Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

23 mars 2021


Alors que l’on commémore les cent cinquante ans de la Commune de Paris me revient en mémoire ses cent ans.
En mil neuf cent soixante et onze, j’avais vingt ans et j’étais encore au lycée, celui des Fontenelles à Louviers, pour une deuxième Terminale.
Bernard Lefebvre, notre professeur d’Histoire, avait fait venir des conférenciers pour évoquer le sujet, un soir à vingt heures. J’y étais allé avec mon meilleur copain, aussi âgé que moi, à qui son père prêtait sa voiture.
Je ne me souviens en rien des conférences, ni du débat qui a suivi, mais je me rappelle fort bien qu’à la sortie nous attendait une dizaine de membres d’Occident, ce mouvement d’extrême droite aux débordements de violence bien connus. A Rouen, en mil neuf soixante-sept, après une bagarre sur le campus, plusieurs de ses membres avaient été interpellés, dont Gérard Longuet, Alain Madelin et Patrick Devedjian.
Ce soir-là, les fachos de service se contentèrent de nous menacer et de nous insulter. C’est l’un des élèves du lycée qui les avait fait venir, un certain Buffetaut (je ne me souvenais plus de son prénom, mais on le trouve sur Ouiquipédia). Son père était médecin, au début de la rue de la Gare, près de la Porte de l’Eau, dans une grande maison bourgeoise. Grand-Père Jules m’avait raconté qu’il avait connu là des fêtes royalistes.
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« Si nous ne parvenons pas à réduire les émissions de gaz carbonique, la dégradation des climats risque d’atteindre le point de non-retour à partir duquel on ne serait plus sûr de pouvoir rétablir un ordre climatique viable ». déclarait René Dumont en mil neuf cent soixante-douze, pour qui j’ai voté au premier tour de la Présidentielle de soixante-quatorze. Ce dimanche, j’ai pu le réentendre dans Toute une vie sur France Culture.
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Les Macronistes ont vraiment le confinement honteux. Celles qui en sont les porte-paroles officielles à la télé (toujours jeunes, minces et jolies) le répètent à l’envi : « Nous ne sommes pas enfermés. »
Eh bien si, nous sommes enfermés. Dans un cercle de dix kilomètres de rayon.
 

22 mars 2021


Point d’attestation de sortie dérogatoire ce dimanche matin pour aller au marché du Clos Saint-Marc où je vise une part de couscous. La population y semble à peine plus accablée que les dimanches précédents, bien que la dernière décision de Macron en ait surpris plus d’un(e).
Entre pari risqué fin janvier (un simple couvre-feu alors que l’on s’attendait à un sévère confinement) et décision de dernière minute en ce mois de mars (un confinement dont on ne dit pas le nom alors que l’on ne s’attendait à rien de nouveau pour Rouen), la façon d’agir de Macron pourrait être taxée de harcèlement moral (tu t’attends à un coup dur, tu n’auras à souffrir de rien ; tu ne t’attends à rien, je te cogne fort et à la dernière minute).
C’est tout à fait la façon de faire que l’on a connue, qu’on connait encore, dans certaines entreprises ou institutions (il en est question en ce moment à l’Opéra de Rouen). Pas étonnant que ça aille mal dans la tête de ce que Macron appelle les gens.
Ce harcèlement moral présidentiel est involontaire, bien sûr, dû à une succession erratique d’excès d’optimisme et de crises de panique. Il peut même viser une profession particulière. Ce fut le cas des artistes à qui l’on avait dit vous pourrez rejouer à telle date et quand on y est arrivé ce fut non. Ce vendredi matin, une fleuriste rouennaise appelait sa clientèle au secours. Ayant fait sa commande pour le ouiquennede, elle bradait tout à moins cinquante pour cent puis ensuite apprenait que finalement les fleuristes resteraient ouverts.
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L’esthéticienne a dû fermer mais pas la coiffeuse, le cordonnier peut ouvrir mais pas le chaussurier.
Ce dernier vend pourtant un produit de première nécessité, et même indispensable. N’ayant qu’une paire de chaussures, je vais une nouvelle fois vivre dangereusement.
 

