pas parce que je la jugeais indigne de moi).
18 septembre 2017
En général, peu me chaut l’opération touristique nommée Journées Européennes du Patrimoine mais cette fois c’est l’opportunité d’aller voir de près le carillon réinstallé depuis un an dans la tour Saint-Romain de la Cathédrale de Rouen, dont la musique m’est familière. A cette fin, je me suis inscrit via Internet pour la première des visites gratuites ayant lieu ce samedi à quatorze heures, faite par les guides-carillonneurs Ryan Dufau et Jean-François Maillard « Au programme : découverte de la cabine et du clavier d'étude, histoire du carillon, et démonstration de l'instrument sur le clavier. »
Le rendez-vous est fixé un quart d’heure avant devant la grille du jardin de la cour d’Albane et il y a déjà foule quand j’arrive. Je comprends pourquoi : beaucoup sont là sans avoir réservé. Les Journées du Patrimoine sont une sorte de rentrée des classes pour adultes. Le nombre de celles et ceux qui veulent s’instruire est supérieur aux possibilités d’accueil (tout comme pour les étudiant(e)s à l’Université de Rouen). Un sans-gêne, que suivent une femme et une fille soumises, se glisse brutalement au milieu de la file. Une femme le rabroue sans effet.
A quatorze heures arrivent les deux guides. Jean-François Maillard a la liste en main. Il indique que seuls les inscrits pourront entrer dans la partie du jardin habituellement fermée (l’ancien cloître des chanoines) sur laquelle donne la porte d’accès à la tour Saint-Romain. Le malotru pique sa crise puis s’éloigne furibard suivi de ses deux penaudes. Mon nom est le dernier de la liste. Nous sommes dix-sept et pas un de plus n’est possible pour des raisons de sécurité.
Je suis le plus vieux, la moitié des présent(e)s sont très jeunes. Jean-François Maillard, dans un style prof à l’ancienne, nous offre une histoire de la Cathédrale un peu longuette à l’aide de documents photographiques. Je n’écoute que d’une oreille, retenant seulement qu’il y aura cent vingt-neuf marches à gravir pour arriver au premier niveau où se trouve le carillon d’étude. Il nous prévient qu’il s’arrêtera plusieurs fois au cours de cette ascension qui se fait par un escalier hélicoïdal étroit en pierre. Cette grimpette n’est pourtant pas fatigante.
Le carillon d’études est semblable au vrai. Il permet aux apprentis de progresser et aux titulaires de répéter sans déranger le voisinage. Le son de chaque cloche, ayant été copié électroniquement, est diffusé par des enceintes acoustiques. C’est ce que nous explique Ryan Dufau, jeune homme au louque contemporain qui en connaît long et dont la spontanéité se heurte parfois à la routine de son associé d’un jour.
Un court escalier métallique permet d’accéder au deuxième niveau d’où, par une étroite fenêtre, on a belle vue sur la rue du Gros-Horloge. Dans une cage métallique vitrée, chauffée l’hiver, climatisée l’été, est installé le véritable carillon dont le clavier est relié aux cloches par des tiges métalliques. Ces cloches se trouvent au-dessus de nos têtes mais on ne devine que les plus grosses en raison de la présence d’un plafond métallique ajouré. Ryan Dufau les connaît toutes par leur prénom. Il nous fait une démonstration minimale Au clair de la lune et Frère Jacques. Nous les dix-sept, on a envie de grimper au-dessus pour les voir en action ces cloches. « Impossible », nous répond Jean-François Maillard.
*
Si je sors frustré de cette découverte du carillon de la Cathédrale de Rouen, au moins ai-je bien ri la veille en apprenant que son Archevêque avait reçu la Légion d’Honneur pour être le supérieur hiérarchique du Père Hamel assassiné par les islamistes dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray et avoir ainsi vécu, selon la formule de 76actu, « une année éprouvante ».
L’article de ce site d’information est accablant pour le récipiendaire : « Ces 32 ans, ce sont les années que j’ai passées au sein de l’Église, en tant que prêtre et en tant qu’évêque. J’aime à croire que j’ai rendu service à la nation pendant ces années », a dit Mgr Lebrun, ému, devant une foule attentive. Celle-ci était composée du gratin local : élus, représentants de l’Église, de la Justice, de la police et de la gendarmerie mais aussi de la société civile.
