Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







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Exposition Whistler, l’effet papillon au Musée des Beaux-Arts de Rouen

6 août 2024


Faute de pouvoir passer la journée à Dieppe, je me rends ce dimanche vers treize heures au Musée des Beaux-Arts de Rouen pour y voir l’exposition Whistler, l’effet papillon.
La personne qui attend les visiteurs à la porte me dirige vers le guichet car c’est la seule exposition payante. Je demande à la guichetière s’il y a un tarif pour les vieux. Elle me répond que non, mais est-ce que j’ai une carte de bus ? J’ai ça dans mon portefeuille, une payante de dix voyages et une pour les voyages gratuits du samedi. Ces petits morceaux de carton me permettent de bénéficier du tarif réduit à sept euros.
L’exposition consacrée à James Abbott McNeill Whistler, chez qui se mêlent dandysme, japonisme, anglomanie et fascination pour le siècle d’or espagnol ainsi que pour Venise, et à ses disciples, les adeptes du whistlerisme, est en deux parties situées de chaque côté de la grande verrière.
Une jeune gardienne pose son livre pour contrôler mon billet puis j’entre dans la partie droite où sont accrochées plusieurs femmes en blanc. Je m’attarde devant l’un des tableaux de Whistler, Symphonie en blanc ou La Petite Fille Blanche, devant celui de Sir John Lavery, Sa première communion, et surtout devant celui d’Andrée Karpelès, l’érotique Symphonie en blanc au sein dévoilé et à la main crispée.
Dans la première des salles de gauche je suis accueilli par le Portrait de James McNeill Whistler de Giovanni Boldini, un Whistler désinvolte et dandy dont la fine canne en bambou est exposée à proximité. C’est de lui que se sont inspirés Marcel Proust pour son personnage du peintre Elstir et Joris-Karl Huysmans pour celui de Jean des Esseintes.
Dans la salle suivante me fait face le plus connu des tableaux de Whistler Arrangement en gris et noir n° 1 ou La Mère de l’artiste. Un rapprochement est fait par Sylvain Amic, dont ce fut la dernière exposition rouennaise avant sa nomination à la tête des Musées d’Orsay et de l’Orangerie, « entre la robe noire de la vieille femme qui se détache comme une forme abstraite sur un fond où s’imbriquent plusieurs rectangles et carrés de couleur unie, dont un monochrome gris figuré par le mur situé derrière elle », et les toiles de Kasimir Malevitch, Piet Mondrian et Mark Rothko. Light Red Over Black de ce dernier clôt cette exposition fort intéressante et peu fréquentée.
La moitié des présents, discrets et silencieux, sont anglo-saxons. L’une, venue avec sa mère, aurait pu servir de modèle à Whistler. Cette blondine aristocratique et anémiée, aux cheveux soyeux d’un or effacé de vieux vermeil serait de Vélasquez si elle n’était de Whistler. écrivait Arsène Alexandre
Comme souvent, les citations littéraires peintes sur les murs du Musée me donnent plus à penser que les œuvres montrées.
Votre Dieppe est une petite Florence, tous les types de personnages dignes d’un roman semblent s’y rassembler. (Henry James à Jacques-Émile Blanche)
Si l’on enlève quoi que ce soit au tableau, il ne reste rien. (George Moore)
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Repérée pendant ma lecture de la Correspondance de Gustave Courbet, cette lettre à James Whistler, écrite à La Tour-de-Peilz, Canton de Vaud, le quatorze février mil huit cent soixante-dix-sept :
Mon cher Whistler,
Il y a bien longtemps que nous nous sommes vus, c’est dommage, car les idées s’échangent. Où est le temps, mon ami, où nous étions heureux et sans autres soucis que ceux de l’art ? Rappelez-vous Trouville et Jo qui faisait le clown pour nous égayer. Le soir, elle chantait si bien les chants irlandais, car elle avait l’esprit et la distinction de l’art. Je me rappelle aussi notre déménagement à la ficelle du casino à l’hôtel, de la mer où nous prenions des bains sur la plage gelée, et des saladiers de crevettes au beurre frais sans compter la côtelette au déjeuner, ce qui nous permettait ensuite de peindre l’espace, la mer, et les poissons jusqu’à l’horizon. Nous nous sommes payés du rêve et de l’espace.
J’ai encore le portrait de Jo que je ne vendrai jamais, il fait l’admiration de tout le monde. Le tableau des demoiselles Potter a été acheté par Durand-Ruel et a dû aller à Londres ; c’est bien étonnant que M. Potter ne l’aie pas acheté. Il est étrange, recherchez-le, il ne m’a pas été payé. Durand-Ruel a suspendu ses paiements, surtout vis-à-vis de moi. Il a fait comme tout le monde, tout m’a été volé, et mon existence a été détruite.
Courbet se lia d’amitié avec Whistler à Trouville en mil huit cent soixante-cinq. Il rencontra alors la maîtresse du peintre, Joanna Hifferman, qui avait posé deux ans plus tôt pour La fille blanche ou Symphonie en blanc n°1.