Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

19 septembre 2023


Un silence absolu et une obscurité absolue la nuit à ma nouvelle adresse Air Bibi, j’en suis un peu effrayé et je ne dors pas mieux que là où j’étais avant, où le calme était quand même traversé de bruits ponctuels et la rue éclairée.
Au matin, avant que le jour se lève, des éclairs illuminent le ciel. L’orage annoncé est déjà là. Pas bien fort mais il pleut dru. Durant une accalmie je vais à la Boulangerie Sabourdy, à deux pas, rue de Chambéry. Le pain au chocolat y est à un euro vingt-cinq. Je rentre pour le manger, accompagné d’un thé menthe en sachet.
A cet orage en succèdent d’autres. Inutile d’envisager une balade aujourd’hui. Ce sera ma journée de pause.
Avant l’heure du déjeuner, je prends le bus Deux à Hôtel de Ville jusqu’à Boulevard Wilson puis le bus Un jusqu’à Alliu. Il me reste la rue à traverser pour atteindre l’Hôtel de Viviers. J’y entre bien mouillé. Il est onze heures. Je prends un café à un euro trente puis lis Saint-Simon. Tout ne me m’intéresse pas dans ses Mémoires. J’aime les portraits ravageurs qu’il fait de ses semblables et les anecdotes à leur propos (bien que trop souvent il se contente de signaler qu’il y aurait à dire sans le dire). Je n’aime pas les longs développements de ses idées personnelles sur les évènements politiques de son époque et parfois je n’y comprends rien.
Il règne toujours une étrange atmosphère dans cet hôtel restaurant où l’on parle une langue des  Balkans. Des hommes y mangent comme s’ils étaient chez eux, se servant eux-mêmes dans la vaisselle. C’est un lieu en décrépitude. En témoigne sa terrasse inutilisée envahie par un tas de choses inutiles qui la font ressembler à une décharge à ciel ouvert. Mon plat du jour ne me plaît pas plus que les précédents. Il n’est pas cuisiné. Ce ne sont que viandes grillées avec des haricots cuits à l’eau.
Après avoir subi un fort coup de tonnerre sous l’abribus, je descends à l’arrêt Gare pour faire quelques courses chez Franprix où les premiers prix sont souvent en rupture. Je prends ce que je trouve et me fais dracher le temps de remonter l’avenue Charles-de-Gaulle vers mon nouveau logis provisoire.
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Entendu trop souvent ce jour : « Il en faut. ».
 