Un casting prestigieux pour un homme décrit par la préfète comme « humble ». Un modeste qui avait sollicité Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, pour lui remettre la Légion d’honneur. Ce dernier a accepté l’invitation mais n’a pas pu venir car souffrant. »
Le rendez-vous est fixé un quart d’heure avant devant la grille du jardin de la cour d’Albane et il y a déjà foule quand j’arrive. Je comprends pourquoi : beaucoup sont là sans avoir réservé. Les Journées du Patrimoine sont une sorte de rentrée des classes pour adultes. Le nombre de celles et ceux qui veulent s’instruire est supérieur aux possibilités d’accueil (tout comme pour les étudiant(e)s à l’Université de Rouen). Un sans-gêne, que suivent une femme et une fille soumises, se glisse brutalement au milieu de la file. Une femme le rabroue sans effet.
A quatorze heures arrivent les deux guides. Jean-François Maillard a la liste en main. Il indique que seuls les inscrits pourront entrer dans la partie du jardin habituellement fermée (l’ancien cloître des chanoines) sur laquelle donne la porte d’accès à la tour Saint-Romain. Le malotru pique sa crise puis s’éloigne furibard suivi de ses deux penaudes. Mon nom est le dernier de la liste. Nous sommes dix-sept et pas un de plus n’est possible pour des raisons de sécurité.
Je suis le plus vieux, la moitié des présent(e)s sont très jeunes. Jean-François Maillard, dans un style prof à l’ancienne, nous offre une histoire de la Cathédrale un peu longuette à l’aide de documents photographiques. Je n’écoute que d’une oreille, retenant seulement qu’il y aura cent vingt-neuf marches à gravir pour arriver au premier niveau où se trouve le carillon d’étude. Il nous prévient qu’il s’arrêtera plusieurs fois au cours de cette ascension qui se fait par un escalier hélicoïdal étroit en pierre. Cette grimpette n’est pourtant pas fatigante.
Le carillon d’études est semblable au vrai. Il permet aux apprentis de progresser et aux titulaires de répéter sans déranger le voisinage. Le son de chaque cloche, ayant été copié électroniquement, est diffusé par des enceintes acoustiques. C’est ce que nous explique Ryan Dufau, jeune homme au louque contemporain qui en connaît long et dont la spontanéité se heurte parfois à la routine de son associé d’un jour.
Un court escalier métallique permet d’accéder au deuxième niveau d’où, par une étroite fenêtre, on a belle vue sur la rue du Gros-Horloge. Dans une cage métallique vitrée, chauffée l’hiver, climatisée l’été, est installé le véritable carillon dont le clavier est relié aux cloches par des tiges métalliques. Ces cloches se trouvent au-dessus de nos têtes mais on ne devine que les plus grosses en raison de la présence d’un plafond métallique ajouré. Ryan Dufau les connaît toutes par leur prénom. Il nous fait une démonstration minimale Au clair de la lune et Frère Jacques. Nous les dix-sept, on a envie de grimper au-dessus pour les voir en action ces cloches. « Impossible », nous répond Jean-François Maillard.
*
Si je sors frustré de cette découverte du carillon de la Cathédrale de Rouen, au moins ai-je bien ri la veille en apprenant que son Archevêque avait reçu la Légion d’Honneur pour être le supérieur hiérarchique du Père Hamel assassiné par les islamistes dans son église de Saint-Etienne-du-Rouvray et avoir ainsi vécu, selon la formule de 76actu, « une année éprouvante ».
L’article de ce site d’information est accablant pour le récipiendaire : « Ces 32 ans, ce sont les années que j’ai passées au sein de l’Église, en tant que prêtre et en tant qu’évêque. J’aime à croire que j’ai rendu service à la nation pendant ces années », a dit Mgr Lebrun, ému, devant une foule attentive. Celle-ci était composée du gratin local : élus, représentants de l’Église, de la Justice, de la police et de la gendarmerie mais aussi de la société civile.