21 mars 2021


Ce samedi matin, premier jour du printemps et du troisième confinement, le ciel est bleu quand je sors de chez moi après avoir rempli une attestation de sortie dérogatoire simplifiée par mes soins, car à quoi bon s’emmerder avec le délire administratif du Ministère de l’Intérieur puisqu’on peut sortir sans limite de temps pour faire une promenade dans son enclos de dix kilomètres.
Cette promenade pourra me faire passer par la boulangerie, U Express, le Crédit à Bricoles, le marché, la Poste, le médecin ou quoi que soit d’autre. Mon attestation indique donc que je vais me promener à partir de sept heures et je n’aurai qu’à changer chaque jour la date avec le stylo effaceur que m’a offert il y a un an celle qui est confinée sans souci à Paris (son travail lui permet de ne tenir aucun compte des restrictions).
Par cette belle journée un peu fraiche ma promenade me fait traverser la Seine et me conduit au marché des Emmurées où je récolte fruits et légumes. Les commerçants pas de première nécessité y sont intaillés comme si de rien n’était.
Repassé rive droite je me promène jusqu’à la banque où je récolte quarante euros à la tirette puis mes pas me mènent vers le square Saint-Pierre-du-Châtel où je découvre la boîte à livres gisant sur le sol, vandalisée.
C’est le printemps, c’est le début du troisième confinement, c’est également samedi et donc, de onze heures et demie à midi, depuis le banc du jardin, je profite du concert de carillon.
C’est également sur ce banc que l’après-midi je me livre au vice impuni grâce au deuxième volume de l’Œuvre complète de Christian Guillet (L’Age d’Homme) dont j’ai lu le premier il y a fort longtemps. Une voisine, son ami et sa mère sont également dehors, parlant bas pour ne pas me gêner ou bien pour ne pas que j’entende. Mon hyperacousie me permet cependant de savoir qu’il est question pour la mère de faire un aller-retour demain à Yvetot malgré l’interdiction.
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Le soir venu, j’apprends que la bouffonne attestation de sortie illimitée est supprimée, un justificatif de domicile suffira pour aller et venir dans son enclos.
 

20 mars 2021


Par prudence j’ai en début de semaine pris un rendez-vous chez ma coiffeuse pour ce vendredi, à l’ouverture, neuf heures trente, afin d’être le premier, par sécurité. Comme j’ai bien fait, me suis-je dit hier soir en entendant Castex annoncer la fermeture des commerces pas de première nécessité, mais juste avant de partir j’apprends que les salons de coiffure peuvent rester ouverts à condition d’améliorer leur protocole sanitaire.
Ce vendredi, arrivé devant chez Figaro j’ai la mauvaise surprise de voir à l’intérieur un trentenaire en train d’être coiffé. J’attends donc dehors. Quand il sort, j’entre et fais part de mon mécontentement. « Je ne suis pas le premier, je ne vais pas me sentir autant en sécurité », lui dis-je. Ma coiffeuse s’excuse, me dit qu’elle a pris un rendez-vous supplémentaire avant l’heure d’ouverture, pensant que le salon serait fermé pour au moins quatre semaines.
Tandis qu’elle me raccourcit d’un centimètre, le téléphone sonne à plusieurs reprises. Ce sont ses rendez-vous de demain qui veulent savoir si c’est ouvert comme ils l’ont entendu dire à la radio ou à la télé. L’être humain a besoin d’être rassuré.
On est ouvert, oui, du moins pour l’instant, me dit-elle. Elle ne sait pas si la décision va tenir. Sa belle-sœur, qui est esthéticienne, travaille comme elle toute seule et elle doit fermer. Ce n’est pas juste. Il va y avoir des jalousies et peut-être qu’on obligera les coiffeurs à refermer, conclut-elle.
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Résumons : pendant des semaines on nous explique que les commerces ne sont pas des lieux où l’on risque d’être contaminé, puis quand le nombre de malades augmente, on les ferme.
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« Je crois que le mot confinement n’est pas adapté », déclare le Président Macron.
Etre enfermé dans un rayon de dix kilomètres autour de son domicile et ne pouvoir sortir qu’avec une attestation de déplacement dérogatoire, qu’est-ce d’autre qu’un confinement.
Le déni de Macron confine à la mauvaise foi.
 

19 mars 2021


Laurel et Hardy sont encore au programme de la télé ce jeudi soir, cette fois à dix-neuf heures.
C’est Oliver Castex qui commence. Il annonce un troisième confinement, sans toutefois prononcer le mot, et pour seulement un tiers des Français(e)s, Ile-de-France, Hauts-de-France et Alpes-Maritimes, comme attendu, mais aussi Eure et Seine-Maritime, ce qui n’était annoncé nulle part, mais ne me surprend pas car en début de semaine j’avais vu sur un graphique que la Métropole de Rouen était troisième sur le podium du taux d’incidence, derrière celles de Nice Côte d’Azur et du Grand Paris.
C’est pour quatre semaines (au moins).
Quand Stan Véran remplace son comparse pour expliquer quoi faire si on est malade, je coupe.
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Mine de rien Castex a recréé la Haute-Normandie, cette région tuée par ce mal inspiré de Hollande.
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Ce même Castex va se faire vacciner avec l’AstraZeneca de nouveau autorisé. Pour montrer l’exemple, bien qu’il ne soit pas prioritaire pour raison médicale, dit-il. Encore un qui ne se voit pas comme il est : en surpoids.
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Cette annonce signe l’échec d’une année de lutte contre le Covid et a pour effet de m’exaspérer un peu plus, bien que ce troisième confinement ne change quasiment rien pour moi. Tant que les cafés restent fermés, impensable de partir en vadrouille par temps de froidure.
 