18 septembre 2023


Ce dimanche, après mon petit-déjeuner à la terrasse d’Alphonse «  restaurant de paysans pour bons vivants » où l’allongé est à deux euros, je termine de faire ma valise et à dix heures moins le quart laisse la clé de mon studio Air Bibi dans la boîte à lettres de ma première logeuse.
A dix heures, je sonne au nom de ma deuxième logeuse, près du Théâtre de Verdure et ouf elle est là. Je lui laisse cette valise en garde et vais prendre le bus Dim, terminus plage du Bourget. Je m’en assure auprès du chauffeur avant de monter, ne souhaitant pas être largué à Rochettes comme la semaine dernière. Nous sommes peu à aller au bord du lac bien qu’il fasse beau. Il fait même trop chaud à mon goût.
A l’arrivée dans ce qui est une station balnéaire type, je marche le long du lac, de petit port en petit port, jusqu’à la Capitainerie. Là est une gargote à terrasse au-dessus de l’eau où je m’installe pour manger à onze heures et demie (les restaurants d’ici n’étant pas dans mes prix). Il faut commander au comptoir et je préfère le faire avant qu’il y ait foule. Je choisis les diots de Savoie frites salade avec un grand verre d’eau. Cela vaut quatorze euros et cela ne vaut pas ceux mangés à Chambéry. Un café servi dans un godet en carton achève ce repas (un euro soixante).
Je reviens vers l’arrêt de bus qui, comme l’indique son nom, jouxte la Plage Municipale. Celle-ci est le domaine des familles et je m’en tiens éloigné, lisant Saint-Simon sous un olivier près duquel est une statue de petite fille nue dont la sœur jumelle est à Moos sur les rives du Lac de Constance. Junges Mädchen symbolise l’amitié franco-allemande. L’artiste est Friedheim Zilly.
Peu de monde également dans le bus du retour dont je descends à Hôtel de Ville. Je n’ai que la rue à traverser pour sonner une nouvelle fois chez ma nouvelle logeuse. Mon nouveau logement est une studette avec un lit d’une personne. Il est au premier étage et donne sur une cour intérieure et un pavillon. Je ne sais où, un homme s’énerve parfois après je ne sais quoi. Je suis exposé comme dans le précédent au soleil d’après-midi, hélas. Que cesse enfin cette chaleur fatigante. Pour demain la météo annonce l’orage.
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Au Bourget-du-Lac une boîte à livres où j’en trouve un qui me surprend vu la population croisée : Contre-jour Etudes sur Paul Celan, colloque de Cerisy édité par Martine Broda au Cerf.
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Egalement une file de chevaux marchant à la longe. Ils sont suivis d’une fille tirant un chariot à crottin et d’un garçon avec une pelle pour ramasser.
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Ce Jordan Bardella qui se voit Premier Ministre de Marion (dite Marine) Le Pen en deux mille vingt-sept. Elle peut être élue c’est certain. Ce que j’entends autour de moi, à Aix-les-Bains comme ailleurs, me le fait craindre, mais elle n’aura pas la majorité des Député(e)s aux Législatives qui suivront. Ce serait une cohabitation (ou une coalition avec la Droite) et donc un autre que Bardella nommé Premier Ministre. C’est comme cela que je sens la chose.
 

17 septembre 2023


Beaucoup de nuages et de la pluie annoncée pour ce samedi, première des deux Journées Européennes du Patrimoine. Avant que ça tombe, je teste la ligne Deux des bus Ondéa Grand Lac. Elle mène à Grésy-sur-Aix, village un peu en hauteur, pas suffisamment pour que l’on voie le lac. Descendu à l’arrêt Collège, le terminus, je monte la route dont les flèches indiquent l’église, la mairie et l’école et aperçois au loin une tour en ruine, vestige d’un château.
Quand j’arrive sur place, je vois qu’il n’y a que ça, une mairie, une église, une école, et cette tour que je ne peux approcher ; elle est dans une propriété privée. Aucun magasin, aucun café, ils sont plus bas au lieu-dit La Cascade, dans un centre commercial comme on en trouve partout.
Revenant sur mes pas, j’ai en ligne de mire au bas de la descente un bus Deux stationné à l’arrêt Collège. Je redoute qu’il parte avant que je l’aie atteint. Il n’en est rien, je suis dedans deux minutes avant son départ.
J’en descends à Hôtel de Ville d’où je rejoins Chez Fanny. A peine ai-je commandé mon café sous l’auvent que la pluie se déclenche. Ça tombe et ça dure. Je tente de lire Saint-Simon mais je suis gêné par les conversations autour de moi. Elles ne font pas honneur aux habitant(e)s du lieu.
A la Boulangerie Parisienne, j’achète un sandouiche mousse de canard et une tartelette aux pommes. La pluie ayant cessé, je les mange au balcon de mon cinquième étage.
Un quart d’heure avant que ne rouvre le Musée Faure, je me dirige vers celui-ci. Passant devant la Bibliothèque Municipale, je découvre que l’événement patrimonial qui devait être annulé en cas de pluie a lieu sous des barnums. Il s’agit de la vente annuelle des ouvrages désherbés. Tout est à un euro. Je ne peux résister à l’envie de fouiller dans les bacs. Heureusement, je n’y trouve aucun livre qui me serait indispensable.
Les clochards sont toujours à l’entrée du jardin du Musée Faure. Sur la plateforme de celui-ci je découvre une bonne vingtaine de déjà là à attendre, à quoi s’ajoute un groupe d’autant pour une visite guidée. Que des vieilles et des vieux comme moi, ce qui me déprime suffisamment pour que je fasse demi-tour.
Cinq minutes après mon retour, la voisine de l’autre jour est à nouveau en plein ébats sexuels. Je la situe dans l’immeuble d’en face à la même hauteur que mon studio provisoire. J’ai le son mais je n’ai pas l’image, dommage.
Vu son peu d’assiduité dans la pratique du coït, je n’aurai pas l’occasion de l’entendre une troisième fois. C’est ma dernière journée rue du Temple. Je reste à Aix-les-Bains mais je quitte mon studio pour un autre, pas bien loin. Ma deuxième logeuse répond à mes messages de façon tardive et succincte. J’espère qu’elle sera là demain matin à l’heure que je lui ai indiquée pour garder mon bagage en attendant que je puisse m’installer dans l’après-midi.
 