Un casting prestigieux pour un homme décrit par la préfète comme « humble ». Un modeste qui avait sollicité Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, pour lui remettre la Légion d’honneur. Ce dernier a accepté l’invitation mais n’a pas pu venir car souffrant. »
15 septembre 2017
En mil neuf cent un, Pierre Mac Orlan (qui s’appelait encore Pierre Dumarchey) est correcteur d’imprimerie à Rouen (ville où il avait déjà passé un an à l’Ecole Normale d’Instituteurs en mil huit cent quatre-vingt-dix-huit/quatre-vingt dix-neuf), employé du journal Le Petit Rouennais. Devenu écrivain, il évoque cette époque dans un texte intitulé Rouen écrit en mil neuf cent vingt-neuf et publié par Gallimard dans le volume Villes en mil neuf cent soixante-six. Je l’ai lu dans sa réédition de deux mille quatre au sein du recueil Romans maritimes d’Omnibus, mon exemplaire provenant de la bouquinerie rouennaise Le Rêve de l’Escalier. Extraits :
Vers la fin de 1901, j’entrai dans la rue des Charrettes à Rouen, comme une ombre dans une rue composée en studio. C’était au crépuscule du soir. La rue sentait le tonneau de cidre éventé et, selon le caprice du vent, l’odeur âcre d’une fumée de cargo anglais amarré devant le quai de Paris à l’entrée de la rue de la Vicomté. Une petite pluie fine s’adaptait merveilleusement aux images de mon avenir. Elle ruisselait sur le pavé inégal et gras qui, déjà, tant bien que mal, reflétait les pauvres lumières des bars et des grands cafés qui faisaient l’angle de la rue Grand-Pont, devant le Théâtre des Arts. (…/…)
Pour vivre, j’étais tantôt correcteur d’imprimerie, tantôt, et plus simplement, teneur de copie, selon les besoin du trafic. Ce métier me rapportait quatre francs par jour. (…/…)
Lorsque j’arrivai à Rouen, je m’étais contenté jusqu’à cette date de coucher dans les gares, et, à l’occasion, dans les meules, ce qui n’est pas plus désagréable que de coucher dans un abri creusé sous un parapet de tranchée ou dans une grange sans toit. En pénétrant dans la rue des Charrettes, j’étais gonflé d’optimiste parce que, grâce à mes cent vingt francs par mois, j’espérais conquérir la ville entre minuit et trois heures du matin (…/…)
La barmaid de l’Albion parlait sept ou huit langues comme les parlent les matelots. C’est-à-dire qu’en sept ou huit langues elle savait dire l’essentiel de sa profession. (…/…)
A vivre solitaire dans ma chambre de l’Albion, au milieu d’Anglais et de Norvégiens qui ne parlaient pas français, je devins ombre et me laissai aller au découragement. Par ma fenêtre, le matin, en me levant vers dix heures, je pouvais contempler l’agitation familière de la rue des Charrettes. C’était l’heure débilitante où de tous les bars jaillissaient des seaux d’eau qui inondaient le trottoir. On n’entendait que des voix anglaises de filles. Des putains en négligé apparaissaient aux fenêtres et des enfants s’en allaient aux commissions par bandes, de tristes fillettes qui connaissaient déjà l’homme et en vivaient, avec l’aide de leurs parents, aussi mal qu’il est possible de l’imaginer. (…/…)
La rue des Charrettes sentait le crime marin, l’ouvrier marin, le patron marin, la putain de marine et les éléments, cependant honnêtes, de tout un lot d’assez tristes associations d’idées. (…/…)
Nous autres, à Rouen, nous étions comme des poussins dans un purgatoire qui sentait Villon, quand celui-ci marinait dans la tiède promiscuité des tavernes et des filles. (…/…)
Nous vivions comme si Rouen, son pont transbordeur, ses cargos, ses industriels et ses demoiselles de haute bourgeoisie n’eussent point existé.