18 mars 2021


En mil neuf cent soixante-deux, Korneï Tchoukovski obtient l’autorisation d’un voyage au Angleterre. C’est l’occasion pour lui d’un retour au temps de sa jeunesse et d’un pèlerinage sur les traces de Lewis Carroll, comme il le narre dans le volume deux de son Journal publié chez Fayard :
Dix-neuf mai mil neuf cent soixante-deux : Il y a de cela presque soixante ans, en 1903-1904, j’étais en Angleterre. J’étais un provincial, un ignare. Je mangeais du cacao Cadbury, je prenais des comprimés de Beechamp et je lisais la Review of Reviews. J’étais pauvre. On m’avait chassé de Russell Square, et j’avais atterri à Titchfield Street, la rue des chômeurs, des voleurs et des prostituées : un véritable slum. Il est maintenant quatre heures et demie, mon avion décolle à huit heures trente. J’ai quatre-vingts ans, et je ne ressens rien d’autre que de la fatigue.
Vingt-quatre mai mil neuf cent soixante-deux : Plus loin j’ai aperçu l’Alice’s Shop, la boutique où Lewis Carroll avait l’habitude d’acheter des bonbons pour les enfants. En l’honneur de ce dernier, nous sommes allés faire de la barque sur l’Isis. C’est ici qu’il y a exactement cent ans il racontait aux sœurs Liddell l’histoire d’Alice au pays des merveilles. La rivière est jolie, les paysages magnifiques.
 

17 mars 2021


Pour Korneï Tchoukovski, les ennuis sont de retour au tournant des années soixante, rapport à Boris Pasternak qui reçoit le Prix Nobel de Littérature pour son roman Le Docteur Jivago publié d’abord en Occident puis clandestinement en Union Soviétique. Témoin ce qu’il en dit dans le volume deux de son Journal publié chez Fayard :
Trois décembre mil neuf cent cinquante-huit : J’ai passé tout le mois de novembre à souffrir de la « maladie de Pasternak ». On m’a mis en demeure de donner des explications ; les autorités voulaient savoir comment j’avais osé féliciter le « criminel ! »
Vingt-sept janvier mil neuf cent cinquante-neuf : Pasternak est venu hier, mais je dormais. Il doit revenir aujourd’hui entre une heure et deux heures. Il paraît qu’il a besoin de conseils. Mais quels conseils puis-je lui donner, moi qui suis malade, à bout de forces, anéanti par les insomnies.
Vingt-trois mai mil neuf cent soixante : Pasternak est malade. Hier j’ai eu la visite de Valentin Ferdinandovitch Asmous. Il va voir Pasternak trois fois par jour, discute avec les docteurs. Il m’a démontré de façon presque mathématique que sauf miracle, Pasternak était condamné.
Trente et un mai mil neuf cent soixante : Lida est arrivée avec une nouvelle terrible : « Pasternak est mort. » A une heure et quart. (…)
Je me souviens de la blessure que ce fut pour lui de voir que personne ne le connaissait dans la chambre d’hôpital où on l’avait placé – lui, le premier poète d’URSS.
Seize juin mil neuf cent soixante : Quand on a demandé à Stein (Alexandre) pourquoi il n’avait pas assisté aux obsèques de Pasternak, il a dit : « J’ai pour règle de ne pas participer aux manifestations antigouvernementales. »
 

16 mars 2021


Ce dimanche matin, vers neuf heures et demie, j’aperçois dans le jardin l’infirmière qui vient quotidiennement donner des médicaments à ma voisine de premier étage. Elle est en compagnie d’une pompière et de deux pompiers. Ces derniers ressortent.
Je vais voir les deux femmes. L’infirmière me dit qu’elle a sonné et que ça ne répond pas. Je leur dis que j’ai vu cette dame hier, sortir et rentrer juste avant le couvre-feu, puis je leur explique qu’au moins deux fois déjà les pompiers sont entrés en cassant un carreau et l’on trouvée endormie.
Quand les deux hommes reviennent avec une échelle, je rentre chez moi. Ils l’appuient contre le mur près de la fenêtre habituelle. Sans même prendre le temps de taper au carreau pour voir si la femme se réveille, celui qui y a grimpé casse une vitre avec un objet adéquat.
Après avoir ouvert la fenêtre, il n’entre pas. C’est donc qu’avec l’aide de ce réveille-matin, ma voisine s’est réveillée. La pompière et les pompiers repartent. L’infirmière va pouvoir donner ses médicaments.
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Il court il court le variant anglais, avec dans ses poches le variant sud-africain et le variant brésilien. Derrière lui s’essoufflent Pfizer, Moderna et le boiteux AstraZeneca.
Ce lundi après-midi, soucieux de faire comme l’Allemagne et de toujours répondre aux rebondissements de la « crise sanitaire » par la panique, Macron décide de faire un croche-patte au boiteux.
 

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