16 septembre 2023


Retour à l’arrêt de bus Base des Mottets ce vendredi matin d’où je rejoins pédestrement le Hameau de Terre Nue où je prends le chemin lacustre (comme il est écrit sur un panneau). Je suis déjà allé l’autre fois jusqu’à la sorte de demi-lune à bancs et à baignade. Cette fois je la dépasse, longeant, sur cette voie goudronnée partagée entre bicyclistes et piétons, le lac du Bourget d’un côté et la route de l’autre (hélas). Une sculpture d’homme creux indique la hauteur des différentes crues. Pour certaines, j’ai de l’eau au-dessus de la tête.
Le lac et la montagne sont plaisants dans le petit matin. Au bout d’un moment, j’arrive à la Plage du Lido où se trouve un restaurant du même nom ouvert sept sur sept toute l’année, commune de Tresserve. Le village est de l’autre côté de la route. Il ne présente pas d’intérêt particulier. Le catholique Daniel-Rops y a vécu et y est mort, auteur d’une flopée de livres oubliés.
Le ciel qui était partagé entre nuages et éclaircies devient de plus en plus bleu. Aussi quand je reviens sur mes pas je dois ôter ma veste et un peu plus tard, installé au soleil sur un banc de la demi-lune, je lis Saint-Simon, distrait par deux filles qui font des exercices de gymnastique puis se baignent, par un garçon qui dégonfle son bateau pneumatique puis le range dans un grand sac et par un autre qui regonfle son pneu de bicyclette après une crevaison. Bientôt, j’ai trop chaud.
Je reviens au Hameau de Terre Nue avec l’intention de m’asseoir sur le banc à l’ombre de la Plage des Dames mais dans le jardin d’une maison voisine se fait entendre le bruit du taille-haie que manie un homme. Aussi je poursuis jusqu’à la Plage des Mottets où enfin je suis à l’ombre et au calme.
A midi je déjeune encore une fois à l’Hôtel de Viviers avec en plat du jour de la morue chips salade. C’est toujours décevant. Un bus numéro Un me conduit ensuite à Grand Port où je m’assois sur un banc sous les platanes pour lire. Un homme passe le carcheur sur son bateau mais s’arrête assez vite heureusement.
En Savoie, comme ailleurs, un lieu paisible est toujours sous la menace d’un mâle ayant envie de se livrer à une activité bruyante.
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Je pensais en avoir fini avec le bruit du ventilateur mais rentré en milieu d’après-midi il me faut le remettre à tourner. Il fait trop chaud après quatorze heures dans mon studio Air Bibi exposé au soleil. Il y a bien le volet roulant électrique mais je ne le descends pas jusqu’en bas quand j’y suis car en cas d’incendie et donc de coupure de courant cela devient un piège mortel, impossible de se réfugier sur le balcon pour attendre les pompiers.
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Une autre précaution que je prends, à Rouen ou en villégiature. Je ne laisse pas la clé dans la serrure afin que si je meurs on puisse entrer sans être obligé de défoncer la porte ou une fenêtre. Je procède ainsi depuis quelques années. Quand il m’est apparu que cette éventualité était de moins en moins négligeable.
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Dans l’un des bus pris ce jour tous les sièges sont occupés, sauf un, à côté de moi. Aucun(e) des debout n’y vient s’asseoir. Je dois avoir une tête qui fait peur.
 