La rue des Charrettes ne pouvait même pas constituer le cadre d’un quartier général. Nous n’avions pas de café littéraire. On se rencontrait partout, aussi bien à Dieppedalle qu’à Saint-Adrien, rue de la République, place du Vieux-Marché, dans l’estaminet chic à la Parisienne où Nelly d’H…, petite femme blonde et spirituelle, représentait avec délicatesse l’aristocratie du plaisir (…/…)
Quand Rouen s’éveillait au petit jour, on entendait d’abord le trompette de garde à la caserne des chasseurs, à Saint-Sever. Et tous les sifflets d’usine ne tardaient pas à percer les brumes qui s’effilochaient sur la Seine. Je ne connais rien de plus triste qu’une journée qui commence au signal sévère d’une usine. (…/…)
Les derniers jours que j’ai vécus à Rouen furent d’une tristesse sans emploi. J’habitais une chambre sordide au-dessus du Criterion, à l’angle de la rue des Charrettes et de la Vicomté. Je ne sais si la maison existe toujours. Tout autour de moi, la ville se rétrécissait implacablement comme si une vis géante eût resserré les divers éléments hostiles qui se groupaient en faisceau pour m’expulser.
*
La rue des Charrettes une rue composée en studio, cette expression me reste incomprise. Feu Félix Phellion aurait peut-être pu m’éclairer.
*
Quai des brumes ne figure pas dans les Romans maritimes de Pierre Mac Orlan. Pour la raison que l’action se déroule à Montmartre. Le quai des brumes était la formule qu’employait Max Jacob pour désigner les lieux qu’il hantait en compagnie de Mac Orlan et d’autres, les brumes étant les vapeurs de l’alcool. Jean Renoir l’a rendu maritime en situant son adaptation au Havre.
Vers la fin de 1901, j’entrai dans la rue des Charrettes à Rouen, comme une ombre dans une rue composée en studio. C’était au crépuscule du soir. La rue sentait le tonneau de cidre éventé et, selon le caprice du vent, l’odeur âcre d’une fumée de cargo anglais amarré devant le quai de Paris à l’entrée de la rue de la Vicomté. Une petite pluie fine s’adaptait merveilleusement aux images de mon avenir. Elle ruisselait sur le pavé inégal et gras qui, déjà, tant bien que mal, reflétait les pauvres lumières des bars et des grands cafés qui faisaient l’angle de la rue Grand-Pont, devant le Théâtre des Arts. (…/…)
Pour vivre, j’étais tantôt correcteur d’imprimerie, tantôt, et plus simplement, teneur de copie, selon les besoin du trafic. Ce métier me rapportait quatre francs par jour. (…/…)
Lorsque j’arrivai à Rouen, je m’étais contenté jusqu’à cette date de coucher dans les gares, et, à l’occasion, dans les meules, ce qui n’est pas plus désagréable que de coucher dans un abri creusé sous un parapet de tranchée ou dans une grange sans toit. En pénétrant dans la rue des Charrettes, j’étais gonflé d’optimiste parce que, grâce à mes cent vingt francs par mois, j’espérais conquérir la ville entre minuit et trois heures du matin (…/…)
La barmaid de l’Albion parlait sept ou huit langues comme les parlent les matelots. C’est-à-dire qu’en sept ou huit langues elle savait dire l’essentiel de sa profession. (…/…)
A vivre solitaire dans ma chambre de l’Albion, au milieu d’Anglais et de Norvégiens qui ne parlaient pas français, je devins ombre et me laissai aller au découragement. Par ma fenêtre, le matin, en me levant vers dix heures, je pouvais contempler l’agitation familière de la rue des Charrettes. C’était l’heure débilitante où de tous les bars jaillissaient des seaux d’eau qui inondaient le trottoir. On n’entendait que des voix anglaises de filles. Des putains en négligé apparaissaient aux fenêtres et des enfants s’en allaient aux commissions par bandes, de tristes fillettes qui connaissaient déjà l’homme et en vivaient, avec l’aide de leurs parents, aussi mal qu’il est possible de l’imaginer. (…/…)
La rue des Charrettes sentait le crime marin, l’ouvrier marin, le patron marin, la putain de marine et les éléments, cependant honnêtes, de tout un lot d’assez tristes associations d’idées. (…/…)
Nous autres, à Rouen, nous étions comme des poussins dans un purgatoire qui sentait Villon, quand celui-ci marinait dans la tiède promiscuité des tavernes et des filles. (…/…)
Nous vivions comme si Rouen, son pont transbordeur, ses cargos, ses industriels et ses demoiselles de haute bourgeoisie n’eussent point existé.