15 septembre 2023


Par le même moyen que la première fois je rejoins Chambéry ce jeudi matin. De l’arrêt de bus Halles je marche jusqu’à la place Saint-Léger. Mon objectif est d’errer dans les passages couverts qui permettaient autrefois aux habitant(e)s de fuir l’ennemi et de se réfugier derrière les remparts.
Je veux d’abord trouver celui qui mène à l’endroit où ont vécu Jean-Jacques et Maman. Prendre à droite de la boutique Yves Rocher, ai-je lu quelque part, et ce sera au fond de la cour. Ce que je fais, mais rien n’est indiqué dans cette cour. Une jeune femme fait le ménage. Je l’interroge. Elle connaît Les Charmettes mais ignorait que Rousseau a vécu aussi ici. « Vous êtes peut-être au bon endroit », me dit-elle. Ajoutant que des traboules, il y en a beaucoup.
Par une autre cour, j’atteins un passage parallèle à celui pris précédemment. Au fond, je trouve une autre cour et là, bingo, sur le mur de droite une plaque indique que « Dans cette maison du Comte de St-Laurent Mme de Warens hébergea Jean-Jacques Rousseau de 1732 à 1740 ». Je veux l’annoncer à la jeune femme d’à côté mais elle a disparu. Quand je rejoins la place par la bonne traboule, je constate qu’elle démarre à droite du Tabac. C’est là qu’il faut se repérer. Rien n’y indique ce que je cherchais mais une plaque émaillée à demi-usée m’apprend que dans ce passage il y eut un Cercle Alain-Fournier avec une permanence tous les jours de dix-huit à dix-neuf heures (on y pratiquait l’éducation populaire).
Je continue à déambuler dans le labyrinthe. La plupart de ces passages sont couverts et ressemblent à des tunnels. Certains sont très étroits et éclairés en permanence. Quelques-uns sont étayés et deux sont condamnés pour risque d’effondrement. Les anciens hôtels particuliers qu’ils desservent sont gris sale, peu entretenus, et tels quels à mon goût. Je ne sais où donner de la photo.
Quand j’ai à peu prés tout vu, je m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge et y lis Saint-Simon jusqu’à ce que midi approche. Pour déjeuner, je retourne au Café Chabert, cédant à l’appel de son plat du jour, bien qu’il s’agisse encore de porc. Des travers caramélisés accompagnés d’une purée maison. Avec un quart de vin blanc de Savoie et un creumebeule aux poires, cela fait vingt-trois euros cinquante. Encore une fois, personne d’autre que moi-même pour y manger à l’extérieur dans ce qui est aussi un passage. Quelques-un(e)s l’empruntent sans se risquer à me souhaiter bon appétit.
Je prends le café sous l’Horloge, presque en face du Tabac d’où part le passage qui mène à Rousseau. Ce commerce est au rez-de-chaussée de la Maison Dieulefis dont le Routard est enthousiaste : « superbe façade Renaissance construite en fragile molasse », un bâtiment remarquable que je trouve laid. Jean-Jacques y donnait des leçons de musique à une jeune voisine qu’il redoutait de trouver « en déshabillé ».
                                                                   *
En mil sept cent vingt-huit, Jean-Jacques Rousseau, alors âgé de quinze ans, fugue de la ville de Genève où il est né et rencontre sur son chemin, à Annecy, Madame de Warens.
Grâce à elle, quelques années plus tard, il est engagé au service du cadastre de Chambéry installé dans la Tour Trésorerie du Château des Ducs de Savoie. J’avais vingt ans passés, près de vingt et un… Je n’allais plus à mon bureau qu’à contre-cœur, la gêne et l’assiduité au travail m’en firent un supplice insupportable, et j’en vins enfin à vouloir quitter mon emploi pour me livrer totalement à la musique.
Il donne alors des leçons de musique aux jeunes filles de la ville et vit avec sa maîtresse qu’il appelle Maman au fond d’un passage couvert dans la maison du Comte de Saint-Laurent. La maison qu’elle occupait était sombre et triste, et ma chambre était la plus sombre et la plus triste de la maison.
J'engageai Maman à vivre à la campagne. Une maison isolée au penchant d'un vallon fut notre asile, et c'est là que dans l'espace de quatre ou cinq ans j'ai joui d'un siècle de vie et d'un bonheur pur et plein...  Cette maison a pour nom Les Charmettes et Madame de Warens l’occupera surtout l’été, conservant sa maison de ville.
Jean-Jacques Rousseau quittera la Savoie pour Paris en mil sept cent quarante-deux quand il sera supplanté auprès de Maman par un plus jeune homme.
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S’il est une petite ville au monde où l’on goûte la douceur de la vie dans un commerce agréable et sûr, c’est Chambéry. La noblesse de la province qui s’y rassemble n’a que ce qu’il faut de bien pour vivre, elle n’en a pas assez pour parvenir. Les femmes sont belles et pourraient se passer de l’être, elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté et même y suppléer. Il est singulier qu’appelé par mon état à voir beaucoup de jeunes filles, je ne me rappelle pas d’en avoir vu à Chambéry une seule qui ne fut pas charmante. (Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre Cinq)
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Jean-Jacques Rousseau, ce grand nigaud.
 