La rue des Charrettes ne pouvait même pas constituer le cadre d’un quartier général. Nous n’avions pas de café littéraire. On se rencontrait partout, aussi bien à Dieppedalle qu’à Saint-Adrien, rue de la République, place du Vieux-Marché, dans l’estaminet chic à la Parisienne où Nelly d’H…, petite femme blonde et spirituelle, représentait avec délicatesse l’aristocratie du plaisir (…/…)
Quand Rouen s’éveillait au petit jour, on entendait d’abord le trompette de garde à la caserne des chasseurs, à Saint-Sever. Et tous les sifflets d’usine ne tardaient pas à percer les brumes qui s’effilochaient sur la Seine. Je ne connais rien de plus triste qu’une journée qui commence au signal sévère d’une usine. (…/…)
Les derniers jours que j’ai vécus à Rouen furent d’une tristesse sans emploi. J’habitais une chambre sordide au-dessus du Criterion, à l’angle de la rue des Charrettes et de la Vicomté. Je ne sais si la maison existe toujours. Tout autour de moi, la ville se rétrécissait implacablement comme si une vis géante eût resserré les divers éléments hostiles qui se groupaient en faisceau pour m’expulser.
*
La rue des Charrettes une rue composée en studio, cette expression me reste incomprise. Feu Félix Phellion aurait peut-être pu m’éclairer.
*
Quai des brumes ne figure pas dans les Romans maritimes de Pierre Mac Orlan. Pour la raison que l’action se déroule à Montmartre. Le quai des brumes était la formule qu’employait Max Jacob pour désigner les lieux qu’il hantait en compagnie de Mac Orlan et d’autres, les brumes étant les vapeurs de l’alcool. Jean Renoir l’a rendu maritime en situant son adaptation au Havre.
14 septembre 2017
Après une nuit perturbée par le vent fort, je prends place ce mercredi dans le confortable train de sept heures cinquante-six pour Paris. Certains y lisent Le Canard Enchaîné titré « Macron saisit par la phobie des glandeurs » cependant qu’un trio de femmes babille dans le carré central. Elles sont priées de la mettre en sourdine par l’un des voyageurs à ordinateur qui n’est assurément pas un glandeur.
Par le métro je rejoins le Café du Faubourg où j’ai cinq minutes pour boire un café avant l’ouverture de Book-Off. J’y trouve à un euro au rayon cinéma Vie et mort de Guy Debord de Christophe Bourseiller (Plon). Au sortir, le risque de pluie approchant, je renonce au marché d’Aligre, passe chez Emmaüs pour rien, chez le petit marchand de journaux pour pas grand-chose, puis me dirige à pied vers le Centre Pompidou avec l’idée de m’y réfugier quand le ciel ouvrira ses vannes.
Cela arrive pendant que je déjeune chez New New au bout de l’impasse Beaubourg. Un ouvrier passe tout son repas le téléphone à l’oreille, se servant et mangeant d’une main. C’est pour le boulot, il est question de commencer par refaire les soudures. A une autre table, une grand-mère fait des reproches à sa petite-fille de huit ou neuf ans :
-C’est mon anniversaire, je t’invite au restaurant, tu me dis pas merci, tu me dis pas je t’aime Mamie, tu me fais même pas de bisou.
-Je t’ai fait un dessin, lui répond la malheureuse enfant.
C’est à pleins seaux que tombe l’eau quand je traverse la piazza. Ma carte d’adhérent me permet d’éviter la longue file d’attente qui sinue à l’intérieur de Pompidou. Je monte à l’étage Art Contemporain, partiellement fermé pour restructuration. J’y vois avec plaisir le magasin de Ben Vautier, lequel fut ouvert à Nice entre mil neuf cent cinquante-huit et soixante-douze, démonté et remonté ici tel quel, ainsi que la série de photos de jolie mangeuse de banane à couettes intitulée Consumer Act due à Natalia LL (mil neuf cent soixante-douze) et le Jardin d’hiver de Jean Dubuffet, une sorte de grotte qu’il élabora entre mil neuf cent soixante-huit et soixante-douze dont l’entrée est limitée à douze personnes. J’y suis seul un moment puis arrive un jeune couple. Il lui demande d’ôter sa veste pour l’y photographier. Pas davantage, ce jardin d’hiver n’est pas le jardin d’Eden.