14 septembre 2023


Un ciel gris qui ne semble pas aller vers la pluie ce mercredi au lever du jour et une fraîcheur bienvenue. Pour la première fois depuis mon arrivée à Aix-les-Bains je mets ma veste avant de sortir. Je petit-déjeune à la terrasse de Chez Fanny. Elle est surtout fréquentée au féminin par des personnes qui semblent toutes se connaître et boivent un café avant d’aller travailler dans le quartier.
Sitôt terminé, je prends le bus Un jusqu’à Grand Port. De l’autre côté du lac la montagne joue avec les nuages, ou c’est l’inverse. Je longe ce port vers le nord, roseaux pédalos poules d’eau, et marche tout au bout de la digue où un flûtiste donne l’aubade aux poissons.
Revenu sur mes pas, j’entre dans le Jardin Vagabond, vaste parc de verdure qui longe l’eau et je le remonte jusqu’au Port de Mémard. Là aussi je vais au bout de la digue. On y trouve les pontons d’un cleube de ski nautique. Je crois que c’est ici que, peu de temps après mon arrivée, la jeune femme de vingt-neuf ans a eu une jambe déchiquetée par l’hélice d’un bateau, avant d’en mourir durant son transport à l’hôpital.
Revenu sur le chemin, je décide de ne pas aller plus loin pour cette fois et reviens vers l’embarcadère de Grand Port pour un café lecture en terrasse au Skiff. Cela ne fait pas cinq minutes que je suis assis que le ciel vire au gris sombre tandis que le vent se lève. Une gentille serveuse m’aide à rentrer. Bientôt une grosse pluie se déverse, accompagnée d’éclairs et de tonnerre. Comme j’ai été bien inspiré de ne pas marcher plus loin ce matin. Deux travailleurs se sont refugiés ici également, ne pouvant charger leur camion tant que ça tombe comme ça. Deux filles complètement drachées entrent à leur tour puis près de moi s’installe un trio (femme mari amant ?) qui déprime : « Marcher, on va se faire tremper. » « En ville, on connaît rien. » « Tu veux retourner à l’hôtel ? ».
Tandis que je lis Saint-Simon l’orage passe doucement mais il pleut encore quand je vais attendre le bus. Celui-ci est empli de collégien(ne)s tranquilles qui cèdent leur place aux « personnes âgées ». Je traverse tout Aix et descends peu avant midi prés de l’Hôtel Le Viviers. Je négocie avec la patronne une formule buffet d’entrées à volonté et dessert, sans vin ni café, pour quatorze euros. Ce jour le dessert est un tiramisu plutôt bon.
Il pleut toujours lorsque je vais attendre le bus à l’arrêt Alliu. Aucun café n’étant susceptible de m’accueillir dans une salle où j’y puisse lire, je rentre directement à mon cinquième étage.
                                                                   *
Presque personne ce mercredi matin, le poison des promeneurs de chiens et des types seuls qui viennent jusqu'au bout de la digue avec leur bicyclette.
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Des curistes parfois dans le bus,  reconnaissables à leur sac bleu ValVital.
 

13 septembre 2023


Ce mardi matin, je vais jusqu’à Technolac, terminus du bus Un Ondéa Grand Lac, au Bourget-du-Lac, Quelques minutes après arrive un bus A Grand Chambéry dont c’est le point de départ. J’achète à son chauffeur un billet aller et retour dans la même journée pour deux euros soixante. Il m’explique comment le valider quand je reviendrai.
Nous ne sommes que trois voyageurs dans ce bus qui mène au centre de Chambéry à une dizaine de kilomètres. J’en descends à l’arrêt Les Halles et me dirige vers le Château, dont certaines parties datent des ducs de Savoie. Il est actuellement occupé par la Préfecture et par le Conseil Départemental. On ne peut donc pas y entrer. Pas même dans la Sainte Chapelle attenante qui possède un beau carillon.
Devant l’une des portes de cet ensemble architectural hétéroclite se trouve la statue de deux enfants du pays, les frères de Maistre, Joseph et Xavier, vert-de-grisés, peu visibles devant les feuilles vertes des arbres derrière eux. Sur leurs marches est assise de la jeunesse lycéenne, questionnaire sur la ville en main. Un professeur tente de motiver ce petit groupe d’élèves puis s’en va. Contrairement à toute attente, l’un me dit bonjour, « Vous avez l’air de vous emmerder », leur dis-je. « Un peu, oui », me répond un autre. « Bon courage », leur dis-je. « Merci », me répondent en chœur les filles.
Chambéry est bien pratique pour qui veut la visiter. Son centre est piétonnier et à chaque carrefour des flèches indiquent les monuments à voir. Je passe par l’Horloge solaire de la place Saint-Léger, la Cathédrale Saint-François-de-Sales et, le meilleur pour la fin, la Fontaine des Eléphants érigée en hommage au Général de Boigne, bienfaiteur de la cité. Quatre moitiés d’éléphants crachent l’eau par leur trompe. Les autochtones les appellent les Quatre Sans Cul.
Revenu place Saint-Léger, au centre du centre, je m’installe à la terrasse du Café de l’Horloge pour ma lecture du matin, un bel établissement où le café ne coûte qu’un euro soixante-dix. Mon Guide du Routard Alpes de deux mille six conseille de déjeuner au Café Chabert, un lieu qui a résisté à tout même à un incendie, Je demande au garçon s’il existe toujours. Oui, me répond-il après s’être renseigné auprès de son patron.
Je le trouve à proximité, dans la rue Basse-du-Château qui possède une sorte de Pont des Soupirs. Il n’y a évidemment plus de menu à douze euros cinquante. Il n’y a même plus de menu, m’explique la serveuse, ce n’est pas le même propriétaire. Donc un simple plat du jour à treize euros cinquante, une côte de porc, que je boude, préférant à la carte les diots de Savoie polenta à quinze euros. Je les accompagne d’un verre de vin blanc de Savoie. C’est fort bon et le vin aussi, qui n’est qu’à deux euros cinquante, je le découvre au moment de payer. En deux mille six, cet endroit était vivant dès le matin, raconte le Routard. Aujourd’hui, on s’y ennuie. Une femme seule mange à l’intérieur et j’étais seul sous l’arcade.
Je retourne au Café de l’Horloge pour en boire un puis poursuis ma lecture des Mémoires de Saint-Simon jusqu’à quatorze heures. Le bus A du retour est bien chargé car il conduit des étudiant(e)s à l’Université du Bourget. A son arrivée au terminus je n’ai que dix minutes à attendre pour que démarre le bus Un qui me ramène à Aix où rentrent d’autres étudiant(e)s. Je referai ce voyage aller et retour : Chambéry est bien plus belle qu’Aix-les-Bains, il ne lui manque qu’un lac.
Selon Météo France, c’était le dernier jour de forte chaleur. Je l’espère. J’en ai assez d’avoir dans mon studio Air Bibi un ventilateur posé sur la chaise haute à côté de celle où je suis assis quand j’écris.
                                                                          *
A l’Office de Tourisme d’Aix-les-Bains, l’employée qui m’a donné le plan de Chambéry que je lui demandais ne m’a pas dit que je pouvais y aller en bus. Il a fallu une rencontre de hasard avec une femme d’ici pour que je l’apprenne. Sans cela j’aurais pris le train, bien plus cher. Je ne sais si c’est incompétence ou indifférence.
                                                                         *
Chambéry, visite guidée pour un groupe d’aveugles italiens. Celle qui les cornaque leur parle aussi fort que s’ils étaient sourds.
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… c’est ce que j’ai vu de mes yeux, et ouï de mes oreilles, comme écrivait Saint-Simon.
 