A la sortie, les vendeurs à la sauvette proposent des parapluies. La suite de l’après-midi n’est que flotte. La bétaillère de dix-sept heures cinquante part à l’heure mais s’arrête près des usines Peugeot pour cause de train précédent en panne. Cela dure jusqu’au cri de victoire de la cheffe de bord « Mesdames et messieurs, nous repartons ! » et me fait arriver à Rouen avec « dix-sept minutes de retard environ ».
*
Aucune ville européenne sensée n’en voulant, Paris se voit refiler les Jeux Olympiques de deux mille vingt-quatre. Une manifestation d’opposants avait lieu ce mercredi dans le parc de Bercy où j’aurais pu aller mais j’ai préféré sécher. Ils n’étaient que cinquante.
Il y en a pourtant beaucoup d’autres, souvent pour des raisons économiques. On ne saura jamais combien. Anne Hidalgo, Maire, Socialiste, qui ne voulait pas de ces Jihos en deux mille quatorze mais s’est fait retourner le cerveau, n’a pas pris le risque d’un référendum.
Pour ma part, je suis surtout affligé par la perspective des conversations chauvines, du matraquage des médias et de l’invasion de la capitale par les fanatiques.
Je suis hostile à l’idée même de compétition sportive.
Par le métro je rejoins le Café du Faubourg où j’ai cinq minutes pour boire un café avant l’ouverture de Book-Off. J’y trouve à un euro au rayon cinéma Vie et mort de Guy Debord de Christophe Bourseiller (Plon). Au sortir, le risque de pluie approchant, je renonce au marché d’Aligre, passe chez Emmaüs pour rien, chez le petit marchand de journaux pour pas grand-chose, puis me dirige à pied vers le Centre Pompidou avec l’idée de m’y réfugier quand le ciel ouvrira ses vannes.
Cela arrive pendant que je déjeune chez New New au bout de l’impasse Beaubourg. Un ouvrier passe tout son repas le téléphone à l’oreille, se servant et mangeant d’une main. C’est pour le boulot, il est question de commencer par refaire les soudures. A une autre table, une grand-mère fait des reproches à sa petite-fille de huit ou neuf ans :
-C’est mon anniversaire, je t’invite au restaurant, tu me dis pas merci, tu me dis pas je t’aime Mamie, tu me fais même pas de bisou.
-Je t’ai fait un dessin, lui répond la malheureuse enfant.
C’est à pleins seaux que tombe l’eau quand je traverse la piazza. Ma carte d’adhérent me permet d’éviter la longue file d’attente qui sinue à l’intérieur de Pompidou. Je monte à l’étage Art Contemporain, partiellement fermé pour restructuration. J’y vois avec plaisir le magasin de Ben Vautier, lequel fut ouvert à Nice entre mil neuf cent cinquante-huit et soixante-douze, démonté et remonté ici tel quel, ainsi que la série de photos de jolie mangeuse de banane à couettes intitulée Consumer Act due à Natalia LL (mil neuf cent soixante-douze) et le Jardin d’hiver de Jean Dubuffet, une sorte de grotte qu’il élabora entre mil neuf cent soixante-huit et soixante-douze dont l’entrée est limitée à douze personnes. J’y suis seul un moment puis arrive un jeune couple. Il lui demande d’ôter sa veste pour l’y photographier. Pas davantage, ce jardin d’hiver n’est pas le jardin d’Eden.
A la sortie, les vendeurs à la sauvette proposent des parapluies. La suite de l’après-midi n’est que flotte. La bétaillère de dix-sept heures cinquante part à l’heure mais s’arrête près des usines Peugeot pour cause de train précédent en panne. Cela dure jusqu’au cri de victoire de la cheffe de bord « Mesdames et messieurs, nous repartons ! » et me fait arriver à Rouen avec « dix-sept minutes de retard environ ».
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Aucune ville européenne sensée n’en voulant, Paris se voit refiler les Jeux Olympiques de deux mille vingt-quatre. Une manifestation d’opposants avait lieu ce mercredi dans le parc de Bercy où j’aurais pu aller mais j’ai préféré sécher. Ils n’étaient que cinquante.
Il y en a pourtant beaucoup d’autres, souvent pour des raisons économiques. On ne saura jamais combien. Anne Hidalgo, Maire, Socialiste, qui ne voulait pas de ces Jihos en deux mille quatorze mais s’est fait retourner le cerveau, n’a pas pris le risque d’un référendum.
Pour ma part, je suis surtout affligé par la perspective des conversations chauvines, du matraquage des médias et de l’invasion de la capitale par les fanatiques.
Je suis hostile à l’idée même de compétition sportive.
13 septembre 2017
Le temps est révolu où même sous le parapluie je participais aux manifestations sociales. Ce n’est pas que je sois d’accord avec ce que fait le gouvernement actuel mais en ce jour de grève contre les ordonnances de Macron, je préfère demeurer chez moi ou, si je sors, vaquer à des occupations personnelles. Certains que j’avais déjà du mal à côtoyer dans les défilés me sont devenus insupportables. De plus, si je n’aime pas vivre l’ère Macron, j’aurais encore moins envie de vivre une ère Mélenchon.
Dire que des fonctionnaires en activité ou à la retraite ont voté pour ce dernier à la Présidentielle alors que s’il avait gagné (et en admettant que les Législatives lui eussent été favorables) sa politique « révolutionnaire » et l’opposition des capitalistes à celle-ci auraient conduit à une crise financière dont l’une des conséquences aurait pu être l’impossibilité de leur verser la totalité du salaire ou de la pension.
*
France Culture est en grève ce mardi matin, alors que France Inter non. Je me rabats sur cette dernière. Publicités, voix excitées, humoriste sotte, rires bêtes, cela présenté par Nicolas Demorand qui me soûlait déjà quand il était sur France Culture et qui n’a pas eu de mal à se mettre au bas niveau. Je mets vite fin à cette expérience. Il y en a qui écoutent ça tous les jours.
*
Invité de cette matinale de France Inter, Olivier Besancenot du déjà ancien Nouveau Parti Anticapitaliste pour un livre qu’il vient d’écrire dans lequel il explique que la Révolution Russe, c’était bien au début, ce n’est qu’après que ça a mal tourné. Il devrait lire La Révolution Inconnue (1917-1921) de l’anarchiste Voline ou La Terreur sous Lénine de Jacques Baynac (Le Sagittaire) dont le texte de quatrième de couverture s’ouvre par ces mots : « Octobre 1917. Lénine prend le pouvoir. Décembre 1917. La tchéka est créée. C’est le début de la Terreur. »
*
Les forains installent leurs barrages filtrants dans différentes villes, notamment à Paris place de l’Etoile et sur l’autoroute à Tourville-la-Rivière près de Rouen. Ces rebelles sont soutenus par les Invisibles et Florian Philippot le Patriote. Il y a ceux qui bloquent et ceux qui débloquent.
*
Un fidèle lecteur me communique les résultats du premier tour de la Présidentielle dans le quartier de la Croix de Pierre. Moins d’abstentions que je croyais et encore plus de Mélenchon que je pensais : trente-deux et demi pour cent au bureau vingt-six (Macron : six et demi) et quarante pour cent au bureau vingt-sept (Macron : dix).
Dire que des fonctionnaires en activité ou à la retraite ont voté pour ce dernier à la Présidentielle alors que s’il avait gagné (et en admettant que les Législatives lui eussent été favorables) sa politique « révolutionnaire » et l’opposition des capitalistes à celle-ci auraient conduit à une crise financière dont l’une des conséquences aurait pu être l’impossibilité de leur verser la totalité du salaire ou de la pension.
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France Culture est en grève ce mardi matin, alors que France Inter non. Je me rabats sur cette dernière. Publicités, voix excitées, humoriste sotte, rires bêtes, cela présenté par Nicolas Demorand qui me soûlait déjà quand il était sur France Culture et qui n’a pas eu de mal à se mettre au bas niveau. Je mets vite fin à cette expérience. Il y en a qui écoutent ça tous les jours.