12 septembre 2023


Le pain au chocolat acheté à la boulangerie de l'avenue de Verdun (ouverte le lundi) coûte un euro trente mais il est encore meilleur que celui de celle devenue mon habituelle rue du Temple (fermée le lundi). Je le constate en le mangeant au bout de cette rue de Verdun à la terrasse de L’Escapade. La clientèle d’habitué(e)s de ce troquet est particulièrement choisie. « Moi le tremblement de terre au Maroc ça me fait de la peine, en même temps j’me dis… », déclare l’une. « Macron, c’qui lui faut, c’est une balle dans la tête, mais les Français y zont pas d’couilles », dit un autre. Personne ne bronche, aucun(e) autre habitué(e), ni la patronne, ni moi. Quand je vais payer j’ai la surprise de ne devoir qu’un euro cinquante.
Je rejoins l’arrêt de bus Boulevard Wilson et prends encore une fois le Un vers Le Bourget-du-Lac (ce n’est pas le chauffeur d’hier matin). Ce bus se remplit à la Gare, d’étudiantes à valises qui toutes ont un chignon bien serré. Je ne peux demander pourquoi à la plus proche de moi, elle a des écouteurs dans les oreilles.
Descendu à Base des Mottets, je rejoins le Hameau de Terre Nue, fais quelques photos du Port des Quatre Chemins puis continue celui goudronné partagé entre bicyclistes et piétons qui a pour nom Promenade du Lac. Il longe la rive en direction d’Aix. La lumière dans les montagnes de l‘autre côté de l’eau est superbe. Après une roselière, une avancée en demi-lune permet à certain(e)s de se baigner. Il y a là un banc qui devient mien. Pour la première fois, je suis assis au soleil pour lire Saint-Simon.
Vers onze heures je laisse ma place et constate que dès qu’on s’éloigne du lac la chaleur est toujours accablante. Notamment quand je descends du bus à l’arrêt Alliu de Viviers-du-Lac. Je réserve une table pour midi à l’Hôtel Le Viviers puis entre en face au Crédit à Bricoles. L’une des tirettes autorise encore le retrait de quarante euros en billets de vingt et dix, l’autre oblige aux cinquante euros.
A l’ombre du toit de la table de pique-nique de la Mairie, je reprends ma lecture puis à midi m’installe à la même table de restaurant que vendredi. Le buffet d’entrées est à l’identique. Le plat du jour est araignée de porc sauce moutarde riz aux légumes (vraiment pas terrible). Pour dessert, une glace deux boules caramel mangue, un café, et je laisse les trois quarts de mon quart de vin rouge non bu (il est infect).
J’attends le bus avec une dizaine de lycéen(ne)s dont pas un(e) ne me dit bonjour en arrivant. Ici, on n’est pas dans les Côtes-d’Armor ou dans le Pas-de-Calais, ça ne se fait pas, c’est comme en Normandie. Toute cette jeunesse monte dans un bus Cent qui va au Lycée Marlioz. Le Un suit qui m’emmène à Grand Port pour mon après-midi lecture sous les platanes, l’assurance de retrouver une température supportable.
                                                                     *
Et toujours chez les couples de bicyclistes, l’homme devant et la femme derrière.
Lui : « On descend par le passage ? »
Elle : « Comme tu veux. »
 

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