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Invité de cette matinale de France Inter, Olivier Besancenot du déjà ancien Nouveau Parti Anticapitaliste pour un livre qu’il vient d’écrire dans lequel il explique que la Révolution Russe, c’était bien au début, ce n’est qu’après que ça a mal tourné. Il devrait lire La Révolution Inconnue (1917-1921) de l’anarchiste Voline ou La Terreur sous Lénine de Jacques Baynac (Le Sagittaire) dont le texte de quatrième de couverture s’ouvre par ces mots : « Octobre 1917. Lénine prend le pouvoir. Décembre 1917. La tchéka est créée. C’est le début de la Terreur. »
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Les forains installent leurs barrages filtrants dans différentes villes, notamment à Paris place de l’Etoile et sur l’autoroute à Tourville-la-Rivière près de Rouen. Ces rebelles sont soutenus par les Invisibles et Florian Philippot le Patriote. Il y a ceux qui bloquent et ceux qui débloquent.
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Un fidèle lecteur me communique les résultats du premier tour de la Présidentielle dans le quartier de la Croix de Pierre. Moins d’abstentions que je croyais et encore plus de Mélenchon que je pensais : trente-deux et demi pour cent au bureau vingt-six (Macron : six et demi) et quarante pour cent au bureau vingt-sept (Macron : dix).
12 septembre 2017
Le jour n’est pas encore levé quand je me pointe dans le quartier populaire de la Croix de Pierre ce dimanche matin et il n’est pas le seul. Où sont les vendeurs ? Très peu d’exposants sont en place. Je marche beaucoup pour pas grand-chose tandis qu’arrivent tranquillement (des fainéants, dirait Macron) ceux qui prennent le risque de déballer malgré le risque de pluie. Certains passent directement de la nuit d’ivresse à la journée de commerce. Il y a toujours des livres à vendre dans ce vide grenier mais cette année j’ai moins de chance que l’an dernier. Un homme passe de stand en stand en demandant s’il y a une rallonge électrique à vendre. Il obtient vite satisfaction. Je croise l’une de mes connaissances qui arrive du vide grenier d’Isneauville, commune bourgeoise où celles et ceux qui vendent s’installent avant l’aube. J’aurais dû faire comme lui, bien qu’il n’y ait qu’un bus par heure le dimanche pour aller dans cette campagne et que celui-ci ne peut aller plus loin que la jardinerie. Quand les anarchistes de la librairie L’Insoumise ont terminé de disposer les livres qu’ils bradent à trois pour un euro, on peut dire que tout le monde est installé. Il fait gris et l’ambiance est morne, cela ne m’incite pas à rester davantage.
En début d’après-midi je songe à tenter Isneauville mais le ciel gris me retient. Je repasse donc à la Croix de Pierre où de nouveaux livres ont fait surface. Quelques-uns sont pour moi.
*
A Isneauville, au premier tour de la Présidentielle, Macron et Fillon sont arrivés en tête, presque ex-aequo à quasiment trente pour cent des voix, et au premier tour de la Législative, la candidate En marche ! a fait presque cinquante pour cent suivie de la droitiste à vingt pour cent.
Dans le quartier rouennais de la Croix de Pierre, je ne sais ce qu’il en fut. Il est probable que les abstentionnistes ont été très nombreux et que Mélenchon a fait un bon score.
*
Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, à ne rien faire. (La Bruyère)
En début d’après-midi je songe à tenter Isneauville mais le ciel gris me retient. Je repasse donc à la Croix de Pierre où de nouveaux livres ont fait surface. Quelques-uns sont pour moi.
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A Isneauville, au premier tour de la Présidentielle, Macron et Fillon sont arrivés en tête, presque ex-aequo à quasiment trente pour cent des voix, et au premier tour de la Législative, la candidate En marche ! a fait presque cinquante pour cent suivie de la droitiste à vingt pour cent.
Dans le quartier rouennais de la Croix de Pierre, je ne sais ce qu’il en fut. Il est probable que les abstentionnistes ont été très nombreux et que Mélenchon a fait un bon score.
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Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, à ne rien faire. (La Bruyère)
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